La « conservation » de la nature s’enfonce dans une spirale techno-sécuritaire (par Philippe Oberlé)

Ima­gi­nez un monde où 50 % des terres émer­gées seraient pri­va­ti­sées puis clô­tu­rées, où forêts, savanes et prai­ries seraient trans­for­mées en for­te­resses impé­né­trables réser­vées au diver­tis­se­ment d’une mino­ri­té d’ultra-privilégiés. Majo­ri­tai­re­ment blanche et pro­fon­dé­ment igno­rante, la classe bour­geoise occi­den­tale bibe­ron­née aux docu­men­taires ani­ma­liers de la BBC et de la Natio­nal Geo­gra­phic per­çoit les ter­ri­toires sau­vages comme ayant ori­gi­nel­le­ment été vierges de tout être humain[1]. C’est pour­quoi l’expulsion et les per­sé­cu­tions des popu­la­tions vivant sur ces terres depuis des géné­ra­tions seraient sys­té­ma­tiques. Pri­vés de leurs terres, les autoch­tones bas­cu­le­raient dans la misère et l’insécurité ali­men­taire. Famines, drogues, alcool et mala­dies feraient des ravages au sein de leurs com­mu­nau­tés. Ren­dues inca­pables de per­pé­tuer leurs rites, tra­di­tions et arts de vivre, des cultures entières fini­raient par s’éteindre en quelques années. Cer­tains indi­gènes ten­te­raient de résis­ter ou se lan­ce­raient dans des tra­fics illé­gaux pour sur­vivre. Un dis­po­si­tif sécu­ri­taire mêlant tech­no­lo­gies avan­cées de sur­veillance et milices armées assu­re­rait la sécu­ri­té des tou­ristes for­tu­nés venus pro­fi­ter d’une semaine de safa­ri à 4 675 € par per­sonne[2].

Les contre­ve­nants péné­trant la zone pro­té­gée sans auto­ri­sa­tion seraient aisé­ment repé­rés par le réseau de camé­ras minia­tures à recon­nais­sance faciale dis­si­mu­lées dans la végé­ta­tion. Grâce au dis­po­si­tif de sur­veillance déployé en réseau et doté d’une connexion satel­lite, l’information par­vien­drait rapi­de­ment au centre de contrôle situé à plu­sieurs dizaines de kilo­mètres de là. Ce der­nier déclen­che­rait aus­si­tôt une alerte sui­vie de l’envoi d’un drone pour éva­luer la menace et éven­tuel­le­ment l’éliminer. Selon la résis­tance oppo­sée par les intrus, le centre de contrôle pour­rait déci­der le déploie­ment d’une uni­té d’intervention spé­ciale. Appuyée par des héli­co­ptères, cette der­nière com­po­sée d’anciens sol­dats des armées occi­den­tales neu­tra­li­se­rait rapi­de­ment la menace, usant de toute la puis­sance de feu néces­saire[3]. Com­battre cette menace en amont pas­se­rait aus­si par l’emploi de tech­niques d’anticipation des crimes ren­dues pos­sibles grâce à la col­lecte mas­sive de don­nées sur la popu­la­tion puis à leur trai­te­ment par des algorithmes.

Pour assu­rer le renou­vel­le­ment conti­nu du « capi­tal natu­rel » — nou­velle déno­mi­na­tion attri­buée au vivant par le WWF et cie –, les auto­ri­tés ges­tion­naires de l’aire pro­té­gée pour­raient se four­nir auprès des nom­breux éle­veurs cer­ti­fiés ayant appris à contrô­ler la repro­duc­tion d’animaux autre­fois sau­vages[4]. Pour com­bler une clien­tèle exi­geante avide d’innovations, de nou­velles espèces géné­ti­que­ment « amé­lio­rées » feraient leur appa­ri­tion : gnou doré, hip­po­trague à longues cornes, ligres (croi­se­ment entre un tigre et un lion), etc. L’élevage de lions à grande échelle serait déve­lop­pé pour atti­rer les tou­ristes dési­reux de faire des câlins avec un gros félin et pour com­bler le manque d’offre sur le mar­ché des tro­phées de chasse[5]. Les os des félins seraient ensuite expé­diés en Asie pour appro­vi­sion­ner le très lucra­tif busi­ness d’une méde­cine qui n’a plus grand chose de traditionnel.

