L’incendie de la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris a provoqué, et c’était attendu, une résurgence massive du sentiment nationaliste, du nationalisme. Comme l’écrivait Orwell, par nationalisme il faut entendre cette « propension à s’identifier à une nation particulière ou à tout autre entité, à la tenir pour étant au-delà du bien et du mal, et à se reconnaître pour seul devoir de servir ses intérêts. » Cette résurgence du nationalisme est également résurgence massive de l’hubris de l’Occident, de celui de la civilisation, plus largement, et de son culte de l’idée de progrès, et de son anthropocentrisme.
C’est ainsi que de l’extrême gauche à l’extrême droite, et « ni de gauche, ni de droite », on considère la cathédrale de Notre-Dame comme un monument/symbole de « notre patrimoine », de « notre histoire », de « notre culture », de « notre nation ».
Dans son livre Zomia, ou l’art de ne pas être gouverné, l’anthropologue de Yale, James C. Scott, souligne :
« Les termes traditionnels utilisés en birman et en thaï pour le mot “histoire”, respectivement “yazawin” et “phonesavadan”, signifient littéralement tous deux “histoire des vainqueurs” ou “chronique des rois”. »
Ce qui a le mérite d’être honnête et de nous éclairer sur la nature de l’histoire que l’on enseigne en France, mais aussi en Occident, et dans tous les États du monde. Le sociologue états-unien Philip E. Slater écrivait, lui, que « l’histoire […] est en très grande majorité, même aujourd’hui, un récit des vicissitudes, des relations et des déséquilibres créés par ceux qui sont avides de richesse, de pouvoir, et de célébrité ».
James C. Scott ajoute :
« […] Dans ce contexte, reconstituer l’univers de vie des populations n’appartenant pas à l’élite — y compris celles qui vivaient dans les centres monarchiques — se révèle difficile. Elles apparaissent généralement dans les archives comme des abstractions statistiques : tel nombre de travailleurs manuels, de conscrits, de contribuables, de planteurs de riz, de porteurs d’offrandes. Ces populations n’apparaissent que rarement comme acteurs historiques, et lorsque c’est le cas — quand une révolte est réprimée par exemple —, elles sont à coup sûr le signe qu’un événement dramatique s’est produit. Le boulot des paysans, pourrions-nous dire, consiste à rester à l’extérieur des archives.
[…] Au-delà du problème des pages vierges, la nature des histoires officielles du centre monarchique exagère aussi systématiquement le pouvoir, la cohérence et la grandeur de la dynastie. […] Si nous envisageons les fanfaronnades cosmologiques émanant des centres monarchiques comme révélatrices de la situation réelle, nous risquons, comme l’a noté Richard O’Connor, d’imposer “les imaginaires impériaux de quelques grandes cours au reste de la région”. […] De tels récits servent, comme Walter Benjamin l’a rappelé, à donner une apparence de naturel à la progression et à la nécessité de l’État en général, et de l’État-nation en particulier. »
Or, ainsi que le rappelle Bernard Charbonneau dans son livre L’État :
« La Nation c’est l’État. L’État monarchique a préexisté de longs siècles au sentiment national français ; si la nation française est la plus vraie et la plus stable, c’est parce qu’elle est née dans le cadre de l’État le plus ancien et le plus stable. Tout au plus, à force d’action persévérante, l’État crée cette réalité par laquelle il prétend se justifier. Comment se constitue la Nation ? Rarement par le peuple, le plus souvent par le Prince. […] À l’origine des grandes nations modernes, la volonté populaire et la décision des armes se confondent ; le plébiscite, — quand il a lieu, — n’intervient qu’après coup.
