Article oriÂgiÂnal publié (en anglais) le 30 novembre 2015, sur le site de TheÂConÂverÂsaÂtion, à l’aÂdresse suiÂvante :
https://theconversation.com/why-the-paris-climate-talks-are-doomed-to-failure-like-all-the-others-50815
Même si le monde céléÂbrait un accord cliÂmaÂtique à Paris le 11 décembre, ce proÂcesÂsus sera à consiÂdéÂrer comme un échec. LaisÂsez-moi vous expliÂquer pourÂquoi…
La raiÂson prinÂciÂpale, c’est que l’inégale disÂtriÂbuÂtion des émisÂsions de carÂbone n’est même pas au proÂgramme de leur négoÂciaÂtion. La resÂponÂsaÂbiÂliÂté hisÂtoÂrique de l’Occident n’est pas sur la table, pas plus qu’une méthode de calÂcul des émisÂsions preÂnant en compte la consomÂmaÂtion d’un pays au lieu de sa proÂducÂtion. Au lieu de cela, ce qui est au proÂgramme, ce sont de nouÂveaux mécaÂnismes plus étenÂdus qui vont perÂmettre aux riches pays occiÂdenÂtaux de contiÂnuer à exterÂnaÂliÂser leurs réducÂtions d’émissions afin de repeindre leur façade en vert.
Lorsque les chiffres seront disÂpoÂnibles, 2015 sera proÂbaÂbleÂment l’année la plus chaude jamais enreÂgisÂtrée, et nous venons d’atteindre le 1er degré CelÂsius d’augmentation de la temÂpéÂraÂture monÂdiale, depuis la révoÂluÂtion indusÂtrielle ; nous sommes à mi-cheÂmin du seuil des 2 degrés CelÂsius, ce seuil consiÂdéÂré consenÂsuelÂleÂment comme limite supéÂrieure toléÂrable de réchaufÂfeÂment gloÂbal. Il s’agit de l’augmentation de la temÂpéÂraÂture de surÂface la plus rapide de l’histoire géoÂloÂgique connue de la plaÂnète. Nous entrons aujourd’hui en terÂriÂtoire inconÂnu.
Les danÂgers du réchaufÂfeÂment cliÂmaÂtique sont connus – même par les diriÂgeants des comÂpaÂgnies pétroÂlières – au moins depuis le début des années 1980, au miniÂmum. Et pourÂtant, malÂgré 25 ans de négoÂciaÂtions cliÂmaÂtiques diriÂgées par l’ONU, le monde brûle plus de comÂbusÂtibles fosÂsiles que jamais.
Ce n’est pas simÂpleÂment la faute des grandes écoÂnoÂmies émerÂgentes comme la Chine, l’Inde ou le BréÂsil. Non, nous faiÂsons face aujourd’hui à l’échec fonÂdaÂmenÂtal du capiÂtaÂlisme néoÂliÂbéÂral, le sysÂtème écoÂnoÂmique domiÂnant, nous sommes confronÂtés à sa faim de croisÂsance expoÂnenÂtielle, renÂdue posÂsible uniÂqueÂment en raiÂson de la denÂsiÂté énerÂgéÂtique unique des comÂbusÂtibles fosÂsiles comme le charÂbon, le pétrole et le gaz.

ResÂponÂsaÂbiÂliÂté hisÂtoÂrique
Un coup d’œil sur l’histoire monÂdiale révèle le lien étroit entre énerÂgie et croisÂsance écoÂnoÂmique. Les Pays-Bas furent le preÂmier pays à deveÂnir accro à la croisÂsance indusÂtrielle aux 16ème et 17ème siècles – l’empire néerÂlanÂdais s’était construit sur la disÂpoÂniÂbiÂliÂté de tourbe domesÂtique bon marÂché ainÂsi que sur l’exploitation du bois des forêts norÂvéÂgiennes et balÂtiques.
Une des raiÂsons pour lesÂquelles les BriÂtanÂniques pasÂsèrent devant les NéerÂlanÂdais comme leaÂders impéÂriaux, c’était leurs vastes réserves de charÂbon bon marÂché, qui a comÂmenÂcé à être brûÂlé à la fin du 18ème siècle, croisÂsant expoÂnenÂtielÂleÂment au 19ème siècle. Puis ce fut le tour du pétrole et du gaz, qui aidèrent les USA à deveÂnir le maitre impéÂriaÂliste à compÂter du début du 20ème siècle, et jusqu’à aujourd’hui, encore.