Ce monde, c’est le nôtre. Ce que je viens de vous décrire existe ou est en phase de déve­lop­pe­ment plus ou moins avan­cée, à l’exception du drone de com­bat (à ma connais­sance, seuls les drones de sur­veillance et de recon­nais­sance sont uti­li­sés dans les aires pro­té­gées). Mais il n’est pas exclu que, dans la logique de réduc­tion des coûts invo­quée par le sec­teur pri­vé pour pha­go­cy­ter la conser­va­tion de la nature, les assas­si­nats par drone déjà lar­ge­ment uti­li­sés par les armées occi­den­tales soient un jour mis au ser­vice de la lutte anti-bra­con­nage[6]. C’est d’autant plus plau­sible que Wes­ley G. Bush, ancien PDG de Nor­throp Grum­man – un fabri­cant amé­ri­cain majeur d’armement dont des drones de com­bat –, siège en tant que pré­sident du comi­té exé­cu­tif de Conser­va­tion Inter­na­tio­nal, une ONG influente au bud­get annuel dépas­sant lar­ge­ment les 100 mil­lions de dol­lars. Une ONG éga­le­ment membre de la Natu­ral Capi­tal Coa­li­tion dont nous repar­le­rons plus loin[7].

Quant aux 50 % de ter­ri­toires à trans­for­mer en aires pro­té­gées où les acti­vi­tés humaines seront sévè­re­ment contrô­lées — voire tota­le­ment exclues —, il s’agit de l’objectif “ultime” ins­crit dans le Glo­bal Deal for Nature, avec un pre­mier pal­lié fixé à 30 % pour 2030. Un accord inter­na­tio­nal sans aucune consul­ta­tion démo­cra­tique — le pen­dant de l’Accord de Paris, cette fois pour la bio­di­ver­si­té — qui sera négo­cié à huit clos fin d’année à Kum­ming en Chine[8]. Etant don­né que la bio­di­ver­si­té se concentre aujourd’hui dans les pays non indus­tria­li­sés du Sud, on devine les consé­quences pour les habi­tants des cam­pagnes ; acca­pa­re­ment des terres par le sec­teur pri­vé sous cou­vert de pro­tec­tion de l’environnement, expul­sion des popu­la­tions et cri­mi­na­li­sa­tion de toute acti­vi­té humaine dans les aires pro­té­gées. Pour sur­vivre, les habi­tants ain­si dépos­sé­dés vien­dront s’entasser dans les bidon­villes aux abords des méga­lo­poles. Cette conser­va­tion colo­niale existe depuis la créa­tion des pre­mières aires pro­té­gées et se per­pé­tue aujourd’hui ; dans le parc natio­nal de Kazi­ran­ga en Inde où des popu­la­tions ont été vio­lem­ment expul­sées et plu­sieurs dizaines de per­sonnes tuées, dans le parc natio­nal de Kahu­zi Bie­ga en RDC où les Pyg­mées sont chas­sés et per­sé­cu­tés depuis la créa­tion du parc, dans le futur parc de Mes­sok Dja en Répu­blique du Congo, dans le parc du Lim­po­po au Mozam­bique, fron­ta­lier avec l’Afrique du Sud, où un pro­ces­sus d’expulsion de 7 000 per­sonnes est en cours depuis 10 ans, etc[9].

[Je fais ici volon­tai­re­ment l’impasse sur le sujet de la finan­cia­ri­sa­tion de la nature que j’aborderai dans d’autres articles. Pour en savoir plus je vous recom­mande l’excellent docu­men­taire Nature, le nou­vel eldo­ra­do de la finance, dont la ver­sion anglais, inti­tu­lé Ban­king Nature se trouve sur You­tube[10].]

Ce futur dys­to­pique où science et tech­no­lo­gie vien­draient au secours de la bio­di­ver­si­té en dan­ger, c’est l’avenir dont rêvent les socio­pathes de la Sili­con Val­ley. Un article publié le 28 février 2002 sur le site TechRe­pu­blic pré­sente les choses en ces termes[11] :

« Le poten­tiel pour ins­tal­ler un régime de sur­veillance bénigne sur le monde natu­rel est immense, allant des satel­lites d’observation aux smart­phones guet­tant les tron­çon­neuses dans la forêt. »

Charles McLel­lan consi­dère un réseau de camé­ras à recon­nais­sance faciale reliées à des satel­lites capables de sur­veiller l’activité humaine et ani­male par­tout dans le monde comme un sys­tème de « sur­veillance bénigne ». On n’ose ima­gi­ner à quoi res­semble pour lui une sur­veillance « dure » ou « hostile ».

