L’écopportuniste (par Nicolas Casaux)

Dans son Petit manuel de résis­tance contem­po­raine paru en 2018, Cyril Dion se deman­dait si le « pro­jet de nous réen­châs­ser dans la nature à la manière des peuples pre­miers » que portent « les par­ti­sans de la Deep Green Resis­tance » était « sou­hai­table » ou non. En guise de réponse, il com­men­çait par : « je ne sau­rais le dire ». Puis, après quelques déve­lop­pe­ments, concluait que ce n’était sans doute pas un super pro­jet étant don­né qu’il n’avait que « peu de chances de sou­le­ver les foules ». L’intéressant, l’amusant, c’est qu’en 2021, désor­mais que les nou­veaux éco­lo­gistes à la mode dans les grands médias (Mori­zot, etc.) ont ren­du l’idée accep­table en France, Cyril Dion affirme l’importance cru­ciale de… « se réen­sau­va­ger, […] se réen­châs­ser dans le vivant[1] » !

♫ Il y en a qui contestent ♫

♫ Qui reven­diquent et qui protestent ♫

♫ Moi je ne fais qu’un seul geste ♫

♫ Je retourne ma veste ♫

♫ Je retourne ma veste[2]

Tou­jours est-il que ce retour­ne­ment de veste est appré­ciable. Le réen­sau­va­ge­ment, se réen­châs­ser dans le vivant, c’est une bonne idée, c’est assez abs­trait, mais c’est une belle idée.

Main­te­nant, quelques remarques concer­nant les pro­pos que tient Dion dans la vidéo ci-des­sus, une inter­view en date de 2018[3].

1. « On aura tou­jours une forme d’industrie. »

Qui est ce « on » ? Pour­quoi devrait-on tou­jours avoir une forme d’industrie ? Quelle loi phy­sique nous y oblige ? Aucune. Y a‑t-il tou­jours eu « une forme d’industrie » ? Non. « On » sera-t-il éter­nel ? Cette affir­ma­tion est-elle autre chose qu’absurde ? Sans doute pas.

2. « Les tenants de l’écologie radi­cale disent car­ré­ment que la civi­li­sa­tion indus­trielle est une erreur, qu’il faut la déman­te­ler et reve­nir à être des chasseurs-cueilleurs. »

Cari­ca­ture. Facile. DGR (il fait notam­ment réfé­rence à DGR en l’occurrence) ne dit pas que nous devrions tous rede­ve­nir des chas­seurs-cueilleurs. Seule­ment que nous devrions déman­te­ler la civi­li­sa­tion indus­trielle, oui, et (re)constituer des socié­tés aux modes de vie sou­te­nables et éga­li­taires. Il n’y a pas un seul mode de vie sou­te­nable pour l’être humain. La chasse-cueillette n’est pas l’unique option. Des petites socié­tés agraires sou­te­nables, il y en a eu. Et d’autres, des socié­tés plu­tôt basées sur la pêche, etc. En outre, beau­coup de peuples dits chas­seurs-cueilleurs recou­raient à d’autres tech­niques de sub­sis­tance, de l’horticulture, un peu d’élevage, etc. Bref, une affir­ma­tion moi­tié vraie, moi­tié homme de paille.

3. Les ques­tions cru­ciales selon Cyril Dion : « Est-ce qu’on a besoin de conti­nuer à avoir une indus­trie ? », « est-ce qu’on veut conti­nuer à pro­duire de l’énergie, de l’électricité ? », « est-ce qu’on veut conti­nuer à se dépla­cer avec des machines ? », « est-ce qu’on veut conti­nuer à uti­li­ser des outils qui nous per­mettent de com­mu­ni­quer les uns avec les autres à tra­vers la planète ? »

La pre­mière ques­tion est cor­recte. Il est per­ti­nent, impor­tant, de se deman­der si l’on a besoin de l’industrie. Mais il la pose, semble-t-il, par erreur, par inad­ver­tance, il ne vou­lait pas vrai­ment dire ça, étant don­né ce qu’il venait de dire juste avant (« on aura tou­jours une forme d’industrie »), d’où les ques­tions sui­vantes, qui sont, elles, hau­te­ment douteuses.

En effet, plu­tôt que « est-ce qu’on veut conti­nuer à pro­duire de l’électricité ? », « est-ce qu’on veut conti­nuer à se dépla­cer avec des machines ? », « est-ce qu’on veut conti­nuer à uti­li­ser des outils qui nous per­mettent de com­mu­ni­quer les uns avec les autres à tra­vers la pla­nète ? », il vau­drait mieux se deman­der d’une part si la pro­duc­tion d’électricité, de machines, d’outils de com­mu­ni­ca­tion pla­né­taires est com­pa­tible avec le res­pect de la bio­sphère, des autres espèces vivantes, des com­mu­nau­tés bio­tiques, avec des éco­sys­tèmes en bonne san­té, avec des modes de vie sou­te­nables, bref, si elle peut être éco­lo­gique &, d’autre part, si elle est com­pa­tible avec la démo­cra­tie, avec des modes de vie favo­ri­sant la liber­té humaine, indi­vi­duelle et col­lec­tive. Il vau­drait mieux, en tout cas, si nature et liber­té nous importent. Si l’on se fiche des deux, c’est une autre affaire. Il s’agit d’ailleurs d’une ques­tion encore plus fon­da­men­tale : que désire-t-on ? que dési­rez-vous ? Qu’est-ce qui vous importe le plus ? La liber­té ? (La vraie, l’autonomie, pas celle de choi­sir quelle chaîne de télé­vi­sion regar­der ce soir par­mi des mil­liers ; pas la liber­té d’obéir aux règles d’un sys­tème socio­tech­nique pre­nant toute notre exis­tence en charge du ber­ceau à la tombe). La pros­pé­ri­té du vivant ? Que cesse la des­truc­tion de la nature ? Qu’on puisse encore béné­fi­cier d’internet et Net­flix pen­dant quelques décennies ?

