Subsistance contre capitalisme industriel, avec Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen (par Lila)

La Sub­sis­tance, Une pers­pec­tive éco­fé­mi­niste est le résul­tat d’un tra­vail de recherche mené pen­dant plus de 20 ans par Maria Mies et Vero­ni­ka Benn­holdt-Thom­sen, com­men­cé dans les années 70. Ayant toutes deux par­ti­ci­pé à la nou­velle vague du mou­ve­ment de libé­ra­tion des femmes, en par­ti­cu­lier dans les pays du Sud, elles pro­posent une cri­tique radi­cale du sys­tème patriar­cal-capi­ta­liste hégé­mo­nique. Loin d’être la réa­li­sa­tion sur Terre d’un Pro­grès uni­ver­sel pour tous, une néces­si­té dans le déve­lop­pe­ment de l’histoire de l’humanité — pré­ten­tion dont il tire sa jus­ti­fi­ca­tion —, les autrices montrent au contraire que celui-ci est par essence, dès ses débuts, idéo­lo­gi­que­ment comme maté­riel­le­ment, un sys­tème de pré­da­tion impé­ria­liste, d’oppressions, de vols, de viols et de des­truc­tions. En outre, le sys­tème patriar­cal-capi­ta­liste s’efforce sys­té­ma­ti­que­ment d’effacer les réa­li­tés maté­rielles dont il dépend, de leur dénier toute forme de valeur autre que celle qu’elles peuvent avoir pour lui, et de se pré­sen­ter, en invo­quant un déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique sup­po­sé­ment neutre, comme l’unique solu­tion aux des­truc­tions qu’il cause. Ain­si, dans le lan­gage du capi­ta­lisme patriar­cal mon­dia­li­sé, la pré­da­tion meur­trière conti­nue sur ce que l’on nom­mait alors « tiers-monde » consti­tue une « aide au déve­lop­pe­ment », et la guerre menée contre la qua­si-tota­li­té des formes de vie sur Terre une « valo­ri­sa­tion des res­sources natu­relles », une simple étape dans le para­digme de la crois­sance infinie.

Les pre­mières vic­times humaines de ce sys­tème ne sont pas, comme le pense l’analyse mar­xiste clas­sique, les mâles sala­riés ins­crits dans l’économie for­cé­ment pyra­mi­dale du capi­tal, mais les femmes, réduites à des objets d’exploitation sexuelle et à des mères pon­deuses. Car le capi­ta­lisme est une idéo­lo­gie mas­cu­li­niste qui méprise les femmes et pro­page la haine de leur corps. Cette idéo­lo­gie ne conçoit l’économie que comme la pro­duc­tion de mar­chan­dises, et le tra­vail que comme le tra­vail sala­rié, dont le modèle typique est celui d’un emploi mas­cu­lin dans l’industrie. « Le tra­vailleur qua­li­fié, repré­sen­ta­tion domi­nante du tra­vailleur sala­rié, est un homme. En même temps, le tra­vailleur qua­li­fié ou ‘sala­rié typique’ est cen­sé être celui qui pour­voit aux besoins de la famille, avec son salaire qui nour­rit la famille et apporte le sou­tien finan­cier néces­saire à son épouse au foyer. Pour­tant, il est impos­sible d’imaginer un sala­rié sans une femme au foyer, son exis­tence maté­rielle est incon­ce­vable sans elle, de même que la simple pos­si­bi­li­té qu’il existe (parce que la mar­chan­dise qu’il vend, à savoir sa force de tra­vail, doit d’abord être pro­duite et cela ne se pense pas dans le domaine de la pro­duc­tion des mar­chan­dises)[1]. »

Le tra­vail des femmes, et notam­ment des mères, qui assure les besoins immé­diats de la vie quo­ti­dienne, de l’alimentation au soin aux enfants et aux per­sonnes âgées, en pas­sant par la repro­duc­tion, est pen­sé comme natu­rel, spon­ta­né : il est gra­tuit. Il ne pro­duit pas de valeur éco­no­mique, il n’est donc pas inté­gré au sys­tème éco­no­mique-monde comme un tra­vail véri­table. Pour­tant, ce tra­vail de sub­sis­tance (qui est prin­ci­pa­le­ment effec­tué par des femmes) repré­sente la base essen­tielle de l’intégration de n’importe quelle éco­no­mie au mar­ché mon­dial capi­ta­liste. Sans lui, le capi­ta­lisme ne pour­rait pas perdurer.

