Malcolm X avait raison sur les États-Unis (par Chris Hedges)

chris_hedgesArticle ori­gi­nal publié en anglais sur le site de truthdig.com
Chris­to­pher Lynn Hedges (né le 18 sep­tembre 1956 à Saint-Johns­bu­ry, au Ver­mont) est un jour­na­liste et auteur amé­ri­cain. Réci­pien­daire d’un prix Pulit­zer, Chris Hedges fut cor­res­pon­dant de guerre pour le New York Times pen­dant 15 ans. Recon­nu pour ses articles d’analyse sociale et poli­tique de la situa­tion amé­ri­caine, ses écrits paraissent main­te­nant dans la presse indé­pen­dante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a éga­le­ment ensei­gné aux uni­ver­si­tés Colum­bia et Prin­ce­ton. Il est édi­to­ria­liste du lun­di pour le site Tru­th­dig.com.


1er février 2015

NEW-YORK || — Mal­colm X, contrai­re­ment à Mar­tin Luther King, ne pen­sait pas que l’A­mé­rique ait une conscience. Pour lui, il n’y avait pas de grande contra­dic­tion entre les nobles idéaux de la nation  une impos­ture à ses yeux  et l’é­chec de garan­tie de jus­tice à l’é­gard des noirs. Il avait com­pris, peut-être mieux que King, les méca­nismes inhé­rents à l’empire. Il n’es­pé­rait pas des diri­geants de l’empire qu’ils se recon­nectent à la bon­té en eux afin de construire un pays débar­ras­sé de l’in­jus­tice et de l’ex­ploi­ta­tion. Il expli­quait que depuis l’ar­ri­vée du pre­mier bateau d’es­claves jus­qu’à l’ap­pa­ri­tion de notre vaste archi­pel de pri­sons et de nos sor­dides colo­nies inté­rieures (NdT : Les réserves d’a­mé­rin­diens), où les pauvres étaient pié­gés et exploi­tés, l’empire Amé­ri­cain était inexo­ra­ble­ment hos­tile à ceux que Frantz Fanon appe­lait les « dam­nés de la Terre ». Cela, et Mal­colm en était conscient, ne chan­ge­rait pas avant la des­truc­tion de l’empire.

« Il est impos­sible que le capi­ta­lisme sur­vive, pre­miè­re­ment parce que le sys­tème capi­ta­liste a un besoin per­pé­tuel de sang à sucer », disait Mal­colm. « Le capi­ta­lisme était un aigle, c’est main­te­nant un vau­tour. Il était assez puis­sant pour sucer le sang de n’im­porte qui, des forts comme des faibles. Mais aujourd’­hui il devient plus couard, comme le vau­tour, et il ne suce plus que le sang des faibles. A mesure que les nations du monde se libèrent, le capi­ta­lisme a moins de vic­times poten­tielles à sucer, et il s’af­fai­blit. Ce n’est qu’une ques­tion de temps avant l’ef­fon­dre­ment complet. »

King obtint une vic­toire légis­la­tive à tra­vers le mou­ve­ment des droits civiques, comme le montre le nou­veau film « Sel­ma ». Mais il échoua à faire naitre la jus­tice éco­no­mique, et à détour­ner l’ap­pé­tit vorace de la machine de guerre qu’il savait per­ti­nem­ment res­pon­sable des abus de l’empire sur les oppri­més à l’é­tran­ger comme à domi­cile. Et 50 ans après l’as­sas­si­nat de Mal­colm X à l’Audu­bon Ball­room de Har­lem par des tueurs pro­fes­sion­nels de la Nation de L’Is­lam, il appa­rait clai­re­ment qu’il avait rai­son lui, et pas Mar­tin Luther King. Nous sommes la nation que Mal­colm savait déjà que nous étions. Les humains peuvent chan­ger. Pas les empires. Notre refus de regar­der en face la véri­té sur l’empire, de nous atta­quer à la mul­ti­tude de ses crimes et de ses atro­ci­tés, a fait naitre le cau­che­mar que Mal­colm avait pré­dit. Et à mesure que l’ère digi­tale et que la socié­té post-lit­té­raire implante une amné­sie his­to­rique ter­ri­fiante, ces crimes sont effa­cés aus­si faci­le­ment qu’ils sont commis.