Élu­der ces ques­tions cru­ciales l’amène à sou­te­nir les imbé­ci­li­tés qu’on sait, le déve­lop­pe­ment des indus­tries de pro­duc­tion d’énergie dite verte, propre, renou­ve­lable, etc., les tech­no­lo­gies dites vertes en géné­ral, bref, la conti­nua­tion du désastre social et éco­lo­gique, mais sous cou­vert d’écologie.

(Les impli­ca­tions sociales et poli­tiques de la tech­no­lo­gie, les liens entre com­plexi­té ou sophis­ti­ca­tion tech­no­lo­gique et auto­ri­ta­risme, Cyril Dion n’en dit jamais rien, n’a peut-être même jamais exa­mi­né le sujet. Tout comme, il ne dit rien des véri­tables impli­ca­tions éco­lo­giques des tech­no­lo­gies et indus­tries qu’il encourage.)

4. « Mais qui va dire non ?! »

souffle, dépi­té, l’interviewer, Clé­ment Mont­fort (effon­dro­logue vidéaste), l’air de dire : per­sonne, ou presque, ne sou­haite (ne pour­rait sou­hai­ter) en finir avec la civi­li­sa­tion indus­trielle. Ce qui est exact. Et consti­tue une des don­nées essen­tielles du pro­blème. « Parce qu’avant ça, y’a le tou­risme qu’on pour­rait réduire ! », s’exclame l’écolo né de la der­nière pluie acide, ne com­pre­nant mani­fes­te­ment rien des dyna­miques de la civi­li­sa­tion (indus­trielle), prê­tant à un « on » par­fai­te­ment indé­fi­ni le pou­voir de sup­pri­mer ou d’atrophier les plus super­flues des indus­tries (comme si, même si un « on » doté d’un tel pou­voir exis­tait, cela per­met­trait de résoudre le pro­blème de l’insoutenabilité fon­da­men­tale de toute la civi­li­sa­tion indus­trielle, de toutes les indus­tries qui la com­posent), & sem­blant pen­ser que le seul pro­blème d’aujourd’hui est éco­lo­gique (comme si la dépos­ses­sion, l’exploitation et la domi­na­tion géné­ra­li­sées des êtres humains qu’imposent l’État le capi­ta­lisme, qui sont consti­tu­tives de toute la civi­li­sa­tion indus­trielle, de toutes les indus­tries, de toute l’industrie, n’étaient pas un pro­blème ou n’existaient pas). Mais, bien enten­du, ce n’est pas dans les rangs de l’effondrologie que l’on trouve des ana­lyses sérieuses de la situa­tion pré­sente, des pro­blèmes de notre temps.

5. « Moi je pense que, hon­nê­te­ment, ça [le « récit » que pro­po­se­rait DGR, en tout cas selon Dion] n’embarquera personne. »

Parce que, voyez-vous, l’écopportuniste choi­sit ses pro­pos, ses « récits », en fonc­tion de leur apti­tude à plaire aux foules. Ça s’appelle déma­go­gie : « poli­tique par laquelle on flatte les masses pour gagner et exploi­ter leur adhé­sion. » Pour lui, la ques­tion n’est pas : ce que je dis est-il cen­sé ? Vrai ? Intel­li­gent ? Mais : cela va-t-il plaire aux spec­ta­teurs de France Télé­vi­sions qui vont vision­ner mon film sub­ven­tion­né par Orange et l’AFD ? D’ailleurs : cela va-t-il plaire à l’AFD, à Orange, à UGC, à France Télé­vi­sions ? (Il m’a un jour repro­ché de vou­loir « avoir rai­son tout seul ». Mieux vaut avoir tort en troupeau.)

Concer­nant le culte du « nou­veau récit » auquel Dion adhère, comme bien d’autres ces temps-ci, voi­ci ce qu’il écrit dans un tweet très récent :

« Ce que Zem­mour par­vient à faire et qui mobi­lise toute l’attention, c’est pro­duire un récit. Un récit mani­pu­la­teur, sim­pli­fi­ca­teur, sou­vent abject, mais suf­fi­sam­ment simple et bien mis en scène pour tou­cher des gens. Or, en face, il n’y a pas de grand récit. Ou si peu…[4] »

Ce que les andouilles qui déplorent l’absence de « grand récit » mobi­li­sa­teur occultent ou oublient, c’est d’une part que « récit » désigne une nar­ra­tion ou une pré­sen­ta­tion « de faits vrais ou ima­gi­naires », et qu’il est, dès lors, assez étrange de recou­rir à cette expres­sion. Les Dion sug­gèrent-ils qu’il est accep­table de racon­ter n’importe quoi aux gens, du moment que cela les sti­mule ? Mani­fes­te­ment, oui. D’autre part, si l’on consi­dère, par cha­ri­té, que les Dion entendent par « récit » d’autres ana­lyses, d’autres idées que celles que les grands médias dif­fusent habi­tuel­le­ment, et des idées vraies, on en conclut pareille­ment qu’ils sont fiè­re­ment stupides.