Par­mi ces tech­no­lo­gies, on trouve le pro­jet Ins­tant Detect déve­lop­pé par la Zoo­lo­gi­cal Socie­ty of Lon­don (ZSL)[12]. Ce dis­po­si­tif res­semble au pié­geage pho­to­gra­phique clas­sique com­po­sé d’un boî­tier inté­grant une camé­ra se déclen­chant au pas­sage d’un ani­mal, mais il fait bien plus ; il a été équi­pé d’un cap­teur détec­tant le métal pour iden­ti­fier les bra­con­niers por­tant des armes. Jusqu’à 8 camé­ras peuvent envoyer des don­nées à une base radio enter­rée à proxi­mi­té com­mu­ni­quant direc­te­ment avec le réseau de satel­lites Iri­dium. Toutes les don­nées sont ensuite sto­ckées dans le cloud grâce à la trans­mis­sion satel­lite. Le sys­tème uti­lise la tech­no­lo­gie LoRa, un réseau faible puis­sance à cou­ver­ture large, qui per­met l’envoi de don­nées à tra­vers 10 km de brousse et jusqu’à 1 km de forêt dense. La prin­ci­pale contrainte pour les concep­teurs ? Obte­nir l’accréditation CE pour accé­der au mar­ché de l’Union Euro­péenne, preuve que la sur­veillance « bénigne » des espaces sau­vages risque bien d’arriver en Europe éga­le­ment. Il est aus­si utile de pré­ci­ser que la ZSL fait par­tie des membres de la Natu­ral Capi­tal Coa­li­tion avec l’Union Inter­na­tio­nal pour la Conser­va­tion de la Nature, le WWF et de joyeux lurons tels que Total, Rep­sol, Coca-Cola, H&M, Kering (géant du luxe), le labo­ra­toire Novar­tis, Nest­lé, Uni­le­ver, Wal­mart, Tata et Shell, entre autres. L’une des mis­sions de la Natu­ral Capi­tal Coa­li­tion repose sur l’élaboration d’un pro­to­cole visant à inté­grer la nature dans le livre comp­table des firmes trans­na­tio­nales : « un cadre déci­sion­nel don­nant la pos­si­bi­li­té aux orga­ni­sa­tions d’identifier, de mesu­rer et de valo­ri­ser leurs impacts directs et indi­rects et leurs dépen­dances au capi­tal natu­rel[13]. »

Le sys­tème Ins­tant Detect 2.0

Finan­cé en par­tie par la Fon­da­tion Leo­nar­do DiCa­prio, Trail­Guard AI est un sys­tème simi­laire à Ins­tant Detect conçu par l’organisation à but non lucra­tif états-unienne RESOLVE, en par­te­na­riat avec le géant du numé­rique Intel en pointe sur l’intelligence arti­fi­cielle. La socié­té Inmar­sat spé­cia­li­sée dans la télé­pho­nie par satel­lite com­plète l’équipe. La tech­no­lo­gie repo­sant sur l’intelligence arti­fi­cielle appor­tée par Intel per­met au sys­tème de dif­fé­ren­cier un humain d’un ani­mal ou d’un véhi­cule. Les camé­ras de type Trail­Guard AI se dis­tinguent par leur taille réduite les ren­dant impos­sibles à déce­ler à l’œil nu dans la végé­ta­tion et leur four­nis­sant une auto­no­mie de 18 mois sur bat­te­rie. RESOLVE appa­raît sur le site pro­mou­vant le Glo­bal Deal for Nature[14].

Dif­fé­rence entre la Trail­Guard AI presque invi­sible dans la végé­ta­tion et un sys­tème clas­sique à droit.

Rain­fo­rest Connec­tion est un autre pro­jet enfan­té lui par un ingé­nieur basé à San Fran­cis­co. En ins­tal­lant des smart­phones dans la cano­pée ama­zo­nienne, il consiste à effec­tuer une sur­veillance sonore de la forêt en détec­tant les bruits sus­pects, moteur de véhi­cules ou de tron­çon­neuses entre autres. Une tech­no­lo­gie open-source d’apprentissage auto­ma­tique déve­lop­pée par Google est uti­li­sée pour détec­ter les sono­ri­tés et limi­ter le nombre de faux positifs.

Cer­tains pro­fes­sion­nels de la « conser­va­tion de la nature » uti­lisent des tech­niques de mar­quage à l’aide de puces élec­tro­niques pour mieux com­prendre com­ment et pour­quoi les ani­maux dis­pa­raissent. À ce sujet, Charles McLel­lan évoque un pro­jet de sui­vi par satel­lite des cou­cous anglais pour élu­ci­der le mys­tère de leur dis­pa­ri­tion. Les prin­ci­pales causes de l’extermination de masse en cours, ça fait belle lurette que nous les connais­sons : des­truc­tion des habi­tats, pol­lu­tions mul­tiples, com­merce d’espèces sau­vages, dif­fu­sion d’espèces inva­sives via la glo­ba­li­sa­tion et l’accélération des échanges ou encore chan­ge­ment cli­ma­tique. Quel inté­rêt stra­té­gique avons-nous à tra­quer les oiseaux durant leur migra­tion ? Pour connaître la cause exacte de leur dis­pa­ri­tion ? Si les scien­ti­fiques découvrent que le bio­tope où les oiseaux migra­teurs se res­taurent durant leur migra­tion est mena­cé par la construc­tion d’une auto­route, d’un aéro­port ou par l’expansion urbaine, va-t-on y mettre défi­ni­ti­ve­ment fin ? Bien sûr que non. Au mieux, on essaie­ra d’atténuer les dégâts. À force de faire des com­pro­mis pour jus­ti­fier le main­tien d’un mode de vie, on voit le résul­tat. Dans ces condi­tions, quel est l’intérêt d’imposer une sur­veillance étroite aux der­niers êtres vivants libres sur cette pla­nète ? Qui est gagnant ? Les créa­tures qui se retrouvent bar­dées de cap­teurs et d’émetteurs ou les socié­tés pro­prié­taires de la tech­no­lo­gie ? Éthi­que­ment, cette démarche est-elle accep­table quand on connaît — ou ignore — la dan­ge­ro­si­té des ondes émises par ces dis­po­si­tifs sur le fonc­tion­ne­ment des orga­nismes vivants ? Depuis des décen­nies, bio­lo­gistes et conser­va­tion­nistes uti­lisent des sys­tèmes simi­laires, sont-ils effi­caces ? La situa­tion s’est-elle amé­lio­rée ? Non, tout empire, partout.

