Jared Diamond et la propagande sur les peuples « primitifs » (par Stephen Corry)

L’ouvrage de Jared Dia­mond inti­tu­lé Le Monde jusqu’à hier, paru en fran­çais en 2013, semble à pre­mière vue trai­ter des ensei­gne­ments que les peuples indus­tria­li­sés (qu’il nomme « modernes ») peuvent tirer des peuples tri­baux (qu’il appelle « tra­di­tion­nels »). Il estime que ces der­niers illus­trent la manière dont l’humanité vivait il y a plu­sieurs mil­lé­naires. Pour Cor­ry, ex-direc­teur de Sur­vi­val Inter­na­tio­nal, si les peuples tri­baux ont cer­tai­ne­ment des choses à nous apprendre, ils ne repré­sentent en aucun cas une sur­vi­vance du pas­sé. L’article ci-des­sous, ini­tia­le­ment publié, en anglais, le 30 jan­vier 2013 sur le site web The Dai­ly Beast [et à l’adresse sui­vante, sur inter­net], montre que Jared Dia­mond avance éga­le­ment une autre idée, bien plus per­ni­cieuse, qui pré­tend que la plu­part des peuples tri­baux se livrent à des guerres inces­santes et que l’intervention de l’État est non seule­ment néces­saire, mais qu’ils l’accueillent à bras ouverts, car elle seule peut mettre un frein à leur com­por­te­ment bel­li­queux. Pour Cor­ry, Dia­mond n’exprime là qu’une opi­nion, fon­dée qui plus est sur des don­nées fal­la­cieuses ou dis­cu­tables, dont le seul but est de faire pas­ser un mes­sage poli­tique. L’ouvrage de Dia­mond défend une vision colo­nia­liste de la « paci­fi­ca­tion des sau­vages » et repré­sente une menace pour les droits des peuples tri­baux — sans comp­ter que les faits allé­gués sont sou­vent faux. 

C’était un livre qui avait tout pour me plaire. Après tout, je répète depuis des dizaines d’années que les peuples tri­baux ont beau­coup à nous apprendre, ce qui, à pre­mière vue, paraît être le cœur du mes­sage que for­mule Jared Dia­mond dans son nou­vel ouvrage de vul­ga­ri­sa­tion scien­ti­fique. Mais est-ce vrai­ment le cas ?

Après un demi-siècle pas­sé à faire la navette entre les États-Unis et la Nou­velle-Gui­née pour y étu­dier les oiseaux, Dia­mond doit avoir une très bonne connais­sance de l’île et de cer­tains de ses habi­tants. Il a séjour­né dans les deux moi­tiés de l’île, la Papoua­sie-Nou­velle-Gui­née et la Papoua­sie occi­den­tale occu­pée par l’Indonésie. Pour lui, il ne fait aucun doute que les Néo-Gui­néens sont aus­si intel­li­gents que n’importe quel autre peuple, et il a mani­fes­te­ment pas­sé beau­coup de temps à réflé­chir à ce qui les dif­fé­ren­cie de nos socié­tés, qu’il qua­li­fie de Démo­cra­tiques, Indus­tria­li­sées, Nan­ties, Gou­ver­nées, Occi­den­tales et Sco­la­ri­sées — les pre­mières lettres de chaque épi­thète for­mant le sigle « DINGOS ». Plus suc­cinc­te­ment, il les nomme « modernes ».

S’il en était res­té là, il n’aurait guère irri­té que quelques spé­cia­listes de la Nou­velle-Gui­née pour qui ses des­crip­teurs manquent de per­ti­nence[1]. Mais, loin de s’arrêter là, il amal­game les Néo-Gui­néens avec d’autres socié­tés qu’il appelle « tra­di­tion­nelles » pour pro­cé­der ensuite à des géné­ra­li­sa­tions hasar­deuses. La plu­part de ses infor­ma­tions dans ce domaine pro­viennent d’anthropologues, en par­ti­cu­lier (pour ce qui est de l’Amérique du Sud) des études publiées par Napo­leon Cha­gnon et Kim Hill, qu’il cite à plu­sieurs reprises.

Certes, Dia­mond signale (en pas­sant) que toutes ces socié­tés « ont été en par­tie modi­fiées par les contacts », mais il n’en pense pas moins qu’elles vivent encore qua­si­ment comme l’a fait l’humanité jusqu’aux « pre­mières ori­gines de l’agriculture il y a envi­ron 11 000 ans dans le Crois­sant fer­tile » selon ses termes[2]. Telle est la teneur de son mes­sage et le sens du mot « hier » du titre de son ouvrage. Cette confu­sion est extrê­me­ment répan­due. Dia­mond ne passe d’ailleurs pas beau­coup de temps à la défendre. La qua­trième de cou­ver­ture anglaise, pour laquelle il a bien dû don­ner son accord même si elle n’est pas de sa main, affirme avec la plus grande assu­rance que « les socié­tés tri­bales offrent une image remar­quable de la manière dont nos ancêtres ont vécu pen­dant des mil­lions d’années ». (C’est moi qui souligne.)