Des ana­lyses, des pers­pec­tives dif­fé­rentes de celles qu’on entend à lon­gueur de jour­née dans les médias de masse, il en existe un cer­tain nombre. Seule­ment, les médias de masse ne sont pas des organes de dif­fu­sion ouverts à tout vent. En tant qu’entreprises majeures du capi­ta­lisme tech­no­lo­gique, ils obéissent à un cer­tain fonc­tion­ne­ment, décor­ti­qué par Noam Chom­sky et Edward Her­man, par exemple, dans La Fabri­ca­tion du consen­te­ment. C’est pour­quoi on retrouve sou­vent des inter­views de Cyril Dion dans Libé­ra­tion, Télé­ra­ma, Les Échos, ou sur TMC, LCP, France 24, France Inter, etc., mais (beau­coup plus) rare­ment des inter­views de José Ardillo, Michel Gomez, Maria Mies, Ber­trand Louart, Lierre Keith, Der­rick Jen­sen, Renaud Gar­cia ou PMO, etc. C’est pour­quoi France Télé­vi­sions dif­fuse et finance les docu­men­taires de Cyril Dion, mais pas ceux des copains anti-industriels.

C’est encore pour­quoi L’Obs (qui est par­te­naire du der­nier film de Cyril Dion, inti­tu­lé Ani­mal) a récem­ment publié une inter­view croi­sée, un « face à face » entre le repré­sen­tant des éco­los, Cyril Dion, et la repré­sen­tante de l’agro-industrie, Chris­tiane Lam­bert, de la FNSEA[5]. Voi­là le genre de mise en scène que pro­duisent les médias de masse. Voi­là com­ment ils fabriquent l’opinion des gens en leur pré­sen­tant un nombre limi­té de camps, de pers­pec­tives, triées sur le volet.

En déplo­rant l’absence de récits, ou, disons mieux, l’ab­sence d’analyses, de pers­pec­tives tenant tête à celles de Zem­mour et de ses sem­blables, Cyril Dion occulte bête­ment le pro­blème prin­ci­pal, qui n’est pas l’absence de pers­pec­tives autres, mais la dif­fi­cul­té pour ces pers­pec­tives, qui existent mais sont mal­ve­nues dans les grands médias (contrai­re­ment à lui, à Zem­mour, etc.), d’atteindre les gens.

6. « Ou on a une pos­ture hyper radi­cale […], on consi­dère que l’être humain est un parasite […]. »

D’abord, les idées de DGR et des autres éco­lo­gistes radi­caux, néo­lud­dites, pri­mi­ti­vistes, natu­riens, etc., ne sont pas des « pos­tures », mais des ana­lyses, des pers­pec­tives, des réa­li­sa­tions aux­quelles nous sommes par­ve­nus (quand nous rap­pe­lons que les éner­gies dites vertes, renou­ve­lables ou propres n’ont rien de vert, ce n’est pas une « pos­ture », mais un fait, quand nous sou­li­gnons qu’aucune indus­trie n’est éco­lo­gique, ce n’est tou­jours pas une « pos­ture », c’est aus­si un fait, etc.). Cela dit, on ne s’étonnera pas que la dif­fé­rence entre « pos­ture » (« atti­tude adop­tée pour don­ner une cer­taine image de soi ») et « ana­lyse » ou « pers­pec­tive » soit floue, voire inexis­tante à ses yeux, étant don­né qu’en bon écop­por­tu­niste (éco-déma­gogue) il choi­sit ses opi­nions comme des pos­tures : en fonc­tion de « l’image de soi » qu’elles lui procurent.

(Cyril Dion semble faire par­tie de ces gens, très nom­breux, qui ne réflé­chissent pas trop, qui se pro­noncent en faveur de tout ce qui paraît vert, de tout ce qu’on dit propre, sou­te­nable, durable ou renou­ve­lable, meilleur, en tout cas moins pire, de tout ce dont on dit que cela « va dans le bon sens ». C’est le prin­cipe même de l’écopportunisme ou de l’écodémagogie.)

Aus­si, la radi­ca­li­té désigne sim­ple­ment le fait d’avoir exa­mi­né le pro­blème dans son entiè­re­té, désigne sim­ple­ment, en fin de compte, l’honnêteté et la per­ti­nence, le fait d’avoir réflé­chi à la chose sérieu­se­ment, en pre­nant en compte tous ses tenants et abou­tis­sants, plu­tôt que super­fi­ciel­le­ment, comme Dion.

Ensuite, aucun de nous ne consi­dère l’être humain comme « un para­site ». La civi­li­sa­tion est un mode de vie para­si­taire, oui. Mais la civi­li­sa­tion et l’être humain, ce n’est évi­dem­ment pas la même chose.

7. Donc, en fin de compte, on en vient à LA ques­tion, selon Dion : « Com­ment est-ce qu’on crée une civi­li­sa­tion qui peut… éven­tuel­le­ment… se mettre en accord avec la nature, en har­mo­nie avec la nature, le plus possible ? »

Dans son énon­cia­tion de cette jolie phrase, on a l’impression qu’il a du mal à dis­si­mu­ler un cer­tain malaise, l’impression qu’il ne croit pas fort à ce qu’il raconte, au for­mi­dable « récit » qu’il nous pro­pose. Et pour cause, ce der­nier consti­tue une absur­di­té, presque une contra­dic­tion dans les termes. Une civi­li­sa­tion (indus­trielle) sou­te­nable, c’est une obs­cure clarté.

Dans un article pour Repor­terre, Dion déclare qu’un de ses prin­ci­paux objec­tifs consiste à « conser­ver le meilleur de ce que la civi­li­sa­tion nous a per­mis de déve­lop­per », qui com­prend notam­ment « la capa­ci­té de com­mu­ni­quer avec l’ensemble de la pla­nète[6] », prin­ci­pa­le­ment au tra­vers de l’Internet, cette « incroyable inno­va­tion per­met­tant de relier l’humanité comme jamais pré­cé­dem­ment » — selon lui le « web et les outils numé­riques pour­raient nous aider à réin­ven­ter nos socié­tés[7] […] ».