Les nations sont nées de l’État, et les nationalismes sont revendications de l’État. Le nationalisme affirme soit que le territoire et les individus compris dans les limites d’un état forment une patrie et une société naturelle, soit que les hommes d’un pays, d’une religion ou d’une culture déterminée ont le droit de constituer un état. […] Dans tous les cas le mouvement national vise à la création à l’extension ou à la défense de l’État. […]
Pourquoi cette explosion des nationalismes au XIXe siècle ? Parce qu’en détruisant tous les anciens liens l’État était devenu le seul lien. L’État enlève aux sociétés la plupart des fonctions dont dépend la vie des hommes ; désormais c’est lui qui instruit, protège, nourrit. […] Le sort de l’État est celui des hommes, qu’ils le veuillent ou non ; la propagande est d’ailleurs là pour les aider à s’en rendre compte. »
L’historien Howard Zinn, dès l’introduction de son livre Une histoire populaire des États-Unis De 1492 à nos jours, rappelle la même-chose :
« Les nations ne sont pas des communautés et ne l’ont jamais été. L’histoire de n’importe quel pays, présentée comme une histoire de famille, dissimule les plus âpres conflits d’intérêts (qui parfois éclatent au grand jour et sont le plus souvent réprimés) entre les conquérants et les populations soumises, les maîtres et les esclaves, les capitalistes et les travailleurs, les dominants et les dominés, qu’ils le soient pour des raisons de race ou de sexe. Dans un monde aussi conflictuel, où victimes et bourreaux s’affrontent, il est, comme le disait Albert Camus, du devoir des intellectuels de ne pas se ranger aux côtés des bourreaux. »
La France, en tant que nation, ou État-nation, n’est que le produit de l’asservissement des êtres humains qui peuplaient son territoire à des rois, qui créèrent et imposèrent — en usant de divers moyens de coercition, y compris la violence — le Royaume de France, puis à des empereurs, puis à des présidents. Il n’y a aucune fierté à tirer d’avoir été fait prisonnier de ce projet autoritaire, ou de s’y identifier, de s’y soumettre corps et âme. (Et ainsi du royaume d’Italie qui donna naissance à l’Italie, du royaume d’Espagne à l’Espagne, ainsi du « Royaume-Uni », et ainsi de suite). Si les cathédrales sont des symboles de « notre histoire », elles sont des symboles de cette histoire de la constitution et de l’imposition des États-nations par la force, et par l’endoctrinement (y compris religieux). Mais elles ne font certainement pas partie de « notre culture ». Du moins pas de la mienne. Celles et ceux qui s’imaginent que les cathédrales font partie de leur culture s’identifient le plus souvent aux dominants, à leur culture, celles qu’ils ont imposée et qu’ils continuent d’imposer dans le cadre de la nation qu’ils ont créée de toute pièce — et qui désigne simplement le territoire géographique sur lequel ils exercent leur domination, qu’ils ont entrepris d’unifier et d’uniformiser selon les règles qu’ils imposent.
Que les dominants, ceux qui dirigent aujourd’hui la « start-up nation » France, se lamentent misérablement sur le sort de leur cathédrale, du symbole de leur nation, ou de leur entreprise (ce qui revient au même), c’est de bonne guerre. Mais que la masse des dépossédés en fasse autant témoigne largement de la réussite du conditionnement imposé par les premiers, au moyen de la propagande dont parle Bernard Charbonneau, et notamment de l’éducation nationale.
Il est significatif que les cathédrales soient souvent comparées aux pyramides, aux temples de diverses civilisations. Elles sont ainsi classées en tant que monuments de civilisation.
