N.B. : Dans l’article qui suit, lorsque nous parlons des « Colibris », nous faisons référence aux figures médiatisées, à ceux qui sont mis en avant dans l’appel, à ceux qui dirigent ce mouvement, pas aux militant-e‑s, évidemment. La distinction est importante.
Le 31 janvier 2017, le journal Le Monde, le principal quotidien français, appartenant au trio capitaliste Bergé-Niel-Pigasse, relayait « l’appel du monde de demain ». Un appel rédigé par les principales éco-célébrités françaises, à la mode dans les cercles bourgeois de la capitale, car politiquement correctes et ne menaçant pas le moins du monde l’ordre établi (Nicolas Hulot, Pierre Rabhi, Cyril Dion, Tryo, Zaz, Marion Cotillard, Matthieu Chedid, Alain Souchon, etc.). Examinons-le.
Pas la peine de revenir sur le premier paragraphe, qui est de loin le plus honnête. La situation écologique relève effectivement de la catastrophe. En cours.
Le deuxième paragraphe présente brièvement, et de manière subreptice, un des points les plus importants de l’appel, en à peine quelques mots : leur soutien au déploiement des énergies dites « renouvelables ». La production d’énergie étant le socle sur lequel repose la société dont ils font la promotion, et le socle sur lequel nos sociétés industrielles reposent. Mais le développement massif de centrales solaires, de parcs éoliens, de centrales à biomasse, de barrages hydroélectriques, afin de « produire de l’énergie renouvelable en abondance » est une nuisance de plus pour les « animaux sauvages », « les forêts », et les « milliers d’espèces » dont ils s’inquiètent dans le premier paragraphe.
Bien évidemment, les énergies sales (par opposition aux soi-disant énergies « propres ») que sont les combustibles fossiles et le nucléaire sont autant de catastrophes écologiques. Cependant, les énergies soi-disant « renouvelables » en étant dépendantes, et ce pour encore un certain temps, et ne les remplaçant pas, mais s’y ajoutant, nous ne faisons ici que souligner l’absurdité qui consiste à les présenter comme une solution. Parce qu’en fin de compte, ce qui peut être observé par tout un chacun à l’aide d’une connexion internet et d’un moteur de recherche, ou simplement en observant ce qui se passe dehors, c’est qu’après des années de développement des énergies renouvelables (les premières installations de centrales solaires industrielles datent des années 1970) rien n’a changé. Que celles-ci ne viennent pas du tout remplacer le pétrole, le charbon et le nucléaire, qui continuent à se développer. (Pour une critique plus détaillée de ces nouvelles illusions vertes, suivez ce lien.)
Contrairement à la confusion volontaire ou involontaire des auteurs de « l’appel du monde de demain », qui passent tranquillement sous silence la réalité des classes sociales, les activistes en première ligne des conflits écologiques comprennent les enjeux de l’époque et le fonctionnement de l’échiquier politico-économique. Ils comprennent que nos sociétés industrielles sont fragmentées en différents groupes sociaux aux intérêts contradictoires. Ils comprennent qu’il est absurde et dangereux de faire croire au peuple qu’il lutte main dans la main avec ses dirigeants, avec les élites qui le gouvernent, et qui l’exploitent.

Les vrais héros du mouvement écologiste, dont on parle peu, parce que les médias de masse les ignorent volontiers, ceux qui risquent gros, en perturbant l’activité des corporations multinationales qui détruisent la planète et asservissent les êtres humains, et qui, par-là même, les désignent et les exposent à juste titre pour les ennemis qu’elles sont, ont un autre appel à diffuser. Contrairement aux auteurs de « l’appel du monde de demain », ils ne s’expriment pas depuis le piédestal du privilège et de la célébrité. Ils nous disent que les actions directes orientées contre les pratiques nuisibles pour le monde naturel, comme le sabotage ou l’arrêt de pipelines, comme les occupations, les blocages et les grèves, font partie de nos dernières et de nos meilleures armes.