Fadaises. Nom­breux sont les cher­cheurs ayant clai­re­ment réfu­té l’idée selon laquelle les groupes tri­baux contem­po­rains auraient davan­tage à nous dire sur nos ancêtres d’il y a ne serait-ce que quelques mil­liers d’années que n’importe quelle socié­té. Il va de soi que l’autosuffisance était et reste une com­po­sante impor­tante du mode de vie des socié­tés tri­bales actuelles autant que du pas­sé ; et il est tout aus­si clair que ni les unes ni les autres n’ont jamais atteint des den­si­tés démo­gra­phiques com­pa­rables à celle que connaissent nos villes aujourd’hui. Dans ce sens, toute socié­té essen­tiel­le­ment auto­suf­fi­sante et à faible effec­tif peut ser­vir de point de com­pa­rai­son avec les modes de vie d’avant l’agriculture, du moins dans cer­tains domaines. Il n’en reste pas moins que les peuples tri­baux ne sont pas des copies conformes de nos ancêtres.

Un des meilleurs spé­cia­listes anglais de la pré­his­toire, Chris Strin­ger du Muséum d’histoire natu­relle de Londres, a sou­vent rele­vé le dan­ger de consi­dé­rer les chas­seurs-cueilleurs contem­po­rains comme des « fos­siles vivants », insis­tant sur le fait que, comme tous les autres peuples, leurs « gènes, leurs cultures et leur com­por­te­ment » n’ont ces­sé d’évoluer jusqu’à aujourd’hui[3]. C’est par défi­ni­tion. Autre­ment, ils n’auraient tout sim­ple­ment pas survécu.

Par ailleurs, tan­dis que selon la thèse de Dia­mond nous avons tous été par le pas­sé des « chas­seurs-cueilleurs[4] » et que c’est pré­ci­sé­ment pour cela que nous pou­vons voir en eux une image de notre pas­sé, en réa­li­té rares sont les Néo-Gui­néens qui pra­tiquent la chasse. La plu­part d’entre eux vivent de leurs cultures, et ce sans doute depuis des mil­liers d’années. Dia­mond ne men­tionne qu’en pas­sant le fait que leur prin­ci­pal ali­ment, la patate douce, est pro­ba­ble­ment venue d’Amérique, il y a peut-être quelques cen­taines ou mil­liers d’années. Per­sonne ne sait exac­te­ment dans quelles condi­tions, mais cet exemple démontre jus­te­ment avec la plus grande clar­té que la « mon­dia­li­sa­tion » et le chan­ge­ment ont eu autant d’effets sur les peuples « tra­di­tion­nels » que sur les autres. Dia­mond le sait per­ti­nem­ment, mais il est regret­table de consta­ter qu’il pré­fère ne pas en tenir compte quand sa démons­tra­tion pour­rait en pâtir.

Plus loin dans son ouvrage, Dia­mond dresse une liste d’usages et de cou­tumes typiques des socié­tés tra­di­tion­nelles dont nous pour­rions nous ins­pi­rer avec pro­fit. Louable idée même si rien de tout cela n’apparaît par­ti­cu­liè­re­ment nou­veau ou révo­lu­tion­naire. Il est d’avis que nous (les Amé­ri­cains en tout cas) devrions nous effor­cer de réin­té­grer les délin­quants, en misant davan­tage sur la réin­ser­tion que sur la répres­sion. Il consi­dère que nous devrions por­ter les bébés plus que ce n’est le cas aujourd’hui[5] et faire en sorte qu’ils soient tour­nés vers l’avant quand nous les emme­nons avec nous (pro­po­si­tion un peu sau­gre­nue quand on pense que la plu­part des pous­settes et bon nombre de porte-bébé sont déjà conçus de cette façon). Il nous encou­rage à faire plus grand cas de nos per­sonnes âgées, et offre encore bien d’autres conseils de ce genre[6]. Il n’y a rien à redire à ces par­ties de l’ouvrage, qu’on pour­rait assi­mi­ler à un guide de déve­lop­pe­ment per­son­nel et dont cer­taines réflexions sont tout à fait sti­mu­lantes, mais on se demande quel impact elles pour­ront bien avoir sur des Occi­den­taux for­tu­nés ou leurs gouvernements.

Dia­mond atteint sa vitesse de croi­sière lorsqu’il s’intéresse fina­le­ment à notre récente consom­ma­tion exces­sive de sel et de sucre et à son impact sur notre san­té. On ne sau­rait trop sou­li­gner com­bien il a rai­son de rap­pe­ler l’augmentation constante des cas d’obésité, de céci­té, d’amputations ou d’insuffisance rénale, etc. Et il est sans doute aus­si cho­quant que salu­taire pour un Occi­den­tal d’apprendre qu’il faut une année à un indien Yano­ma­mi[7] d’Amazonie pour consom­mer la quan­ti­té de sel qu’on trouve dans un seul plat d’un res­tau­rant californien.

