Massacre de la faune au Bénin : le dernier Éden menacé

Le Parc Natio­nal de la Pend­ja­ri est un des joyaux d’Afrique, ren­fer­mant la plus grande popu­la­tion d’éléphants d’Afrique de l’Ouest ain­si que des espèces mena­cées telles que l’éléphant, le buffle, le lion, le gué­pard, le lycaon, l’hyène, et des mil­liers d’antilopes (dama­lisques, hip­po­trague, bubale, cobes de Buf­fon, cobes Defas­sa, cobes des roseaux,…etc) on peut ain­si conclure que le Parc de la Pend­ja­ri est en un des tout der­niers sanc­tuaires de la faune sau­vage en Afrique de l’Ouest.

Alors que des bra­con­niers et tra­fi­quants notoires d’ivoires avaient pu être arrê­tés et condam­nés en 2014, contre toute attente, la sur­veillance du Parc Natio­nal de Pend­ja­ri semble avoir été sus­pen­due en ce début d’année.

buffle tué par balle mare bali 10 février- Copie
Buffle tué par balle

Une arres­ta­tion vient d’être réa­li­sée en dehors du parc ce ven­dre­di 13, qui a por­té mal­heur à deux tra­fi­quants de faune par­mi de nom­breux autres. Cette opé­ra­tion a été réa­li­sée par les forces de l’ordre et les fores­tiers avec l’appui du Pro­cu­reur de Répu­blique, et a été ren­due pos­sible grâce au pro­jet AALF‑B déve­lop­pé par le réseau EAGLE et l’ONG Nature Tro­pi­cale. Au total, 157 tro­phées et dépouilles d’animaux ont été sai­sis lors de cette opé­ra­tion : peaux, cornes, os d’éléphants, car­casses de cro­co­diles, de pythons, de plu­sieurs espèces d’antilopes (guib har­na­ché, cépha­lophe) et de car­ni­vores (genette et une tête qui serait celle d’un jeune lion), de patas, de camé­léons, etc. Une bonne sur­veillance au sein même du parc aurait peut-être pu empê­cher cela mais la situa­tion semble hors contrôle, ce qui arrange les bra­con­niers et complices.

Les rai­sons en sont entre autres les pres­sions poli­tiques orches­trées par les bra­con­niers et tra­fi­quants de faune et leurs com­plices. Les mai­ries de Tan­guié­ta et Mate­ri n’ont pas hési­té à sus­pendre par l’Arrêté Com­mu­nal du 29 Décembre 2014, les acti­vi­tés des Asso­cia­tions Vil­la­geoises de Ges­tion des Réserves de Faune (AVIGREF), qui assu­rait sur­veillance en col­la­bo­ra­tion avec les ges­tion­naires du Parc. Or, les solu­tions alter­na­tives mises en place ne semblent pas effi­caces et le bra­con­nage est en plein essor. La pré­sence ponc­tuelle de mili­taires non for­més dans le parc et leur manque d’expérience en la matière consti­tuent même un risque si leur ges­tion n’est pas bien organisée.

Le guide Ada­mou Akpa­na orga­ni­sant des visites éco­tou­ris­tique du Parc de la Pend­ja­ri depuis plus de vingt ans explique que le parc est plus mena­cé que jamais. « De nom­breuses car­casses d’antilopes jaugent le sol et des élé­phants ont éga­le­ment été tués dans le Parc. Le bra­con­nage et le tra­fic se géné­ra­lisent pro­gres­si­ve­ment ».

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Cobe tué par balle

Près de 3.000 élé­phants, 20.000 anti­lopes et plus de 200 grands félins sont main­te­nant à la mer­ci des bra­con­niers et sérieu­se­ment mena­cés. Alors que les appuis finan­ciers pour la ges­tion et pro­tec­tion du parc sont impor­tants (Union Euro­péenne, coopé­ra­tion alle­mande, UICN), ils ne sont mani­fes­te­ment pas déployés sur le ter­rain efficacement.