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L’as­sas­si­nat en question…

« Par­fois, j’ai osé rêver… qu’un jour l’his­toire puisse dire que ma voix — déran­geant la suf­fi­sance de l’homme blanc, son arro­gance et sa com­plai­sance — que ma voix aurait aidé à sau­ver l’A­mé­rique d’une catas­trophe grave, voire pos­si­ble­ment fatale », avait écrit Malcolm.

L’in­té­gra­tion d’é­lites de cou­leur, dont Barack Oba­ma, dans les éche­lons les plus éle­vés des struc­tures ins­ti­tu­tion­nelles et poli­tiques n’a rien chan­gé à la nature pré­da­trice de l’empire. Les poli­tiques iden­ti­taires et de genre  nous sommes sur le point de nous faire vendre une femme pré­si­dente en forme d’Hil­la­ry Clin­ton  ont encou­ra­gé, comme l’a­vait com­pris Mal­colm, les fraudes et les vols de Wall Street, l’é­vis­cé­ra­tion de nos liber­tés indi­vi­duelles, la misère d’une sous-classe dans laquelle la moi­tié des enfants en école publique vivent dans la pau­vre­té, l’ex­pan­sion de nos guerres impé­riales et l’ex­ploi­ta­tion inten­sive et peut-être fatale de nos éco­sys­tèmes. Et tant que l’on se refuse à écou­ter la voix de Mal­colm X, tant que l’on ne lutte pas contre l’au­to-des­truc­tion inhé­rente au fonc­tion­ne­ment de l’empire, les vic­times, à domi­cile comme à l’é­tran­ger, ne ces­se­ront de s’ac­cu­mu­ler. Mal­colm, à l’ins­tar de James Bald­win, avait com­pris qu’il n’y a qu’en se confron­tant à la réa­li­té de qui nous sommes, en tant que membres d’une puis­sance impé­riale, que les gens de cou­leur, ain­si que les blancs, peuvent se libé­rer. Cette véri­té est dure et amère. Elle requiert une recon­nais­sance de notre capa­ci­té à faire le mal, à engen­drer l’in­jus­tice et l’ex­ploi­ta­tion, et elle exige une repen­tance. Mais on s’ac­croche comme des enfants fri­voles aux men­songes qu’on se raconte sur nous-mêmes. Nous refu­sons de gran­dir. Et à cause de ces men­songes, pro­pa­gés à tra­vers le spectre cultu­rel et poli­tique, la libé­ra­tion n’a pas lieu. L’empire nous dévore tous.

« Nous sommes contre la dia­bo­li­sa­tion, contre l’oppression, contre le lyn­chage » a dit Mal­colm. « Vous ne pou­vez être contre ces choses sans être contre l’op­pres­seur et le lyn­cheur. Vous ne pou­vez être anti-escla­vage et pro-escla­va­giste ; vous ne pou­vez être anti-crime et pro-cri­mi­nel. D’ailleurs, Mr Muham­mad explique que si l’ac­tuelle géné­ra­tion de blancs étu­diait sa propre race à la lumière de la véri­table his­toire, ils seraient eux-mêmes anti-blancs. »

Mal­colm a dit un jour, que s’il avait été un noir de la classe moyenne, encou­ra­gé à aller en école de droit, plu­tôt qu’un pauvre enfant en foyer, aban­don­nant l’école à 15 ans, « Je ferais aujourd’­hui pro­ba­ble­ment par­tie de la bour­geoi­sie noire de quelque ville, siro­tant des cock­tails en me van­tant d’être moi-même un porte-parole et un lea­der des masses noires souf­frantes, alors que ma pré­oc­cu­pa­tion majeure serait de ramas­ser quelques miettes d’un conseil de faux-culs blancs aca­riâtres que j’au­rais sup­plié pour mon « intégration ».