Il y a donc plus de 300 ans d’utilisation masÂsive de comÂbusÂtible fosÂsile par l’Occident à prendre en compte. Et alors que cette resÂponÂsaÂbiÂliÂté hisÂtoÂrique a joué un rôle signiÂfiÂcaÂtif à KyoÂto en 1997 – résulÂtant en des réducÂtions d’émissions qui n’étaient juriÂdiÂqueÂment contraiÂgnantes que pour les pays indusÂtriaÂliÂsés – elle a proÂgresÂsiÂveÂment été mise de côté.
Aujourd’hui, à Paris, cela semble Presque oublié. Mais le fait que près de 80% des émisÂsions de carÂbone hisÂtoÂriques doivent être attriÂbuées aux pays déveÂlopÂpés ne peut pas être écarÂté d’un revers de main.
La hausse rapide des émisÂsions, en parÂtiÂcuÂlier en Chine et en Inde, est souÂvent citée comme une raiÂson pour laquelle ces pays à l’industrialisation rapide doivent eux ausÂsi freiÂner leurs émisÂsions. Je ne dis pas qu’ils ne devraient pas. Ces deux pays ont claiÂreÂment leurs propres ambiÂtions impéÂriaÂlistes, qu’ils espèrent accomÂplir en stiÂmuÂlant une expanÂsion indusÂtrielle masÂsive.
Mais garÂdons en tête le fait que les émisÂsions de carÂbone par tête en Inde sont touÂjours 10 fois plus basses que celles des USA. Et les émisÂsions en hausse rapide de la Chine sont majoÂriÂtaiÂreÂment liées aux indusÂtries d’exportation, qui proÂduisent des biens de consomÂmaÂtion pour les OcciÂdenÂtaux.
Mesure créaÂtive du carÂbone
En réaÂliÂté si l’approche basée sur la consomÂmaÂtion était utiÂliÂsée, les émisÂsions de carÂbone du Royaume-Uni seraient le double de ce qu’elles sont offiÂcielÂleÂment. Ce serait égaÂleÂment le cas pour la pluÂpart des pays d’Europe occiÂdenÂtale, et pour les USA, qui connaissent un imporÂtant phéÂnoÂmène de désÂinÂdusÂtriaÂliÂsaÂtion depuis deux décenÂnies, qui entraine non seuleÂment la déloÂcaÂliÂsaÂtion des emplois, mais ausÂsi celle des émisÂsions de carÂbone. En retour l’Occident reçoit des biens de consomÂmaÂtion bon marÂché sans reconÂnaitre sa resÂponÂsaÂbiÂliÂté vis-à -vis des émisÂsions de carÂbone qui leurs sont assoÂciées. Un forme éviÂdente de coloÂniaÂlisme carÂboÂné.
Bien sûr, une parÂtie de la croisÂsance expoÂnenÂtielle des émisÂsions de carÂbone de l’Inde et de la Chine est liée à leur consomÂmaÂtion domesÂtique croisÂsante. La Chine posÂsède appaÂremÂment la plus large classe moyenne du monde. CepenÂdant, si l’on se base sur le point de vue de la consomÂmaÂtion, alors même les émisÂsions de carÂbone, en Chine et par perÂsonne, n’atteindront pas celles des USA avant un cerÂtain temps – et l’Inde est loin derÂrière.

Et pourÂtant les pays riches contiÂnuent allèÂgreÂment à exterÂnaÂliÂser leurs resÂponÂsaÂbiÂliÂtés. La comÂpenÂsaÂtion carÂbone va croitre à une vitesse sans préÂcéÂdent dans les années à venir. Les pays comme la NorÂvège et la Suisse vont contiÂnuer à mettre en place des accords bilaÂtéÂraux avec les pays pauvres qui ont un besoin criant d’argent. Les sysÂtèmes d’échanges de quoÂtas d’émissions (ETS) vont offrir aux entreÂprises une flexiÂbiÂliÂté maxiÂmale quant à leurs exterÂnaÂliÂsaÂtions d’émissions.
Tous ces mécaÂnismes sont conçus pour mainÂteÂnir le staÂtu quo. Le sysÂtème ETS de l’UE n’a entraiÂné aucun chanÂgeÂment signiÂfiÂcaÂtif sur le prinÂciÂpal bloc des émisÂsions de carÂbone depuis sa concepÂtion en 2005, ce qui perÂmet au direcÂteur exéÂcuÂtif de Shell, Ben Van BeurÂden, de souÂliÂgner, encore en 2015 ( !), que « la réaÂliÂté de la croisÂsance de la demande est telle que les comÂbusÂtibles fosÂsiles seront nécesÂsaires pour les décenÂnies qui viennent ».
Rien de signiÂfiÂcaÂtif n’a chanÂgé depuis Rio en 1992, ou KyoÂto en 1997. Paris 2015 ne fera pas excepÂtion. La négoÂciaÂtion va contiÂnuer jusqu’à ce que l’on réaÂlise que le chanÂgeÂment cliÂmaÂtique est l’échec d’un sysÂtème, qui – sur le dos des comÂbusÂtibles fosÂsiles – est axé vers la croisÂsance écoÂnoÂmique expoÂnenÂtielle. PerÂsonne, à la table des négoÂciaÂtions de Paris, n’a le manÂdat ou l’envie de poser les quesÂtions sysÂtéÂmiques fonÂdaÂmenÂtales sur la logique du sysÂtème écoÂnoÂmique domiÂnant et sur la façon dont nous consomÂmons les resÂsources de cette plaÂnète.

TraÂducÂtion : NicoÂlas Casaux
ÉdiÂtion & RéviÂsion : FausÂto GiuÂdice
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