A ce jour, le mas­sacre a com­men­cé et se pour­suit quo­ti­dien­ne­ment y com­pris dans les zones les plus fré­quen­tées. Les tou­ristes sont indi­gnés devant les dépouilles d’animaux, et res­sentent un sen­ti­ment d’in­sé­cu­ri­té face à la cir­cu­la­tion de bra­con­niers armés sur les cir­cuits tou­ris­tiques. Les visions de car­casses d’animaux et les reten­tis­se­ments de coup de feu ne font en effet pas bon ménage avec l’écotourisme et c’est ain­si toute l’image du Bénin qui risque d’en prendre un coup.

Luc Mathot, direc­teur-fon­da­teur de l’ONG Conser­va­tion Jus­tice explique : « J’ai eu la chance de visi­ter deux fois le Parc Natio­nal de la Pend­ja­ri en 2014. C’est un endroit magni­fique et la faune y abonde encore au point que c’est un des der­niers édens d’Afrique de l’Ouest. Ima­gi­ner que des mil­liers d’éléphants, d’antilopes et de grands félins pour­raient y être abat­tus rapi­de­ment est aber­rant, sur­tout qu’il n’y a pas de pro­blèmes de capa­ci­té ou de moyens mais juste un manque de volon­té ». Il semble en effet que des com­pli­ci­tés existent avec les bra­con­niers et que cer­taines auto­ri­tés ont avan­tage a lais­sé le parc sans aucune sur­veillance. C’est mal­heu­reu­se­ment le fac­teur clé dans la réus­site des pro­jets de conser­va­tion, et les bailleurs comme les ONG ne peuvent pas grand chose si ce pro­blème n’est pas réglé.

éléphant braconné 4 mars 2015
élé­phant braconné…

Joséa S. Dos­sou Bod­j­rè­nou, Direc­teur de Nature Tro­pi­cale ONG, Membre de l’UICN (Union inter­na­tio­nale pour la conser­va­tion de la nature) « Le spec­tacle de mas­sacres d’animaux sau­vages auquel nous assis­tons dans la Parc Natio­nal de la Pend­ja­ri ces der­niers temps est juste inima­gi­nable. Est-ce une ven­geance ? Et contre qui ? Com­ment conce­voir qu’une res­source si impor­tante soit lais­sée sans sur­veillance par des auto­ri­tés et pour com­bien de temps ? Et que des bra­con­niers conti­nuent d’abattre si faci­le­ment des ani­maux au cœur et dans la zone tou­ris­tique du Parc ? Je crois qu’il y a urgence d’actions de la part des ins­tances supé­rieures que nous sou­te­nons afin que dili­gence soit faite ».

Seules les hautes auto­ri­tés béni­noises pour­raient rame­ner la quié­tude en consi­dé­rant et uti­li­sant tous les par­te­naires pour une pro­tec­tion effi­cace de ce patri­moine uni­ver­sel. Rap­pe­lons que le sys­tème de col­la­bo­ra­tion avec les AVIGREF (Asso­cia­tions Vil­la­geoises de Ges­tion des Réserves de Faune) a obte­nu le Prix Équa­teur 2014 décer­né par le PNUD (Pro­gramme des Nations unies pour le déve­lop­pe­ment). Sup­pri­mer ce sys­tème est un risque sérieux et les alter­na­tives n’ont en tout cas pas encore mon­tré de résultats.


 

Contacts utiles :

Luc MATHOT, Direc­teur de Conser­va­tion Jus­tice (Gabon), mail : luc@conservation-justice.org, Tél : 00241 04 23 38 65 / 00241 06 12 37 28

Josea S. DOSSOU-BODJRENOU, Direc­teur Nature Tro­pi­cale ONG (Bénin), Membre de l’UICN, mail : ntongmu@yahoo.com, info@naturetropicale.org , Tél : 00229 95 40 94 14 ; 00229 96 10 08 37, 00229 93 48 99 15
Ada­mou AKPANA, Guide tou­ris­tique Pend­ja­ri, Tél : 00229 97 35 45 58

Per­rine ODIER, Coor­di­na­trice Répli­ca­tion EAGLE Net­work, Mail : perrine.odier@gmail.com, Tél Bénin : 00229 615 602 96 ; Tél : Gui­née : 00224 624 393 846

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  1. Nous sommes des mil­lions de par le monde à agir pour plus de soli­da­ri­té entre tous les hommes, entre nous et le vivant qui nous entoure, pour nos enfants, nos petits enfants. 