C’est ain­si que Cyril Dion défend l’« éco­lo­gie indus­trielle » de son amie Isa­belle Delan­noy, dont le livre L’Économie sym­bio­tique a été publié chez Actes Sud dans la col­lec­tion qu’il gère. & voi­ci le « grand récit » de Delan­noy, tel que Dion le pré­sente (tenez-vous bien, ça décoiffe) :

« L’économie sym­bio­tique d’Isabelle Delan­noy ima­gine une socié­té où nous par­vien­drions à poten­tia­li­ser la sym­biose entre l’intelligence humaine (capable d’analyser scien­ti­fi­que­ment, d’organiser, de concep­tua­li­ser), les outils (manuels, ther­miques, élec­triques, numé­riques…) et les éco­sys­tèmes natu­rels (capables d’accomplir par eux-mêmes nombre de choses extra­or­di­naires). […] Le récit d’Isabelle Delan­noy reprend et arti­cule de nom­breuses pro­po­si­tions por­tées par les tenants de l’économie du par­tage, de la fonc­tion­na­li­té, cir­cu­laire, bleue, de l’écolonomie…[8] »

Un best-of des illu­sions vertes et des âne­ries renou­ve­lables, en somme.

Dans son livre, Isa­belle Delan­noy prend notam­ment pour exemple « l’écosystème indus­triel » [sic] de Kalund­borg, au Dane­mark, sur lequel elle s’attarde par­ti­cu­liè­re­ment parce qu’il consti­tue­rait, selon elle, « un des éco­sys­tèmes indus­triels [re-sic] les plus abou­tis ». Or, si elle pré­cise bien qu’on y trouve une « cen­trale ther­mique » (elle parle aus­si d’une « cen­trale éner­gé­tique »), elle ne pré­cise pas qu’il s’agit d’une cen­trale au char­bon (oups !). Et oublie éga­le­ment de men­tion­ner que le cœur de ce for­mi­dable « éco­sys­tème indus­triel », c’est une raf­fi­ne­rie de pétrole (re-oups !). Dans l’ensemble, il s’agit sim­ple­ment d’une zone indus­trielle qui opti­mise un peu son fonc­tion­ne­ment : qui est plus effi­ciente, et donc plus ren­table ! Isa­belle Delan­noy vante éga­le­ment, comme illus­tra­tion du nou­veau monde éco-indus­triel qui vient, quelques entre­prises ayant gagné en effi­cience, comme Rank Xerox, « spé­cia­li­sée dans la fabri­ca­tion de pho­to­co­pieuses », ou « Inter­face, le lea­der mon­dial de la moquette en dalles », ou encore l’entreprise Miche­lin, qui « a dimi­nué de plus de 3 fois sa consom­ma­tion de matière et a aug­men­té sa marge » ! Allé­luia ! Un concen­tré d’inepties, de fausses solu­tions — et même bien pires que fausses, mani­fes­te­ment, visi­ble­ment, osten­si­ble­ment absurdes.

Mais for­cé­ment, puisque les choses que Delan­noy pré­sente comme des « logiques éco­no­miques et pro­duc­tives » qui par­ti­cipent « à répondre à [la] désta­bi­li­sa­tion de l’écosystème glo­bal Terre » et à « inver­ser la ten­dance » sont avant tout des « modèles ren­tables ». Le capi­ta­lisme n’est pas men­tion­né une seule fois dans tout son livre, ne consti­tuant appa­rem­ment pas un pro­blème à ses yeux. Elle consi­dère d’ailleurs Paul Haw­ken, entre­pre­neur états-unien et pro­mo­teur du « capi­ta­lisme natu­rel » ou « capi­ta­lisme propre », comme un pion­nier du domaine dans lequel s’inscrit son tra­vail. Ce même Paul Haw­ken qui affirme que « le réchauf­fe­ment cli­ma­tique est une chance », et dont le livre Draw­down : Com­ment inver­ser le réchauf­fe­ment pla­né­taire a lui aus­si été publié aux édi­tions Actes Sud dans la col­lec­tion gérée par Dion. Paul Haw­ken qui sou­tient toutes les avan­cées tech­no­lo­giques pos­sibles pour lut­ter contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique : géo-ingé­nie­rie (« épandre de la pous­sière de sili­cate sur la terre (et les mers) pour cap­ter le dioxyde de car­bone », « repro­duire la pho­to­syn­thèse natu­relle dans une feuille arti­fi­cielle » ou mettre en place « une nou­velle indus­trie durable de cap­tage et de sto­ckage de mil­liards de tonnes de dioxyde de car­bone pré­le­vés direc­te­ment dans l’atmosphère », etc.), « auto­routes intel­li­gentes », avions ali­men­tés par des bio­car­bu­rants, camions tout élec­triques et autres absur­di­tés hyper­tech­no­lo­giques. Et Cyril Dion de conclure ain­si la pré­face du livre Draw­down de Paul Haw­ken : « J’espère donc que cet ouvrage consti­tue­ra une véri­table feuille de route dont se sai­si­ront les élus, les chefs d’entreprise et cha­cun d’entre nous. »

D’un côté Cyril Dion se fait donc très expli­ci­te­ment le pro­mo­teur d’un capi­ta­lisme indus­triel vert, notam­ment en pro­mou­vant les bouf­fon­ne­ries d’Isabelle Delan­noy et de Paul Haw­ken. & de l’autre il se reven­dique anti­ca­pi­ta­liste en affir­mant, sur le site de la revue Ter­restres, que « le capi­ta­lisme est incom­pa­tible avec une socié­té réel­le­ment écologique ».