Dans une vidéo récente dont j’ai oublié la source, une jeune scien­ti­fique s’inquiétait de ne bien­tôt plus avoir d’objet d’étude en rai­son de la défo­res­ta­tion. Mais pour pro­té­ger les forêts, étu­dier et col­lec­ter des don­nées ne sert à rien, il faut se battre contre l’ennemi, contre le capi­ta­lisme tech­no-indus­triel qui se répand comme une lèpre jusque dans les coins les plus recu­lés. Les armes de sur­veillance que sont les pièges pho­to­gra­phiques et le mar­quage des ani­maux sau­vages par des puces élec­tro­niques décrits plus haut en sont un bon exemple.

Dans la suite de l’article de Tech Repu­blic, l’auteur pré­sente le phé­no­mène de la science par­ti­ci­pa­tive ; ou quand des citoyens naïfs récoltent des don­nées sur la nature en vue de sa sou­mis­sion totale à la méga­ma­chine. Zoo­ni­verse compte par­mi les por­tails offrant la pos­si­bi­li­té de par­ti­ci­per à des études scien­ti­fiques sur une grande varié­té de thé­ma­tiques, his­toire de satis­faire tout le monde ; un pro­jet pro­pose de repé­rer des nids d’oiseaux et d’effectuer un sui­vi en four­nis­sant des don­nées, un autre de regar­der des vidéos de ratons-laveurs pour ana­ly­ser leur com­por­te­ment, un autre encore d’identifier les ani­maux sur les pho­tos. Il s’agit ni plus ni moins de tra­vailler gra­tui­te­ment pour entraî­ner des algo­rithmes, ain­si que nous l’apprenons au sujet du pro­jet Snap­shot Seren­ge­ti récol­tant des images de pièges pho­to­gra­phiques dis­po­sés dans cette immense réserve de Tanzanie :

« De mul­tiples uti­li­sa­teurs visionnent chaque image et notent l’espèce, le nombre d’individus, le com­por­te­ment asso­cié, et la pré­sence de petits avec l’aide d’un guide d’identification. Un algo­rithme agrège ensuite ces clas­si­fi­ca­tions pour arri­ver à un consen­sus, un pro­cé­dé qui a été vali­dé par rap­port à un sous-ensemble d’images de réfé­rence clas­sées par les experts. »

Selon les cher­cheurs, cette masse de don­nées per­met de mieux étu­dier les rela­tions entre espèces, notam­ment entre les grands car­ni­vores et leurs proies. Un autre pro­jet de ce type, tou­jours dans le Seren­ge­ti, exploite la main d’œuvre gra­tuite four­nie par les scien­ti­fiques du dimanche pour comp­ter les gnous sur les images. Une fois digé­rées par les algo­rithmes, les don­nées four­nies accé­lèrent de manière ful­gu­rante le recen­se­ment de cen­taines de mil­liers d’animaux, ce der­nier pas­sant à 24 h au lieu de 3 à 6 semaines par le pas­sé. Une prouesse tech­nique qui ravi­ra cer­tai­ne­ment les gnous du Seren­ge­ti dont la migra­tion se trouve tou­jours plus entra­vée par des clô­tures, des implan­ta­tions humaines, des fermes, des routes et d’autres infra­struc­tures néces­saires au déve­lop­pe­ment de la civi­li­sa­tion indus­trielle[15].

Par­tout sur la pla­nète, les grandes migra­tions sont affec­tées – et ont en grande par­tie dis­pa­ru – à cause des infra­struc­tures de la socié­té industrielle.