Mies et Benn­holdt-Thom­sen s’inspirent des tra­vaux de Rosa Luxem­bourg sur l’impérialisme, selon laquelle l’essence même du capi­ta­lisme est la conquête et l’annexion par la force des socié­tés et des milieux non capi­ta­listes, néces­saires pour mettre en branle et main­te­nir la repro­duc­tion du capi­tal, et la « crois­sance infi­nie ». Pour Luxem­bourg, seules les éco­no­mies des colo­nies com­bi­nant pay­san­nat et arti­sa­nat, éco­no­mies dites natu­relles ou de sub­sis­tance, sont la base du capi­ta­lisme. Mies et Benn­holdt-Thom­sen y ajoutent le tra­vail domes­tique qui existe dans les pays les plus indus­tria­li­sés, le tra­vail des pay­sans dans le Sud, ain­si que le tra­vail des per­sonnes mar­gi­na­li­sées dans le sec­teur infor­mel, dans le Nord comme dans le Sud. « En inté­grant la ques­tion de la sub­sis­tance à notre ana­lyse du capi­ta­lisme, nous avons pu expli­quer pour­quoi, dans les pays indus­triels très déve­lop­pés, le tra­vail des femmes a tou­jours moins de valeur que celui des hommes et pour­quoi l’espoir des pays du sud de com­bler leur ‘retard de déve­lop­pe­ment’ a aus­si peu de chance d’aboutir que celui des femmes pour obte­nir l’égalité. »

Au sein du sys­tème capi­ta­liste, les deux pers­pec­tives de vie s’offrant aux femmes semblent être d’être femmes au foyer ou sala­riées de second sexe dont les inté­rêts spé­ci­fiques ne seront jamais pris en comptes par leurs col­lègues mas­cu­lins qui jouissent de leur domination.

La Sub­sis­tance, une pers­pec­tive éco­fé­mi­niste pro­pose une alter­na­tive à ce modèle, en liant ensemble les ques­tions fémi­nistes, éco­lo­gistes et éco­no­mistes. Qu’est-ce exac­te­ment que la sub­sis­tance ? C’est d’abord tout ce qui est en lien avec la créa­tion et la pré­ser­va­tion de la vie, l’autoconsommation, comme le jar­di­nage, les tâche ména­gères, toute pro­duc­tion dans les champs, dans des ate­liers, tout ce qui n’est pas orga­ni­sé de manière mar­chande. Toutes les acti­vi­tés qui contri­buent à four­nir ce qui est néces­saire à la vie quo­ti­dienne sont des acti­vi­tés de sub­sis­tance. Pour les autrices, ce terme exprime aus­si une autre manière de pen­ser la vie sociale : la liber­té, le bon­heur, l’autodétermination dans les limites de la néces­si­té, dans ce monde et non pas dans un autre ; la per­sis­tance, la vigueur, la volon­té de résis­ter, la vision par le bas, un monde d’abondance pour tous. La notion de sub­sis­tance exprime aus­si la conti­nui­té entre l’humain et la nature, entre la nature et l’histoire. Dans la pers­pec­tive de la sub­sis­tance, notre dépen­dance au domaine de la néces­si­té n’est pas consi­dé­rée comme un mal­heur et une limi­ta­tion, mais comme une bonne chose et une condi­tion préa­lable au bon­heur et à la liberté.

