Dans sa nouvelle série de films documentaires produite par Arte, Uhsuaïa TV, Mirova, We Demain, France Info et d’autres farouches écologistes, intitulée « Un monde nouveau », Cyril Dion recycle les vieilles imbécilités qu’il promeut depuis de nombreuses années. On y trouve à peu près toute la mythologie de l’écolo branché d’aujourd’hui. Éco-quartiers, énergies renouvelables (promotion d’un grand parc éolien construit en Uruguay par l’entreprise internationale Akuo Energy, un des principaux financeurs du premier film de Cyril Dion [Demain]), technologies vertes, etc.
Cyril Dion s’appuie notamment sur les travaux de son amie Isabelle Delannoy (et non pas à la noix), dont le livre L’Économie symbiotique est paru dans la collection qu’il gère chez Actes Sud, et aussi sur les travaux de l’états-unien Paul Hawken, auteur d’un livre paru dans la même collection chez Actes Sud, sous le titre Drawdown : Comment inverser le réchauffement planétaire. Paul Hawken promeut ce qu’il appelle un « capitalisme naturel », il s’agit essentiellement du capitalisme industriel tel qu’il existe aujourd’hui mais uniquement basé sur des technologies prétendument vertes, énergies renouvelables, etc. Une chimère absurde.
Dans la nouvelle série de films de Dion, Isabelle Delannoy affirme qu’il est possible d’avoir « une industrie automobile régénérative des sols ». L’« économie symbiotique » dont elle fait la promotion repose sur l’idée selon laquelle tout le système industriel pourrait être rendu écologique. Une « écologie industrielle » devant permettre la réalisation d’« écosystèmes industriels ». Les exemples qu’elle donne dans son livre sont d’une bêtise à pleurer. Comme l’écrit Dion dans son Petit manuel de résistance contemporaine :
« L’économie symbiotique d’Isabelle Delannoy imagine une société où nous parviendrions à potentialiser la symbiose entre l’intelligence humaine (capable d’analyser scientifiquement, d’organiser, de conceptualiser), les outils (manuels, thermiques, électriques, numériques…) et les écosystèmes naturels (capables d’accomplir par eux-mêmes nombre de choses extraordinaires). […] Le récit d’Isabelle Delannoy reprend et articule de nombreuses propositions portées par les tenants de l’économie du partage, de la fonctionnalité, circulaire, bleue, de l’écolonomie… »

Pour exemple, Cyril Dion cite « l’approche de la ferme permaculturelle du Bec Hellouin », sans doute plus vendeuse que les autres modèles listés par Isabelle Delannoy, parmi lesquels figure notamment l’écosystème [sic] de Kalundborg, au Danemark, sur lequel elle s’attarde particulièrement parce qu’il constituerait, selon elle, « un des écosystèmes industriels [re-sic] les plus aboutis ». Or, si elle précise bien qu’on y trouve une « centrale thermique » (elle parle aussi d’une « centrale énergétique »), elle ne précise pas qu’il s’agit d’une centrale au charbon (oups !). Et oublie également de mentionner que le cœur de ce formidable « écosystème industriel », c’est une raffinerie de pétrole (re-oups !). Dans l’ensemble, il s’agit simplement d’une zone industrielle qui optimise un peu son fonctionnement : qui est plus efficiente, et donc plus rentable !

Isabelle Delannoy vante également quelques entreprises dont les processus industriels ont gagné en efficience, comme Rank Xerox, « spécialisée dans la fabrication de photocopieuses », ou « Interface, le leader mondial de la moquette en dalles », ou encore l’entreprise Michelin, qui « a diminué de plus de 3 fois sa consommation de matière et a augmenté sa marge » ! Alleluia.
Les idées de Paul Hawken sont tout aussi absurdes. Le capitalisme naturel qu’il appelle de ses vœux repose sur un développement hyper-technologique (peu évoqué dans le film de Dion). Dans son livre, dans lequel il liste des solutions censées nous permettre de résoudre le problème du changement climatique ou de nous y adapter, Paul Hawken promeut par exemple un « système d’automatisation des bâtiments (BAS) », qui constituerait « le cerveau d’un bâtiment. Équipés de capteurs, les bâtiments BAS scrutent et rééquilibrent en permanence pour une efficacité et une efficience maximales. Les lumières s’éteignent lorsqu’il n’y a personne, par exemple, et les fenêtres s’ouvrent pour améliorer la qualité et la température de l’air. Un système classique indique aux gestionnaires de bâtiments les mesures à prendre, comme le tableau de bord d’une voiture ; les bâtiments dotés de systèmes automatisés agissent eux-mêmes, comme une voiture autonome. » Il fait également la promotion du développement du train à grande vitesse, des voitures électriques, d’une aviation plus verte, de camions électriques, de la « téléprésence » (« la téléprésence prend désormais vie de diverses manières et dans des contextes variés. Des entreprises et des écoles aux hôpitaux et aux musées, l’interaction virtuelle ouvre de nouvelles possibilités. À l’aide d’un robot de téléprésence mobile, un chirurgien peut donner son avis sur une intervention rare en temps réel, sans se déplacer d’Austin à Amman. Réunis dans des salles de conférence de téléprésence à Sydney et à Singapour, des cadres peuvent débattre d’une éventuelle acquisition sans prendre le moindre vol. Les entreprises qui ont adopté la téléprésence avec enthousiasme constatent qu’il n’est pas possible de réduire tous les déplacements, mais que beaucoup le peuvent. Au-delà de la réduction des émissions de carbone, la téléprésence offre de nombreux autres avantages : des économies de coûts grâce aux voyages évités, bien sûr, mais aussi des horaires moins éprouvants pour les employés, des réunions à distance plus productives, la possibilité de prendre des décisions plus rapidement et une meilleure connexion interpersonnelle entre les pays. »), d’un projet technologique visant à produire des « feuilles artificielles », d’« autoroutes intelligentes » (recouvertes de panneaux solaires photovoltaïques, par exemple), de la « smart grid », de l’« hyperloop », etc.

Bref. Les naïvetés, les nuisances et les absurdités habituelles. Le monde hautement technologique et écologique, éco-industriel, durable, etc., que promeuvent ces gens n’existe pas. Les éco-quartiers (WohnProjekt de Vienne), les technologies dites renouvelables, vertes, etc., tout ça n’a rien de véritablement vert, écologique. Les seules choses intéressantes que promeut Dion dans son documentaire, ce sont des pratiques agro-pastorales, ce genre de choses. Pour le reste, c’est du pipeau, mais c’est rassurant, ça fait envie. Selon toute probabilité, le système techno-industriel ne sera jamais vert, et jamais non plus compatible avec de véritables démocraties. Mais ça, Dion préfère le nier ou l’occulter en donnant la parole à des charlatans comme Delannoy et Hawken.
Nicolas Casaux
Pour aller plus loin (j’ai déjà longuement décortiqué les inepties de Cyril Dion) :