Plus loin, l’auteur de l’article se féli­cite des images récol­tées par le pro­jet Land­sat. Co-déve­lop­pé par la NASA, les pho­to­gra­phies satel­lites de la sur­face ter­restre ont pour objec­tif d’ « aider à la prise de déci­sion sur les usages de la terre depuis 1972 ». Effec­ti­ve­ment, la pla­nète semble avoir beau­coup béné­fi­cié de ce pro­jet : sur la seule période 2000–2012, le monde a per­du 2,3 mil­lions de km² de forêts, soit presque quatre fois la super­fi­cie de la France ; plus d’un mil­lion d’éléphants par­cou­raient encore les savanes et forêts d’Afrique en 1979, ils sont bien moins de 400 000 aujourd’hui ; les popu­la­tions d’insectes en Europe ont chu­té de 80 % en 30 ans, prin­ci­pa­le­ment en rai­son de l’agriculture indus­trielle, etc.[16]

Glo­bal Forest Watch — ini­tia­tive finan­cée par le World Resources Ins­ti­tute, l’un des think tank les plus influents au monde — sur­veille les forêts du globe et nous a par exemple appris que, si la défo­res­ta­tion dans les zones tro­pi­cales était un pays, elle se clas­se­rait troi­sième en termes d’émissions de CO2, juste der­rière la Chine et les États-Unis. Nous voi­là bien avan­cés. Comp­ta­bi­li­ser les émis­sions per­met sur­tout d’estimer la future taille du mar­ché mon­dial du car­bone, l’objectif n’a jamais été de ralen­tir ou de stop­per les émis­sions, bien au contraire. Pour conti­nuer à extraire mas­si­ve­ment des éner­gies fos­siles, les majors pétro­lières inves­tissent dans la cap­ture indus­trielle du car­bone de l’atmosphère. Une indus­trie qui va néces­si­ter des sub­ven­tions mas­sives des États pour se déve­lop­per[17].

Les nano­sa­tel­lites ou Cube­Sats font par­tie des autres armes de sur­veillance mas­sive en plein essor. Spa­ceX ambi­tionne d’en mettre 42 000 en orbite pour rendre Inter­net acces­sible par­tout sur la pla­nète, depuis le désert du Namib jusqu’aux confins de l’Amazonie où vivent des tri­bus indiennes non contac­tées[18]. Aucune créa­ture vivante n’échappera au bom­bar­de­ment intem­pes­tif d’ondes nocives et le ciel étoi­lé indis­pen­sable à cer­taines migra­tions sera rui­né à jamais[19].

Mais le délire tech­no-sécu­ri­taire ne s’arrête pas là, Pla­net — une entre­prise créée par un ancien scien­ti­fique de la NASA et comp­tant Google par­mi ses action­naires — pos­sède une constel­la­tion de 150 satel­lites orbi­tant toutes les 90 minutes au-des­sus des pôles. Ces satel­lites sont capables de col­lec­ter chaque jour des images de la tota­li­té de la sur­face du globe, four­nis­sant des don­nées utiles à de nom­breux sec­teurs éco­no­miques par­mi les plus des­truc­teurs : agri­cul­ture indus­trielle, com­merce mari­time, assu­rance, car­to­gra­phie, intel­li­gence éco­no­mique, recherche scien­ti­fique sans oublier la défense. Sur ce der­nier point, Pla­net four­nit sur son site des images de l’évolution de nou­velles construc­tions au sein de l’Institut des maté­riaux chi­miques en Corée du Nord, un lieu où sont fabri­qués des moteurs de mis­siles[20].

Ins­ti­tut des maté­riaux chi­miques, Corée du Nord.

Comme sou­vent, les grandes ONG et fon­da­tions contrô­lées par le sec­teur pri­vé mettent en avant les acti­vi­tés illé­gales, jamais ou presque les désastres éco­lo­giques et sociaux cau­sés par les mul­ti­na­tio­nales. Exemple ci-des­sous avec les cher­cheurs d’or illé­gaux au Pérou, des images qui ont per­mis aux forces gou­ver­ne­men­tales d’intervenir, certes. Mais les acti­vi­tés de l’industrie minière, bien que légales, ne sont pas moins des­truc­tives pour l’environnement. On assiste à la même dis­tor­sion de la réa­li­té dans la façon dont médias et grandes orga­ni­sa­tions envi­ron­ne­men­tales traitent le tra­fic illé­gal de faune et de flore, celui-ci étant presque anec­do­tique en valeur en com­pa­rai­son du com­merce inter­na­tio­nal (8 à 20 mil­liards d’euros glo­ba­le­ment contre au moins 100 mil­liards dans la seule Union Euro­péenne) auto­ri­sé et cen­sé être régu­lé par la conven­tion CITES[21]. Le pre­mier pro­fite au crime orga­ni­sé, le second à de grandes socié­tés pri­vées “res­pec­tables”.

Sui­vi de l’exploitation auri­fère illé­gale au Pérou.