Cette notion, enfin, tra­duit une divi­sion au sein de l’humanité. Pour les hommes et les femmes qui dépendent de la guerre contre la sub­sis­tance, elle repré­sente l’arriération, les cor­vées (dans le sys­tème de valeur du capi­ta­lisme patriar­cal, les pay­sans sont per­çus comme de mépri­sables bou­seux, par exemple) et la pau­vre­té ; tan­dis que pour les vic­times de cette guerre, elle repré­sente la sécu­ri­té, la vie bonne, l’autonomie, l’autodétermination, la pré­ser­va­tion des moyens d’existence, la diver­si­té cultu­relle et biologique.

Cette oppo­si­tion entre deux sys­tèmes de valeurs pro­fon­dé­ment incom­pa­tibles est déve­lop­pée à tra­vers les neufs cha­pitres de l’ouvrage, qui se penchent sur les liens entre la sub­sis­tance et la mon­dia­li­sa­tion, l’agriculture, le mar­ché, la ville, les com­muns, le sala­riat, la libé­ra­tion des femmes, la politique.

Le titre ori­gi­nal du livre, ini­tia­le­ment paru en alle­mand en 1997, Eine Kuh für Hil­la­ry : Die Sub­sis­tanz­pers­pek­tive, soit « Une vache pour Hil­la­ry, la pers­pec­tive de Sub­sis­tance », était une réfé­rence directe à cette incom­men­su­ra­bi­li­té des valeurs. Maria Miès et Vero­ni­ka Benn­holdt-Thom­sen intro­dui­saient en effet leur ouvrage par l’anecdote sui­vante. Nous sommes au Ban­gla­desh, en avril 1995. Hil­la­ry Clin­ton, pre­mière dame des États-Unis, nation la plus puis­sante du monde, vient véri­fier que les femmes du vil­lage de Mai­sha­ha­ti ont bien vu leur condi­tion de vie s’améliorer grâce aux micro­cré­dits qui leurs ont été accor­dés. (Pour la banque ayant accor­dé le cré­dit, l’autonomisation des femmes se rédui­sait à ce qu’elles dis­posent d’un reve­nu per­son­nel.) Hil­la­ry Clin­ton les ques­tionne donc sur leur situation.

« Les femmes lui ont répon­du que oui, en effet, à pré­sent, elles avaient un reve­nu per­son­nel. Elles avaient aus­si quelques biens à elles : quelques vaches, quelques poules, des canards. Leurs enfants allaient à l’école. Mme Clin­ton était satis­faite. Les femmes de Mai­sha­ha­ti étaient visi­ble­ment plus auto­nomes. Mais elle ne s’attendait pas au tour que prit cette conver­sa­tion, lorsque les femmes du vil­lage se mirent à l’entourer et à lui poser les mêmes ques­tions en retour. Voi­ci l’échange qui s’ensuivit :

- Apa [sœur aînée], as-tu des vaches ?

- Non, je n’ai pas de vaches.

- Apa, as-tu un reve­nu personnel ?

- Et bien, avant, j’avais un reve­nu per­son­nel. Mais comme mon mari est pré­sident et a démé­na­gé à la Mai­son Blanche, j’ai arrê­té de gagner de l’argent.

- Com­bien d’enfants as-tu ?

- Une fille.

- Tu aime­rais avoir plus d’enfants ?

- Oui, j’aimerai bien avoir un ou deux enfants de plus, mais nous sommes très heu­reux avec notre fille Chelsea.