Le véri­table pro­blème de ce livre de Dia­mond — qui n’est pas négli­geable — c’est qu’il pré­tend que les socié­tés « tra­di­tion­nelles » ne cessent de com­mettre des choses épou­van­tables qui requièrent néces­sai­re­ment une inter­ven­tion de l’État. Selon lui, ces socié­tés tuent énor­mé­ment, que ce soit dans des guerres, en rai­son de leur pra­tique de l’infanticide, ou encore à tra­vers l’abandon ou du meurtre de vieillards. Il s’agit d’un point sur lequel il revient inlas­sa­ble­ment, convain­cu qu’il est de pou­voir expli­quer les rai­sons de ces pra­tiques et démon­ter la logique froide et impla­cable qui les sous-tend. Alors même qu’il recon­naît n’avoir jamais per­son­nel­le­ment été témoin d’aucune de ces pra­tiques durant ses péré­gri­na­tions, il étaye son pro­pos d’anecdotes per­son­nelles tirées de ses séjours en Nou­velle-Gui­née ain­si que de toutes sortes de « don­nées » concer­nant un tout petit nombre de peuples — dont une grande par­tie pro­vient des anthro­po­logues sus­men­tion­nés. Bon nombre des « faits » qu’il rap­porte avec élo­quence sont hau­te­ment contes­tables[8].

Com­ment dif­fé­ren­cier les faits des simples opi­nions ? Il est bien sûr vrai que nombre des peuples qu’il men­tionne com­mettent des vio­lences de diverses façons : des gens en tuent d’autres, cela arrive par­tout, per­sonne ne le nie­ra. Mais ces peuples ont-ils pour autant une pro­pen­sion par­ti­cu­lière à tuer, et com­ment quan­ti­fier le phé­no­mène ? Selon Dia­mond, les peuples tri­baux sont net­te­ment plus enclins à tuer que les socié­tés diri­gées par des gou­ver­ne­ments natio­naux. Mais il y a pire. Bien qu’il recon­naisse — à mi-voix, il est vrai — que cer­taines socié­tés, d’après ce que l’on sait, n’ont jamais fait la guerre, cela ne l’empêche pas d’affirmer haut et fort que la plu­part des peuples tri­baux vivent dans un état de guerre conti­nuelle.

Ces inep­ties aus­si dan­ge­reuses qu’invérifiables (que d’autres avant lui ont avan­cées, Ste­ven Pin­ker[9] en par­ti­cu­lier) trouvent confir­ma­tion, selon lui, si l’on cal­cule le nombre de per­sonnes tuées à la guerre ou lors d’homicides dans les pays indus­tria­li­sés et qu’on rap­porte ce nombre à la popu­la­tion totale. Il com­pare ensuite ces résul­tats aux cal­culs effec­tués par des anthro­po­logues de la trempe de Cha­gnon pour des tri­bus comme les Yano­ma­mi. Selon lui, les résul­tats montrent que les conflits tri­baux sont plus vio­lents que « nous ».

Ce ne sont bien sûr que des men­songes, des men­songes — et des sta­tis­tiques — éhon­tés. Lais­sons pour­tant un ins­tant à Dia­mond le béné­fice du doute — de quelques doutes très contes­tables, sinon contro­ver­sés. Pas­sons par exemple par-des­sus la très haute pro­ba­bi­li­té que cer­taines au moins de ces « guerres » inter­tri­bales aient été exa­cer­bées ou même cau­sées par des intru­sions sur leur ter­ri­toire ou d’autres actes hos­tiles de la part des puis­sances colo­niales. Je ne tien­drai pas compte non plus du fait que les don­nées ras­sem­blées par Cha­gnon au cours de son tra­vail de ter­rain chez les Yano­ma­mi au cours des années 1960 ne jouissent plus du moindre cré­dit depuis des décen­nies : la plu­part des anthro­po­logues ayant tra­vaillé avec les Yano­ma­mi ne font tout sim­ple­ment aucun cas de ses bru­tales cari­ca­tures de ceux qu’il appelle « le peuple féroce[10] ». Oublions pareille­ment le rôle joué par Kim Hill dans la néga­tion du géno­cide des Indiens Aché par les colons para­guayens et l’armée dans les années 1970[11] (bien que Dia­mond cite un indice inté­res­sant dans son livre : comme il le relève lui-même, la moi­tié des Aché ont été tués par des non autochtones).

