Pourquoi personne ne parle du rôle du porno dans l’essor du mouvement trans ? (par Genevieve Gluck)

L’article sui­vant a ini­tia­le­ment été publié, en anglais, le 29 novembre 2020 sur le site Femi­nist Cur­rent, à cette adresse.


Cet article contient des des­crip­tions de conte­nus por­no­gra­phiques. J’ai essayé d’é­vi­ter les détails gra­phiques, mais il n’est pas pos­sible de dis­cu­ter de l’in­fluence de la por­no­gra­phie sur le mou­ve­ment du genre sans four­nir de des­crip­tions. En outre, cet article n’est pas écrit dans l’in­ten­tion de nier l’exis­tence de la dys­pho­rie de genre, mais pour atti­rer l’at­ten­tion sur le phé­no­mène de la dys­pho­rie induite par la por­no­gra­phie qui pro­meut simul­ta­né­ment l’ob­jec­ti­va­tion sexuelle extrême et la dégra­da­tion de la fémi­ni­té. Il s’a­git d’un bref aper­çu met­tant en évi­dence la pré­va­lence des conte­nus de sis­si­fi­ca­tion dis­po­nibles publi­que­ment, sans res­tric­tion d’âge, sur les réseaux sociaux.

Ces der­nières années, la popu­la­ri­té du por­no trans a grim­pé en flèche. Selon les méta­don­nées de Porn­hub, les recherches de por­no « trans » et « trans­genre » ont plus que qua­dru­plé au cours des trois années entre 2014 et 2017 et, en 2018, le mot « trans » était le cin­quième terme de recherche le plus cou­rant de l’an­née. [Un article plus récent nous apprend : « En 2022, la popu­la­ri­té du por­no “trans­genre” a aug­men­té de 75 % pour deve­nir la 7e caté­go­rie la plus popu­laire au monde et la 3e aux États-Unis, selon le der­nier rap­port [du site PornHub]. »

Au cours de cette même période, une sous-caté­go­rie de por­no trans­genre a émer­gé et gagné en popu­la­ri­té. Le « sis­sy hyp­no » — abré­via­tion de « sis­si­fi­ca­tion hyp­no­sis » (« hyp­nose sis­si­fiante ») — est une expres­sion qui désigne un type de por­no­gra­phie des­ti­né aux hommes que l’on peut trou­ver en ligne sous trois formes prin­ci­pales : vidéos por­no­gra­phiques, fichiers audio et images avec texte. Cette por­no­gra­phie met géné­ra­le­ment en scène des hommes por­tant de la lin­ge­rie et se livrant à une « fémi­ni­sa­tion for­cée » : il s’agit d’une éro­ti­sa­tion de l’idée de « deve­nir une femme » par l’ha­bille­ment, le maquillage et la sou­mis­sion sexuelle, et d’une féti­chi­sa­tion de l’hu­mi­lia­tion qui en résulte. Bien que l’expression sis­sy hyp­no semble n’avoir gagné en popu­la­ri­té que récem­ment — et de manière signi­fi­ca­tive depuis 2016 selon les don­nées de recherche Google — il existe déjà plu­sieurs sites web dédiés à ce type de por­no, notam­ment sissytube.net, sissy.tube et hypnotube.com.

En mai [2020], la revue Trans­gen­der Stu­dies Quar­ter­ly, affi­liée à l’u­ni­ver­si­té Duke [une uni­ver­si­té états-unienne de recherche pri­vée, située à Durham], a publié un article uni­ver­si­taire inti­tu­lé « Sis­sy Remix : Trans Por­no Remix and Construc­ting the Trans Sub­ject » (« Sis­sy remix : le remix du por­no trans et la construc­tion du sujet trans »), écrit par Aster Gil­bert, un doc­to­rant dans le domaine des études sur les femmes, le genre et la sexua­li­té à l’u­ni­ver­si­té du Kan­sas. Le pro­fil d’As­ter, qui est un homme qui s’i­den­ti­fie comme une femme, nous informe que sa thèse est cen­trée sur « les com­mu­nau­tés de fans de por­no­gra­phie en ligne, en par­ti­cu­lier les fans qui créent leur propre por­no­gra­phie en remixant et en réédi­tant le maté­riel dis­po­nible en ligne », et indique qu’il a pré­sen­té des recherches sur les trans et la « micro­por­no­gra­phie » à la Natio­nal Women’s Stu­dies Asso­cia­tion [NWSA, soit l’« Asso­cia­tion natio­nale des études fémi­nines », une « orga­ni­sa­tion fon­dée en 1977, com­po­sée d’u­ni­ver­si­taires et de pra­ti­ciens dans le domaine des études fémi­nines, éga­le­ment connues sous le nom d’é­tudes sur les femmes et le genre »].