Les femmes de Mai­sha­ha­ti se regar­dèrent et mur­mu­rèrent : “Pauvre Hil­la­ry ! Elle n’a pas de vaches, pas de reve­nus per­son­nels et elle n’a qu’une seule fille.” Aux yeux des femmes de Mai­sha­ha­ti, Hil­la­ry Clin­ton n’était pas auto­nome. Elles avaient de la peine pour elle. »

Pour Hil­la­ry Clin­ton, les pay­sannes de Mai­sha­ha­ti étaient à prendre en pitié, parce qu’elles n’étaient pas riches et ne pos­sé­daient pas en abon­dance des mar­chan­dises et des pro­duits luxueux, condi­tion néces­saire, selon elle (comme selon la majo­ri­té des citoyens riches), d’une vie bonne. Ses valeurs étaient celles des classes domi­nantes du capi­ta­lisme, et il est inté­res­sant de noter ici, qu’Hillary ne pos­sé­dait pas direc­te­ment ces biens, mais seule­ment via l’intermédiaire de son mari. Ain­si, toute sa richesse n’était pas direc­te­ment sienne, elle en béné­fi­ciait uni­que­ment en tant qu’épouse de son mari. Elle ne rem­plis­sait donc même pas la défi­ni­tion maigre d’autonomie don­née au préalable.

Pour les femmes de Mai­sha­ha­ti, la vie de Mme Clin­ton n’était pas si réus­sie. Pour elles, la maî­trise de leurs moyens de sub­sis­tance suf­fit à faire leur bon­heur : elles sont auto­nomes, elles ne qué­mandent rien, elles ne sont pas sou­mises, mais fières. Elles n’ont pas besoin de plus.

Il fau­drait ajou­ter que leur mode de vie, au contraire du stan­dard moderne d’ultra-abondance tech­no­lo­gique, n’est pas intrin­sè­que­ment des­truc­teur. Pour Mies et Bonn­holdt-Thom­sen, nos socié­tés occi­den­tales doivent s’en ins­pi­rer et s’en rap­pro­cher. La pers­pec­tive éco­fé­mi­niste qu’elles pré­sentent est celle d’un fémi­nisme uni­fi­ca­teur, qui veut reva­lo­ri­ser la condi­tion de toutes les femmes, en tant que classe ayant été exploi­tée uni­ver­sel­le­ment par celle des hommes. Autant dire que cette pers­pec­tive se situe aux anti­podes de la divi­sion post-maté­ria­liste (de m*rde) de la troi­sième vague, où les dis­cus­sions sur l’op­pres­sion s’en­lisent dans un bour­bier de confu­sion où l’on ne peut ne peut même plus men­tion­ner la réa­li­té bio­lo­gique du corps des femmes.)

Le lien avec la Terre, avec l’autonomie, est pri­mor­dial, et au lieu d’être effa­cé et mépri­sé, il doit être consi­dé­ré comme bon et revalorisé.

Tout cela s’avère davan­tage d’actualité aujourd’hui qu’au moment de l’écriture, car la ten­dance géné­rale, dans le monde, est celle d’une dété­rio­ra­tion des condi­tions per­met­tant l’autonomie. Le nombre d’agriculteurs, dans un pays comme la France, dimi­nue comme peau de cha­grin, tan­dis que les mono­poles sur les res­sources pla­né­taires croissent, de mêmes que les pollutions.

Les socié­tés basées sur un modèle de sub­sis­tance sont com­pa­tibles avec la pré­ser­va­tion de la vie sur Terre, contrai­re­ment au sys­tème patriar­cal capi­ta­liste pla­né­taire. Le second se nour­rit des pre­mières qui, seules, peuvent être éga­li­taires. Les pre­mières sont appau­vries dans le meilleur des cas, ou tout bon­ne­ment mises à mort, par le second.

