Quand le féminisme matérialiste succombe à l’obscurantisme postmoderne (par Audrey A.)

Butler, Delphy & le spectre de la pensée dualiste.

Le mythe patriar­cal est une per­for­mance du réel, une per­for­mance répé­tée qui devient per­for­ma­tive au niveau juri­dique lorsqu’il en est déci­dé ain­si. Judith Bul­ter, qui aime per­for­mer sa propre pen­sée, de pré­fé­rence en pan­ta­lon-cos­tard-che­mise, le vête­ment du pou­voir, confond sciem­ment per­for­mance du réel (le jeu d’acteur d’Henri Cavill dans The Wit­cher tout au long de 2 sai­sons) et per­for­ma­ti­vi­té de la per­for­mance de l’acteur (Géralt de Riv existe). Autre exemple, issu cette fois de chez But­ler elle-même, qui nous invite à élar­gir le cercle de la « caté­go­rie de femme » et qui, se fai­sant, se posi­tionne dans le royaume des idées et de la chose en soi, de tout ce qu’il reste des femmes une fois que l’on opère la sous­trac­tion de la réa­li­té au construit social qui l’englobe – car oui, le construit social com­prend la réa­li­té, en ce qu’il la trans­cende et l’enveloppe – soit, une essence. Une fois que l’on sous­trait la réa­li­té au construit social, ne demeure qu’une dif­fé­rence onto­lo­gique de l’ordre de l’ectoplasme méta­phy­sique, de l’essence. C’est ceci, l’essentialisme, énième notion mal­me­née ou plu­tôt redé­fi­nie dans la nov­langue construc­ti­viste actuelle. But­ler et tous ceux qui s’en réclament veulent que nous consi­dé­rions les « hommes tran­si­den­ti­fiés en femmes en tant qu’ils sont des femmes comme les autres », for­mule autre­ment connue sous le man­tra « les trans­femmes sont des femmes ». L’opération de conscience patriar­cale, telle qu’elle nous appa­rait, est d’abord une sous­trac­tion, ou bien, une décan­ta­tion onto­lo­gique visant à iso­ler un rési­du ecto­plas­mique qui, dans un second temps, se voit cris­tal­li­sé et réi­fié en chose réelle. Alchi­mie séman­tique, presque poé­tique, d’une géné­ra­tion ex nihi­lo de la pen­sée per­for­ma­trice. Que l’homme devinsse femme, et la femme fût.

Reve­nons sur la terre ferme du monde sen­sible et iden­ti­fions d’abord ce que le mythe patriar­cal peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Il ne peut pas rendre réel quelque chose qui n’existe pas. Le mythe patriar­cal ne pos­sède pas le pou­voir de trans­mu­ter l’ADN d’un homme, de trans­sub­stan­tier ses gamètes, de méta­mor­pho­ser son entière phy­sio­lo­gie interne et externe, de rem­pla­cer tous les Y de cha­cune de ses cel­lules par un X. Le mythe ne détient donc pas de pou­voir magique de muta­tion méta­phy­sique. Cepen­dant, il dis­pose d’un pou­voir (kra­tos) de domi­na­tion : celui de défi­nir les choses et l’ordre des choses. Le pou­voir de coer­cer qui­conque refu­se­rait d’accepter, à toutes fins utiles, qu’un homme devienne une femme — ce que le mythe per­for­ma­tif pré­tend possible.

Le sexe : une construction sociale ?

Chris­tine Del­phy, dans son abé­cé­daire, nous dit que le rési­du méta­phy­sique, l’essence, appe­lez-le comme vous le sou­hai­tez, ici le genre, pré­cède le sexe. Le sexe ana­to­mique. Comme s’il pou­vait y avoir un autre sexe que le sexe du monde maté­riel et sen­sible. Un sexe méta­phy­sique, le sexe des anges peut-être. Nous y revien­drons. Pour l’instant, arrê­tons-nous sur ces sables mouvants :

« Lorsque l’on dit que le sexe est une caté­go­rie natu­relle, on est, phi­lo­so­phi­que­ment par­lant, lin­guis­ti­que­ment par­lant, on est dans une absur­di­té, mais pas­sons là-dessus… »

Effec­ti­ve­ment, le pou­voir de caté­go­ri­ser, qui se trouve au centre de ce qu’un cou­rant de pen­sée du post­mo­der­nisme appelle « construc­ti­visme social », que l’on nomme aus­si socio­cons­truc­ti­visme, appar­tient à la classe domi­nante, dont la domi­na­tion s’a­vère aus­si maté­rielle qu’i­déelle. Le sexe est un don­né, et toute caté­go­ri­sa­tion opé­rée (construite) par-des­sus est le fruit d’une opé­ra­tion de conscience patriar­cale. Le sexe, c’est la facul­té de fabri­quer un humain dans votre ventre ou celle de don­ner vos gènes pour le bras­sage géné­tique. Si vous êtes un sac à gènes, votre corps en son entier est inca­pable de fabri­quer la vie. C’est ain­si. Nous en sommes déso­lées pour vous et ce n’est pas de notre faute, nous n’avons pas choi­si, il y a de cela plus d’un mil­liard d’années, que nous allions gar­der tout le cyto­plasme et la plus grande réserve des mito­chon­dries dont vous vous dépouille­rez che­va­le­res­que­ment, de manière à ce que nous ces­sions de nous entre­tuer lors de guerres cyto­plas­miques pour la repro­duc­tion. La pre­mière occur­rence de sexe méio­tique était après tout, comme le rap­pelle Lynn Mar­gu­lis, un acte de can­ni­ba­lisme avorté.