Dans son étude, Aster défi­nit la sis­si­fi­ca­tion et la fémi­ni­sa­tion comme « des formes de jeu de rôle de genre dans les­quelles le sujet revêt la tenue du “genre oppo­sé” » et explique que « sis­sy est éga­le­ment reven­di­quée par des femmes trans comme une iden­ti­té » [comme vous pou­vez le lire sur la page Wiki­pé­dia fran­çaise qui lui est consa­crée, le terme « sis­sy » qui, à la base, était un dimi­nu­tif du mot anglais sis­ter, signi­fiant sœur, est deve­nu plus récem­ment un terme péjo­ra­tif qui désigne un gar­çon ou un homme effé­mi­né]. Aster explique ensuite com­ment les vidéos de sis­sy hyp­no [on pour­rait dire d’« hyp­nose sis­sy »], en par­ti­cu­lier celles réa­li­sées par des hommes qui s’i­den­ti­fient comme trans, enjoignent aux hommes de se trans­for­mer en femmes (ou en « filles », pour reprendre un terme sou­vent employée à la place de « femmes » dans l’in­dus­trie por­no­gra­phique). Des man­tras sont répé­tés — sou­vent une variante de « you are the girl » (« tu es la fille »), ordon­nant au spec­ta­teur de s’i­ma­gi­ner en femme.

Aster men­tionne des vidéos spé­ci­fiques en guise d’exemples. Une en par­ti­cu­lier, appe­lée « Vidéo 2 », qui s’ouvre sur une femme répé­tant « Tu n’es pas vrai­ment un homme. Tu as tou­jours été une fille, n’est-ce pas ? » Puis : « Tu es une femme depuis bien plus long­temps que tu ne le crois ». Et : « Tu es une femme en ce moment même. Rien qu’en m’é­cou­tant, tu es déjà deve­nue une femme. » La voix demande ensuite au spec­ta­teur de se raser les jambes, de se peindre les ongles et de se « féminiser ».

Aster conclut qu’« il est pos­sible de conce­voir cette vidéo comme fai­sant res­sor­tir une iden­ti­fi­ca­tion refou­lée, encou­ra­geant la tran­si­tion, tout en recon­nais­sant la réa­li­té déjà pré­sente de la fémi­ni­té [ou de l’être-femme (woman­hood)] » (je souligne).

Dans son livre Females, l’é­cri­vain Andrea Long Chu, un homme tran­si­den­ti­fié [un homme qui se dit femme, ou femme trans], écrit :

« L’i­dée maî­tresse du por­no sis­sy, c’est que les femmes qu’il dépeint sont en fait d’an­ciens hommes ayant été fémi­ni­sés (sis­si­fied [soit « sis­si­fiés »]) en étant for­cés de se maquiller, de por­ter de la lin­ge­rie et d’ac­com­plir des actes de sou­mis­sion sexuelle. Les indi­ca­tions tex­tuelles signalent en outre aux spec­ta­teurs que le simple fait de regar­der du por­no sis­sy consti­tue en lui-même un acte de dégra­da­tion sexuelle, ce qui implique que, qu’ils le veuillent ou non, les spec­ta­teurs seront inévi­ta­ble­ment trans­for­més en femmes. Cela fait du por­no sis­sy une sorte de méta­por­no­gra­phie, c’est-à-dire un por­no sur ce qui vous arrive quand vous regar­dez du por­no. Au centre du por­no sis­sy se trouve le trou du cul, une sorte de vagin uni­ver­sel par lequel on peut tou­jours accé­der au fait d’être femelle [fema­le­ness]. Se faire bai­ser fait de vous une femme parce que bai­sée [fucked], c’est ce qu’est une femme. »

[Ci-des­sous : plus de 76 000 abon­nés pour cet homme qui se pré­tend trans­genre et qui s’hy­per­sexua­lise selon des codes por­no­gra­phiques, et qui par­tage énor­mé­ment de conte­nu pornographique.] 

L’idée fon­da­men­tale de la por­no­gra­phie de sis­si­fi­ca­tion, du por­no sis­sy, c’est qu’être une femme est intrin­sè­que­ment dégra­dant — que les hommes qui sont mal à l’aise vis-à-vis de la taille de leurs organes géni­taux doivent être trans­for­més en femmes par le biais d’une « fémi­ni­sa­tion for­cée ». Dans ces scé­na­rios, le pénis est qua­li­fié de « cli­to » et l’a­nus de « chatte ». Les orgasmes de la pros­tate sont appe­lés « sis­sy­gasmes ». Sou­vent, les hommes qui pro­duisent ce conte­nu, ain­si que ceux qui l’u­ti­lisent, uti­lisent un dis­po­si­tif appe­lé « cage de chas­te­té » qui empêche les érec­tions, et des plugs anaux pour éti­rer l’a­nus dans une ten­ta­tive de le faire res­sem­bler à une vulve. Ils peuvent aus­si recou­rir à des vête­ments extrê­me­ment fémi­nins, notam­ment des robes roses à frou­frous qui res­semblent à des vête­ments pour enfants ver­sion sexua­li­sée, des talons hauts ou un porte-jar­re­telles. Le BDSM joue éga­le­ment un rôle dans le por­no sis­sy, et sou­vent une femme dans un rôle de domi­na­trice — appe­lée maî­tresse — humi­lie le mâle « sub » (sou­mis) en se moquant de lui comme s’il était un homme raté devant être féminisé.