Je ne m’arrêterai pas davan­tage sur le fait que Dia­mond ne men­tionne que quelques socié­tés au sujet des­quelles des anthro­po­logues ont col­lec­té des don­nées sur les homi­cides, sans rien dire des cen­taines d’autres où le phé­no­mène n’a pas été étu­dié, peut-être parce que — dans cer­tains cas du moins — il n’existe tout sim­ple­ment pas. Il est après tout bien natu­rel que des anthro­po­logues sou­cieux de concen­trer leurs recherches sur la vio­lence et la guerre ne perdent pas leur pré­cieux temps de tra­vail de ter­rain à étu­dier des socié­tés dépour­vues de tra­di­tion guer­rière. Je le répète, je ne cherche pas à nier le fait que des gens en tuent d’autres. Je m’interroge seule­ment sur l’ampleur du phénomène.

Il me semble avoir suf­fi­sam­ment don­né à Dia­mond le « béné­fice du doute ». Il est temps de réflé­chir à « notre » his­toire : com­bien de vic­times nos guerres font-elles ? Et quelle valeur accor­der à un cal­cul de la pro­por­tion des vic­times par rap­port à la popu­la­tion totale des pays concernés ?

Les chiffres don­nés par Dia­mond sur le pour­cen­tage de morts à la bataille d’Okinawa en 1945 par rap­port aux popu­la­tions totales des nations com­bat­tantes — le résul­tat qu’il donne est de 0,1 % — sont mis en regard du nombre de morts dans un conflit inter­tri­bal chez les Dani en 1961 : onze. Dia­mond en conclut que le second a fait pro­por­tion­nel­le­ment plus de vic­times que la pre­mière, soit 0,14 % de la popu­la­tion dani.

La vio­lence chez les Dani aurait ain­si été pire que la plus san­glante de toutes les batailles de la Seconde Guerre mon­diale dans le Paci­fique. Faut-il rap­pe­ler que le prin­ci­pal pays enga­gé était les États-Unis, dont le ter­ri­toire conti­nen­tal n’a pas du tout connu la guerre ? N’aurait-il pas été plus judi­cieux de consi­dé­rer plu­tôt le pour­cen­tage des vic­times là où la guerre a réel­le­ment eu lieu ? Même si l’on manque de chiffres pré­cis, on estime que la pro­por­tion de citoyens d’Okinawa tués lors de la bataille oscille entre 10 % et 33 %. En choi­sis­sant le chiffre le plus éle­vé, on trouve alors qu’il y a eu 250 fois plus de morts lors de cette bataille que dans le conflit des Dani, et ce sans même prendre en compte les mili­taires tués au combat.

Dans la même veine, Dia­mond affirme que les vic­times de la bombe ato­mique lar­guée sur Hiro­shi­ma en août 1945 ne repré­sentent qu’un minus­cule 0,1 % de la popu­la­tion japo­naise totale. Mais qu’en est-il de la bien plus petite « tri­bu » des « Hiro­shi­miens », dont le taux de décès a avoi­si­né les 50 % suite au lar­gage d’une seule bombe ? Quel chiffre est le plus signi­fi­ca­tif ? Lequel repré­sente un arti­fice visant à étayer l’énormité selon laquelle les peuples tri­baux sont les plus vio­lents ? En « démon­trant » sa thèse de cette manière, en quoi Dia­mond dif­fère-t-il de ceux qui décrivent les peuples tri­baux comme des « sau­vages pri­mi­tifs », ou du moins comme plus sau­vages que nous ?

Si vous pen­sez que je peins le diable sur la muraille — après tout Dia­mond n’utilise pas le terme de « sau­vage pri­mi­tif » — regar­dez ce que les cri­tiques pro­fes­sion­nels disent de son livre. Le Sun­day Times[12] bri­tan­nique comme le Wall Street Jour­nal[13] new-yor­kais parlent de tri­bus « pri­mi­tives », et le célèbre heb­do­ma­daire alle­mand Stern a bar­ré son article sur le livre du mot « sau­vages » en grandes lettres à tra­vers sa page[14].

Celui qui cherche par­vien­dra tou­jours à trou­ver des sta­tis­tiques étayant n’importe quelle thèse sur le sujet[15]. En homme intel­li­gent, Dia­mond est par­fai­te­ment conscient de ces enjeux. Le pro­blème réside dans ce qu’il choi­sit d’inclure ou de sou­li­gner et ce qu’il pré­fère taire ou éluder.

Ne sou­hai­tant pas, au contraire de Dia­mond, m’étendre sur 500 pages, je lais­se­rai ici de côté la ques­tion de l’infanticide (que j’ai exa­mi­née dans d’autres contextes[16]), mais j’aimerais quand même dire quelque mots sur le fait, qu’il men­tionne à plu­sieurs reprises, que cer­taines tri­bus aban­donnent — ou aban­don­naient — leurs vieillards à la fin de leur vie, ne leur lais­sant qu’un peu d’eau et de nour­ri­ture et conti­nuant leur route avec la cer­ti­tude abso­lue que la mort ne tar­de­rait pas, lorsqu’elles ne la hâtaient pas délibérément.