On entend rarement leurs noms, citons Ken Ward aux Etats-Unis, qui risque 30 ans de prison pour avoir fermé une valve d’un pipeline pétrolier, à l’instar d’Emily Johnston, et qui a récemment déclaré qu’il « ne restait plus que l’action radicale pour défendre la planète » ; Jean Léger, au Canada, qui fermé une valve et s’est cadenassé au pipeline 9B d’Enbridge, et des milliers d’autres, au Canada et aux États-Unis, en Amérique centrale, en Amérique latine, en Europe, en Afrique, en Asie, et ailleurs. Comme ces villageois en Thaïlande qui sont parvenus, à coup d’occupations et de blocages, à faire annuler la construction de centrales à charbon et de voies ferrées qui menaçait de détruire l’environnement. Leurs noms importent peu, eux se fichent de la starification et de la culture de la célébrité. Les actions directes (violentes ou non violentes) qu’ils entreprennent sont, par définition, les tactiques les plus efficaces pour s’opposer à l’industrialisme imposé par les corporations multinationales. En France, les différentes ZAD en sont un bon exemple.
Bien sûr, celles-ci n’excluent pas les manifestations, les recours en justice, les pétitions ou même le vote. Elles n’excluent pas non plus les actions communautaires locales, l’éducation populaire, et ainsi de suite. Elles s’y ajoutent. Étant donné la gravité et l’urgence de la situation, nous avons besoin de tout ce qui va dans la bonne direction.
Tandis que l’appel des éco-capitalistes a pour effet de nier les luttes sociales. En insinuant que nous avons tous ou devrions avoir les mêmes intérêts, il joue le jeu de ceux au pouvoir. Bien sûr, techniquement, les êtres humains devraient se regrouper derrière l’intérêt commun de la préservation de la planète. Mais dans les faits, ce n’est pas le cas. Comme l’écrivait Jacques Ellul :
« Je voudrais rappeler une thèse qui est bien ancienne, mais qui est toujours oubliée et qu’il faut rénover sans cesse, c’est que l’organisation industrielle, comme la « post-industrielle », comme la société technicienne ou informatisée, ne sont pas des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à produire du profit. Exclusivement. Tout le reste est prétexte, moyen et justification. »
Les classes dirigeantes sont intrinsèquement imperméables à ce genre d’appel. Elles continuent aujourd’hui plus que jamais à exploiter les êtres vivants et le monde naturel. Dissoudre ces réalités dans un discours mielleux qui n’incite absolument pas à entreprendre quoi que ce soit à leur encontre — qui ne soit autorisé ou encouragé par les institutions officielles de pouvoir — revient à se ranger du côté du pouvoir.
Même Fabrice Nicolino, qui défend pourtant régulièrement ses amis Colibris Cyril Dion et Pierre Rabhi, le reconnaissait dans son livre Qui a tué l’écologie ?, publié en 2011, sachant que ses considérations se basaient sur l’état des choses d’alors, et que depuis, tout a empiré :
« Sauver la planète, cela va bien si l’on mène le combat depuis les confortables arènes parisiennes. Mais affronter le système industriel, mené par une oligarchie plus insolente de ses privilèges qu’aucune autre du passé, c’est une autre affaire. Il faudrait nommer l’adversaire, qui est souvent un ennemi. Rappeler cette évidence que la société mondiale est stratifiée en classes sociales aux intérêts évidemment contradictoires. Assumer la perspective de l’affrontement. Admettre qu’aucun changement radical n’a jamais réussi par la discussion et la persuasion. Reconnaître la nécessité de combats immédiats et sans retenue. Par exemple, et pour ne prendre que notre petit pays, empêcher à toute force la construction de l’aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes, pourchasser sans relâche les promoteurs criminels des dits biocarburants, dénoncer dès maintenant la perspective d’une exploitation massive des gaz de schistes, qui sera probablement la grande bataille des prochaines années.
[…] Il faudrait enfin savoir ce que nous sommes prêts à risquer personnellement pour enrayer la machine infernale. Et poser sans frémir la question du danger, de la prison, du sacrifice. Car nous en sommes là, n’en déplaise aux Bisounours qui voudraient tellement que tout le monde s’embrasse à la manière de Folleville.
Au lieu de quoi la grandiose perspective de remettre le monde sur ses pieds se limite à trier ses ordures et éteindre la lumière derrière soi. Les plus courageux iront jusqu’à envoyer un message électronique de protestation et faire du vélo trois fois par semaine, se nourrissant bien entendu de produits bio. J’ai l’air de me moquer, mais pas de ceux qui croient agir pour le bien public. J’attaque en fait cette immense coalition du « développement durable » qui a intérêt à faire croire à des fadaises. Car ce ne sont que de terribles illusions. Il est grave, il est même criminel d’entraîner des millions de citoyens inquiets dans des voies sans issue.