Lorsque les pro­mo­teurs du trans­gen­risme sont ques­tion­nés au sujet des para­phi­lies de ceux qui s’adonnent à la sis­si­fi­ca­tion et qui consomment du por­no sis­sy, ils affirment géné­ra­le­ment que ces hommes ne relèvent pas de la caté­go­rie trans. Pour­tant, dans une défi­ni­tion du terme « trans » publiée sur son site web, l’organisation Sto­ne­wall UK inclut le tra­ves­tis­se­ment dans la caté­go­rie trans : « Les per­sonnes trans peuvent se décrire en uti­li­sant un ou plu­sieurs termes par­mi une grande varié­té, y com­pris (mais sans s’y limi­ter) trans­genre, tra­ves­ti, non-binaire, queer de genre. » Le recou­pe­ment entre la com­mu­nau­té sis­sy et la com­mu­nau­té trans­genre homme-vers-femme (MTF, male-to-female) est mani­feste sur les réseaux sociaux comme Twit­ter, Tum­blr et Ins­ta­gram, où les « images sis­sy » pro­li­fèrent : des images de femmes dans des vête­ments sexua­li­sés avec du texte ajou­té, enjoi­gnant aux hommes de prendre des hor­mones fémi­nines et de se « fémi­ni­ser » pour res­sem­bler aux femmes sur les photos.

[Ci-des­sous : le compte Twit­ter de cet homme qui se dit femme, « femme trans », qui semble fran­co­phone, et qui est sui­vi par plus de 12 000 per­sonnes, regorge de conte­nu pornographique.] 

Sur Ins­ta­gram, par exemple, le hash­tag #sis­si­fi­ca­tion a été uti­li­sé dans plus de 116 000 publi­ca­tions. Il existe éga­le­ment une varié­té de hash­tags connexes : #sis­sy­hyp­no, #sis­sy­trai­ning, #sis­sy­girl, #sis­sy­cap­tion, #sis­sy­maid, qui se recoupent tous avec d’autres hash­tags comme #trans, #tgirl, #mtf­trans­gen­der, #trap et #gen­der­queer. Un compte appe­lé « The Sis­sy Cor­ner » (le coin sis­sy), géré par un mili­tant LGBTQ ano­nyme en Inde, publie des images légen­dées avec des phrases comme : « Vous avez atteint le point où des mots comme bim­bo, beta, bitch, sis­sy, vous appa­raissent comme de doux com­pli­ments. » Ou : « Pre­nez des hor­mones jus­qu’à lui res­sem­bler. » Ou encore : « Tu laisses un gars te bai­ser comme une fille, et tu crois encore être un homme ? ». Une page Face­book appe­lée « Sis­sy Kiss » (« Bai­ser sis­sy »), qui compte près de 40 000 adeptes, se décrit elle-même comme suit : « Nous sommes des filles trans­genres qui aiment être très fillettes, douces, per­verses et mignonnes. Tous ceux qui aiment les sis­sies sont les bien­ve­nus ! » Dans ses publi­ca­tions, on lit : « Mon but est de te fémi­ni­ser jus­qu’à ce que ton p*nis soit inutile et que tu pleures pour qu’on te l’enlève. » « Si tu t’ha­billes comme une salope, je vais te regar­der te faire bai­ser comme une salope. » Ou encore : « Il faut aug­men­ter tes hor­mones et ton tour de taille de façon drastique. »

[Ci-des­sous : sur Ins­ta­gram aus­si, les pro­fils d’hommes qui se disent femmes (« femmes trans ») et qui aiment à se prendre en pho­to dans des situa­tions hyper­sexuelles, por­no­gra­phiques, et par­fois sado­ma­so­chistes, se multiplient.] 

Des hommes dis­cutent ouver­te­ment du recou­pe­ment sissy/transgenre sur les réseaux sociaux et sur des forums publics. Il existe de nom­breux subred­dits (dis­cus­sion consa­crée à un thème spé­ci­fique sur le très popu­laire site web Red­dit, une sorte de vaste forum) où des hommes se réunissent pour dis­cu­ter du mode de vie sis­sy. Dans ces subred­dits, on dis­cute de l’essor du por­no sis­sy et on échange des conseils pour mieux se « fémi­ni­ser ». Le subred­dit « Sis­sy Hyp­no », qui compte actuel­le­ment plus de 339 000 membres [et qui n’en comp­tait encore que 146 000 il y a envi­ron deux ans, lors de la paru­tion ini­tiale de ce texte de Gene­vieve Gluck], est décrit comme une com­mu­nau­té dédiée aux « médias d’hyp­nose qui trans­forment les par­ti­ci­pants en sis­sies sexy et suceuses de bites ». Il existe de nom­breux subred­dits connexes : r/sissypersonals réunit près de 262k membres ; r/sissydating, 108k ; et r/traps plus d’un mil­lion (« trap » est un terme anglais qui désigne les hommes qui se font pas­ser pour des femmes de manière si convain­cante qu’ils par­viennent à pié­ger des hommes hété­ro­sexuels et à les ame­ner à avoir des rela­tions sexuelles avec eux).