Vous pen­siez avoir tout vu ? C’est sous-esti­mer le génie humain quand il est mis au ser­vice d’une culture par­fai­te­ment cin­glée. La pré­ven­tion situa­tion­nelle de crime — Situa­tio­nal Crime Pre­ven­tion (SCP) — ou le déploie­ment de tech­niques dignes du film de science-fic­tion Mino­ri­ty Report pour lut­ter contre le bra­con­nage, par­ti­cu­liè­re­ment en Afrique[22]. La pré­ven­tion situa­tion­nelle n’a rien à voir avec l’idée de s’attaquer à la racine ou à la cause pro­fonde du pro­blème. Il s’agit de modi­fier l’environnement pour aug­men­ter le risque d’être pris en accen­tuant la sur­veillance (camé­ras, alarmes, détec­teurs, drones) et en ins­tal­lant des clô­tures ou des murs pour « dur­cir la cible ». Pour péné­trer un ter­ri­toire sen­sible, l’accès se trouve réduit au pas­sage d’un check-point réser­vé aux seuls indi­vi­dus auto­ri­sés — dans le cas d’un parc natu­rel afri­cain, ceux qui ont les moyens de payer les frais d’entrée, c’est-à-dire les classes pri­vi­lé­giées et les tou­ristes étran­gers aisés. Étran­ge­ment, cette fabu­leuse inno­va­tion nous vient du pays de l’oncle Sam.

Pro­fes­seure asso­ciée à la Michi­gan State Uni­ver­si­ty, Mere­dith Gore qua­li­fie sa science de « cri­mi­no­lo­gie de la conser­va­tion » et donne l’exemple de Kin­sha­sa, capi­tale de la Répu­blique Démo­cra­tique du Congo. En s’inspirant d’une stra­té­gie employée par la police de Cin­cin­na­ti, elle a car­to­gra­phié les 4 « C » : sites de crimes, de confort, les points de cor­rup­tion et de conver­gence. Il s’agit ni plus ni moins d’espionner les délin­quants ou délin­quants poten­tiels, de lis­ter leurs habi­tudes, les lieux de recru­te­ment, etc. Bien que Mere­dith Gore soit consciente que de jeter les gens en pri­son ou de pro­non­cer des sen­tences sévères pro­duisent des effets délé­tères sur la socié­té, elle semble éton­nam­ment naïve sur la nature du régime poli­tique en Répu­blique Démo­cra­tique du Congo et sur l’utilisation qui sera faite de ces tech­niques une fois aux mains des auto­ri­tés. Cher­cheurs, scien­ti­fiques et autres tech­no­philes béats vouant un culte presque reli­gieux à la toute puis­sante Tech­no­lo­gie ne dis­tinguent plus, en obser­vant leurs sem­blables, des êtres vivants faits de chair et de sang avec leurs émo­tions et leurs sen­ti­ments, mais de vul­gaires tas de « don­nées » à exploi­ter. La Data, c’est aus­si et sur­tout l’or noir dont se goinfre l’industrie numé­rique pour asseoir et conso­li­der son contrôle sur nos vies, sa domi­na­tion sur la Vie.

« Ce qu’on peut mesu­rer, on peut le gérer. »

— Peter Dru­cker, célèbre consul­tant en stra­té­gie d’entreprise

Ce qu’il y a de plus absurde dans cette défer­lante tech­no­lo­gique s’attribuant la vic­toire finale avant même d’avoir démon­tré une quel­conque effi­ca­ci­té ? Elle s’inscrit dans le même cadre cultu­rel qui a déjà démon­tré son inca­pa­ci­té à coexis­ter avec le vivant. On y retrouve les mêmes tra­vers : expan­sion, volon­té de contrôle, extrac­tion minière, mili­ta­risme, arro­gance, nar­cis­sisme, supré­ma­cisme, racisme, etc. Le parc natio­nal du Kru­ger en Afrique du Sud dépense annuel­le­ment plus de 13,5 mil­lions de dol­lars dans le dis­po­si­tif anti-bra­con­nage le plus éla­bo­ré de la pla­nète. Le parc est divi­sé en 22 sec­tions, cha­cune patrouillée par une équipe d’hommes armés[23]. Ils dis­posent du sou­tien de chiens de détec­tion, d’hélicoptères, même l’armée sud-afri­caine offre son assis­tance. Mal­gré la sur­en­chère mili­taire, 540, 421 et 327 rhi­no­cé­ros ont été bra­con­nés dans le Kru­ger en 2017, 2018 et 2019. Si les chiffres du bra­con­nage dimi­nuent légè­re­ment, cela s’explique sur­tout par la popu­la­tion de rhi­no­cé­ros du parc en chute libre depuis plus de 10 ans. Pour ne rien arran­ger, cette spi­rale de vio­lence fait de nom­breuses vic­times humaines ; 500 Mozam­bi­cains ont ain­si été abat­tus par les forces anti-bra­con­nage du Kru­ger entre 2010 et 2015[24].