Dans son livre Le message des constructeurs de cathédrales, Christian Jacq écrit que « le Moyen Age des cathédrales » trouve « une composante fondamentale de son inspiration dans les cultures du bassin méditerranéen et, tout naturellement, dans la civilisation mère de la pensée symbolique occidentale, l’Égypte pharaonique ». Ainsi « la religion des pharaons fournissait un nombre considérable de modèles et d’archétypes aux symboles chrétiens ». « La crosse de l’évêque chrétien n’est autre qu’une transposition du sceptre-heka des pharaons, l’une et l’autre servant à guider magiquement les hommes sur la voie de Dieu. Les grands éventails en plume d’autruche utilisés à la cour des papes l’étaient déjà à la cour des pharaons ; tiares, mitres et sceptres de l’ancienne papauté n’étaient pas éloignés des originaux égyptiens. » Enfin : « Des pyramides aux cathédrales s’est manifestée la vérité d’une aventure vécue par des communautés de bâtisseurs, initiés par des rites et des symboles identiques quant au fond. »
Or, ainsi que l’historien et sociologue états-unien Lewis Mumford l’écrit dans Le Mythe de la machine :
« L’étude de l’époque des Pyramides que je fis pour me préparer à la rédaction de La Cité à travers l’histoire me révéla de manière inattendue qu’il existait un étroit parallélisme entre les premières civilisations autoritaires du Proche-Orient et la nôtre propre, bien que la plupart de nos contemporains continuent de considérer la technologie moderne, non seulement comme le sommet du développement intellectuel de l’homme, mais comme un phénomène entièrement neuf. Au contraire, je m’aperçus que ce que les économistes ont récemment nommé l’Age de la machine ou l’Age de la puissance avait son origine, non dans la prétendue révolution industrielle du XVIIIe siècle, mais au tout début dans l’organisation d’une machine archétypique, formée d’éléments humains. »
Cette machine archétypique impliquait :
« une enrégimentation et une dégradation correspondantes d’activités humaines autrefois autonomes : la “culture de masse” et le “contrôle des masses” firent leur première apparition. Non sans un mordant symbolisme, les produits suprêmes de la mégamachine, en Égypte, furent des tombes colossales, habitées par des cadavres momifiés ; tandis que plus tard en Assyrie, ainsi que de façon répétée dans chaque autre empire en expansion, le témoignage principal de son efficience technique était un désert de villages et de villes détruits, et de sols empoisonnés : le prototype de semblables atrocités “civilisées” d’aujourd’hui. […] Ces égarement colossaux d’une culture déshumanisée, centrée sur la puissance, souillent avec monotonie les pages de l’histoire, du viol de Sumer à la destruction de Varsovie, de Rotterdam, Tokyo et Hiroshima. Tôt ou tard, à ce que suggère cette analyse, nous devons avoir le courage de nous demander : cette association d’une puissance et d’une productivité peu communes avec une violence et une destruction tout aussi peu communes est-elle purement accidentelle ? […]
La réglementation bureaucratique faisait en réalité partie de la plus vaste réglementation de la vie, introduite par cette civilisation centrée sur le pouvoir. »
Les cathédrales, au même titre que les pyramides, sont des symboles de la civilisation, de « l’ordre nouveau » qu’elle a imposé, et que Lewis Mumford décrit dans son livre Les Transformations de l’homme :
« Sur le plan économique, l’ordre nouveau s’est appuyé dans une large mesure sur l’exploitation violente imposée aux cultivateurs et aux artisans par une minorité armée et toujours menaçante : intrus itinérants ou seigneurs locaux fortement retranchés. Car la civilisation a entraîné l’assimilation de la vie humaine à la propriété et au pouvoir : en fait, la propriété et le pouvoir ont pris le pas sur la vie. Le travail a cessé d’être une tâche accomplie en commun ; il s’est dégradé pour devenir une marchandise achetée et vendue sur le marché : même les “services” sexuels ont pu être acquis. Cette subordination systématique de la vie à ses agents mécaniques et juridiques est aussi vieille que la civilisation et hante encore toute société existante : au fond, les bienfaits de la civilisation ont été pour une large part acquis et préservés — et là est la contradiction suprême — par l’usage de la contrainte et l’embrigadement méthodiques, soutenus par un déchaînement de violence. En ce sens, la civilisation n’est qu’un long affront à la dignité humaine. […]
Esclavage, travail obligatoire, embrigadement social, exploitation économique et guerre organisée : tel est l’aspect le plus sinistre des “progrès de la civilisation”. Sous des formes renouvelées, cet aspect de négation de la vie et de répression est encore bien présent aujourd’hui. »
On remarquera au passage que le nationalisme produit des individus qui se soucient fiévreusement des symboles de la nation, ou des nations, ou de l’ensemble de nations (comme l’Occident) auquel on leur a appris à s’identifier, mais pas, ou rarement, des symboles équivalents des autres nations, auxquelles d’autres ont appris à s’identifier. Peu de Français déplorent la destruction de bâtiments ou de villes pluriséculaires dans des guerres en Libye, en Syrie, au Yémen, où la France et/ou des armes françaises sont impliquées.