La famille de Mal­colm, pauvre et en dif­fi­cul­té, fut bru­ta­le­ment déchi­rée par des agences d’é­tat selon un sché­ma inchan­gé aujourd’­hui. Les tri­bu­naux, une édu­ca­tion médiocre, un appar­te­ment insa­lubre, la peur, l’hu­mi­lia­tion, le déses­poir, la pau­vre­té, l’a­vi­di­té des ban­quiers, les employeurs abu­sifs, la police, les pri­sons, les agents de pro­ba­tion, rem­plirent leur fonc­tion comme ils le font encore aujourd’­hui. Mal­colm voyait l’in­té­gra­tion raciale comme un jeu poli­tique sté­rile, éla­bo­ré par une classe moyenne noire anxieuse de vendre son âme pour par­ti­ci­per elle aus­si à l’empire et au capi­ta­lisme. « L’homme qui jette des vers dans la rivière », disait Mal­colm, « n’est pas néces­sai­re­ment l’a­mi des pois­sons. Tous les pois­sons qui le prennent pour un ami, qui ne pensent pas que les vers soient hame­çon­nés, finissent géné­ra­le­ment dans une poêle à frire ». […]

« Mar­tin [Luther King Jr.] n’a pas eu le feu révo­lu­tion­naire que Mal­colm avait, avant la toute fin de sa vie », explique Cor­nel West dans son livre coécrit avec Chris­ta Buschen­dorf, « le feu noir pro­phé­tique ». « Et par feu révo­lu­tion­naire j’en­tends la com­pré­hen­sion du sys­tème dans lequel nous vivons, le sys­tème capi­ta­liste, les ten­ta­cules impé­ria­listes, l’empire Amé­ri­cain, le mépris pour la vie, la volon­té de vio­ler la loi, qu’elle soit inter­na­tio­nale ou domes­tique. Mal­colm avait com­pris ça dès le départ, et cela a frap­pé Mar­tin si fort qu’il est deve­nu révo­lu­tion­naire à sa propre façon, selon sa morale, plus tard dans sa courte vie, tan­dis que Mal­colm a eu ce feu révo­lu­tion­naire très tôt dans sa vie ».

Il y a trois excel­lents livres sur Mal­colm X : « L’au­to­bio­gra­phie de Mal­colm X : racon­té à Alex Haley », « La mort de Mal­colm X » par Peter Gold­man et « Mar­tin & Mal­colm & L’A­mé­rique : Un rêve ou un cau­che­mar » de James H. Cone

J’ai ren­con­tré Gold­man — qui, en tant que repor­ter pour un jour­nal de St Louis et plus tard pour News­week a ren­con­tré et écrit sur Mal­colm —  ce ven­dre­di, dans un café de New York. Gold­man fai­sait par­tie d’un cercle res­treint de repor­ters que Mal­colm res­pec­tait, et dont fai­saient par­tie Charles Sil­ber­man de « For­tune » et M.S. « Mike » Hand­ler du New York Times, dont Mal­colm a un jour dit qu’il n’a­vait « aucun des pré­ju­gés habi­tuels ou des sen­si­ble­ries vis à vis des noirs ».

Gold­man et sa femme, Helen Dudar, qui était aus­si repor­ter, ont ren­con­tré Mal­colm pour la pre­mière fois en 1962 au Sha­bazz Fros­ti Kreem, un snack-bar de musul­mans noirs du ghet­to nord de St. Louis. Lors de cette entre­vue, Mal­colm ver­sa un peu de crème dans son café. « Le café est la seule chose dont je sois content de l’in­té­gra­tion », com­men­ta-t-il. Il conti­nua : « Le négro moyen ne laisse même pas un autre négro savoir ce qu’il pense, il est si méfiant. C’est un acro­bate. Il y a été for­cé pour sur­vivre dans cette civi­li­sa­tion. Mais parce que je suis musul­man, bien que je sois noir d’a­bord — ma sym­pa­thie est noire, mon allé­geance est noire, tous mes objec­tifs sont noirs. Parce que je suis un musul­man, je ne suis pas inté­res­sé par être amé­ri­cain, parce que l’A­mé­rique ne s’est jamais inté­res­sée à moi’.

Il dit à Gold­man et Dudar : « Nous ne haïs­sons pas. L’homme blanc a un com­plexe de culpa­bi­li­té — il sait qu’il a com­mis quelque chose de mal. Il sait que s’il avait subi de nos mains ce que nous avons subi des siennes, il nous haï­rait ». Quand Gold­man dit à Mal­colm qu’il croyait en une socié­té où les races n’im­por­te­raient pas, Mal­colm répon­dit rapi­de­ment : « Vous rai­son­nez en terme de fan­tai­sie. Il faut rai­son­ner avec des faits ».