Ici encore Dia­mond explique la logique sous-jacente à cette pra­tique et ici encore il pré­tend que, grâce à la géné­ro­si­té des gou­ver­ne­ments natio­naux ain­si qu’à leur capa­ci­té d’organiser une « dis­tri­bu­tion ali­men­taire plus effi­cace », et au fait qu’il est illé­gal de tuer les gens de cette manière, les socié­tés « modernes » ont mis fin à ces façons de faire.

Mais est-ce bien le cas ? Oublions un ins­tant les 40 mil­lions de morts de la Grande famine en Chine au début des années 1960[17]. Quid de l’usage répan­du, bien qu’en géné­ral très dis­cret, consis­tant à déli­vrer de fortes doses — de très fortes doses — d’opiacés aux patients lorsque la mala­die ou le grand âge ont atteint un cer­tain seuil ? Ces drogues sou­lagent la dou­leur, mais elles inhibent aus­si les réflexes res­pi­ra­toires, ce qui conduit direc­te­ment à la mort. Et quid de la pra­tique consis­tant à pri­ver de nour­ri­ture et de liquide des patients jugés en fin de vie[18] ? Selon cer­taines orga­ni­sa­tions spé­cia­li­sées sans but lucra­tif, envi­ron un mil­lion de per­sonnes âgées, rien qu’au Royaume-Uni, sont sous-ali­men­tées ou meurent même de faim, y com­pris dans des hôpi­taux[19]. Alors quelle dif­fé­rence entre ce que nos socié­tés indus­tria­li­sées com­mettent et les pra­tiques tri­bales ? Sommes-nous tous des « sauvages » ?

La mise en exergue des dif­fé­rences entre socié­tés tri­bales et indus­tria­li­sées a tou­jours été une entre­prise plus poli­tique que scien­ti­fique. Il faut tou­jours être très vigi­lant face à ceux qui uti­lisent les sta­tis­tiques pour « démon­trer » leurs vues[20]. Tout dépend de la ques­tion posée, de qui vous croyez et, sur­tout, d’où vous vous situez lorsque vous posez la question.

Si vous êtes par exemple un Indien Agua­ru­na du Pérou, avec un pas­sé de ven­det­ta occa­sion­nelle remon­tant aux quelques géné­ra­tions qui font notre mémoire vivante (aucun Agua­ru­na ne sait quelle ampleur avait la ven­det­ta il y a plu­sieurs géné­ra­tions, encore moins il y a des mil­liers d’années), et que vous avez été récem­ment chas­sés de vos forêts et pla­cés dans des vil­lages flu­viaux par des com­pa­gnies pétro­lières ou de mis­sion­naires, alors vos chances d’être tué par un de vos com­pa­triotes pour­raient bien dépas­ser celles de gens pris dans les guerres de la drogue au Mexique, dans les fave­las bré­si­liennes ou le South Side de Chicago.

Dans ce telles cir­cons­tances, le taux d’homicide serait natu­rel­le­ment plus éle­vé sur les terres Agua­ru­na que par­mi les pro­fes­seurs d’université amé­ri­cains for­tu­nés, mais tou­jours plus bas que celui des déte­nus du gou­lag sovié­tique, des camps de concen­tra­tion nazis, ou de ceux qui prirent les armes contre le régime colo­nial bri­tan­nique au Kenya ou contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Si vous êtes un jeune homme né dans la réserve indienne de Pine Ridge, au centre de la nation la plus riche du monde, votre espé­rance de vie moyenne sera plus courte que celle de n’importe quel habi­tant de n’importe quel autre pays à l’exception de quelques États afri­cains et de l’Afghanistan. Si vous avez la chance de ne pas finir assas­si­né, vous ris­quez quand même de mou­rir du dia­bète, d’alcoolisme, de toxi­co­ma­nie ou de quelque chose de simi­laire. Une fin pareille — pas inévi­table certes, mais très pos­sible — ne résul­te­rait pas d’un choix de votre part, mais de ceux effec­tués par l’État amé­ri­cain au cours de ces deux cents der­nières années.

Qu’est-ce que tout cela nous apprend sur la vio­lence au cours de l’histoire humaine ? L’affirmation fan­tai­siste selon laquelle les États-nations l’atténueraient a peu de chances de convaincre beau­coup de dis­si­dents russes ou chi­nois, ou encore tibé­tains, et pas davan­tage les tri­bus de Papoua­sie occi­den­tale, où on estime que l’invasion et l’occupation indo­né­siennes sont res­pon­sables d’environ 100 000 morts (per­sonne ne sau­ra jamais le chiffre exact) et où la tor­ture d’État peut aujourd’hui être vision­née sur You­Tube[21]. Aucun autre État n’est res­pon­sable de davan­tage de meurtres d’autochtones. Et tan­dis que l’ouvrage de Dia­mond se fonde sur son expé­rience néo-gui­néenne, l’auteur reste muet sur les atro­ci­tés com­mises par les Indo­né­siens et va même jusqu’à par­ler « d’un bas niveau de vio­lence en Nou­velle-Gui­née indo­né­sienne sous le main­tien d’un contrôle gou­ver­ne­men­tal rigou­reux ». Il s’agit d’un effa­rant déni de la répres­sion bru­tale menée par les auto­ri­tés depuis des décen­nies contre des autoch­tones fai­ble­ment armés.