Non, il n’est pas vrai qu’acheter des lampes à basse consommation changera quoi que ce soit à l’état écologique du monde. La machine broie et digère tous ces gestes hélas dérisoires, et continue sa route. Pis, cela donne bonne conscience. Les plus roublards, comme au temps des indulgences catholiques, voyagent en avion d’un bout à l’autre de la terre autant qu’ils le souhaitent, mais compensent leur émission de carbone en payant trois francs six sous censés servir à planter quelques arbres ailleurs, loin des yeux. On ne fait pas de barrage contre l’océan Pacifique, non plus qu’on ne videra jamais la mer avec une cuiller à café. Les dimensions du drame exigent de tout autres mesures. Et il y a pire que de ne rien faire, qui est de faire semblant. Qui est de s’estimer quitte, d’atteindre à la bonne conscience, et de croire qu’on est sur la bonne voie, alors qu’on avance en aveugle vers le mur du fond de l’impasse. […] »
Tout au long de l’appel, ses auteurs exposent une analyse erronée, ou plutôt une absence d’analyse, du constat qu’ils dénoncent. Ils ne remettent absolument pas en question la société industrielle, l’organisation sociale dominante, ils se contentent de fantasmer une société industrielle basée sur des industries « vertes ».

Le langage utilisé est également assez révélateur. Les termes utilisés correspondent à un langage corporatiste, qui plaît aux économistes et aux capitalistes (verts ou pas), aux puissants et aux riches : investissement, entreprendre, développement, élus, entrepreneurs, salariés, fonctionnaires, projets, transition, ressources.
Il est absurde de prétendre se soucier des animaux non humains et du monde naturel en général tout en encourageant le développement de nouvelles industries (« vertes »), qui sont autant de nouvelles nuisances. Ces industries vertes qui servent à maintenir un certain niveau de confort pour les humains uniquement. Et plus largement à perpétuer la société industrielle dans son ensemble, et son développement, qui constitue par définition un saccage écologique.
Le dernier paragraphe conseill toutes les niaiseries habituelles (réfléchir, limiter son impact écologique individuel, soutenir des candidats politiques, voter, manifester et rêver). Le plus grotesque, c’est que cet appel (et c’est la raison pour laquelle il est relayé par des grands médias capitalistes), qui commence par un constat à peu près lucide sur la catastrophe écologique en cours, qu’il affirme ensuite vouloir résoudre, ne présente strictement aucune analyse de ce qui pose problème, de ce qui fait que nous en sommes rendus au point de catastrophe écologique mondial qu’ils reconnaissent pourtant. Par souci d’éviter tout ce qui pourrait sembler négatif, ils font l’impasse sur la critique. On n’y trouve aucune mention des coercitions et des exploitations qui sont à l’origine de tous nos problèmes. Aucune mention non plus, ni aucune critique, de l’impératif de croissance, qui garantit à lui seul le caractère complètement insoutenable de la société industrielle. Si l’on considère la Terre comme un organisme vivant, et les pollutions écologiques comme les symptômes d’une maladie qui l’affecte, alors la raison devrait nous amener à établir un diagnostic, afin d’en déterminer l’origine. Une fois le diagnostic posé, et les problèmes identifiés, il serait alors possible de supprimer les causes de la maladie, comme l’aurait conseillé Hippocrate : « Si quelqu’un désire la santé, il faut d’abord lui demander s’il est prêt à supprimer les causes de sa maladie. Alors seulement il est possible de l’éliminer ».
Cette phrase d’Hippocrate est cruciale pour le raisonnement qu’elle expose. Le remède consiste à supprimer les causes de la maladie, et non à investir dans le problème, ni à tenter de l’aménager de diverses manières. La médecine que nous proposent les auteurs de l’appel n’est rien d’autre que du charlatanisme. Sans mentionner aucun renoncement à aucune pratique, à aucune industrie, ils prétendent que nous pouvons « nettoyer les océans, replanter les forêts, produire une nourriture saine pour tous, en régénérant les sols et les écosystèmes ». Eh bien non. Nous ne pouvons pas. Pas tant qu’un semblant de société industrielle perdure. Nous ne réparerons rien tant qu’existe la société de production d’objets superflus en tous genres, électro-métallo-plastiques, qui transforme la planète en une décharge géante. Et étant donné qu’elle en est encore en plein étalement et en pleine croissance, le début des réparations n’est pas pour « demain ».