[Ci-des­sous, une publi­ca­tion assez banale, sur Twit­ter, d’une per­sonne dont le pro­fil indique qu’elle est trans­genre et non-binaire] 

De plus, d’in­nom­brables fils de dis­cus­sion ont été pos­tés sur red­dit qui demandent si la dys­pho­rie de genre peut être pro­vo­quée par l’ex­po­si­tion à la por­no­gra­phie et le déve­lop­pe­ment d’un féti­chisme sis­sy. Le subred­di « r/itsafetish » était consa­cré à la docu­men­ta­tion du lien entre la por­no­gra­phie et l’i­den­ti­té trans­genre jus­qu’à ce qu’il soit sup­pri­mé en juillet, pré­ten­du­ment pour « dis­cours hai­neux », mal­gré le fait que les fils de dis­cus­sion com­pre­naient prin­ci­pa­le­ment des cap­tures d’é­cran — ou des cita­tions — d’autres subred­dits. Le che­vau­che­ment entre sis­si­fi­ca­tion et iden­ti­té trans est visible dans un fil de dis­cus­sion pos­té sur r/sissy en octobre, inti­tu­lé « Fal­ling Down the Sis­sy Rab­bit Hole » (« Tom­ber dans le ter­rier du lapin sissy ») :

« J’ai com­men­cé à regar­der du por­no trans il y a envi­ron cinq ans, et je me sou­viens avoir eu des regrets post orgasme. À l’é­poque, je m’i­ma­gi­nais être le gars… Il y a envi­ron un an et demi, j’ai com­men­cé à ima­gi­ner la pos­si­bi­li­té d’être la fille dans ces scé­na­rios. Je… vou­lais être “for­cée” à être bai­sée par un homme parce que la sou­mis­sion m’ex­ci­tait. Je rêvais d’al­ler dans des glo­ry­holes ou d’a­voir les yeux ban­dés pen­dant que des hommes m’u­ti­li­saient comme objet sexuel. Récem­ment, j’ai com­men­cé à tout remettre en ques­tion. J’aime l’at­ten­tion et par consé­quent me sen­tir comme une femme. Cela m’a conduit à souf­frir d’une cer­taine dys­pho­rie de genre, car j’ai­me­rais être la femme et voir où cela me mène­rait dans ma vie (femme trans entiè­re­ment tran­si­tion­née). En bref, mon iden­ti­té sexuelle et de genre a été com­plè­te­ment ren­ver­sée à cause du porno/hypno sissy. »

[Ci-des­sous : un homme qui se dit femme publie, sur son compte Twit­ter, une pho­to où, avec deux autres hommes qui se disent femmes, ils exhibent fiè­re­ment les « seins » qui se déve­loppent sur leur torse en rai­son des trai­te­ments hor­mo­naux qu’ils suivent.] 

Un autre fil de dis­cus­sion Red­dit (r/sissy) demande : « Suis-je trans, ou suis-je une sis­sy ? Peut-être les deux ou aucun des deux ? »

« J’ai com­men­cé à m’in­té­res­ser au por­no sis­sy vers l’âge de 16–17 ans. Ça m’a épous­tou­flé ! J’ai­mais l’i­dée que quel­qu’un (que ce soit un homme ou une femme) me “force” à deve­nir une salope sis­sy avec pour seule tâche de plaire aux “vrais hommes”. Je veux être trai­tée comme un sac à foutre et un esclave à pénis. Ces der­niers temps, cepen­dant, mes fan­tasmes portent moins sur quel­qu’un qui me force à être une fille que sur le fait que je sois sim­ple­ment une fille. Je fan­tasme géné­ra­le­ment sur le fait d’a­voir des rela­tions sexuelles avec un homme en tant que femme. »

Signi­fi­ca­ti­ve­ment, des subred­dits qui remet­taient en cause la miso­gy­nie du mou­ve­ment du genre et expo­saient la manière dont il était imbri­qué avec la com­mu­nau­té féti­chiste ont été sup­pri­més, sans aver­tis­se­ment, fin juin et début juillet [2020] au pré­texte qu’ils dif­fu­saient des dis­cours de haine. Par­mi ceux-ci figu­raient les subred­dits r/GenderCritical, r/TERFisaslur et r/itsafetish, ce der­nier étant consa­cré à la docu­men­ta­tion du lien entre la por­no­gra­phie et l’i­den­ti­té trans­genre et com­por­tant prin­ci­pa­le­ment des cap­tures d’é­cran — ou des cita­tions — de subred­dits sis­sy et trans.

[Ci-des­sous : une publi­ca­tion, comme il y en a plein sur Twit­ter, d’un homme qui se dit femme qui se prend lui-même en pho­to alors qu’il suit un trai­te­ment hor­mo­nal pour que son corps res­semble à celui d’une femme.] 

Twit­ter est éga­le­ment satu­ré de comptes et de publi­ca­tions qui dif­fusent du por­no sis­sy, sou­vent en contour­nant le filtre de conte­nu sen­sible par l’u­ti­li­sa­tion de gifs. Un uti­li­sa­teur de Twit­ter avec pour iden­ti­fiant @tsnicole3, qui se décrit comme « un trans­genre refou­lé » avec « un fan­tasme de tom­ber enceinte », a twee­té : « Mon rêve est de vivre dans une socié­té où les mâles sis­sy sont fémi­ni­sés et sou­mis aux mâles alpha. Je veux m’ha­biller avec de la jolie lin­ge­rie, tom­ber enceinte, et être une épouse et une mère. » Un acti­viste trans avec plus de 76 000 fol­lo­wers et un compte Only­Fans, se fai­sant appe­ler « Boring­Kate » (@boringnerdykate), publie presque exclu­si­ve­ment des choses por­tant sur le sexe et la por­no­gra­phie et a un inté­rêt par­ti­cu­lier pour le sis­sy hyp­no. En avril [2020], il a twee­té : « Puisque les publi­ci­taires sur­veillent l’ac­ti­vi­té Inter­net de tout le monde, ils devraient au moins pro­mou­voir agres­si­ve­ment un trai­te­ment hor­mo­nal sub­sti­tu­tif auprès de tout ‘gar­çon’ qui a cher­ché du por­no hypno. »

[Ci-des­sus et ci-des­sous, des publi­ca­tions assez typiques de la part d’hommes qui se disent femmes (femmes trans), par­mi beau­coup d’autres du même genre qu’on trouve sur Twitter.] 