♫ Je suis pour le communisme ♫

♫ Je suis pour le socialisme ♫

♫ Et pour le capitalisme ♫

♫ Parce que je suis opportuniste ♫

La civi­li­sa­tion éco-indus­trielle (éco-capi­ta­liste) que les Dion, Haw­ken, Delan­noy, etc., nous font miroi­ter dans un « grand récit » auto­ri­sé dans les médias de masse (et au Sénat, et dans les minis­tères, et sub­ven­tion­né par France Télé­vi­sions, l’AFD, etc.) n’existe pas. C’est une vue de l’esprit — pire, un men­songe. Aucune tech­no­lo­gie verte n’est verte (ce qui com­mence à être su, et pour­tant conti­nu d’être tu). Pro­duire et déployer des machines à pro­duire de l’énergie dite verte, propre ou renou­ve­lable à des­ti­na­tion d’autres machines (pas encore dites vertes, propres ou renou­ve­lables, mais ça vien­dra) n’aura jamais rien d’écologique. Tech­no­lo­gie (les hautes tech­no­lo­gies, les tech­no­lo­gies modernes) et indus­trie sont en outre syno­nymes d’exploitation sociale, de dépos­ses­sion, d’asservissement au capi­ta­lisme et à l’État[9].

Ver­dir la civi­li­sa­tion tech­no­lo­gique n’est pas une option. La démo­cra­ti­ser non plus : tech­no­lo­gie et indus­trie pos­sèdent leurs exi­gences, leurs impli­ca­tions sociales et poli­tiques irré­duc­tibles. Pour ceux qui tiennent à la nature et à la liber­té, une seule pos­si­bi­li­té : son déman­tè­le­ment. Nous débar­ras­ser de nos chaînes tech­no­lo­giques et des écra­santes domi­na­tions sociales abs­traites, imper­son­nelles, que consti­tuent l’État et le capi­ta­lisme (et l’industrie) ; mettre fin à la des­truc­tion du monde ; dis­soudre la civi­li­sa­tion indus­trielle en une mul­ti­tude de petites socié­tés, de socié­tés à taille humaine (condi­tion, mais pas garan­tie, d’une démo­cra­tie réelle, c’est-à-dire directe), rudi­men­taires sur le plan tech­no­lo­gique, mais riches et diverses sur le plan social, humain, et les plus auto­nomes pos­sibles ; à défaut de « grand récit », nous avons cet hori­zon, impro­bable en l’état des choses, mais le seul qui nous paraisse cen­sé, dési­rable. Bien enten­du, la pro­ba­bi­li­té qu’il soit sub­ven­tion­né par l’AFD, France Télé­vi­sions et par­te­naire de L’Obs est à peu près nulle. Qu’importe.

8. Dans une inter­view récem­ment publiée sur le site du quo­ti­dien rude­ment anti­ca­pi­ta­liste Les Échos, Cyril Dion répand la bonne parole : « N’al­lez pas faire un métier juste pour gagner de l’argent. Le mili­tan­tisme c’est une chose, mais là où on a le plus d’im­pact c’est dans ce qu’on fait tous les jours ! N’ac­cep­tez plus d’être les bras et les cer­veaux d’un sys­tème qui va dans le mur. » Bon, d’accord. Seule­ment, juste après, il ajoute : « Faites de la place pour créer de nou­veaux bou­lots. On a besoin de tel­le­ment de choses pour répa­rer le monde : de nou­veaux ingé­nieurs, de nou­veaux agri­cul­teurs, de nou­veaux arti­sans… Deve­nez char­pen­tier, cou­vreur, élec­tri­cien — même si ce sont des métiers sou­vent déva­lo­ri­sés. Vous êtes à une époque où vous pou­vez le faire et vous trou­ve­rez des gens pour vous don­ner votre chance comme on m’a don­né la mienne[10]. »

Donc, ne faites pas un métier juste pour gagner de l’argent, mais deve­nez élec­tri­cien, ingé­nieur, cou­vreur, etc. Ou créez de nou­veaux « bou­lots » à inté­grer dans le « capi­ta­lisme propre » de demain (ce fameux « capi­ta­lisme res­pon­sable », « plus res­pec­tueux et plus effi­cace », ain­si que le for­mule Pas­cal Demur­ger, le patron de la MAIF, éga­le­ment par­te­naire du der­nier film docu­men­taire de Dion). C’est facile. Tout est réa­li­sable. J’y suis par­ve­nu, alors pour­quoi pas vous ?! Quand on veut, on peut. Vive le rêve américain.

Misère.

*

À propos de son dernier livre et film documentaire : Animal

D’a­bord, une pré­ci­sion, je n’ai pas vu le nou­veau film de Cyril Dion, seule­ment feuille­té le livre épo­nyme (plus com­plet), sor­ti fin sep­tembre. Eh bien, pas grand-chose de nou­veau dans son dis­cours. Dans l’ensemble, ce sont tou­jours les mêmes inep­ties qu’il res­sasse encore et encore, mais actua­li­sées à l’aide des dires des « pen­seurs du vivant » (Le Monde) les plus en vus du moment — « du vivant » parce que la nature n’existe pas, comme nous le serine l’un d’entre eux, le pro­fes­seur Phi­lippe Des­co­la (Col­lège de France). 
 