La caté­go­ri­sa­tion com­mence dès le moment où le regard objec­ti­fiant du domi­nant, for­ma­té par le sys­tème idéo­lo­gique de la conscience patriar­cale, fait de ce don­né une des­ti­née. C’est-à-dire : « puisque vous pou­vez pro­créer, alors vous ne ferez que cela, telle sera votre des­ti­née ». La caté­go­ri­sa­tion par la conscience patriar­cale assigne un rôle social basé sur le don­né du sexe : le rôle socio-sexuel. Ce rôle socio-sexuel, au tra­vers d’une suc­ces­sion de glis­se­ments séman­tiques, et donc de caté­go­ri­sa­tion (arché­ty­pa­li­sa­tion et ulti­me­ment sté­réo­ty­pi­ca­li­sa­tion), consti­tue ce que le sys­tème idéo­lo­gique dua­liste appelle aujourd’hui le genre. Par­don­nez-moi, mais les dis­cours hors-sol du post­mo­der­nisme au lit avec la phé­no­mé­no­lo­gie m’obligent à deve­nir gros­sière. Lorsque nous par­lions de sidé­ra­tion de la pen­sée et d’engourdissement réflexif face à la mon­tagne d’absurdités pro­duites par la phi­lo­so­phie dua­liste et ses ser­vantes, même avec les meilleures des inten­tions, comme ici Chris­tine Del­phy, notre propre pen­sée en contact avec la bouillie de soude court tou­jours le risque de s’y dis­soudre. Les pen­seuses post­mo­dernes du socio­cons­truc­ti­visme sont tou­jours expo­sées au piège du lan­gage, qu’elles ont contri­bué à creu­ser – c’est-à-dire qu’elles ont ten­dance à se faire lit­té­ra­le­ment duper par le lan­gage. Le lan­gage défi­ni par la conscience patriar­cale. Ou com­ment ana­ly­ser l’air tout en ayant besoin de res­pi­rer. Atta­chez vos cein­tures, on décolle :

« (…) Le sexe per­met le genre, au moins, la divi­sion tech­nique du tra­vail, qui a son tour créé ou au moins per­met la domi­na­tion d’un groupe sur l’autre. Nous pen­sons au contraire que c’est l’oppression qui crée le genre, que la hié­rar­chie de la divi­sion du tra­vail est d’un point de vue logique, a la divi­sion tech­nique du tra­vail. On a d’abord une divi­sion hié­rar­chique, et ensuite une divi­sion tech­nique du tra­vail. Et celle-ci crée les rôles sexuels que l’on appelle le genre. Et le genre crée à son tour ce que l’on appelle le sexe anatomique. »

La vieille ques­tion de la poule et de l’œuf aurait du sens si nous avions affaire à un pro­ces­sus endo­sym­bio­tique. Or, nous ne sommes pas ici dans le royaume du micro­biote, mais dans celui d’un sys­tème poli­tique de domi­na­tion (le men­songe) sécu­ri­sé par la vio­lence. Del­phy rap­pelle que le sys­tème idéo­lo­gique pré­cède notre nais­sance, que les caté­go­ri­sa­tions opé­rées par ce sys­tème idéo­lo­gique, por­tées et ren­for­cées par ses membres, les hommes domi­nants, les indi­vi­dus en ce qu’ils sont eux-mêmes la fabrique et la matière du réseau (lorsqu’ils décident de tuer les femmes qui tentent de les quit­ter, lorsqu’ils décident de détruire la car­rière des femmes qui dénoncent leurs vio­lences sexuelles, Cf. Sand Van Roy et Luc Bes­son) et acteurs d’un réseau de pou­voir hié­rar­chique (qui les pro­tège, Cf. leur impu­ni­té fla­grante). Que ce sys­tème idéo­lo­gique com­mence à nous condi­tion­ner au tra­vers des rôles socio-sexuels qu’il nous assigne dès le moment où notre sexe est consta­té par écho­gra­phie ou que vous le com­man­dez vous-même sur cata­logue pour une FIV. Pour celles qui ne le savaient pas, oui, nous en sommes là. Le sexing, choix du sexe du bébé dans le cadre d’une pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée, est inter­dit en France, mais pas aux États-Unis. Au total, en pre­nant en compte l’Inde, la Chine, l’Afghanistan, le Ban­gla­desh, le Pakis­tan, la Corée du Sud et Taï­wan, le dif­fé­ren­tiel de filles man­quantes lié à l’avortement sélec­tif et aux tech­niques de choix du sexe (pour les plus riches) est esti­mé à 90 millions.

Aucun pro­blème, ou presque, avec tout ce qui pré­cède, même s’il est néces­saire de repas­ser der­rière l’extraordinaire asser­tion de Del­phy armée d’une truelle et d’un bac de béton afin d’exposer l’éléphant dans le maga­sin de por­ce­laine qu’elle occulte étran­ge­ment dans sa démons­tra­tion : le sys­tème idéo­lo­gique de la pen­sée patriar­cale mul­ti­mil­lé­naire, fon­dé sur le désir de contrôle de la sexua­li­té et des ventres des femmes par les hommes, sa mise en place coer­ci­tive au moyen d’une vio­lence directe et struc­tu­relle, ain­si que son actua­li­sa­tion conti­nue par les hommes qui l’incarnent. Et les femmes qui le servent.