Il existe éga­le­ment des livres qui servent à la fois de lit­té­ra­ture éro­tique et de manuels d’ins­truc­tion, et c’est dans ce type de médias que l’in­fluence du mou­ve­ment incel est la plus appa­rente. On trouve dans les guides d’ins­truc­tion des termes uti­li­sés dans la « mano­sphère » (terme qui désigne les forums de mili­tants des droits des hommes et du mou­ve­ment incel) comme « mâle alpha » et « mâle bêta ». Dans l’ar­got incel, le terme « bêta » désigne un homme consi­dé­ré comme n’ayant pas de suc­cès auprès des femmes, en rai­son de son carac­tère moins agres­sif, de son phy­sique effé­mi­né ou de son manque de qua­li­tés mas­cu­lines sté­réo­ty­pées en géné­ral. Le livre The 10 Steps to Become a Sis­sy : For­ced Femi­ni­za­tion (« 10 étapes pour deve­nir une sis­sy : la fémi­ni­sa­tion for­cée »), auto­pu­blié sur Ama­zon par un uti­li­sa­teur nom­mé « Hot­wife Kim » (« Fem­me­chaude Kim »), pré­tend, dans sa des­crip­tion, trans­for­mer les « mâles bêta » en femmes, et éga­le­ment qu’il s’agit de la seule façon pour ces hommes d’être sexuel­le­ment désirables :

« Si tu conti­nues à vivre comme un mâle bêta, tu seras des­ti­né à une vie de céli­bat et de tris­tesse. Alors qu’en deve­nant une fille, tu auras beau­coup de sexe — toutes les filles en ont. Celui qui admire vrai­ment la beau­té fémi­nine ne se contente pas sim­ple­ment de dési­rer la pos­sé­der, d’a­voir une petite amie ou une épouse, d’a­voir des rela­tions sexuelles avec une femme. Ton amour est plus grand. Tu veux deve­nir une femme toi-même. Il n’y a rien de mal ou même d’in­ha­bi­tuel dans ce désir, et grâce à la tech­no­lo­gie moderne, il est de plus en plus pos­sible de réa­li­ser vos rêves.

En fait, une grande tran­si­tion s’o­père éga­le­ment dans notre culture au sens large. Les mâles bêtas s’a­dou­cissent et deviennent plus fémi­nins, tan­dis que les femmes s’af­firment et prennent confiance dans leur sexua­li­té. Je ne peux vrai­ment pas te repro­cher d’être jaloux. Je ne serais pas heu­reux en tant que mâle bêta moi non plus. Tu te fais pro­ba­ble­ment reje­ter par les filles tout le temps, alors tu es obli­gé de les regar­der sor­tir avec des mâles alpha. Et tu sais qu’ils ont beau­coup de rap­ports sexuels incroyables, le genre d’expérience sexuelle qui te sera tou­jours refu­sé. Ou alors, tu seras contraint à une vie de céli­bat humi­liante — à moins que tu n’ac­ceptes ton des­tin de sissy. »

Ce type de maté­riel est de plus en plus dis­po­nible grâce à l’au­to­pu­bli­ca­tion. Outre Ama­zon, Wal­mart pro­pose éga­le­ment des manuels éro­tiques de fémi­ni­sa­tion for­cée en ligne. Une recherche sur leur site Web per­met de trou­ver plus d’une dou­zaine de titres, dont Femi­ni­za­tion from Alpha to Sis­sy Due to His Inade­quate Sized Man­hood ! (« Fémi­ni­sa­tion de l’al­pha en sis­sy à cause de sa mas­cu­li­ni­té inadé­quate ! ») et For­ced Femi­ni­za­tion : Abduc­tion, Hyp­no­sis Trai­ning, Sis­sy Slave Maid (« Fémi­ni­sa­tion for­cée : enlè­ve­ment, for­ma­tion à l’hyp­nose, femme de chambre esclave et sis­sy ») dont voi­ci la des­crip­tion :

« Greg se réveille atta­ché et habillé. Une mys­té­rieuse femme hyp­no­ti­seur dit à Greg que son nou­veau nom est Ash­ley, et avec un fouet, il oublie tout de son pas­sé. L’i­dée qu’A­sh­ley se fai­sait de “Greg” a dis­pa­ru. L’hyp­no­ti­seur en latex révèle qu’A­sh­ley fait main­te­nant par­tie d’un culte de fémi­ni­sa­tion. Le Don est le puis­sant alpha der­rière tout le culte de la trans­for­ma­tion, affir­mant et démon­trant clai­re­ment sa domi­na­tion à maintes reprises. À chaque éclipse lunaire, il choi­sit une sis­sy fraî­che­ment trans­for­mée pour vivre dans son manoir pri­vé. Ce que Don pen­sait être juste une autre femme de chambre, s’a­vère être plus que cela. Ash­ley… trans­forme sa vie pour de bon. »