Comme l’explique le géo­graphe Estienne Roda­ry dans son ouvrage L’Apartheid et l’animal, la « conser­va­tion de la nature » — déno­mi­na­tion uti­li­sée par les très puis­santes ONG envi­ron­ne­men­tales que sont le WWF, la WCS ou l’IUCN — s’est employée, sur le modèle cultu­rel anglo-saxon, à tra­cer une fron­tière phy­sique entre l’humain et la nature sau­vage. Avant de deve­nir le parc natio­nal du Kru­ger, cette aire pro­té­gée était en réa­li­té une réserve de chasse créée par et pour l’aristocratie colo­niale blanche. Ces terres étaient autre­fois habi­tées, les popu­la­tions noires furent expul­sées et inter­dites de chas­ser, de se rendre sur les lieux sacrés et de se recueillir sur les sépul­tures de leurs ancêtres. Aujourd’hui, dans le cadre de la poli­tique des land claims (acca­pa­re­ment de terres) lan­cée par l’ANC, sur les près de 2 mil­lions d’hectares du parc, entre 400 000 et 1,3 mil­lion feraient l’objet de demandes de res­ti­tu­tion des terres. La conser­va­tion appa­raît clai­re­ment comme un outil de domi­na­tion des puis­sances occi­den­tales sur les popu­la­tions pauvres des pays du Sud. Avec cette logique, plu­tôt que de don­ner des droits aux peuples autoch­tones ayant su, de par leurs pra­tiques cultu­relles, pro­té­ger les forêts et leurs habi­tants non humains depuis des temps immé­mo­riaux, ils se retrouvent expul­sés de leurs terres, per­sé­cu­tés et par­fois mas­sa­crés. Si l’ampleur du com­merce d’animaux sau­vages et l’urgence de la situa­tion néces­sitent cer­tai­ne­ment d’employer une force dis­sua­sive sur le ter­rain, notam­ment par la pré­sence de ran­gers, elle devrait res­ter tran­si­toire, inté­grer les locaux et s’inscrire dans une stra­té­gie plus glo­bale ; attri­bu­tion de droits aux popu­la­tions sur leurs terres, ins­tau­ra­tion d’une ges­tion com­mu­nau­taire des res­sources natu­relles ou encore aide quand cela est néces­saire pour déve­lop­per des cultures vivrières assu­rant la sécu­ri­té ali­men­taire. Force est de consta­ter que ce n’est pas la voie choi­sie par les prin­ci­paux bailleurs de fonds et les orga­ni­sa­tions de la conser­va­tion. Mili­ta­ri­sa­tion et sur­veillance rap­portent bien trop d’argent aux prin­ci­paux inté­res­sés. Inutile de dire que la logique de mar­chan­di­sa­tion et de finan­cia­ri­sa­tion de la nature por­tée par la Cam­pai­gn for Nature pour sou­te­nir le Glo­bal Deal for Nature va conti­nuer à ali­men­ter la sur­en­chère en tech­no­lo­gie de sur­veillance, arme­ment et vio­lence[25].

La belle his­toire rela­tant com­ment la Déesse Tech­no­lo­gie vola au secours de Mère Nature, aus­si ridi­cule et inepte qu’elle puisse paraître, séduit pour­tant les régi­ments de cré­tins digi­taux du monde indus­tria­li­sé[26]. Peut-être en feront-ils un jour un conte pour enfants. Dans le fond, on ne peut pas leur en vou­loir. Depuis plu­sieurs années, les médias se sont empa­rés du sujet de l’effondrement du vivant géné­rant une inquié­tude légi­time chez le public. Para­ly­sé par la peur et démo­bi­li­sé par les dis­cours scan­dant le besoin impé­rieux d’une gou­ver­nance mon­diale pour remé­dier à un pro­blème qui dépas­se­rait les capa­ci­tés cog­ni­tives du qui­dam moyen, le peuple est de fait clai­re­ment écar­té de la table des négo­cia­tions où se prennent les déci­sions. Grâce à la fabri­ca­tion du consen­te­ment des masses (qui ignorent tout de la ges­tion poli­tique des médias, de leur fonc­tion pre­mière en tant qu’outil de pro­pa­gande), ces der­nières accueillent avec bien­veillance les solu­tions choi­sies en amont par le sec­teur pri­vé. Les mul­ti­na­tio­nales ont trou­vé, dans les médias pseu­do-éco­lo­giques comme WE DEMAIN, louant les bien­faits de la recon­nais­sance faciale et les grandes ONG, de pré­cieux alliés, un visage plus humain pour faire la pro­mo­tion de leurs inté­rêts[27].

S’il y a une leçon à tirer de l’Histoire, c’est que le capi­ta­lisme se nour­rit des crises, le sys­tème fonc­tionne ain­si. Les deux guerres mon­diales ont per­mis de moder­ni­ser et d’optimiser l’appareil indus­triel, nous fai­sant entrer dans l’ère de la socié­té de consom­ma­tion. Aujourd’hui, effon­dre­ment du vivant et chan­ge­ment cli­ma­tique repré­sentent de for­mi­dables oppor­tu­ni­tés de crois­sance pour les grandes firmes, par­ti­cu­liè­re­ment pour les géants du numé­rique qui ont construit leur hégé­mo­nie en colo­ni­sant nos lieux de vie et notre sphère intime avec des armes de sur­veillance mas­sive. Il ne tient qu’à nous de résis­ter à la pro­pa­gande orches­trée par les ONG et les médias pour légi­ti­mer les atteintes répé­tées à notre vie pri­vée. Aus­si éton­nant que cela puisse paraître pour beau­coup, les peuples détiennent le pou­voir maté­riel de se libé­rer de la tyran­nie du pro­grès tech­nique, de prendre leur ave­nir en main et d’organiser la résis­tance, mais le veulent-ils vraiment ?