La Sub­sis­tance, Une pers­pec­tive éco­fé­mi­niste, est donc un riche ouvrage, tant du point de vue de l’analyse phi­lo­so­phique du sys­tème patriar­cal-capi­ta­liste, que de sa capa­ci­té à pro­po­ser une pers­pec­tive alter­na­tive au tra­gique futur vers lequel il nous conduit. La per­ti­nence des pro­pos, vingt-cinq ans après le moment de leur rédac­tion, n’a pas pris une ride, bien au contraire. Nous sommes tou­jours en effet dans une situa­tion de guerre entre un sys­tème de pré­da­tion hié­rar­chi­sée, ins­ti­tu­tion­na­li­sée et hau­te­ment tech­no­lo­gique sur le vivant, et de socié­tés humaines au mode de vie com­pa­tible avec les autres espèces de notre Terre. Les des­truc­tions, loin de dimi­nuer au cours de cette période, n’ont fait qu’augmenter, et il semble de manière géné­rale que la capa­ci­té d’analyse éco­lo­giste ai été vidé de son sens au point où l’on qua­li­fie aujourd’hui de « vertes » des tech­no­lo­gies qui laissent der­rière elles des terres exsangues, pol­luées, des popu­la­tions, humaines comme ani­males, au bord de la mort…

Le mode de vie pro­mu par ce sys­tème n’est pas sou­te­nable, et pour une majeure par­tie de la popu­la­tion, il n’est pas non plus sou­hai­table. Pour que puissent réap­pa­raître, dans nos socié­tés, des pers­pec­tives de sub­sis­tance, le déman­tè­le­ment du sys­tème capi­ta­liste est néces­saire. Il pas­se­ra, pour Mies et Ben­holdt-Thom­sen par la réap­pro­pria­tion des terres pri­va­ti­sées, et par une démi­li­ta­ri­sa­tion géné­rale, néces­si­tant la défec­tion, de la part des hommes, du modèle mas­cu­lin tra­di­tion­nel, violent. Pour elles, la créa­tion de petites com­mu­nau­tés auto­suf­fi­santes, éga­li­taires, décen­tra­li­sées, devrait nous per­mettre d’arriver, pro­gres­si­ve­ment, à une pers­pec­tive de subsistance.

Si les deux autrices ont conscience que résis­tance et sub­sis­tance vont de pair, les méthodes de résis­tance envi­sa­gées sont cepen­dant bien faibles par rap­port aux attaques sys­té­ma­tiques du monde indus­triel. À aucun n’est-il par exemple fait men­tion d’écosabotage, ou de stra­té­gie d’actions un peu moins passives…

Lila


  1. La Sub­sis­tance, p. 322.
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  1. « Les pre­mières vic­times humaines de ce sys­tème ne sont pas, comme le pense l’analyse mar­xiste clas­sique, les mâles sala­riés ins­crits dans l’économie for­cé­ment pyra­mi­dale du capi­tal, mais les femmes, réduites à des objets d’exploitation sexuelle et à des mères pondeuses. »

    Qu’est ce donc que « l’a­na­lyse mar­xiste clas­sique » pour ces deux auteurs ?
    Une simple lec­ture du Mani­feste du par­ti com­mu­niste aurais évi­té ce genre de stupidité.