Les aspects poli­tiques du regard por­té par les étran­gers sur les peuples tri­baux et la façon dont ils sont trai­tés par ces mêmes étran­gers sont aus­si entre­mê­lés qu’incontestables : le trai­te­ment réser­vé aux tri­bus par les socié­tés indus­tria­li­sées dépend du regard que ces der­nières portent sur les pre­mières et du pro­fit qu’elles peuvent espé­rer en tirer. Sont-elles « arrié­rées », sont-elles des socié­tés du pas­sé, sont-elles plus « sau­vages », plus vio­lentes que nous ?

Uni­ver­si­taire et écri­vain pres­ti­gieux, lau­réat de rien moins que le Prix Pulit­zer, jouis­sant d’une posi­tion de pou­voir au WWF et à Conser­va­tion Inter­na­tio­nal (CI), deux orga­ni­sa­tions cor­res­pon­dant davan­tage à des entre­prises gou­ver­ne­men­tales qu’à des ONG (ce qu’elles ne sont vrai­ment pas) et au pas­sé plu­tôt dou­teux concer­nant le trai­te­ment des peuples tri­baux[22], Dia­mond béné­fi­cie de sou­tiens puis­sants et for­tu­nés. Il pré­fère les États et les diri­geants forts et pense que les efforts visant à réduire les inéga­li­tés sont « idéa­listes » et inévi­ta­ble­ment voués à l’échec. Selon lui, les gou­ver­ne­ments qui imposent leur « mono­pole de la force » rendent un « immense ser­vice », car « presque toutes les petites socié­tés » seraient pri­son­nières de « des cycles de vio­lences et de guerres » (l’emphase est mienne). En effet, « l’avantage le plus grand d’un gou­ver­ne­ment éta­tique », s’enthousiasme-t-il, serait « l’apport de la paix ».

Dia­mond se range expli­ci­te­ment du côté de la « paci­fi­ca­tion des indi­gènes » qui fut la pierre angu­laire du colo­nia­lisme et de la main­mise euro­péenne sur le monde. Il se fait même l’écho de la pro­pa­gande impé­ria­liste en affir­mant que les peuples tri­baux accueillent cette « paci­fi­ca­tion » avec recon­nais­sance et sont favo­ra­ble­ment « dis­po­sés à aban­don­ner leur mode de vie de chas­seurs dans la jungle ».

L’auteur s’attaque ain­si à des décen­nies d’engagement de la part des peuples tri­baux et de leurs défen­seurs, qui s’opposent au vol de leurs terres et de leurs res­sources, et affirment leur droit à vivre comme ils l’entendent — ce qu’ils font sou­vent avec suc­cès. Et pour appuyer cette offen­sive tous azi­muts, il ne cite que deux « exemples » : le tra­vail de Kim Hill chez les Aché, et un « ami » qui lui a racon­té qu’il « était allé aux anti­podes pour ren­con­trer une bande de chas­seurs-cueilleurs récem­ment décou­verte en Nou­velle-Gui­née a sim­ple­ment consta­té que la moi­tié d’entre eux avaient déjà choi­si de s’installer dans un vil­lage indo­né­sien et de se vêtir de T‑shirts parce que la vie y était plus sûre et plus confortable ».

L’on serait enclins à en rire si ce n’était tra­gique. Les Aché, par exemple, ont souf­fert pen­dant des dizaines d’années d’attaques géno­ci­daires et d’esclavage[23]. L’ami cruel­le­ment déçu de Dia­mond en Nou­velle-Gui­née igno­rait-il qu’il était très pro­ba­ble­ment por­teur de mala­dies infec­tieuses ? S’il s’agissait vrai­ment d’un groupe récem­ment « décou­vert » (ce qui est très peu pro­bable), une telle visite était à tout le moins irres­pon­sable. Ou s’agit-il plu­tôt d’une visite arran­gée, comme le sont la plu­part des « pre­miers contacts » en Nou­velle-Gui­née où une indus­trie de mise en scène s’est déve­lop­pée sur ce cré­neau ? Quoi qu’il en soit, les Papous de la par­tie occi­den­tale de l’île ne sont « en sécu­ri­té » dans les vil­lages indo­né­siens que s’ils sont prêts à accep­ter le joug d’une socié­té domi­nante qui ne veut pas d’eux.

Comme je l’ai écrit, ce livre avait tout pour me plaire. Son auteur affirme comme moi que nous avons beau­coup à apprendre des peuples tri­baux, mais ne pro­pose fina­le­ment rien qui puisse remettre en cause le sta­tu quo — bien au contraire.