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« Être une sis­sy, c’est tou­jours perdre l’esprit. Le terme tech­nique pour cela est bim­boi­fi­ca­tion [ou bim­bo­fi­ca­tion]. Les légendes sur les images enjoignent sou­vent aux spec­ta­teurs de se sou­mettre à l’hyp­nose, au lavage de cer­veau, à la fonte des cer­veaux, à l’a­bru­tis­se­ment et à d’autres tech­niques d’écopage de l’intelligence.

Les gestes les plus sou­vent mis en boucle au for­mat GIF signi­fient presque tou­jours l’é­va­cua­tion de la volon­té : visages flé­tris, jambes trem­blantes, yeux révul­sés dans la tête. Le for­mat GIF lui-même com­mu­nique cette idée, une sorte de cen­tri­fu­geuse pour dis­til­ler la fémi­ni­té [le fait d’être femme, fema­le­ness] jus­qu’à l’es­sen­tiel — une bouche ouverte, un trou du cul qui attend, des yeux vides. Le por­no sis­sy m’a fait deve­nir trans. »

— Andrea Long Chu, Females

***

Un autre livre sur le sujet, dont le titre tra­duit en fran­çais donne : « Fémi­ni­sa­tion for­cée : le cuckol­ding et chan­ger mon ex-mari en une fille ». Le « cuckol­ding » désigne appa­rem­ment « une para­phi­lie et une forme de domi­na­tion sexuelle dans laquelle un homme est sexuel­le­ment exci­té par l’i­dée que son par­te­naire ait des rela­tions sexuelles avec un autre homme (voire plu­sieurs) régu­liè­re­ment ou occa­sion­nel­le­ment, alors que l’é­poux doit res­ter fidèle à son conjoint ou même s’abs­te­nir ». (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cuckolding)

Le sis­sy hyp­no [on pour­rait aus­si dire, en fran­çais, « l’hypnose sis­si­fiante »] passe aus­si par des fichiers audio visant à « laver le cer­veau » des audi­teurs mas­cu­lins en leur fai­sant croire qu’ils sont des femmes. Par des répé­ti­tions de man­tras, les créa­teurs de conte­nu de sis­sy hyp­no pré­tendent trans­for­mer les hommes en « bim­bos » et en « f*ck dolls », en « pou­pées à bai­ser ». On trouve par exemple du conte­nu audio d’hypnose sis­sy sur le site BambiSleep.com. Sur sa page d’ac­cueil, le slo­gan « Deep Bim­bo Ero­tic Hyp­no­sis » (« Hyp­nose éro­tique pro­fonde pour bim­bo ») est accom­pa­gné de la des­crip­tion sui­vante : « Bam­bi sleep est des­ti­né à TOUTE PERSONNE qui sou­haite deve­nir une bim­bo sexy. Les fichiers ne sont pas spé­ci­fiques au genre (gen­der) de l’au­di­teur. » Une expli­ca­tion plus détaillée est four­nie dans l’on­glet « Com­ment démarrer » :

« Bam­bi Sleep est l’un des sys­tèmes les plus avan­cés et les plus com­plets dans le domaine de l’hyp­nose éro­tique. Ces séances vous trans­for­me­ront, quel que soit votre genre (gen­der), en une belle bim­bo écer­ve­lée nom­mée Bam­bi. Bam­bi aime por­ter des talons hauts, des vête­ments mou­lants et un maquillage par­fait. Livrée à elle-même, elle modi­fie­ra son corps avec de gros implants et des injec­tions dans les lèvres. Si votre tra­vail ne vous per­met pas de modi­fier votre appa­rence exté­rieure, ce n’est peut-être pas un endroit pour vous. »

La pre­mière vidéo de Bam­bi Sleep a été publiée sur You­Tube en 2018 et a été vue plus de 110 000 fois. Inti­tu­lée « Bam­bi Bim­bo Doll Condi­tio­ning » (« Condi­tion­ne­ment de la pou­pée Bam­bi Bim­bo »), la des­crip­tion explique qu’il s’a­git « d’un pro­gramme d’en­traî­ne­ment com­plet et puis­sant qui trans­for­me­ra l’au­di­teur en une par­faite bim­bo muette appe­lée Bam­bi ». La vidéo ne com­porte qu’une pho­to fixe d’une femme por­tant des lunettes de soleil, tan­dis qu’une spi­rale en noir et blanc tourne len­te­ment en arrière-plan. On entend un bour­don­ne­ment loin­tain et une voix fémi­nine géné­rée par ordi­na­teur, mani­fes­te­ment fausse, demande à l’au­di­teur de se détendre et de se mettre en état d’hyp­nose en enten­dant l’ex­pres­sion « bim­bo doll » (« pou­pée bim­bo »), accom­pa­gnée d’un gémis­se­ment fémi­nin. En arrière-plan, des voix plus faibles répètent les mots « bim­bo doll ».