Phi­lippe Oberlé


  1. David Atten­bo­rough, célèbre nar­ra­teur pour les séries docu­men­taires de la BBC et ambas­sa­deur de l’organisation néo-mal­thu­sienne Popu­la­tion Mat­ters, parle de « peste humaine ». Il est inté­res­sant de noter que ce sont tou­jours les popu­la­tions de cou­leur des pays du Sud qui se retrouvent impli­ci­te­ment visées par ce type de pro­pos.
  2. Une infor­ma­tion pro­ve­nant de la revue How to spend it du Finan­cial Times s’adressant à ceux qui ne savent plus quoi faire de leur argent : https://howtospendit.ft.com/travel/207389-malawi-s-rebirth-as-a-safari-sweetspot
  3. https://vetpaw.org/
  4. https://www.worldwildlife.org/projects/the-natural-capital-projecthttps://www.dailymaverick.co.za/article/2019–10-16-sa-reclassifies-33-wild-species-as-farm-animals/
  5. https://www.theguardian.com/environment/2020/jan/29/south-africa-wild-animals-at-risk-of-genetic-pollutionhttps://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/afrique-du-sud/des-elevages-de-lions-destines-a-la-chasse-en-afrique-du-sud_3064181.html
  6. https://www.researchgate.net/publication/262910385_Banking_Nature_The_Spectacular_Financialisation_of_Environmental_Conservation
  7. https://www.conservation.org/about/senior-staff
  8. https://www.globaldealfornature.org/
  9. Un rap­port des Nations Unies met en cause le WWF dans des exac­tions à l’égard des Pyg­mées Baka dans la forêt de Mes­sok Dja en Répu­blique du Congo : https://e360.yale.edu/features/green-violence-eco-guards-are-abusing-indigenous-groups-in-africaLes Pyg­mées Bat­wa sont per­sé­cu­tés depuis des décen­nies autour du parc de Kahu­zi Bie­ga : https://www.survivalinternational.fr/actu/11905Dans son livre L’Apartheid et l’animal, le géo­graphe Estienne Roda­ry, qui a vécu et tra­vaillé en Afrique du Sud, décrit la situa­tion dans le parc du Lim­po­po. L’AFD a finan­cé ce parc : https://limpopo.afd.fr/

    Enquête du jour­na­liste d’investigation Esta­cio Valoi membre asso­cié du col­lec­tif Oxpe­ckers : http://pulitzercenter.storylab.africa/dominion/

  10. https://youtu.be/y1EdZeRHgbM
  11. https://www.corporatecrimereporter.com/news/200/charles-derber-sociopathic-society/https://www.techrepublic.com/article/the-internet-of-wild-things-technology-and-the-battle-against-biodiversity-loss-and-climate-change/
  12. https://www.zsl.org/conservation/how-we-work/conservation-technology/instant-detect
  13. https://naturalcapitalcoalition.org/natural-capital-protocol/
  14. https://www.globaldealfornature.org/organization/resolve/
  15. https://conservationaction.co.za/recent-news/wildebeest-migrations-in-east-africa-face-extinction-what-must-be-done‑2/
  16. https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/10/18/en-trente-ans-pres-de-80-des-insectes-auraient-disparu-en-europe_5202939_1652692.htmlhttp://www.greatelephantcensus.com/background-on-conservation
  17. https://www.ep.total.com/fr/innovations/recherche-developpement/total-investit-massivement-dans-le-ccus-carbon-capture
  18. https://www.numerama.com/sciences/561497-internet-par-satellite-spacex-veut-mettre-en-orbite-30–000-satellites-de-plus.html
  19. https://www.cieletespace.fr/actualites/exclusif-en-plus-de-rayer-le-ciel-les-satellites-starlink-diffusent-de-puissants-flashes-lumineux
  20. https://www.planet.com/markets/government/
  21. https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/578025/EXPO_STU(2016)578025_EN.pdf
  22. https://finance.yahoo.com/news/minority-report-poachers-predictive-algorithms-101511921.html
  23. https://news.mongabay.com/2020/03/poaching-and-the-problem-with-conservation-in-africa-commentary/
  24. https://theconversation.com/why-southern-africas-peace-parks-are-sliding-into-war-parks-53458
  25. https://www.campaignfornature.org/home
  26. Voir le livre La fabrique du cré­tin digi­tal du cher­cheur en neu­ros­ciences à l’Inserm Michel Des­mur­get
  27. https://www.wedemain.fr/La-reconnaissance-faciale-ca-sert-aussi-a-preserver-les-animaux_a4535.html

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