Au final, cet appel est une aubaine pour les industriels, qui doivent se réjouir à la vue de ces éco-célébrités servant la soupe aux citoyens anxieux de l’état actuel du monde, et de son futur. Une aubaine parce qu’il n’évoque aucun renoncement, parce qu’il ne s’attaque pas au principe le plus nocif de la culture dominante, qui est son impératif de croissance, son caractère expansionniste, et parce qu’il prône au contraire de nouveaux développements. Il s’agit d’un manifeste en faveur du capitalisme vert.
La culpabilisation finale et la fausse solution qui consiste à inciter les gens à « limiter » leur « impact sur la planète et les êtres humains » est éloquente. Auchan n’a pas à s’inquiéter du développement de son désastre antiécologique qu’est Europacity. Les 90 corporations responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre sont-elles menacées par cet appel ? Pas le moins du monde. Les riches, dont l’impact écologique est incomparablement supérieur à celui des pauvres, n’ont pas de souci à se faire. Leurs privilèges ne sont pas menacés. Ils peuvent continuer à gâcher l’eau du monde en jouant au golf (on en dénombre plus de 700 en France, qui consomment autant d’eau que des millions d’individus) ; à se pavaner en yacht et à se rendre en jet privé à Dubaï, puis au Rwanda pour y faire du shopping, comme le nouveau gourou officiel de l’écologie, Leonardo DiCaprio (mais tout en prônant la sobriété écologique pour les autres, bien évidemment, et en compensant ses émissions de carbone grâce à des mécanismes financiers qui permettent aux riches de polluer moyennant quelques frais). N’oubliez pas de bien fermer le robinet lorsque vous vous lavez les dents. On compte sur vous. Si vous ne le faites pas, la planète sera détruite. Ce sera de votre faute, et pas de celle de Total, de BP ou d’ExxonMobil, ou de DiCaprio et de ses voyages en jets.
Mais si vous le faites, nous serons tous sauvés. Ou pas.
A l’instar du film « Demain », cet appel sera sûrement très partagé, comme tout ce qui alimente la soif anxieuse et grandissante de bonnes nouvelles, de rassurances, et d’espoir. Cet espoir qui sert d’anxiolytique de masse, et qui permet de maintenir l’ordre, et la paix, ou plutôt la léthargie sociale, afin que les gens continuent à acheter, à travailler, à croire que nous allons collectivement nous en sortir à l’aide de bouts de ficelles, à croire que les structures sociales qui nous ont menées là où nous en sommes rendus vont également nous en sortir. À croire que les corporations vont, d’une manière ou d’une autre, faire ce pourquoi elles n’ont pas été conçues ; qu’une culture profondément toxique peut, moyennant quelques éco-gestes et autres éco-réformes, se changer en une idylle verdoyante.
Plus nous nous rapprochons de la catastrophe, plus les choses empirent, et plus le langage des rassurances mensongères diffusées par les médias de masse est excentrique. Ils promettent désormais un nouvel âge de « l’abondance », tandis que notre situation collective empire chaque jour qui passe. « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle haïra ceux qui disent la vérité », comme l’a écrit George Orwell.
Terminons en revenant sur un malentendu important. Il n’y a pas de « guerres de chapelles », ainsi que le laissait entendre un article récemment publié sur Reporterre. Il y a des partisans du capitalisme vert qui se font passer pour des « écologistes », et il y a l’écologie, celle qui consiste à défendre le monde naturel, les humains et les non-humains, les forêts, les rivières, les fleuves, les prairies, les collines, les montagnes et les îles. Cette écologie ne fait certainement pas partie de l’Église du capitalisme vert. Les nouveaux apôtres de la religion du développement durable participent, en disant cela, à semer la confusion. Clarifions. Un véritable mouvement de défense du vivant doit être anticapitaliste et décroissant. Pour la simple raison que le capitalisme et le principe de croissance sont antiécologiques. Il doit fondamentalement s’opposer à toutes les formes d’exploitations et de coercitions, et par conséquent militer en faveur des low-tech (des basses technologies). Il ne doit pas les ignorer et feindre une union totalement irréelle et contre-productive de toutes et de tous. La pensée magique et la complaisance envers l’ennemi n’ont pas leur place dans un mouvement de résistance sérieux. Le capitalisme vert n’est pas de l’écologie.