C’est ici que les choses se corsent, ou que le ser­pent se mord la queue.

« Alors diable, com­ment le genre peut créer le sexe ana­to­mique. Le genre crée le sexe ana­to­mique dans le sens que cette par­ti­tion hié­rar­chique en deux trans­forme en dis­tinc­tion per­ti­nente pour la pra­tique sociale, une dif­fé­rence ana­to­mique qui est en elle-même dépour­vue d’implication sociale. Que la pra­tique sociale, elle seule, trans­forme en caté­go­rie de pen­sée, un fait phy­sique, en lui-même dépour­vu de sens comme tous les faits phy­siques. Le genre pré­cède le sexe »

Com­ment diable, exac­te­ment. En pre­nant le risque de ne pas assoir la pen­sée dans le monde maté­riel et de s’échapper dans le royaume éthé­ré des idées, la pen­sée finit par ne plus retrou­ver le che­min de la réa­li­té. Le patriar­cat, ce gros mot qui n’est pas qu’une suc­ces­sion de syl­labe, est bel et bien incar­né dans tous les hommes au sein d’une socié­té patriar­cale, que ceux-ci veuillent en faire par­tie ou non, que ceux-ci veuillent en béné­fi­cier ou non. Le patriar­cat, ce sys­tème hié­rar­chique d’exploitation pro­téi­forme, nous l’abordons ici dans son aspect per­for­ma­tif, c’est-à-lire en sou­li­gnant son pou­voir de nom­mer et défi­nir les choses et les états de fait, son pou­voir de mys­ti­fi­ca­tion, d’interprétation et d’écriture mytho­gra­phique de la réa­li­té, d’institutionnaliser le men­songe, d’inverser des réa­li­tés, de ren­ver­ser et de ré-ins­ti­tu­tion­na­li­ser le sens : la mala­dap­ta­tion[1] du sens, l’androcratie ins­ti­tu­tion­nelle. Si l’on n’oublie rien. Le pire serait d’oublier, et d’oublier l’oubli. Hei­deg­ger y était presque lui aus­si. Mais mieux valait pour sa propre inté­gri­té morale qu’il oublie son oubli. Dephy a mani­fes­te­ment oublié. Et l’oubli de son oubli la plonge dans l’embarras. C’est d’ailleurs très embar­ras­sant à regar­der. Son hôtesse lui repose la ques­tion, après le second tour de cir­cu­la­ri­té, et elle aus­si se trouve dans l’attente de l’irrésolution, consciente qu’il y a bien là un fin mot de l’histoire qui leur échappe, sur le bout de la langue, peut-être, mais Del­phy décide de pas­ser à autre chose. Elle a suf­fi­sam­ment écrit là-des­sus, pour elle, c’est un acquis. Embar­ras­sant, indeed.

Le pou­voir police le lan­gage et l’emploi du lan­gage, il est celui qui défi­nit les mots et l’usage des mots : vous ne pou­vez donc plus dire d’une per­sonne que vous per­ce­vez et iden­ti­fiez, dans le sens de recon­naître selon un ensemble de fac­teurs phé­no­ty­piques et de vigi­lance ves­ti­giale néces­saire à votre sur­vie, sur­tout si vous êtes une femelle de l’espèce humaine, qu’il s’agit en fait d’un homme. D’un homme dans les faits, dans la réa­li­té, dans le monde sen­sible et maté­riel, dans le monde concret, d’un homme qui peut vous frap­per et vous mettre à terre dans un espace où n’auriez pas dû avoir à vous méfier, d’un homme qui peut arra­cher vos vête­ments et for­cer son entrée dans vos entrailles. Le cas échéant, le mythe patriar­cal dis­pose du pou­voir légal de vous for­cer à dire qu’une femme vous a vio­lée avec son pénis de femme, et vous serez rap­pe­lée à l’ordre au tri­bu­nal, face à l’homme qui vous a sexuel­le­ment agres­sée, en ce qui concerne l’usage des bons pro­noms. Madame, pen­sez un peu aux sen­ti­ments de votre vio­leur, dites « elle » lorsque vous par­lez de lui[2].

Le genre précède le genre

L’on peut aus­si noter qu’en affir­mant que le genre pré­cède le sexe, ou du moins qu’il « crée le sexe ana­to­mique » dans le sens d’une « par­ti­tion hié­rar­chique en deux […] per­ti­nente pour la pra­tique sociale » sur la base d’une « dif­fé­rence ana­to­mique », autre­ment dit que le genre crée une par­ti­tion hié­rar­chique en deux de la socié­té sur la base d’une dif­fé­rence ana­to­mique, Chris­tine Del­phy affirme très exac­te­ment que le genre crée le genre. Tau­to­lo­gie bon­soir. Au final, on retrouve ici le cadre métho­do­lo­gique au fon­de­ment de l’argumentation cir­cu­laire mar­te­lée par les mili­tants du genre : est une femme toute per­sonne qui s’identifie comme une femme.