Dia­mond ajoute sa voix à celles d’une frange influente — et for­tu­née — du monde aca­dé­mique amé­ri­cain qui s’efforce — par naï­ve­té ou non — de remettre au goût du jour une cari­ca­ture écu­lée des peuples tri­baux. Ces uni­ver­si­taires éru­dits et poly­va­lents pré­tendent déte­nir des preuves scien­ti­fiques de leurs théo­ries nui­sibles et de leurs opi­nions poli­tiques (à l’instar des res­pec­tables eugé­nistes de jadis25). Par expé­rience et à mon humble avis, cette posi­tion est à la fois com­plè­te­ment erro­née — aus­si bien dans les faits que dans ses consé­quences éthiques — et extrê­me­ment dan­ge­reuse. La pre­mière cause de des­truc­tion des peuples tri­baux est l’instauration des États-nations. Loin d’en être les sau­veurs, ils en sont au contraire les fossoyeurs.

Si les opi­nions avan­cées par Dia­mond (et par Pin­ker) devaient empor­ter une large adhé­sion, elles ris­que­raient de pro­je­ter des dizaines d’années en arrière l’avancement des droits humains pour les peuples tribaux.

Ste­phen Corry


  1. Voir par exemple les cri­tiques de Fre­de­rick Erring­ton, Debo­rah Gewertz, Stuart Kirsch, Nan­cy Sul­li­van, etc
  2. Il s’agit d’une vieille idée sim­pliste, dont j’ai par­lé ailleurs (Voir entre autres S. Cor­ry, Tri­bal Peo­ple’s for Tomor­row’s World, Free­man Press, Alces­ter, 2011, pp. 46–47).
  3. Voir par exemple http://www.nytimes.com/2012/07/31/science/cave-findings-revive-debate-on-humanbehavior.html?_r=0
  4. Autre affir­ma­tion sim­pliste dont j’ai par­lé ailleurs (voir note 2).
  5. Cette idée a été par­ti­cu­liè­re­ment bien déve­lop­pée par Jean Lied­loff, Le Concept du conti­nuum, 1975.
  6. Dia­mond déve­loppe par exemple en détail une théo­rie qu’il appelle « para­noïa construc­tive », un terme bien savant pour par­ler de ce qu’on appelle en géné­ral « pru­dence ». À juste titre, les Néo-Gui­néens prennent grand soin de ne pas dor­mir sous des arbres morts, et l’au­teur nous encou­rage à être pru­dents lors­qu’on nous mon­tons sur un esca­beau. Qui peut lui don­ner tort ? Mais avons-nous vrai­ment besoin de « sagesse ances­trale » pour nous en convaincre ?
  7. Il les appelle « Yano­ma­mo ».
  8. Il affirme par exemple que le fait d’in­vi­ter insi­dieu­se­ment un enne­mi à venir par­ta­ger un repas pour ensuite le tuer est « sans paral­lèle dans les guerres modernes ». C’est pour­tant une tac­tique com­mu­né­ment employée par les colons tueurs d’In­diens en Amé­rique du Nord et du Sud. S’il se refuse à prendre en compte ces exemples parce qu’il ne s’a­git pas de « guerre », que dire alors de l’in­vi­ta­tion faite par l’ar­mée alle­mande aux autoch­tones Here­ro en Afrique à se rendre auprès des points d’eau — avec la pro­messe d’un cou­loir de sécu­ri­té — pour ensuite les mas­sa­crer ? La per­fi­die de l’ar­mée dans le mas­sacre de Sand Creek en 1864 aux États-Unis est un autre exemple per­ti­nent par­mi tant d’autres.
  9. Ste­ven Pin­ker, La Part d’ange en nous (2017).
  10. Voir par exemple Sur­vi­val Inter­na­tio­nal, Yano­ma­mi, Londres, 1990, p. 10. Lorsque Dia­mond recon­naît qu’en réa­li­té rares sont les anthro­po­logues à avoir été témoins de cette vio­lence constante qu’il estime être la norme chez la plu­part des peuples tri­baux, il contourne la dif­fi­cul­té avec de bien pauvres argu­ments : les gou­ver­ne­ments ne vou­draient pas que les anthro­po­logues soient la cible des peuples tri­baux, mais il révèle le fond de sa pen­sée lorsqu’il déclare : « les gou­ver­ne­ments ne veulent pas non plus que les anthro­po­logues soient armés … pour pou­voir mettre eux-mêmes fin aux com­bats par la force … des gou­ver­ne­ments ont ins­tau­ré des res­tric­tions de dépla­ce­ment jusqu’à ce qu’une région soit offi­ciel­le­ment consi­dé­rée comme paci­fiée… »  (c’est moi qui sou­ligne.) Dia­mond, p. 132. L’idée que des gou­ver­ne­ments puissent res­treindre les dépla­ce­ments pour le bien-être des anthro­po­logues est fran­che­ment risible. Lorsqu’ils le font, c’est en géné­ral pour dis­si­mu­ler leur propre vio­lence.