Quoi qu’il en soit, si bien plus d’individus sont attristés par l’incendie d’un bâtiment que par le spécicide, l’écocide ou le biocide en cours, c’est qu’ils ont été conditionnés pour se soucier davantage de ces symboles anthropocentrés à la gloire de la civilisation (ou de « la nation », ou de « la République »), que des animaux et des plantes (sauvages ou non), que du monde naturel qu’elle détruit (les mille trois cents chênes – ou vingt-et-un hectares de forêt –, qui ont été abattus pour construire la charpente de Notre-Dame en savent quelque chose) ; leurs vies sont davantage constituées de relations avec des bâtiments qu’avec des êtres vivants non humains, domestiqués ou non.
Bref, que ce symbole de la domination et de l’exploitation de l’humain par l’humain, du christianisme (« les catholiques pleurent un « symbole vivant » de leur foi »), de la « nation » France (cette organisation sociale étatique construite et imposée par une élite au travers de moyens coercitifs), de la civilisation, de « la richesse et la puissance de la capitale capétienne de Philippe Auguste » (Le Point), « de l’Occident » (Luchini, Le Figaro), soit parti en flammes, ce n’est pas un drame (sauf pour les idolâtres comme Stéphane Bern de l’hubris civilisée et des accomplissements des dominants à travers l’histoire, qui est leur histoire).
Ce qui est déplorable, en revanche, ce sont ces centaines d’oiseaux, de chauves-souris et de petits animaux qui ont péri dans le brasier, et qui ont perdu leur foyer.
Mais que des millions ou peut-être des milliards d’euros financent sa reconstruction, dont une grande partie proviendra de l’évergétisme[1] des ultra-riches, c’est une nouvelle illustration du mépris de la civilisation[2] pour le monde qu’elle détruit, pour les humains qu’elle exploite.
***
Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des Rois.
Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?
Babylone, plusieurs fois détruite,
Qui tant de fois l’a reconstruite ? Dans quelles maisons
De Lima la dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?
Quand la Muraille de Chine fut terminée,
Où allèrent, ce soir-là les maçons ? Rome la grande
Est pleine d’arcs de triomphe. Qui les érigea ? De qui
Les Césars ont-ils triomphé ? Byzance la tant chantée.
N’avait-elle que des palais
Pour les habitants ? Même en la légendaire Atlantide
Hurlant dans cette nuit où la mer l’engloutit,
Ceux qui se noyaient voulaient leurs esclaves.
Le jeune Alexandre conquit les Indes.
Tout seul ?
César vainquit les Gaulois.
N’avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier ?
Quand sa flotte fut coulée, Philippe d’Espagne
Pleura. Personne d’autre ne pleurait ?
Frédéric II gagna la Guerre de sept ans.
Qui, à part lui, était gagnant ?
À chaque page une victoire.
Qui cuisinait les festins ?
Tous les dix ans un grand homme.
Les frais, qui les payait ?
Autant de récits,
Autant de questions.
Bertolt Brecht (1898–1956), « Questions que se pose un ouvrier qui lit »
***
Nous avons besoin d’une société véritablement démocratique, de démanteler la civilisation industrielle capitaliste, de démanteler la société de masse, hautement technologique, sur laquelle elle repose, qui ne peut l’être, par définition[3]. Nous avons besoin de nous défaire de l’emprise idéologique et culturelle qu’exercent les dominants, ceux qui dirigent actuellement la civilisation industrielle capitaliste, tant à la tête des États que des multinationales et autres corporations. D’une décolonisation de notre imaginaire. Nous avons besoin de mettre un terme à la destruction du monde naturel sur laquelle reposent inéluctablement le capitalisme et la civilisation (désormais industrielle), depuis des siècles. Mais nous n’avons pas besoin que des millions ou milliards soient dépensés pour reconstruire un monument à la gloire d’un passé mensonger, de la domination étatique, du mythe de la nation, de l’exploitation de l’humain par l’humain, du christianisme, de l’Occident, de la civilisation.