De l’importance du sexe

Quit­tons main­te­nant le royaume de la logique et de la police patriar­cale afin de reprendre racines dans la terre nour­ri­cière. Non seule­ment Del­phy cultive cette pen­sée en serre hydro­po­nique, mais comme si cela n’était pas déjà inva­li­dant, elle ignore tout un pan du royaume sen­sible étu­dié depuis 70 ans par l’anthropologie évo­lu­tion­naire. Comme tout bon pen­seur de l’obscurantisme post­mo­derne, Del­phy est en bis­bille avec l’évolution et la sélec­tion sexuelle. Dar­win, remi­sant ses lunettes patriar­cales et pour­sui­vant son intui­tion pre­mière, écré­mée de l’opportunisme égoïste ima­gi­né par Spen­cer et Daw­kins en concor­dance avec notre vio­lente civi­li­sa­tion escla­va­giste, tenait le bon bout. Le bout qu’ont su déve­lop­per Sarah Blaf­fer Hrdy et tous les anthro­po­logues et eth­no­logues ayant révo­lu­tion­né le point de vue tar­za­niste[3] ébran­lé par Sah­lins lors de la grande confé­rence d’anthropologie tenue à la fin des années 60 inti­tu­lée « Man The Hun­ter », (l’homme, ce chas­seur ; une vaste farce andro­cen­trée). Dans son livre L’Ennemi prin­ci­pal, Depl­hy écrit :

« Il en découle que si le genre n’existait pas, ce qu’on appelle le sexe serait dénué de signi­fi­ca­tion, et ne serait pas per­çu comme impor­tant : ce ne serait qu’une dif­fé­rence phy­sique par­mi d’autres. J’étais consciente, et je l’écrivis, qu’il fau­drait des années pour prou­ver cette thèse hardie. »

Del­phy semble oublier la rai­son pour laquelle le genre a été éta­bli sur la base des deux sexes bio­lo­giques et non de nos cou­leurs de che­veux. Elle semble igno­rer pour­quoi le genre est un rôle socio-sexuel et non un rôle socio-capil­laire. Peut-être que nos ancêtres homi­ni­dés et fémi­ni­dés déci­dèrent à la courte paille de fabri­quer ex nihi­lo un sys­tème de domi­na­tion[4] ?

En niant l’importance évo­lu­tion­naire du sexe, ce qui revient, en sui­vant à son terme cette logique pré­pos­tère, à nier la théo­rie de l’évolution et la sélec­tion sexuelle elle-même, Del­phy occulte les fon­de­ments socio­sexuels du genre et dis­si­mule les ori­gines du sys­tème de domi­na­tion humain qu’est le sexisme, ain­si que celles du racisme qui y puise son fon­de­ment his­to­rique[5]. Ce néga­tion­nisme évo­lu­tion­naire illustre encore une fois que la pen­sée post­mo­derne construc­ti­viste est deve­nue in fine une pen­sée créa­tion­niste. Dua­lisme méta­phy­sique, quand tu nous tiens.

Car le sexe n’est pas une simple dif­fé­rence géno­ty­pique et phé­no­ty­pique comme le serait la cou­leur de nos che­veux ou de nos yeux. Elle est la dif­fé­rence cru­ciale dans l’évolution de l’espèce humaine. Elle est ce qui nous a dis­tin­gué de nos cou­sins pri­mates. Excu­sez du peu. Pro­créer, mettre des vies au monde serait donc aus­si ano­din que dire bon­jour ?! Quelle insi­gni­fiance. Non, la moi­tié seule­ment seront en mesure de le faire, actuel­le­ment ou vir­tuel­le­ment. Une femelle méno­pau­sée ne cesse pas d’être une femelle. Une femelle pré-pubère reste une femelle. Une femelle atteinte d’un cer­tain type de syn­drome de Swyer, dont le caryo­type contient les chro­mo­somes sexuels XY, mais dont le gène SRY pré­sent sur le Y est néga­tif (SRY condui­sant nor­ma­le­ment à l’ex­pres­sion des gènes de dif­fé­ren­cia­tion des tes­ti­cules, entre autres) déve­lop­pe­ra des gonades de type « ovaires » par défaut et bien qu’infertile, n’en sera pas moins une femelle. Del­phy ne nie pas la maté­ria­li­té, la réa­li­té du sexe, enten­dons-nous bien. Mais elle en nie l’importance phy­sique, évo­lu­tion­naire et donc sociale — genre ou non — pour l’espèce humaine, espèce sym­bo­li­sante au cer­veau gour­mand. Avez-vous seule­ment déjà pris connais­sance des registres archéo­lo­giques ? Si vous l’aviez fait, l’importance de la cou­leur des che­veux dans le déve­lop­pe­ment de la sym­bo­li­sa­tion humaine vous aurait très cer­tai­ne­ment sau­té aux yeux. Le sexe, en revanche, c’est bien connu, n’a aucune impor­tance. Rap­pel express :

Les homi­ni­dés – ou plu­tôt les fémi­ni­dés — nous ont ren­dus humains en sélec­tion­nant sexuel­le­ment les mâles pour­voyeurs et coopé­ra­tifs, d’abord en déve­lop­pant une pra­tique de dis­si­mu­la­tion de l’ovulation, qui non seule­ment per­mit d’écarter les mâles alphas cher­chant à fer­ti­li­ser un maxi­mum de can­di­dates, pas­sant de l’une à la sui­vante, mais exi­gea même, ensuite, la for­ma­tion de coa­li­tions[6] fémi­nines, et ce, de manière à ce que les mâles aient tout inté­rêt (accès aux femelles) à sub­ve­nir aux besoins éner­gé­tiques très forts qu’impliquait l’augmentation de la taille de notre cer­veau[7]. Quit­ter l’œstrus per­mit aux femelles de rete­nir les mâles alen­tour, et les coa­li­tions femelles, par la suite, de les envoyer cher­cher et rame­ner de la nour­ri­ture pour leur pro­gé­ni­ture au lieu de la gar­der pour eux-mêmes.