P.S. : Pour ceux qui ne comprennent pas bien ou doutent encore du fait que les Colibris font la promotion du capitalisme vert, soulignons le cas d’Isabelle Delannoy, mentionnée dans l’article ci-dessus dans le cadre des deux premières photos d’illustrations, amie proche de Cyril Dion dont le travail est au cœur des propositions qu’il avance. Isabelle Delannoy est une championne de longue date de la croissance verte et du développement durable. Dans un article intitulé « Municipales 2008 : l’industrie environnementale [sic], un plan pour libérer la croissance », elle écrivait, usant d’un langage corporatiste, des choses comme « L’environnement, des taux de croissance à deux chiffres », assimilant l’environnement à la croissance des industries liés au développement durable. L’environnement, dans le même temps, le vrai, le monde naturel, connait inversement des taux de décroissance à deux chiffres (50% de vertébrés sauvages tués en moins de 40 ans, par exemple). Dans une interview pour femininbio (du sérieux, donc), elle se charge d’ailleurs d’attaquer la décroissance (en répondant à la question « Pourquoi la décroissance n’est-elle pas la solution ? »), et de rappeler que « le problème n’est pas la croissance ». Signalons également qu’elle présente l’économie symbiotique dont Cyril Dion compte aussi faire la promotion (ils écrivent un livre ensemble sur le sujet) comme une « économie de la croissance ». Son « audition » du 13 juin 2013, une présentation de l’économie symbiotique devant la commission Innovation 2030 mise en place par l’Elysée, est révélatrice. Cyril Dion lui-même, dans une interview pour Reporterre, expliquait que « ça n’a pas de sens de parler de décroissance », entre autres parce que « c’est un mot repoussoir pour les gens ». Et qu’il faut plaire aux gens, faute de quoi votre message n’est pas relayé par les médias de masse et pas subventionné.
Collectif Le Partage
Je partage avec vous, cher DGR, l’avis que les « représentants » médiatisés de Colibris, dans cet appel et peut-être dans leur communication en général, n’expriment pas assez clairement que la civilisation industrielle n’est pas soutenable, faisant ainsi, volontairement ou non (je ne suis pas en mesure d’en juger), la promotion du « capitalisme vert » et je regrette le choix de certains de ces représentants et de cette forme de communication (utiliser des gens connus) qui met l’accent sur la volonté d’être entendu et qui ne correspond pas à la réalité du fonctionnement de Colibris, telle que je la vis.
Je déplore que vous vous contentiez d’opérer la distinction uniquement en début d’article entre ces représentants et les Colibris eux-mêmes car bien évidemment le lecteur qui lira ensuite tout au long de l’article que les Colibris ceci, les Colibris cela ne fera plus cette distinction. C’est humain.
Je retrouve dans cet article ce qui ne me convient pas dans votre façon d’aborder les choses : une radicalité qui découle de, et qui mène à, la dualité, la binarité. En cela vous perpétuez un mode de fonctionnement qui alimente justement à ce que vous dénoncez. Quand vous mettez l’accent uniquement sur ce qui n’est pas satisfaisant, vous divisez, comme le fait justement remarquer Maud Sampieri (sur fb). Un exemple : concernant Kaizen vous vous focalisez sur l’expression « 100 % positif » alors que l’essentiel est dans le sous-titre « construire un autre monde… pas à pas ».
Les Colibris sont des êtres humains, en chemin. Ils partagent la croyance que le changement de la société ne peut venir que de la transformation intérieure, car la société c’est chacun d’entre nous. Et cela prend du temps et demande de la bienveillance, envers soi-même et envers les autres, car nous sommes tous reliés.
« La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la graine. » Gandhi
Soyons brefs. Nous vivons une guerre. Littéralement. Dans une guerre il n’y a pas 38 camps. Dans la vie, certaines choses sont de caractère binaire, comme une guerre. Dénigrer une critique parce qu’elle serait binaire ne suffit pas. Les Colibris (la tête), et leurs préconisations principales, leur message médiatisé, selon notre analyse, pèsent du mauvais côté de la balance. La fin n’est pas dans les moyens, c’est encore un simplisme (et nous ne sommes pas particulièrement fans de Gandhi), pour comprendre ce que j’entends par là, je vous invite à lire cet article : https://partage-le.com/2015/12/le-pacifisme-comme-pathologie-par-derrick-jensen/
Merci pour votre brève réponse. J’avais déjà lu l’article que vous mentionnez et j’y avais laissé un commentaire, qui n’est manifestement pas parvenu jusqu’à vous, dans lequel j’exprime pourquoi certains propos qui y figurent me posent question et motivent mon commentaire ainsi que ma divergence avec votre position radicale : je ne suis pas du tout d’accord avec la « Seizième prémisse : Le monde matériel est primordial. ». Je vais re — « poster » mon commentaire sur la page en question.