Gold­man se sou­vient, « il était le mes­sa­ger nous appor­tant la mau­vaise nou­velle, celle que per­sonne ne vou­lait entendre ». Mal­gré la « mau­vaise nou­velle » dès cette pre­mière ren­contre, Gold­man allait le ren­con­trer plu­sieurs fois pour d’autres inter­views, des inter­views qui duraient sou­vent 2 ou 3 heures. L’é­cri­vain rend aujourd’­hui hom­mage à Mal­colm pour sa « ré-éducation ».

Gold­man fut dès le début frap­pé par la cour­toi­sie indé­fec­tible de Mal­colm, son éblouis­sant sou­rire, sa pro­bi­té morale, son cou­rage, et , éton­nam­ment, sa dou­ceur. Gold­man rap­pelle le jour ou le psy­cho­logue et écri­vain Ken­neth B. Clark et sa femme escor­tèrent un groupe d’é­tu­diants de lycée, des blancs pour la plu­part, pour voir Mal­colm. Ils arri­vèrent et l’a­per­çurent entou­ré de repor­ters. Ms. Clark, pen­sant que le mee­ting avec les repor­ters était plus impor­tant, dit à Mal­colm que les ado­les­cents atten­draient. « L’im­por­tant ce sont ces enfants », dit Mal­colm à Mrs Clark en appe­lant les étu­diants à lui. « Il ne voyait pas de dif­fé­rence entre les enfants blancs et les enfants », écrit Gold­man dans son livre, en rap­por­tant les pro­pos de Ken­neth Clark.

James Bald­win lui aus­si, a écrit sur la pro­fonde sen­si­bi­li­té de Mal­colm. Mal­colm et lui par­ti­ci­paient à une émis­sion de radio en 1961 avec un jeune acti­viste du mou­ve­ment des droits civiques qui reve­nait du Sud. « Si tu es un citoyen amé­ri­cain », rap­porte Bald­win en se remé­mo­rant une ques­tion de Mal­colm au jeune homme, « pour­quoi dois-tu te battre pour tes droits de citoyen ? Être un citoyen c’est avoir les droits d’un citoyen. Si tu n’as pas les droits d’un citoyen, alors tu n’es pas citoyen ». « ça n’est pas aus­si simple que ça », répon­dit le jeune homme. « Pour­quoi donc ? » deman­da Malcolm.

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Lors du mou­ve­ment des droits civiques des années 60 aux USA

Durant cet échange, écrit Bald­win, « Mal­colm com­prit cet enfant et lui par­la comme s’il par­lait à un jeune frère, avec une atten­tion bien­veillante. Ce qui m’a le plus mar­qué c’est qu’il n’es­sayait pas de per­sua­der l’en­fant : il vou­lait le pous­ser à réflé­chir… Je n’ou­blie­rai jamais Mal­colm et cet enfant face à face, et l’ex­tra­or­di­naire dou­ceur de Mal­colm. Et c’est ça la véri­té sur Mal­colm : il était l’une des per­sonnes les plus douces que j’aie jamais rencontrées. »

« L’une des répliques pré­fé­rées de Mal­colm était « Je suis l’homme que tu penses être », me dit Gold­man. « Ce qu’il enten­dant par ça, c’é­tait, si tu me frappes, je te frap­pe­rai en retour. Mais après avoir fait plus ample connais­sance avec lui j’en suis venu à pen­ser que cela signi­fiait aus­si, si tu me res­pectes je te res­pec­te­rai en retour ».

Cone sou­ligne ce point dans « Mar­tin & Mal­colm & L’Amérique » :