Main­te­nant, pour­quoi notre cer­veau a‑t-il été pris d’une telle pous­sée de crois­sance, au point que les femelles aient dû évo­luer (quit­tant l’œstrus) de manière à rete­nir les mâles coopé­ra­tifs auprès d’elles pour sub­ve­nir aux demandes éner­gé­tiques que deman­dait une telle aug­men­ta­tion céré­brale, et déve­lop­per ensuite des coa­li­tions sym­bo­liques, de manière à ce que ces mêmes mâles (non domi­nants, rap­pe­lons-le) s’en aillent ensemble chas­ser au lieu de leur tour­ner autour à guet­ter l’ovulation des femelles  – signe dif­fi­ci­le­ment dis­si­mu­lable, mais impli­quant que les mâles attendent et res­tent auprès d’elles – la ques­tion reste ouverte. Mais ce n’est cer­tai­ne­ment pas une ques­tion de cou­leur de che­veux. Pour­quoi nos cou­sins les bono­bos n’ont-ils pas connu de pous­sée de cer­veau comme sapiens, eux qui sont déjà natu­rel­le­ment coopé­ra­tifs et convi­viaux[8], qui pra­tiquent les rela­tions sexuelles comme ren­for­ce­ment de la cohé­sion sociale et réso­lu­tion de conflits (ce pour­quoi ils sont consi­dé­rés hédo­nistes, en pri­ma­to­lo­gie, contrai­re­ment à leurs cou­sins chim­pan­zés de nature ago­niste), et dont les femelles n’ont jamais eu à évo­luer pour dis­si­mu­ler l’ovulation ? Elles n’ont pas eu besoin de le faire, les bono­bos étant déjà une espèce coopé­ra­tive pra­ti­quant l’alloparentage dans l’élevage des enfants[9]. Pas d’accroissement de cer­veau pour opé­rer l’acte sym­bo­lique de la domi­na­tion inver­sée et pas de nou­velle stra­té­gie évo­lu­tion­naire sexuelle à déve­lop­per. Nous n’étions peut-être que des sous-bono­bos, des chim­pan­zés ayant four­ni un effort évo­lu­tion­naire qui a fait boule de neige, jusqu’à sapiens, pour fina­le­ment dépas­ser de loin ses cou­sins pri­mates hip­pies. Nous aurions pu faire bien pire en adop­tant les stra­té­gies égoïstes des femelles lémurs, et encou­ra­gé les mâles alpha infan­ti­ci­daires et vio­lents. Cela dit, nous avons bel et bien dévo­lué depuis le début de l’holocène[10], et contrai­re­ment à nous, les lémurs ne détruisent ni les autres espèces, ni la pla­nète. L’égoïsme repro­duc­tif est pro­ba­ble­ment la seule occur­rence de stu­pi­di­té natu­relle du vivant digne des Dar­win Awards.

Pour que se réa­lise la « thèse har­die » (et non pas « Hrdy ») de Del­phy selon laquelle le sexe, débar­ras­sé du genre, ne serait plus qu’une dif­fé­rence phy­sique comme une autre, il lui fau­dra bien plus que « des années » et beau­coup d’huile de coude. Il lui fau­dra quelque chose comme sept mil­lions d’années d’évolution humaine — en étant opti­miste. En atten­dant, le sexe — indé­pen­dam­ment du genre qui est, nous ne le rap­pel­le­rons jamais assez, un rôle socio­sexuel — conti­nue­ra, entre autres choses et dif­fé­rem­ment selon que vous êtes femme (femelle) ou homme (mâle), de déter­mi­ner une par­tie de la phy­sio­lo­gie de votre corps, de nom­breux traits mor­pho­lo­giques (taille, pilo­si­té faciale) et phy­sio­lo­giques (sen­si­bi­li­té olfac­tive, fonc­tion­ne­ment de l’oreille interne), la manière dont vous subis­sez une crise car­diaque, la manière dont vous réagis­sez à cer­tains médi­ca­ments, la manière dont la graisse se répar­tit dans votre corps, vos apti­tudes et vos limites dans la recherche de l’excellence ath­lé­tique, votre (in-)capacité à mettre au monde, etc. Del­phy n’est mani­fes­te­ment pas une femme spor­tive et n’a pro­ba­ble­ment jamais par­ti­ci­pé ni vu l’intérêt d’une saine com­pé­ti­tion ath­lé­tique. Mais cela n’est pas éton­nant : tout comme But­ler, c’est à se deman­der si elle a conscience d’être un corps, et non de vivre dans un véhi­cule qu’elle condui­rait depuis son esprit, sépa­rée du reste de son orga­nisme par une paroi opaque dissociative.