La vidéo dure deux heures et demie. Une voix ordonne à l’au­di­teur « d’o­béir sans poser de ques­tions, d’o­béir en renon­çant à tout libre arbitre » et de deve­nir « une marion­nette avide et consen­tante, vos propres dési­rs étant ins­tan­ta­né­ment rem­pla­cés par un besoin d’o­béir, une marion­nette sans aucun libre arbitre », sug­gé­rant que le QI de l’au­di­teur va « des­cendre en flèche à mesure que ses seins gonfleront ».

Sous la vidéo, un uti­li­sa­teur appe­lé « Dia­per Lover » (« Ama­teur de couches ») com­mente : « Je suis accro à ces vidéos d’hyp­nose que je regarde tous les soirs main­te­nant, je me sens tel­le­ment bien […] il est si bon d’être une marion­nette de baise écer­ve­lée. » Un autre com­men­taire, rédi­gé par un uti­li­sa­teur appe­lé Aman­da Grey, dont la pho­to de pro­fil est un homme maquillé et por­tant des vête­ments fémi­nins sté­réo­ty­pés, explique qu’il est désor­mais inca­pable d’en­le­ver ses sous-vête­ments sans mettre d’a­bord un sex-toy dans sa bouche : « Je ne peux tout sim­ple­ment pas aller aux toi­lettes sans avoir une bite dans la bouche. Main­te­nant, je vais devoir trim­bal­ler un gode dans mon sac à main. » Compte tenu de la nature de ce type de por­no­gra­phie, il n’est pas dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner que cet homme, et d’autres comme lui, pré­fèrent uti­li­ser les ins­tal­la­tions des femmes en s’a­don­nant à leur féti­chisme sexuel.

Un autre com­men­ta­teur affirme que son père était deve­nu dépen­dant de l’hyp­nose sissy :

« Il fait ça depuis des années, ça occupe tout son temps et ça rend ma mère lit­té­ra­le­ment folle. Ils sont tous les deux âgés et il peut à peine mar­cher ou se rendre aux toi­lettes à temps, mais d’une manière ou d’une autre, il trouve le temps de faire ces bêtises et d’a­che­ter du pop­pers… Cela… a rui­né ma famille et a pos­sé­dé mon père pen­dant les der­nières années de sa vie. »

« Pop­pers » est un terme d’ar­got qui désigne des drogues inha­lées afin de détendre les muscles lisses, notam­ment le sphinc­ter, et d’aug­men­ter le rythme car­diaque, ce qui entraîne une sen­sa­tion de cha­leur et d’ex­ci­ta­tion. On trouve sou­vent des réfé­rences à l’u­ti­li­sa­tion de pop­pers dans les dis­cus­sions en ligne por­tant sur le por­no sissy.

Quelques exemples de livres (il y en a plé­thore) pro­mou­vant la « culture du por­no sis­sy », ou la sissification.

Le subred­dit r/TGandSissyRecovery est un groupe de sou­tien pour les hommes qui veulent arrê­ter la por­no­gra­phie trans­genre et le sis­sy hyp­no (la por­no­gra­phie sis­sy), qui compte envi­ron 13 000 membres. La plu­part des mes­sages sont cen­trés sur des his­toires per­son­nelles de dépen­dance et sur la façon dont la dépen­dance au conte­nu sis­sy, en par­ti­cu­lier, a conduit les membres du groupe à croire qu’ils étaient transgenres.

Dans un mes­sage du 13 novembre inti­tu­lé « Je ne sais pas si je suis trans ou si c’est juste un kink », on peut lire :

« J’aimerais tran­si­tion­ner, mais je n’ai pas le cou­rage de l’assumer publi­que­ment. Mais j’ai essayé de me tra­ves­tir et ça m’ex­cite, j’ai aus­si envie que des hommes me baisent quand je me tra­ves­tis, j’ai essayé le sexe gay et je pense que je suis plus inté­res­sé par les femmes, mais quand je suis une fille, j’ai envie de me faire baiser. »

Dans une publi­ca­tion du 21 novembre sim­ple­ment inti­tu­lée « Conseils ? », on lit :

« Je pense que je souffre de féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment. Cela a com­men­cé très jeune, très jeune, et s’est trans­for­mé en désir sexuel au fur et à mesure de ma puber­té. La pre­mière fois que je me suis mas­tur­bé, c’é­tait en por­tant les vête­ments de ma belle-mère, et main­te­nant j’ai l’im­pres­sion que j’ai besoin de me mas­tur­ber en por­tant des vête­ments fémi­nins pour sou­la­ger mes pen­sées, par­fois je ne suis pas capable de me concen­trer du tout avant de por­ter les vête­ments. J’ai été plu­sieurs fois chez mon thé­ra­peute actuel habillé de façon fémi­nine, alors ça me semble mal de lui par­ler du fait que ça me pro­cure du plai­sir sexuel… Le fait que je fasse ça… la met­trait incroya­ble­ment mal à l’aise. »

Dans un fil pos­té sur r/sissy en octobre [2020], inti­tu­lé « Unpro­gram­ming and rea­li­zing I miss the old me » (« Se dépro­gram­mer et réa­li­ser que le vieux moi me manque »), qui a depuis été sup­pri­mé, on pou­vait lire :