    Nous agis­sons pour pro­té­ger la faune sau­vage, la flore, le cli­mat, pour dénon­cer la mal­trai­tance humaine, ani­male sous toutes ses formes. Nous mani­fes­tons, fai­sons des dons, signons des péti­tions, comme la goutte d’eau du Coli­bri (his­toire de Pierre Rabbi),le chan­ge­ment len­te­ment progresse.

    La poli­tique est cen­cée ras­sem­bler, preuve du contraire, nos petits inté­rêts per­son­nels, d’argent, de confort, de croyances et de cer­ti­tudes font que nos opi­nions poli­tiques nous séparent et nous divisent en fai­sant bar­rage aux choix opportuns.

    Témoin du monde dans lequel je vis depuis 68 ans, pas d’en­fants, pas d’o­pi­nion poli­tique par­ti­cu­lière, libre de dire ce que je pense, rien à perdre, rien à gagner, j’ai honte d’être un homme blanc civilisé.

    Conti­nuons à agir, faire des dons, à mani­fes­ter, à signer des péti­tions, appor­tons notre goutte d’eau à la prise de conscience qui inéxo­ra­ble­ment est en marche.

  2. Le pro­blème de la Pend­ja­ri ou j’ai chas­sé, il y plus de 20 ans est qu’elle a tou­jours été mal pro­té­gée, avec en prime le Bur­ki­na voi­sin et ses bra­con­niers que rien en sépare, sinon cette rivière assé­chée 6 mois de l’année.
    Le sou­ci est que les auto­ri­tés béni­noises ont tou­jours fait le strict mini­mum, avec un chef des Eaux et Forêts sur la Pend­ja­ri à l’é­poque avec des moyens ridi­cules en moby­lette — Pour­quoi ces mêmes auto­ri­tés n’emploient pas la méthode forte iden­tique à l’A­frique de l’Est, avec de vrais menaces armées à l’en­contre des bra­cos ( flin­gués après sommation) .
    Sans cette approche, il n’y aura bien­tôt plus d’é­lé­phants que dans les parcs et zoos dans le monde. Et encore, ils ont même flin­gués un Rhi­no à Thoi­ry à 40 km de Paris.

  3. Je connais la Pen­ja­ri depuis 1973.….….J’y suis retour­né de nom­breuses fois , jus­qu’en 1995.…… Chaque visite a été une nou­velle tris­tesse : la faune dis­pa­rait , on trouve des traces de braconnage.….Les gardes sont très gen­tils, mais très mal équi­pés , mal payés , et à la mer­ci de toutes les ten­ta­tions .….…Il faut agir .…VITE.….!!!!

  4. J’ai eu la chance et le grand bon­heur il y a près de 40 ans, de vivre et d’y dor­mir pen­dant une semaine. À cette époque, les gar­diens du parc étaient des anglais (un jeune couple) et nous avons fait des pro­me­nades le matin au lever du jour et à la fin du jour. Le matin tôt les cris joyeux des babouins glis­sant au faîte des immenses tentes pour mieux remon­ter et se glis­ser à nou­veau. Le rugis­se­ment des lions, les hip­po­po­tames et les bébés se pré­las­sant dans le lac, les pha­co­chères et leur mar­maille tra­ver­sant le che­min juste devant le 4x4, les cobs de Defas­sa et toutes ces magni­fiques anti­lopes. Ces sou­ve­nirs sont empreints sur ma mémoire du temps. Alors oui je déplore que l’on laisse les bra­con­niers détruire une si belle diver­si­té sau­vage et que rien n’est entre­pris pour les arrê­ter de tuer au nom du fric.

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