Nicolas Casaux
- Pratique remontant à l’Antiquité grecque et romaine. Elle consiste, pour les plus riches et les notables, à se montrer généreux aux yeux du peuple, en contribuant aux dépenses publiques ou en organisant des festivités. Par exemple, en payant les jeux du Cirque, ou la construction de grands bâtiments prestigieux. ↑
- https://partage-le.com/2017/10/7993/ ↑
- Les hautes technologies font partie des « techniques autoritaires » dont parlait Lewis Mumford, c’est-à-dire qu’elles sont des technologies qui reposent sur une organisation sociale autoritaire, contrairement aux « techniques démocratiques ». Mumford : « la technique autoritaire est une réalisation beaucoup plus récente : elle apparaît à peu près au quatrième millénaire avant notre ère, dans une nouvelle configuration d’invention technique, d’observation scientifique et de contrôle politique centralisé qui a donné naissance au mode de vie que nous pouvons à présent identifier à la civilisation, sans en faire l’éloge. Sous la nouvelle institution de la royauté, des activités auparavant disséminées, diversifiées, à la mesure de l’homme, furent rassemblées à une échelle monumentale dans une sorte de nouvelle organisation de masse à la fois théologique et technique. Dans la personne d’un monarque absolu, dont la parole avait force de loi, les puissances cosmiques descendirent sur terre, mobilisèrent et unifièrent les efforts de milliers d’hommes, jusqu’alors bien trop autonomes et indépendants pour accorder volontairement leurs actions à des fins situées au-delà de l’horizon du village. » ↑
Une autre réaction sur le sujet :
Ils sont si bien dressés ! Ce matin, petit tour au bistrot du village.
Tout le monde s’en fout mais si on aborde le sujet, on a droit à tous les poncifs éculés habituels.
Et dire que les plus lucides (des non-lucides) voient la fin de la civilisation et pensent que c’est un problème alors que c’est bien elle qui nous a mené là.
Comment faire sortir les gens de cette dissonance cognitive ?
Aucune chance.
On ne peut pas lutter contre un tel conditionnement.
Même les plus éveillés veulent une hiérarchie, un chef, des structures d’encadrement.
Des gosses irresponsables dépendants de papa patron, papa etat, mémé télé.
Et n’oublions pas que les exploités sont fait de la même boue que les exploiteurs.
Cette humanité occidentalisé ne mérite que de souffrir et c’est le cas, alors tant mieux.Ce n’est pas très chrétien (les gros hypocrites qui font semblant de s’intéresser à autrui uniquement s’il est leur semblable.)mais je m’en fous.
Le problème, c’est qu’elle fait souffrir aussi ceux qui refusent sa domination.
Je ne pense pas qu’il y est d’issue à ce paradigme mais le renoncement est pire, alors luttons de toutes nos forces, c’est toujours mieux que de vivre en larves.
Je pense qu’il ne faut pas négliger aussi la fascination du feu, qui peut expliquer que les badauds restèrent scotchés pendant des heures, ce n’est pas tous les jours qu’on voit partir en fumée 100 mètres de toiture d’un coup, le combat des pompiers, aussi, exerçait une sorte d’hypnose collective, car ça a duré des heures, et on avait peur pour eux, aussi. Beaucoup ont été révoltés de voir qu’ils entraient dans le bâtiment pour sauver des reliques et des oeuvres d’art, mais n’ont pas osé l’exprimer. Bref, qui a vu ça à la télé ne l’a pas vu, ni entendu, ni respiré « pour de vrai », comme les parisiens, c’est un truisme, désolée… Et finalement, le lendemain, comme une sorte d’admiration pour les bâtisseurs du passé, qu’ils aient été opprimés ou volontaires, de voir que toute la pierre semble tenir le choc. Pas trop d’accord avec le qualificatif de « Disney » vite collé à Eugène Viollet le Duc par Serge Quadrupanni, Viollet le Duc était un authentique créateur, un être libre et rebelle qu’il est intéressant de découvrir.
Je suis d’accord avec l’essentiel de l’article, sur le fait que cette cathédrale peut symboliser les grandes heures de la hiérarchie asservissante mais que la plupart des gens ne la perçoivent que comme ce que l’humain fait de plus beau.
Je pense qu’il ne faut tout de même pas enlever la dimension artistique et historique à ce bâtiment. Je ne suis pas particulièrement touché par cet incendie mais c’est une œuvre d’art qui disparaît, une œuvre que l’humain a produit à un moment de son histoire, une relique d’un temps passé et de pratiques que l’on pourrait vouloir dépassées. Aujourd’hui elle renforce les nationalismes mais demain peut-être elle sera replacée dans les constructions des idéologies tragiques de l’histoire.