Dans la majo­ri­té voire dans tous les cas, les dif­fé­rences sexuelles résultent de notre bio­lo­gie et le dimor­phisme sexuel autant de notre évo­lu­tion que de méca­nismes à la fois bio­lo­giques et socio­lo­giques ; nous pen­sons à l’augmentation du dimor­phisme liée, par exemple, à la mal­nu­tri­tion des filles aux pro­fits des gar­çons dans cer­taines socié­tés, fabri­quant ain­si des géné­ra­tions de filles et femmes caren­cées, carences qui affectent en retour la san­té des fœtus mâles. Dans notre socié­té, des femmes pétries de syn­drome de stress post-trau­ma­tique, en état conti­nu d’hypervigilance, fécon­dées par des hommes vio­lents et émo­tion­nel­le­ment han­di­ca­pés, donnent nais­sance à des enfants hyper adap­tés au dan­ger et dotés d’une cog­ni­tion consi­dé­rée par la méde­cine psy­chia­trique comme défi­ci­taire de l’attention. Mais même si le genre était abo­li — ce que nous sou­hai­tons de tout cœur — et même si des mil­liers d’années pas­saient, les dif­fé­rences sexuelles demeu­re­raient. Le sexe n’est pas un détail phy­sique insignifiant.

Les origines biologiques du sexe (non, le sexe n’est pas une construction sociale)

Pour­tant, nous répon­dront cer­tains, il se trouve que chez les pois­sons-clowns, et les sèches, et même les cham­pi­gnons, les choses ne se passent pas de cette manière ! Ain­si Del­phy affirme-t-elle, en se basant sur les fon­da­tions bran­lantes de l’éminente Anne Faus­to Sterling :

« En bio­lo­gie, on parle de repro­duc­tion sexuée, un type de repro­duc­tion appa­ru, comme tous les traits de l’évolution, par hasard, et consi­dé­ré par les bio­lo­gistes comme un “bidouillage-qui-a-tenu-on-ne-sait-pour­quoi” ; il n’implique nul­le­ment que ces sexes soient deux, ni qu’ils soient por­tés par des indi­vi­dus sépa­rés ; on se garde donc bien de par­ler de “dif­fé­rence des sexes” (voir Faus­to-Ster­ling 2000). »

De telles clow­ne­ries ne peuvent qu’émerger du cirque post­mo­derne ou d’une sur­con­som­ma­tion de psi­lo­cybes[11]. Le sexe n’est pas appa­ru par hasard, il est une adap­ta­tion évo­lu­tion­naire visant à « nous » (le vivant) sor­tir de l’impasse des guerres cyto­plas­miques endé­miques à un cer­tain type de repro­duc­tion – le sexe méio­tique. His­toire d’anthropomorphiser la nar­ra­tion, rap­pe­lons qu’une par­tie des bac­té­ries se sont che­va­le­res­que­ment dépouillées de leur cyto­plasme, tan­dis qu’une autre a jalou­se­ment conser­vé tout le cyto­plasme et les plus grandes réserves de mito­chon­dries. Com­ment se sont-elles déter­mi­nées ? Peut-être ont-elles tiré à la courte paille (au plus court spi­ro­chète ?). Sinon, vous pou­vez vous tour­ner vers les Chla­my­do­mo­nas, qui, moins roman­tiques que nous, vivent tou­jours au temps de ces guerres.

Autre­ment dit, sauf à se payer de mot, il est évident que le sexe pré­cède le genre, étant don­né que le sexe pré­cède même l’existence d’Homo Sapiens.

Le vivant a ensuite pro­li­fé­ré en grands règnes et en espèces, et nous, humains, ne sommes ni des cham­pi­gnons ni des pois­sons-clowns, n’en déplaise à Faus­to-Ster­ling, ni en train de cher­cher à sor­tir d’un sys­tème de domi­na­tion socio-capil­laire, n’en déplaise à Del­phy. Mais peut-être l’histoire com­mence-t-elle par une coquille de Del­phy qui, au lieu de sou­li­gner que le gène pré­cède le sexe, s’est retrou­vée à pré­tendre que le genre le pré­cé­dait. Ce qui ne man­qua de plaire à l’auditoire queer. Del­phy se retrou­va dès lors dans une incon­for­table posi­tion intel­lec­tuelle à être célé­brée par les nou­velles géné­ra­tions tout en igno­rant sciem­ment (dis­so­nance cog­ni­tive) les preuves his­to­riques et anthro­po­lo­giques des ori­gines du patriar­cat (cela com­mence à faire beau­coup) et de son fon­de­ment sexuel, et à sou­te­nir, dans une for­mule sar­trienne inver­sée, que le genre pré­cède le sexe.