Exemple. Lorsque Cyril Dion demande à l’entomologiste Dino Mar­tins (Har­vard, Prin­ce­ton) si « la tech­no­lo­gie serait donc le pro­blème ? », la réponse qu’il reçoit illustre la croyance géné­rale des gens de leur espèce en la tech­no­lo­gie : « Non, la tech­no­lo­gie peut être une solu­tion. Le pro­blème, c’est la façon dont nous l’utilisons. En tant qu’espèce, nous devons savoir com­ment sub­ve­nir à nos besoins sans en détruire les ressources. »
 
Autre­ment dit, le sem­pi­ter­nel « la tech­no­lo­gie est neutre », inces­sam­ment répé­té et col­por­té par d’innombrables clones civi­li­sés issus des classes supé­rieures et atta­chés à la moder­ni­té (en par­tie parce qu’ils y figurent par­mi les classes supérieures).
 
Dans un élan de qua­si-hon­nê­te­té, Cyril Dion lui fait cepen­dant remar­quer : « Pour autant, les pan­neaux solaires actuels néces­sitent des matières pre­mières qui sont extraites par des enfants dans des mines à l’autre bout du monde… » Comme si, si les matières pre­mières étaient extraites par des adultes et dans des mines locales (fran­çaises), tout serait pour le mieux dans le Meilleur des mondes. Quoi qu’il en soit, Dino Mar­tins lui rétorque alors, avec une indé­niable sagesse :
 
« Nous devons nous assu­rer que ces nou­velles tech­no­lo­gies sont pro­duites de manière durable et res­pon­sable oui. Et en tant que consom­ma­teurs, nous avons un rôle à jouer. Nous pou­vons choi­sir de sou­te­nir un sys­tème qui n’endommage pas la terre. »
 
N’est-ce pas. Les impli­ca­tions sociales de la tech­no­lo­gie, ses exi­gences en matière de divi­sion et spé­cia­li­sa­tion du tra­vail, de hié­rar­chies orga­ni­sa­tion­nelles, la rela­tion entre com­plexi­té tech­nique et auto­ri­ta­risme, les imbri­ca­tions struc­tu­relles de toute tech­no­lo­gie moderne dans un immense réseau tech­no­lo­gique et infra­struc­tu­rel pos­sé­dant ses propres exi­gences et impacts éco­lo­giques (innu­mé­rables), tout ça n’existe évi­dem­ment pas. La tech­no­lo­gie est tota­le­ment neutre, le seul « pro­blème, c’est la façon dont nous l’utilisons ». Hum, enfin presque, la tech­no­lo­gie est par­fai­te­ment neutre, mais il faut quand même qu’on s’assure qu’elle soit pro­duite « de manière durable et res­pon­sable », au moyen d’extractions minières durables (le sus­tai­nable mining désor­mais pro­mu par les mul­ti­na­tio­nales de l’extraction minière, les grandes orga­ni­sa­tions éco­no­miques comme le Forum de Davos, etc.), d’exploitation sala­riale équi­table (je t’exploite au moyen de la pri­va­ti­sa­tion de la Terre et de toutes les règles pré­éta­blies et impo­sées du capi­ta­lisme, mais je te paie une misère qui te per­met tout de même de man­ger), etc.
 
D’ailleurs, l’économiste Éloi Laurent explique à Cyril Dion que le pro­blème, ce n’est pas le capi­ta­lisme, mais la crois­sance, et que la décrois­sance n’est pas la solu­tion, qui est plu­tôt l’acroissance, une éco­no­mie sta­tion­naire (« Oppo­ser crois­sance et décrois­sance, non, je n’y crois pas. Faire aug­men­ter le PIB ne résou­dra rien, le faire dimi­nuer ne résou­dra rien non plus. Je pense qu’il faut sim­ple­ment chan­ger d’échelle. »/« De mon point de vue, l’opposition entre crois­sance et décrois­sance nous a fait perdre dix ou quinze ans. »)
 
Ain­si s’agit-il de décou­pler le capi­ta­lisme et la crois­sance (ce qui, selon Laurent, est tout à fait fai­sable, et a même déjà été fait, au Japon), et de faire de « la san­té » l’indicateur fon­da­men­tal « qui doit et qui va rem­pla­cer la crois­sance au XXIe siècle ». C’est-apparemment-à-dire que « ce qui semble impor­tant, c’est l’encadrement de tous les méca­nismes de mar­ché par la puis­sance publique et l’utilisation de la démo­cra­tie comme contre­poids ». En clair : il s’agit, très sim­ple­ment, très plau­si­ble­ment, de réfor­mer la civi­li­sa­tion indus­trielle, de faire en sorte que « la puis­sance publique », l’État démo­cra­tique (on n’est plus à un oxy­more près), prenne le contrôle du « mar­ché », et ins­taure « la san­té » en indi­ca­teur ultime, en lieu et place de la crois­sance du PIB. Alors, tout ira pour le mieux dans le plus Bio des mondes. Bon sang, mais c’est bien sûr.
 
Cyril Dion inter­view éga­le­ment Car­los Alva­ra­do, le pré­sident du Cos­ta Rica, un État éco­lo modèle. En effet, « la qua­si-tota­li­té de son élec­tri­ci­té est renou­ve­lable (même si ses immenses bar­rages hydro­élec­triques sont loin d’être sans impact…) », note Cyril Dion, dans un joli non-sens, sug­gé­rant à la fois que cette pro­duc­tion d’électricité renou­ve­lable est une bonne chose et une mau­vaise chose. Allez savoir. L’important est de croire. Car­los Alva­ra­do, lui, explique : « Pour ma part, je crois beau­coup en la tech­no­lo­gie, en ce qu’elle peut faire pour nous. J’accueille avec beau­coup d’espoir les nou­veaux avions à hydro­gène en cours de déve­lop­pe­ment. C’est une excel­lente nou­velle que d’être capable de voler avec de l’électricité et, a for­tio­ri, une éner­gie qui pro­vienne de tech­niques sans émis­sion de car­bone. J’ai récem­ment été dans un avion inno­vant qui néces­site près de 40 % de car­bu­rant en moins. Si nous conti­nuons à pous­ser la tech­no­lo­gie dans un objec­tif pré­cis, qui va dans le sens de la pré­ser­va­tion de l’environnement, nous serons en mesure de réduire consi­dé­ra­ble­ment notre empreinte, tout en conser­vant de belles choses comme le tourisme. »
 