Après réflexion, j’ai besoin de rajouter quelques remarques.
L’être humain et l’univers sont complexes, la vie est complexe et réduire ce que nous vivons à une guerre contre le capitalisme est un choix qui construit votre réalité, pas la mienne.
Il n’y a pas de tête à Colibris, l’association fonctionne selon les principes de la sociocratie et Isabelle Delannoy, à ma connaissance, ne fait pas partie de l’équipe Colibris.
Quand vous lisez dans l’appel : « produire de l’énergie renouvelable en abondance sans détruire les écosystèmes, réduire drastiquement notre consommation, trouver les moyens de fabriquer les objets de demain avec les déchets d’aujourd’hui, inventer les moyens les plus simples et les plus sains de vivre sur cette petite planète sans en épuiser les ressources ou en perturber les équilibres… Le chemin ne sera ni court ni facile. Nous aurons besoin de remporter des luttes démocratiques,… », vous considérez que c’est soutenir la capitalisme vert ?
De même dans l’éthique du Colibri, les valeurs énoncées sont sans équivoque même si les mots anticapitaliste et décroissant n’y figurent pas (https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement/nos-valeurs/lethique-colibri). Quand on lit ce document, on comprend également que Colibris ne soutient pas le capitalisme vert.
Voilà pourquoi je me permets de critiquer votre analyse sans nuances et faisant des raccourcis qui conduisent à dénigrer le tout et je trouve ça dommage parce que nous sommes, de mon point de vue, dans le même camp.
Attention quand vous parlez de la transformation de la société.
La société, aujourd’hui, c’est le monde. Le monde veut du progrès, le monde ne veut pas se tenir les mains dans un stade en pensant que si on se transforme intérieurement, ça peut encore passer.
Il n’y a que les riches qui veulent vivre comme des pauvres. Les pauvres, ils veulent vivre comme nous, les riches. Les pauvres, ils sont bien plus nombreux que nous.
Pendant que les riches ne font rien, ou font semblant de peindre en vert le monde pour qu’il ait l’air moins déprimant, RIEN ne se fait du côté des coupables. Et ceux qui savent et qui ne disent rien, ou qui ne dénoncent personne, ils sont complices. Je peux comprendre la timidité, et la crainte de représailles. Mais alors quand on ne fait rien par parce qu’on a peur, c’est qu’on sait que c’est binaire. Si on agit, il va y avoir une conséquence. Si on dénonce, il va y avoir une conséquence. Quand les Colibris oseront dénoncer des choses, vous verrez qu’ils perdront tout leur réseau de médias, et seront frustrés, et ils comprendront que soit on est pris pour des cons parce qu’on est gentil, soit on doit se satisfaire des moyens qu’on a. Essayer d’inventer une 3eme voie, qui serait celle du changement du monde sans que personne ne s’en rende compte, c’est d’une naïveté affligeante. Les bourgeois se protégeront, et comme pour toutes les guerres dans lesquels ils ont défendu leurs privilèges, ils useront de la force, du mensonge, de la manipulation, des médias qui leurs appartiennent, etc… Et ceux qui sont encore dans le déni dénonceront ceux qui se battent pour eux. Un bourgeois ne se demande pas si ça va mal ou pas, il regarde son compte en banque et il sait si ça va mieux pour lui depuis hier ou non. Simple soustraction. Le reste, pour eux, ce sont des outils pour canaliser les peurs et la colère de ceux qu’ils exploitent. Quand les Colibris proposent de canaliser tout ça sans qu’on le leur ait demandé, c’est joli, mais c’est un service qu’ils rendent à ceux qui sont le problème, et ça devient le soucis de ceux qui veulent s’occuper du problème.
Certes mais nous sommes dans une phase ou il faut agir vite du fait du changement climatique.
Le temps qu’un système capitaliste mondial change, n’est-il pas plus judicieux d’en utiliser les rouages et la cupidité de certains pour essayer de diminuer le réchauffement climatique ?