Ce n’est pas la pre­mière fois qu’un tel ren­ver­se­ment se pro­duit en la matière. Judith But­ler elle-même sem­blait par­fois témoi­gner de réma­nences maté­ria­listes[12], mais de manière abs­conse, posi­tion que d’aucuns com­prirent à l’envers, et But­ler de les confor­ter dans leur mécom­pré­hen­sion, en quête d’une célé­bri­té qui allait ache­ver de la sépa­rer du monde réel. Il sem­ble­rait ici que Del­phy soit aux prises avec une but­le­ri­sa­tion de sa pen­sée. Pire encore, peut-être faut-il faire notre deuil et ces­ser de cher­cher à com­prendre ce qui, chez ces deux femmes, les a pous­sées à ten­ter de détruire les car­cans patriar­caux qui les ont à ce point oppres­sées, étant toutes deux les­biennes (et esti­mant que l’hétérosexualité, l’orientation sexuelle, est une construc­tion sociale en l’assimilant à l’hétéronormativité patriar­cale), au point d’en venir à nier, à théo­ri­ser un néga­tion­nisme com­plet de la radi­ca­li­té de leur oppres­sion et de celle de mil­liards de femmes, qu’elles soient les­biennes ou hété­ro­sexuelles. Elles ont recou­vert le sol et les racines qui poussent cachées d’un épais enfu­mage fou­cal­dien, reti­rant la pos­si­bi­li­té aux plus jeunes géné­ra­tions d’y poser le pied et d’y four­ra­ger, et donc, de pro­duire une ana­lyse fémi­niste radi­cale des sys­tèmes de domi­na­tion, du patriar­cat, et de notre civilisation.

L’ennemi inté­rieur de Del­phy est bel est bien là. Tant que vous vivrons en andro­cra­tie, nous ne pour­rons jamais vrai­ment l’éradiquer et, tout au long d’une car­rière, tout au long d’une vie psy­chique, il sera sus­cep­tible de s’exprimer. Virus dor­mant qu’un envi­ron­ne­ment favo­rable, c’est-à-dire hos­tile, là où les condi­tions de pro­li­fé­ra­tion sont très mani­fes­te­ment réunies (exploi­ta­tion et vio­lence, inéga­li­tés astro­no­miques, gyno­cides) et qui pro­gres­si­ve­ment s’active en trom­pant les défenses fémi­nistes épui­sées (méno­pau­sées ?), jusqu’à colo­ni­ser à nou­veau la colo­ni­sée. L’ennemi inté­rieur était tapi tout au fond d’elle, ino­cu­lé dès la nais­sance, for­geant sa cog­ni­tion et ses per­cep­tions, la pré­pa­rant à la sépa­ra­tion et à la dis­so­cia­tion d’avec son propre corps de femelle et en ceci, de toute coa­li­tion femelle effec­tive, pour que l’hôtesse s’adapte au para­si­tage et qu’elle y sur­vive, et son nom est auto­mi­so­gy­nie.

*

Si le sexe de C. Del­phy n’a pas déci­dé de sa des­ti­née phi­lo­so­phique, son nom même était por­teur d’un grand pré­sage. Del­phy, de l’île grecque épo­nyme, était un énième temple ora­cu­laire du « ventre » et de la « tombe » de la grande déesse tri­for­mis locale, un temple de la nais­sance, de la mort et de la régé­né­ra­tion. Le mythe archaïque raconte qu’un ser­pent géant y vivait, le python, connu sous le nom de Pytho, que tua Apol­lon dans la récu­pé­ra­tion et la réécri­ture patriar­cale. Del­phy vient de Del­phynes, autre nom du python ora­cu­laire, le plus ancien venant de Malte (où se trouvent les célèbres temples méga­li­thiques)[13]. Del­phynes était donc le nom du ser­pent, et ce nom pro­vient de Del­phys, qui signi­fie « matrice/ giron » (womb). C’est pour­quoi « Del­phy » est aus­si aujourd’hui le nom d’une méthode contra­cep­tive. Dans le mythe patriar­cal, Apol­lon s’empare du temple de Delphes et devient le maître des oracles (les pythies, les prê­tresses qui ren­daient les oracles) en tuant Pytho, le ser­pent ora­cu­laire, repré­sen­tant l’épiphanie de la grande déesse. Ori­gi­nai­re­ment, le ser­pent est la déesse ; dans la mytho­gra­phie patriar­cale, le ser­pent est le fils par­thé­no­gé­né­tique d’Héra. Chris­tine Del­phy a cru que l’ennemi inté­rieur était le ser­pent lorsque c’est elle-même, la femme, qu’elle a tuée dans sa pensée.

Audrey A.