« Et main­te­nant ? », se demande Cyril Dion en conclu­sion. Fort heu­reu­se­ment, il ne nous laisse pas sur cette seule inter­ro­ga­tion énig­ma­tique. Il nous pro­pose des mesures clés : à com­men­cer par voter pour « des canditat·e·s qui mettent en œuvre » les bonnes poli­tiques, celles qui consistent à pro­duire la tech­no­lo­gie de manière « durable et res­pon­sable », à pro­mou­voir la per­ma­cul­ture façon Bec Hel­louin, à chan­ger notre rela­tion au monde, etc. Il s’agit de « construire des sys­tèmes démo­cra­tiques qui ont la facul­té de répondre à ces enjeux. Pour le moment, nos démo­cra­ties repré­sen­ta­tives sont trop sou­vent pri­son­nières de stra­té­gies élec­to­ra­listes, de modes de scru­tin pri­maires et bas­se­ment com­pé­ti­tifs, de jeux d’influence éco­no­mique, d’apathie citoyenne… Là aus­si, nous avons besoin de sang neuf, de femmes et d’hommes qui vont inté­grer ces ins­ti­tu­tions pour les trans­for­mer, de mou­ve­ments citoyens qui les portent aux res­pon­sa­bi­li­tés et les sou­tiennent dans leurs poli­tiques, de pro­ces­sus per­met­tant à cha­cun d’entre nous de par­ti­ci­per aux orien­ta­tions majeures tout au long de l’année. »
 
& comme si tout cela ne consti­tuait pas déjà un objec­tif extrê­me­ment clair, réa­liste et suf­fi­sant, Cyril Dion pro­pose aus­si, tenez-vous bien, de « rompre avec les mythes d’une éco­no­mie sou­ve­raine et d’une crois­sance du PIB comme l’alpha et l’oméga de toutes orga­ni­sa­tions humaines ». Ne plus sacra­li­ser le PIB. Il fal­lait y pen­ser ! Toutes ces pro­po­si­tions, d’une ori­gi­na­li­té et d’un cou­rage ébou­rif­fants, ne lais­se­ront per­sonne indif­fé­rent. Réa­li­sant cela, les « lea­ders poli­tiques » seront ame­nés à « chan­ger de l’intérieur » (inter­view de Pau­li­no Naje­ra Rive­ra, qui s’occupe d’un centre d’éco-tourisme au Cos­ta Rica).
 
Plus sérieu­se­ment, quoi d’étonnant dans l’enchaînement de pla­ti­tudes et de sou­haits par­fois louables, sou­vent idiots, presque tou­jours exces­si­ve­ment naïfs que nous livre Cyril Dion dès lors qu’il inter­roge d’éminents pro­fes­seurs d’éminentes uni­ver­si­tés (Stan­ford, Prin­ce­ton, Har­vard, Col­lège de France, etc.), un chef d’État, les inévi­tables per­ma­cul­teurs de l’icône per­ma­cul­tu­relle qu’est le Bec Hel­louin, etc.
 
En bref, tou­jours la même idée : l’es­sen­tiel de la civi­li­sa­tion tech­no-indus­trielle peut être ren­du durable et plu­dé­mo­cra­tique ; pas­sons au bio, ver­dis­sons les indus­tries exis­tantes, fai­sons du lob­bying citoyen, met­tons la pres­sion sur les légis­la­teurs, les zélus, exi­geons plus de démo­cra­tie, chan­geons notre rap­port au vivant (pas à la nature, qui n’a jamais exis­té, bande de ploucs), per­ce­vons l’interconnexion géné­rale de tout, et sur­tout du pognon, des sub­ven­tions, des médias, d’UGC, d’Orange, du désastre et du der­nier film docu­men­taire de Cyril Dion (et du livre qui va avec).
 
Mal­heu­reu­se­ment, Cyril Dion conti­nue de fabri­quer du diver­tis­se­ment grand public et des espoirs absurdes — mais ras­su­rants. Selon toute pro­ba­bi­li­té, tout ça ne va pas contri­buer à la for­ma­tion d’un mou­ve­ment éco­lo­giste consé­quent, plu­tôt nour­rir la confu­sion ambiante.
 
(P.S. : Certes, comme tou­jours, il met en lumière, dans son der­nier livre et peut-être dans son film, des pra­tiques ou ini­tia­tives inté­res­santes, comme le fait de ten­ter d’u­ti­li­ser le droit pour lut­ter contre le désastre social et éco­lo­gique, ce qui est tout à fait res­pec­table, et sou­hai­table. Cela dit, l’i­dée selon laquelle le droit de la civi­li­sa­tion indus­trielle pour­rait être ren­du juste et bon, et ladite civi­li­sa­tion s’a­vé­rer belle et bonne une fois son droit réfor­mé, est une immense naï­ve­té. Le prin­ci­pal pro­blème est tou­jours celui-là. Pré­tendre qu’une civi­li­sa­tion indus­trielle juste et bio pour­rait exis­ter. L’im­bé­ci­li­té devrait être d’au­tant plus fla­grante qu’il admet désor­mais lui-même à demi-mot que les éner­gies dites « renou­ve­lables » ou « vertes » n’ont rien de vert, tout en les promouvant.)