Mal­colm X est le meilleur remède contre tout géno­cide. Il nous a mon­tré par l’exemple et en prê­chant pro­phé­ti­que­ment que per­sonne n’est obli­gé de res­ter dans la boue. Il est pos­sible de se réveiller ; il est pos­sible de se rele­ver, et d’en­ta­mer la longue marche pour la liber­té. La liber­té est avant tout et sur­tout une recon­nais­sance inté­rieure, un res­pect de soi, c’est com­prendre que per­sonne n’a été mis sur terre pour être quel­conque. Les drogues et la vio­lence sont les pires formes d’auto-dépréciation. Nos ancêtres ont lut­té alors que l’es­poir était mince (esclavage, lyn­chage, ségré­ga­tion), mais ils ne se sont pas auto-détruits. Cer­tains sont morts en se bat­tant, d’autres, ins­pi­rés par ces exemples, ont conti­nué à pro­gresser vers cette terre pro­mise qu’est la liber­té, en chan­tant « nous ne lais­se­rons per­sonne nous détour­ner ». Les afro-amé­ri­cains peuvent faire la même choses aujourd’­hui. Nous pou­vons nous battre pour la digni­té et le res­pect de soi. Être fier d’être noir ne signi­fie pas être contre les blancs à moins que les blancs soient contre le res­pect de l’humanité des noirs. Mal­colm n’a­vait rien contre les blancs ; il était pour les noirs et contre leur exploitation.

Gold­man déplore la dis­pa­ri­tion de voix comme celle de Mal­colm, ces voix impré­gnées d’une com­pré­hen­sion des véri­tés his­to­riques et cultu­relles et dotées du cou­rage de les expri­mer en public.

« Nous ne lisons plus » dis Gold­man. « Nous n’ap­pre­nons plus désor­mais. L’his­toire dis­pa­raît. Les gens parlent de vivre dans l’ins­tant comme si c’é­tait une ver­tu. C’est un hor­rible vice. Entre la Twit­to­sphère et les chaines d’in­fos en conti­nu 24h/24 notre his­toire dis­pa­rait. L’his­toire devient quelque chose d’en­nuyeux que l’on doit endu­rer au lycée, puis dont nous sommes débar­ras­sés. Ensuite vous allez à l’u­ni­ver­si­té, vous étu­diez la finance, la comp­ta­bi­li­té, le busi­ness, le mana­ge­ment ou la science infor­ma­tique. Il reste bien peu de spé­cia­li­sa­tion en arts pro­gres­sistes. Et cela a effa­cé notre his­toire. La per­son­na­li­té la plus connue des années 60 est, bien enten­du, Mar­tin Luther King. Mais ce que la majo­ri­té des amé­ri­cains connait de MLK c’est qu’il a fait un dis­cours où il a dit « J’ai fait un rêve » et qu’il a son nom atta­ché à un jour férié. »

Mal­colm, comme MLK, com­prirent le prix à payer pour être un pro­phète. Les deux hommes payèrent ce prix au quotidien.

Mal­colm, comme l’é­crit Gold­man, ren­con­tra le repor­ter Claude Lewis un peu avant son assas­si­nat le 21 février 1965. Il avait déjà fait face à plu­sieurs ten­ta­tives d’assassinat.

« Nous vivons une ère d’hy­po­cri­sie », dit-il à Lewis. « Quand les blancs pré­tendent vou­loir que les nègres soient libres, et que les nègres pré­tendent croire les blancs quand ils disent vou­loir qu’ils soient libres, c’est une ère d’hy­po­cri­sie, frère. Tu me mens et je te mens. Tu pré­tends être mon frère, et je pré­tends croire que tu crois être mon frère »

Il dit à Lewis qu’il ne vivrait pas vieux. « Si vous lisez, vous vous ren­dez compte que peu nom­breux sont ceux qui, pen­sant comme je pense, vivent assez long­temps pour com­men­cer à vieillir. Quand je dis par tous les moyens néces­saires, j’y crois de tout cœur, corps et âme. Un homme noir devrait don­ner sa vie pour être libre, et il devrait aus­si être capable, être prêt à ôter la vie de celui qui veut la lui prendre. Quand vous pen­sez ain­si, vous ne vivez pas longtemps ».

Lewis lui deman­da com­ment il sou­hai­tait qu’on se sou­vienne de lui. « Sin­cère », répon­dit Mal­colm. « Dans tout ce que j’ai fait ou dit. Même si j’ai com­mis des erreurs, ce fut en toute sin­cé­ri­té. Si je me trompe, je me trompe sin­cè­re­ment. Je pense que la meilleure chose que l’on puisse être, c’est être sincère ».

« Le prix de la liber­té », décla­ra Mal­colm peu avant sa mort, « est la mort ».

Chris Hedges


Tra­duc­tion : Nico­las CASAUX

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