  11. Sur­vi­val Inter­na­tio­nal, Denial of geno­cide, Londres, 1993.
  12. B Appleyard, ‘What life should be about’. Sun­day Times, Culture, 6 jan­vier 2013. Ayant lu le livre, le cri­tique pense qu’en Nou­velle-Gui­née « cer­tains hommes vivent comme on vivait il y a 100 000 ans ». Il s’agit, bien sûr, d’une inep­tie.
  13. S. Budians­ky, ‘Let your kids play with matches’. Wall Street Jour­nal, 4 jan­vier 2013
  14. S Draf & F Gless, ‘Der Wei­sheit der Wil­den’. Stern, 25 octobre 2012.
  15. Un chiffre que ne cite par exemple pas Dia­mond concerne les 75 000 civils du dis­trict de Trak­to­ro­za­vod­skiy à Sta­lin­grad (appe­lons-les un ins­tant la « tri­bu de Trak­to­ro­za­vod­skiy »). Les com­bats de 1942–1943 ne lais­sèrent que 150 sur­vi­vants. En d’autres termes, 99% des « Trak­to­ro­za­vod­skiyens » périrent lors d’une seule bataille.
  16. Cor­ry, op.cit., pp. 162–3. Voir aus­si http://assets.survivalinternational.org/static/files/background/hakaniqanda.pdf.
  17. On estime éga­le­ment qu’en Inde envi­ron 50 mil­lions de futures femmes ont été tuées avant ou juste après la nais­sance dans cette der­nière géné­ra­tion parce que c’é­tait des filles plu­tôt que de gar­çons. C’est à peu près le même nombre que celui de toutes les vic­times de la seconde guerre mon­diale.
  18. Non seule­ment s’agit-il d’une pra­tique cou­rante, mais celle-ci est même décrite en Grande-Bre­tagne par un euphé­misme qua­si orwel­lien. On l’ap­pelle le « pro­to­cole de soins de Liver­pool » (ça ne vous rap­pelle pas le Quai de Wigan d’Orwell ?). Celui-ci est consi­dé­ré comme une « bonne pra­tique ». Les hôpi­taux reçoivent des fonds pour la mettre en œuvre, car elle libère des lits. Je ne porte pas ici de juge­ment éthique sur une pra­tique qui a de nom­breux sou­tiens dans la pro­fes­sion, mais il arrive que des membres de la paren­té inter­viennent et que le patient « sur le point de mou­rir » reprenne des forces et vive encore pen­dant des semaines.
  19. Il faut aus­si men­tion­ner ici le plan de migra­tion pour enfants en Grande-Bre­tagne. Plus de 130.000 d’entre eux, jugés « à risque » furent reti­rés à leur famille et dépor­tés dans de loin­tains pays du Com­mon­wealth, comme l’Aus­tra­lie, sou­vent sans que les parents aient été mis au cou­rant ou aient don­né leur accord. La plu­part des vic­times de ce sys­tème furent pla­cées dans des ins­ti­tu­tions, et nombre d’entre elles furent mises au tra­vail for­cé. Il existe en outre de nom­breux témoi­gnages de graves sévices per­pé­trés à leur encontre. Cette pra­tique ne fut aban­don­née que dans les années 1970.
  20. Voir par exemple Pin­ker, op. cit.
  21. Voir par exemple http://www.youtube.com/watch?v=4kwFo7-3Wk0, http://www.survivalinternational.org/news/6598
  22. L’un des membres du Conseil exé­cu­tif de Conser­va­tion Inter­na­tio­nal n’est autre que Ian Kha­ma, pré­sident du Bots­wa­na et prin­ci­pal res­pon­sable des constantes humi­lia­tions infli­gées aux Bush­men — pré­ten­du­ment pour pro­té­ger l’en­vi­ron­ne­ment. On a beau­coup par­lé de l’ex­pul­sion des Gana et des Gwi de ce qu’on appelle une « réserve natu­relle », mais qui n’est autre que leur ter­ri­toire ances­tral. On a par contre moins par­lé du fait que de telles vio­la­tions sont une constante des poli­tiques de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment depuis la nais­sance du mou­ve­ment aux Etats-Unis il y a plus d’un siècle. Il y a long­temps que de telles expul­sions, et la des­truc­tion des peuples qui s’en­suit, sont consi­dé­rées comme accep­tables et néces­saires. L’im­bri­ca­tion des pre­miers défen­seurs de l’en­vi­ron­ne­ment et des « chas­seurs blancs » a tou­jours été balayée sous le tapis, et encore plus leur pro­mul­ga­tion de théo­ries racistes qui ont ins­pi­ré le par­ti nazi en Alle­magne par­mi d’autres.
  23. Voir M Mün­zel, Geno­cide in Para­guay, Inter­na­tio­nal Work Group for Indi­ge­nous Affairs, Copen­hague, 1973. 25 Voir par exemple M Grant The pas­sing of the great race, Scrib­ner, New York, 1916.
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