Nico­las Casaux


  1. C’était sur France 5, il y a quelques semaines, il était invi­té pour pro­mou­voir son der­nier film docu­men­taire. https://twitter.com/GrandeLibrairie/status/1453693864011780103
  2. https://www.youtube.com/watch?v=L_ADZYCUkDA
  3. À voir en entier ici : https://www.youtube.com/watch?v=Gtw3VfBRzpk
  4. https://twitter.com/cdion/status/1465776016127926279
  5. https://www.nouvelobs.com/ecologie-politique/20211122.OBS51291/cyril-dion-face-a-christiane-lambert-dans-un-elevage-intensif-les-animaux-sont-bien-selon-vous.html
  6. https://reporterre.net/Pour-changer-la-societe-nous-devons-etre-des-millions-pas-une-poignee-de
  7. Cyril Dion, Petit manuel de résis­tance contem­po­raine, 2018.
  8. Cyril Dion, Petit manuel de résis­tance contem­po­raine, 2018.
  9. https://www.partage-le.com/2021/08/23/les-exigences-des-choses-plutot-que-les-intentions-des-hommes-par-nicolas-casaux/
  10. https://start.lesechos.fr/societe/environnement/cyril-dion-nallez-pas-faire-un-metier-juste-pour-gagner-de-largent-1368479
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4 comments
  1. Salut Nico­las,
    J’ai un peu de mal à voir ce que tu reproches à l’ap­pel­la­tion « le vivant » ; est-ce que tu pour­rais pré­ci­ser ? Et com­ment défi­ni­rais-tu la Nature ?
    Ques­tions qui peuvent paraître bal­lottes (et qui le sont peut être) mais il me semble que le mot Nature, est sou­vent bran­di comme un rap­pel de la pré­ten­due séparation/extraction des humains de ladite nature.
    Je sais pas si j’ai assez clai­re­ment formulé :-/

    1. Salut, sur ce point, on peut lire le livre de Vir­gi­nie Maris, La Part sau­vage du monde. Il y a, sinon, cette inter­view : https://comptoir.org/2018/12/13/virginie-maris-defendre-la-part-sauvage-du-monde/
      Pour faire simple, nature est un terme poly­sé­mique, qui ne pose pas intrin­sè­que­ment pro­blème. C’est une lubie de phi­lo­sophe pro­fes­sion­nel (d’u­ni­ver­si­taire à la noix) de vou­loir incri­mi­ner le mot. (Voir, pour plus d’ex­pli­ca­tions, ce qu’en dit Maris).
      Aus­si, le vivant, ain­si que Mori­zot le remarque lui-même, pose aus­si pro­blème séman­ti­que­ment. Les OGM, c’est vivant, le cyborg aus­si, plus ou moins. Rem­pla­cer « la nature » par « le vivant » ne nous aide à rien du tout. La nature avait ce mérite de ren­voyer à ce qui est autre qu’­hu­main, ce qui, indé­pen­dam­ment de nous, existe, peut exis­ter (il n’y a rien de pro­blé­ma­tique à admettre que des choses existent sans nous, à avoir un terme pour dési­gner le monde autre qu’­hu­main, il est d’ailleurs amu­sant de consta­ter les contor­sions aux­quelles s’a­donnent les Des­co­la pour dési­gner la nature). Le vivant, c’est moins clair.

      Mori­zot : « Et bien sûr, on ne s’allie pas à tous les vivants contre tous les humains dia­bo­li­sés de manière misan­thrope : ce sont cer­tains col­lec­tifs humains qui, au nom des inter­dé­pen­dances, s’allient à cer­tains vivants, et ce contre d’autres alliances, par­fois elles aus­si entre des humains et des vivants (par exemple contre l’alliance entre Bayer-Mon­san­to et leur soja OGM BT, qui consti­tue une alliance mul­tis­pé­ci­fique). Com­ment savoir où faire pas­ser les lignes entre alliés et enne­mis ? Par l’intelligence col­lec­tive, par l’analyse concrète des situa­tions concrètes. »

      La belle affaire. Ces gens, les nou­veaux « pen­seurs du vivant » à la mode (Des­co­la, Mori­zot, etc.), qui traînent dans les hautes sphères, sont bien­ve­nus dans les médias de masse, payés par l’É­tat, en poste dans des ins­ti­tu­tions pres­ti­gieuses, ou qui n’hé­sitent pas à s’as­so­cier à d’im­por­tantes entre­prises (voir par exemple l’his­toire du forum Agir Pour Le Vivant), qui n’ont essen­tiel­le­ment que des pla­ti­tudes à racon­ter, quand bien même des pla­ti­tudes res­pec­tables, exactes (il faut chan­ger notre rap­port au monde, à la nature, enfin, au vivant, etc., ça fait des décen­nies que des éco­lo­gistes disent ça, voir les pre­miers numé­ros de La Gueule Ouverte par exemple), ces gens ont ten­dance à me sor­tir par les yeux. Je ne crois pas qu’ils soient très utiles. Sur­tout que Mori­zot n’a prin­ci­pa­le­ment que des bêtises à racon­ter sur le pro­grès tech­no­lo­gique, l’in­dus­trie, le pro­grès en général.

      1. Mer­ci pour ces pré­ci­sions et réfé­rences — je vais aller creu­ser du côté de Vir­gi­nie Maris.
        J’en pro­fite pour te remer­cier (et les autres aus­si) pour tout le tra­vail cri­tique que tu/vous fais/faites ici. Vous avez ouvert de vastes abimes de réflexion/remise en ques­tion (où je me perds un peu par­fois), et c’est très précieux.

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