GLENN ALBRECHT, UN ÉCOCHARLATAN PARMI D’AUTRES
Le Monde, Usbek et Rica, Liberation, France Culture, Le Nouvel Obs, Franceinfo, Europe 1, L’Express, Les Inrocks, Reporterre, Thinkerview, etc., Glenn Albrecht, anciennement « professeur de développement durable » à l’université de Murdoch en Australie occidentale, est décidément à la mode ces derniers temps. Même le gourou de la collapsosophie, Pablo Servigne, signe, dans L’OBS, un article de promotion de la publication chez Les Liens qui Libèrent d’une traduction française du livre de Glenn Albrecht.
Certains d’entre vous ont ainsi entendu parler de son plus célèbre néologisme : la « solastalgie », ou « éco-anxiété », une « forme de souffrance et détresse psychique ou existentielle causée par exemple par les changements environnementaux actuels et attendus, en particulier concernant le réchauffement climatique et la biodiversité ». Selon Albrecht, la « solastalgie » désigne : « Le mal du pays que l’on ressent même lorsqu’on est encore dans le pays ». Merveilleux néologisme qui nous permet à tous de nous sentir un peu mieux et de mieux combattre la destruction du monde.
D’après France Culture, Glenn Albrecht « prône le retour aux émotions par l’invention de mots nouveaux ». « Prônant une entrée dans le « symbiocène », « une ère caractérisée par des émotions positives envers la terre. » (p.10), le philosophe exhorte une génération qui en émanera complètement, la « Génération Symbiocène », à maintenir les liens vitaux et à en créer de nouveaux. » Le Monde le qualifie de « forgeur de néologismes ».
En toute logique, lorsque tous les médias de masse chantent les louanges d’un « penseur », on peut s’attendre à une belle escroquerie. Avec Albrecht, autant dire qu’on n’est pas déçus. Ce génial néologue professionnel n’a jamais vraiment renié la discipline qu’il enseignait à l’université. Il promeut toujours, aujourd’hui, l’idée de « développement durable ». Seulement, il l’agrémente désormais de tout un tas de notions farfelues, tentant de compenser voire de dissimuler la misère de sa pensée derrière une frénésie conceptualisatrice.
Chez Albrecht, aucune remise en question de l’État, du « développement », du technocentrisme, des fondements du capitalisme, de la trajectoire idéologique/culturelle fondamentale de la société techno-industrielle, aucune examen critique des prétentions « vertes » associées aux toujours plus nombreuses « technologies vertes », dont les technologies de production d’énergie dite « verte » ou « renouvelable », aucune réflexion sur le lien entre le degré de complexité technologique d’une société et son régime politique, son mode de gouvernance. À l’instar des éco-baratineurs régulièrement promus dans les médias de masse, il se contente de promouvoir une civilisation techno-industrielle écodurable, verte et bio, renouvelable et propre, décarbonée et symbiotique. Son usage répété du terme « symbiotique » rappelle d’ailleurs « l’économie symbiotique » d’une Isabelle Delannoy, elle aussi autorisée et promue dans les mass médias — et pour cause ! : « l’économie symbiotique » d’Isabelle Delannoy ou le « symbiocène » auquel en appelle Albrecht, c’est du pareil au même.
Dans le merveilleux Symbiocène, l’entreprise (l’entité qui domine actuellement le monde), aura disparue, remplacée par… des « entreprises sumbiorégionales ». Stupéfiante imagination ! L’avion aura disparu, remplacé par… « l’avion électrique », qui « existe déjà ». En effet, en alimentant les avions « avec des énergies renouvelables, nous volerons “gratuitement” ». Le bioplastique biodégradable aura remplacé le plastique. Les « emballages en cellulose » de nos denrées alimentaires se mangeront. En revanche, internet restera internet — à la différence près que ce réseau infrastructurel planétaire sera alors rendu durable, bio, soutenable, vert et propre, et même décarbonée, et qu’il ne sera plus dominé par de grandes multinationales mais « retrouvera sa raison d’être originelle : permettre une communication gratuite et instantanée entre différents groupes d’intérêts communs ». Fini les villes, nous vivrons dans des « sumbiopolis », et ça n’aura rien à voir, puisque celles-ci seront constituées de « gratte-ciels, de forêts et d’usines, et entourées de champs agricoles ». La civilisation éco-techno-bio-industrielle du « symbiocène » sera évidemment alimentée — uniquement — par des énergies renouvelables, vertes et propres, car « l’énergie que nous tirons de ces sources d’énergies renouvelables est gratuite ! » En outre, les « cellules biophotovoltaïques sont déjà une réalité ». « Nos ampoules brilleront comme des lucioles ». En bref, Albrecht nous affirme que tout va changer pour que rien ne change. Je pourrais continuer longtemps à vous citer les écofadaises qu’il enfile (nous serons des « sumbiovores », etc.). Aucun intérêt.
Selon toute probabilité, tout cela n’arrivera jamais. En outre, l’enfer vert, non merci. L’Albrecht est promu dans les médias de masse pour les mêmes raisons que Dion, Delannoy et tant d’autres le sont : parce que son boniment est à la fois totalement inoffensif, et rassurant (il est possible de verdir/rendre durable/soutenable le mode de vie technologique et le type d’organisation sociale auxquels nous sommes habitués, accros, pour lequel nous sommes conditionnés, que nous prenons pour une sorte de condition sine qua non de la vie humaine sur Terre : sans internet, sans électricité, à quoi bon vivre ? Est-ce vraiment vivre ? Ne serait-ce pas retourner à l’époque des cavernes, de la bougie, des peaux de bêtes, des sauvages, de l’enfance de l’humanité, du froid, de la faim, de la mort à 10 ans à cause d’un paléocoronavirus ?). Un marchand d’illusions vertes parmi d’autres, donc, au carrefour du new-age et de l’escrologie.
Nicolas Casaux
Bonjour,
Glenn est passé récemment sur Thinkerview (comme Cyrille Dion, Bihouix etc.), ce serait intéressant de vous voir aussi parler là bas pour exposer votre point de vue. Qu’en pensez vous ?