L’urgence est-elle dans le changement d’un système politique mondial qui peut prendre des siècles et reste aléatoire… On n’établit pas une dictature pour sauver une révolution, on fait une révolution pour établir une dictature. Orwell… alors même que l’urgence absolument prioritaire est de diminuer les émissions mondiales de CO2 avant 15 ans quitte à ce que ceux qui ont le pouvoir de le faire s’enrichissent ?
Clairement non. La capitalisme s’en fout complètement de ce a quoi il sert, tant qu’il peut se renforcer. Le capitalisme est amoral. Il ne sert à rien, si ce n’est accumuler de la richesse. Pourquoi ? Ceux qui en ont plus qu’ils n’en ont besoin ne saurait même pas vous le dire.
On ne piège pas le capitalisme en l’utilisant. Il n’en ressortira que plus fort.
Dans le capitalisme, la richesse est créée par l’exploitation. Soit d’une ressource, soit d’autrui.
Plus on est riche, et plus on a participé directement ou indirectement à cette exploitation. Pour exploiter, il faut de l’énergie (pour faire des machines, des armées, de la science…etc). Celui qui exploite le plus dépense donc plus d’énergie que les autres.
Ainsi on ne peut pas engraisser le capitalisme sans augmenter son utilisation d’énergie pour s’enrichir. Et donc au final, en pensant la combattre, vous la renforcez, et elle a pollué d’autant plus pour ca.
On peut tourner autour du pot longtemps, il n’y a pas d’autre solution que la décroissance, et l’acceptation que celle-ci va se faire dans la douleur, et qu’une grande partie de l’humanité va disparaitre dans le processus. On est comme des coyotes coincés parce qu’on avait plein de lapins à manger. Ya moins de lapin, on va décroitre. Sauf que nos lapins, c’est le pétrole, et qu’il n’y en de moins en moins, et sans énergie, on ne peut plus faire perdurer notre société. Donc elle s’écroulera. Les énergies renouvelables étant dépendantes du pétrole, seule la première génération durera, avant de disparaitre. Mettre notre argent dans des solutions qui durent 30 ans… c’est dommage.
Je ne pense pas qu’on puisse changer de model économique avant que ça s’écroule, cela dit.
Je crois qu’il faut simplement observer le spectacle, pleurer les pertes, et tenter de survivre, si vous trouvez une raison pour cela.
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que si l’homme survit, il est aussi confronté à l’extinction de masse qu’il a démarré, et qui pourrait terminer le travail, si ce n’est le réchauffement lui même. Et si on établit une nouvelle société, n’oubliez pas que tout ce qui peut être extrait sans machine sera désormais inexistant…
C’est noir, comme tableau, mais c’est le tableau. Même peint en vert, vous savez qu’il est noir.
Je ne suis pas sûr d’avoir vu Isabelle Delannoy dans la vidéo que vous mettez en lien
Bien vu, je croyais qu’elle y était à 1 min 45, mais vérification faite ce n’est pas elle. Mea Culpa, je modifie. Cela dit elle est un point clé du message des Colibris, pour le voir il suffit de lire ça : http://www.lemonde.fr/festival/article/2016/08/15/etre-plutot-qu-avoir_4982798_4415198.html
Colibris ? ? .… le dernier compte » complet « trouvé … page 9 et 10 … charges , salaires https://www.journal-officiel.gouv.fr/publications/assoccpt/pdf/2014/3112/494678857_31122014.pdf Mathieu Labonne « directeur » colibris .… s’occupe ferme du plessis / amma … page 9 .. 1M € sur dix comptes différents … chercher ce qu’est » intenseo » vous serez surpris ! 🙂 https://www.journal-officiel.gouv.fr/publications/assoccpt/pdf/2014/3112/449752591_31122014.pdf Et les écohameaux oasis , des doutes … sci , travaux par benevoles … capitalisme vert ? ?
Je suis en train de tenter d’écrire un essai sur la pulsion orale à l’oeuvre actuellement. Effectivement, les puissants qui gouvernent ce monde sont des psychopathes incapables de maîtriser, de mettre un frein à leurs pulsions. Nous assistons en fait à une sorte de retour du cannibalisme, et ce, de façon symbolique. C’est cette dimension qui est largement absente des discours. Voici pourquoi il conviendrait de ne plus jamais considérer les choses d’un point de vue manichéen, mais en fonction d’un point de vue psychopathologique.
La psychanalyse appliquée au champ sociale pourrait apporter des réponses adéquates. Mais les psychanalystes dans leur majorité ne sont intéressés que par les psychopathologies individuelles et n’arrivent pas à « penser » la société…