« Je pense que cette m*rde est sinistre et que c’est du groo­ming [du condi­tion­ne­ment d’individus en vue de les ame­ner à par­ti­ci­per à des choses sexuel­le­ment dégra­dantes]. J’é­tais dans mon ado­les­cence quand je suis arri­vé au sis­sy hyp­no. J’a­vais de meilleures rela­tions avec les femmes. Main­te­nant, je les déteste. J’é­tais cis, main­te­nant je suis en pleine confu­sion des genres. Je déteste le por­no sis­sy hyp­no main­te­nant… Le por­no a un impact néga­tif sur beau­coup d’entre nous. Avant de vous lan­cer là-dedans, com­ment étiez-vous ? Com­ment étions-nous tous ? Je refuse d’ap­pe­ler ma bite une bite de femme… C’est le por­no qui nous a fait ça… C’est vrai­ment un lavage de cer­veau et je pré­fère retrou­ver mon esprit. »

[Ci-des­sus, un autre aper­çu du genre de choses que publie une « femme trans », un homme qui pré­tend être une femme, assez banal, sur Twit­ter.]

L’hyp­nose sis­sy dif­fère de la por­no­gra­phie clas­sique dans la mesure où elle s’a­dresse au spec­ta­teur et lui donne des ins­truc­tions, uti­li­sant déli­bé­ré­ment le pou­voir du média pour ten­ter de modi­fier l’i­den­ti­té de l’individu et d’encourager la dys­pho­rie. De mul­tiples études menées depuis des décen­nies ont démon­tré une cor­ré­la­tion entre la consom­ma­tion de por­no­gra­phie, les atti­tudes sexistes envers les femmes et l’aug­men­ta­tion des actes de vio­lence et d’a­gres­sion. Les régions du cer­veau acti­vées par la por­no­gra­phie sont les mêmes que sti­mule un rap­port sexuel réel, grâce aux neu­rones miroirs du cer­veau. Selon Mar­co Iaco­bo­ni, pro­fes­seur à l’u­ni­ver­si­té de Cali­for­nie à Los Angeles, il s’agit de la rai­son pour laquelle la por­no­gra­phie a un fort impact sur notre esprit, si fort qu’il peut encou­ra­ger le recours à un com­por­te­ment violent : « La capa­ci­té miroir du cer­veau sug­gère éga­le­ment que nous sommes auto­ma­ti­que­ment influen­cés par ce que nous per­ce­vons, pro­po­sant ain­si un méca­nisme neu­ro­bio­lo­gique plau­sible pour la repro­duc­tion des com­por­te­ments violents. »

[Ci-des­sus, un autre homme qui pré­tend être une femme, fier d’ex­hi­ber son corps après « 18 mois de trai­te­ment de sub­sti­tu­tion hor­mo­nale ». L’hy­per­sexua­li­sa­tion et l’in­fluence du por­no. L’au­to­gy­né­phi­lie. Et ci-des­sous, un autre.] 

De récentes études ont mon­tré que la por­no­gra­phie peut détour­ner le centre de récom­pense de la dopa­mine du cer­veau. Comme la por­no­gra­phie pro­voque de fortes bouf­fées de dopa­mine, le cer­veau déve­loppe une tolé­rance à son conte­nu, et requiert des médias tou­jours plus cho­quants pour sus­ci­ter le même fris­son. En consé­quence, la por­no­gra­phie peut entraî­ner des dys­fonc­tion­ne­ments sexuels et la dépres­sion. En outre, cer­taines recherches sug­gèrent que la consom­ma­tion de por­no­gra­phie peut induire un trouble dys­mor­phique du corps (TDC), ou dys­mor­pho­pho­bie, et en par­ti­cu­lier une dys­mor­pho­pho­bie du pénis chez les hommes. Étant don­né que la dys­pho­rie de genre est un type de trouble dys­mor­phique cor­po­rel carac­té­ri­sé par un malaise que l’individu res­sent vis-à-vis de ses carac­té­ris­tiques sexuelles pri­maires et secon­daires, et que la por­no­gra­phie peut défor­mer la per­cep­tion de soi, l’on peut rai­son­na­ble­ment sup­po­ser qu’elle ne fait pas qu’extérioriser une condi­tion pré­exis­tante, mais qu’elle induit la dys­pho­rie de genre.

Autre­fois, on consi­dé­rait comme un fait incon­tes­té que les médias que nous consom­mons peuvent façon­ner notre esprit et notre com­por­te­ment. Pour­tant, alors que nos vies sont de plus en plus satu­rées par les médias, notre capa­ci­té à réflé­chir de manière cri­tique à leur impact sur l’i­den­ti­té et le moi est de plus en plus limi­tée et sou­vent réduite à des obser­va­tions indi­vi­duelles, plu­tôt que socié­tales. Nous devrions consi­dé­rer la pos­si­bi­li­té que le récent essor de la reven­di­ca­tion d’une iden­ti­té trans­genre puisse être lié à la pro­li­fé­ra­tion de la por­no­gra­phie en ligne et à l’élargissement de son acces­si­bi­li­té. Ce phé­no­mène est trop impor­tant pour être ignoré.

Gene­vieve Gluck


Tra­duc­tion : Nico­las Casaux

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