  1. « Patriar­cat is male-adap­tive » dit Max Dashu dans ses confé­rences.
  2. https://twitter.com/jk_rowling/status/1470092815506063365
  3. L’hypothèse « tar­za­niste » est le nom moqueur de la concep­tion conser­va­trice-vic­to­rienne de « L’homme, ce chas­seur » aujourd’hui éva­cuée par les recherches anthro­po­lo­giques et paléoan­thro­po­lo­giques. L’homme de Cro-Magnon allant chas­ser avec son gour­din et trai­nant « sa femme » par les che­veux à l’intérieur de la cave. Voir aus­si la « Flins­to­ni­fi­ca­tion » (Pier­ra­feu-isa­tion) de la pré­his­toire, d’après le des­sin ani­mé connu en France sous le nom des « Pier­ra­feu » (les Flins­tone en VO), pro­ces­sus consis­tant à obser­ver le pas­sé depuis une pers­pec­tive contem­po­raine patriar­cale, euro­cen­triste et capi­ta­liste biai­sée.
  4. Il est de connais­sance anthro­po­lo­gique et paléoan­thro­po­lo­gique com­mune que l’agriculture et l’adoption pro­gres­sive éta­lée sur des mil­liers d’années après l’holocène, ins­tau­rant la séden­ta­ri­té et lan­çant l’engrenage de la créa­tion des inéga­li­tés n’était ni un choix ni un pro­grès, mais une adap­ta­tion. Tout uni­ver­si­taire niant ceci est res­té coin­cé au XIXème siècle et devrait urgem­ment se mettre à apprendre l’anglais.
  5. Ger­da Ler­ner, The Crea­tion of Patriar­chy.
  6. La domi­na­tion inver­sée, expres­sion for­gée par Chris­to­pher Boehm, fut le pre­mier acte sym­bo­lique pré-humain, la for­ma­tion de coa­li­tion par coopé­ra­tion, per­met­tant de contrer la force brute.
  7. La Coa­li­tion Cos­mé­tique Femelle : https://www.partage-le.com/2022/01/06/legalite-des-sexes-nous-a-rendus-humains-une-reponse-au-texte-comment-changer-le-cours-de-lhistoire-de-david-graeber-david-wengrow-par-camilla-power/
  8. https://www.partage-le.com/2022/01/16/les-vrais-hommes-sont-des-bonobos-par-riane-eisler-et-douglas-p-fry/
  9. Sarah Blaf­fer Hrdy, Mothers and Others – The Evo­lu­tio­na­ry Ori­gins of Mutual Unders­tan­ding tra­duit en fran­çais en 2016 par Com­ment nous sommes deve­nus humains, Les ori­gines de l’empathie ; Hoh­mann et Fruth, Food sha­ring and sta­tus in unpro­vi­sio­ned bono­bos.
  10. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2021.742639/full. Que les scien­ti­fiques se réjouissent de la dimi­nu­tion de la taille de notre cer­veau depuis le néo­li­thique moyen a de quoi nous sur­prendre. Ils mettent cette dévo­lu­tion sur le compte de l’externalisation des connais­sances (de l’écriture jusqu’à l’internet) et par com­par­ti­men­ta­li­sa­tion de leurs recherches, ignorent tout lien avec la neu­ro­psy­chia­trie : l’atrophie émo­tion­nelle et l’inutilisation de nos cir­cuits cog­ni­tifs câblés pour la coopé­ra­tion, l’attention et le soin por­tés aux autres contre notre venue au monde dans un envi­ron­ne­ment fami­lial qui ne répond pas aux besoins humains de l’enfant, et notre déve­lop­pe­ment dans une socié­té de domi­na­tion, inéga­li­taire et vio­lente lorsque notre cog­ni­tion humaine ves­ti­giale est l’altruisme, condi­tion de l’autonomie et de la liber­té de cha­cun. Voir Hrdy (tous ses tra­vaux), Eis­ler et Fry (Nur­tu­ring Our Huma­ni­ty, How Domi­na­tion And Part­ner­ship Shape Our Brain And Our Future). Qu’ils en viennent dès lors à nous com­pa­rer aux four­mis se passe de com­men­taire.
  11. https://www.partage-le.com/2022/01/12/pseudoscience-et-kleptogamie-kleptosophie-par-audrey‑a/
  12. Dans sa seconde pré­face à Trouble dans le genre, elle écrit : « L’idée que le genre est per­for­ma­tif [NdA : parce que nous le per­for­mons répétitivement/ à force de] a été conçue pour mon­trer que ce que nous voyons dans le genre comme une essence inté­rieure est fabri­qué à tra­vers une série inin­ter­rom­pue d’actes, que cette essence est posée en tant que telle dans et par la sty­li­sa­tion gen­rée du corps [NdA : pseu­do dua­lisme où le genre appa­rait au com­mun comme une essence inté­rieure. L’âme indi­vi­duelle]. De cette façon, il devient pos­sible de mon­trer que ce que nous pen­sons être une pro­prié­té « interne » à nous-même doit être mis sur le compte de ce que nous atten­dons et pro­dui­sons à tra­vers cer­tains actes cor­po­rels, qu’elle pour­rait même être, en pous­sant l’idée à l’extrême, un effet hal­lu­ci­na­toire de gestes natu­ra­li­sés [NdA : nous avons l’impression que notre iden­ti­té de genre existe parce que nous bai­gnons dans le sys­tème cultu­rel qui pro­duit la caté­go­rie rigide du rôle socio­sexuel, qu’elle est quelque chose de fixée, de tan­gible, qui fait par­tie de nous. Nous l’avons natu­ra­li­sée, trans­for­mé en quelque chose qui existe et dont nous croyons à la réalité/matérialité. Concep­tion du cer­veau de femme/d’homme dans une cuve]. Vou­lons-nous dire par là que nous reti­rons donc à la psy­ché tout ce qui lui serait « inté­rieur », et que cette inté­rio­ri­té est une fausse méta­phore ? [NdA : oui, mais elle ne le dira pas. La suite est une suc­ces­sion de pirouettes, ou plu­tôt, un répé­ti­tion d’acte de fuite per­for­mant la réflexion]. Il est vrai que la méta­phore d’une psy­ché inté­rieure est uti­li­sée au début de Trouble dans le genre dans la dis­cus­sion sur la mélan­co­lie du genre, mais elle n’est plus aus­si pré­gnante lorsqu’il s’agit de pen­ser la per­for­ma­ti­vi­té pro­pre­ment dite. »
  13. Moni­ca Sjoo, The Great Cos­mic Mother : Redis­co­ve­ring the Reli­gion of the Earth ; Robert Graves, Les Mythes grecs vol 1.
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