« Il serait juste que les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec les boyaux de prêtres. Cette expression ne doit pas manquer de paraître assez rude et grossière, mais il faut avouer qu’elle est franche et naïve. Elle est courte, mais elle exprime assez, en peu de mots, tout ce que ces sortes de gens-là méritent. […]
Où sont ces généreux meurtriers des tyrans que l’on a vus aux siècles passés ? Où sont les Brutus et les Cassius ? […] Où sont ces généreux défenseurs de la liberté publique, qui chassèrent les rois et les tyrans de leur pays, en donnant licence à quiconque de les tuer ? […] Où sont Jacques Clément et les Ravaillac de notre France ? Que ne vivent-ils encore ces généreux meurtriers des tyrans ! Que ne vivent-ils encore de nos jours pour assommer et pour poignarder tous ces détestables monstres et ennemis du genre humain et pour délivrer, par ce moyen, les peuples de la tyrannie. […] Que ne vivent-ils encore aujourd’hui pour chasser tous les rois de la terre, pour opprimer tous les oppresseurs et pour rendre la liberté aux peuples ! Que ne vivent-ils encore tous ces braves écrivains et tous ces braves orateurs qui blâmèrent les tyrans, qui déclamèrent contre leurs tyrannies et qui écrivirent âprement contre leurs vices, contre leurs injustices et contre leur mauvais gouvernement ! Que ne vivent-ils encore aujourd’hui pour blâmer hautement tous les tyrans qui oppriment, pour déclamer hautement contre leurs vices et contre toutes les injustices de leur mauvais gouvernement, pour rendre par des écrits publics leurs personnes odieuses et méprisables à tout le monde, et enfin pour exciter tous les peuples à secouer le joug insupportable de leurs tyranniques dominations.
Mais non, ils ne vivent plus, ces grands hommes, on ne voit plus de ces âmes nobles et généreuses qui […] aimèrent mieux avoir la gloire de mourir généreusement que d’avoir la honte et le déplaisir de vivre lâchement. Et il faut dire la honte de notre siècle et de nos derniers siècles, que l’on ne voit plus maintenant dans le monde que de lâches et misérables esclaves de la grandeur et de la puissance extraordinaire des tyrans. On ne voit plus maintenant […] que de lâches flatteurs de leurs personnes ; on ne voit plus que de lâches approbateurs de leurs injustes desseins et de lâches exécuteurs de leurs mauvaises volontés et de leurs plus injustes ordonnances.
[…] vous serez misérables et malheureux, vous et vos descendants, tant que vous souffrirez la domination des princes et des rois de la terre, vous serez misérables et malheureux tant que vous suivrez les erreurs de la religion et que vous vous assujettirez à ses superstitions. Rejetez donc entièrement toutes ces vaines et superstitieuses pratiques de religions ; bannissez de votre esprit cette folle et aveugle croyance de ces faux mystères ; n’y ajoutez aucune foi ; moquez-vous de tout ce que vos prêtres intéressés vous en disent. Ils n’en croient rien eux-mêmes, au moins pour la plupart, voudriez-vous en croire plus qu’ils n’en croient eux-mêmes ? Mettez entièrement vos esprits et vos cœurs en repos de ce côté-là, et abolissez même entre vous tous ces vains et superstitieux offices de prêtres et de sacrificateurs et réduisez-les à vivre et à travailler comme vous. Mais ce n’est pas assez, tâchez de vous unir tous, tant que vous êtes, vous et vos semblables, pour secouer entièrement le joug de la tyrannique domination de vos princes et de vos rois ; renversez partout tous ces trônes d’injustice et d’impiétés ; brisez toutes ces têtes couronnées, confondez l’orgueil et la superbe de tous vos tyrans et ne souffrez jamais qu’ils règnent aucunement sur vous. »— Extrait du Testament de Jean Meslier (rédigé quelque part entre 1717 et 1729)
J’ai recherché – vainement – à retrouver les extraits ci-dessus du Testament dans son livre. Avez-vous une explication ?
Merci et cordialement,
Oui, son testament comprend trois tomes. Ces extraits sont tirés du troisième.