    « Moins le tra­vail exige d’habileté et de force, c’est-à-dire plus l’industrie moderne pro­gresse, et plus
    le tra­vail des hommes est sup­plan­té par celui des femmes et des enfants. Les dis­tinc­tions d’âge et de
    sexe n’ont plus d’importance sociale pour la classe ouvrière. Il n’y a plus que des ins­tru­ments de
    tra­vail, dont le coût varie sui­vant l’âge et le sexe. Une fois que l’ouvrier a subi l’exploitation du
    fabri­cant et qu’on lui a comp­té son salaire, il devient la proie d’autres membres de la bour­geoi­sie : du
    pro­prié­taire, du détaillant, du prê­teur sur gages, etc., etc. Petits indus­triels, mar­chands et rentiers,
    arti­sans et pay­sans, tout l’échelon infé­rieur des classes moyennes de jadis, tombent dans le
    pro­lé­ta­riat ; d’une part, parce que leurs faibles capi­taux ne leur per­met­tant pas d’employer les
    pro­cé­dés de la grande indus­trie, ils suc­combent dans leur concur­rence avec les grands capitalistes ;
    d’autre part, parce que leur habi­li­té tech­nique est dépré­ciée par les méthodes nou­velles de
    pro­duc­tion. De sorte que le pro­lé­ta­riat se recrute dans toutes les classes de la population. »
    Ou encore :
    « Mais la bour­geoi­sie tout entière de s’écrier en chœur : « Vous autres, com­mu­nistes, vous voulez
    intro­duire la com­mu­nau­té des femmes ! » Pour le bour­geois, sa femme n’est autre chose qu’un
    ins­tru­ment de pro­duc­tion. Il entend dire que les ins­tru­ments de pro­duc­tion doivent être exploi­tés en
    com­mun et il conclut natu­rel­le­ment que les femmes elles-mêmes par­ta­ge­ront le sort com­mun de la
    socia­li­sa­tion. Il ne soup­çonne pas qu’il s’agit pré­ci­sé­ment d’arracher la femme à son rôle actuel de
    simple ins­tru­ment de pro­duc­tion. Rien de plus gro­tesque, d’ailleurs, que l’horreur ultra-morale
    qu’inspire à nos bour­geois la pré­ten­due com­mu­nau­té offi­cielle des femmes que pro­fes­se­raient les
    com­mu­nistes. Les com­mu­nistes n’ont pas besoin d’introduire la com­mu­nau­té des femmes ; elle a
    presque tou­jours existé.
    Nos bour­geois, non contents d’avoir à leur dis­po­si­tion les femmes et les filles des pro­lé­taires, sans
    par­ler de la pros­ti­tu­tion offi­cielle, trouvent un plai­sir sin­gu­lier à se cocu­fier mutuel­le­ment. Le
    mariage bour­geois est, en réa­li­té, la com­mu­nau­té des femmes mariées. Tout au plus pourrait-on
    accu­ser les com­mu­nistes de vou­loir mettre à la place d’une com­mu­nau­té des femmes hypocritement
    dis­si­mu­lée, une com­mu­nau­té franche et offi­cielle. Il est évident, du reste, qu’avec l’abolition du
    régime de pro­duc­tion actuel, dis­pa­raî­tra la com­mu­nau­té des femmes qui en découle, c’est-à-dire la
    pros­ti­tu­tion offi­cielle et non officielle. »
    Bien à vous Nico­las et mer­ci pour vos travaux.

    1. Pour le pro­lé­taire aus­si la femme est un ins­tru­ment de pro­duc­tion. C’est très naïf. Je vous sug­gère de lire « Le Capi­ta­lisme patriar­cal » de Sil­via Fede­ri­ci ou « Cra­chons sur Hegel » de Car­la Lon­zi. L’a­na­lyse mar­xiste a lar­ge­ment igno­ré les femmes.

  2. Salu­ta­tions et mer­ci pour votre réponse.
    Le net four­mille suf­fi­sam­ment de textes sur Marx et de son rap­port avec les femmes pour ne pas encom­brer inuti­le­ment la sec­tion com­men­taire de votre site. Je vous ren­voie donc à cette thèse écrite par une femme dont c’est jus­te­ment le sujet : https://www.theses.fr/234428953 et son résu­mé ici : https://travailleraufutur.fr/le-travail-des-femmes-dans-la-pensee-de-karl-marx/
    Par ailleurs, et j’en ter­mine, vous trou­ve­rez ici ( https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/marx-et-le-mouvement-autonome-des-femmes-note-sur-la-fondation-de-sections) le compte ren­du de la pro­po­si­tion n°3 de la Pre­mière Inter­na­tio­nale et qui fut adop­tée à l’u­na­ni­mi­té. Cette pro­po­si­tion recom­man­dait « la fon­da­tion de sec­tions de femmes par­mi les ouvrières ».
    Bien à vous Nicolas.
    PS : Ayant l’ha­bi­tude de vous lire régu­liè­re­ment, je me suis trom­pé dans mes remer­cie­ments à l’au­teur du texte. Mer­ci donc à Lila pour son travail.

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