Extrait tiré du livre de John Zerzan intitulé Aux sources de l’aliénation (1999).
« La figure en papier mâché de Ned Ludd est l’un des symboles des temps anciens, une réminiscence de ce qu’aurait pu être l’attitude des travailleurs à l’égard des idées nouvelles si les syndicats n’étaient pas devenus forts et efficaces. »
— Labour, revue du Trade Union Congress, 1956.
C’EST EN ANGLETERRE, première des nations industrielles — et d’abord dans l’industrie textile, première des entreprises du capital en ces terres et la plus avancée techniquement — que se produisit le vaste mouvement révolutionnaire connu sous le nom de luddisme. Le défi que représentèrent alors les soulèvements luddites et leur défaite, ensuite, occupent une place de première importance dans l’évolution ultérieure de la société moderne. La destruction des machines, arme principale de ces révoltes, remonte à des temps plus anciens encore, à n’en pas douter. Darvall la qualifie avec justesse de « continuelle » tout au long du XVIIIe siècle, en temps de disette comme de prospérité. Et les destructions ne se limitaient certes ni au textile ni à l’Angleterre. Des travailleurs agricoles, des mineurs, des salariés des minoteries et des manufactures se regroupaient pour détruire des machines, souvent à l’encontre de ce qu’on nommait généralement leurs propres intérêts économiques. De même, les ouvriers d’Eurpen et d’Aix-la-Chapelle qui saccagèrent la grande usine Cockerill, les tisserands silésiens qui rasèrent les fabriques d’innombrables villes à l’aube de la révolution industrielle.
Néanmoins, ce furent les ouvriers anglais de l’industrie du vêtement — les tisserands, les fileurs, les tondeurs, etc. — qui furent à l’origine d’un mouvement qui « atteignit une fureur insurrectionnelle rarement aussi étendue dans l’histoire de l’Angleterre », comme l’écrit Thompson — et cela reste sans doute un euphémisme. Bien que généralement décrite comme un soulèvement aveugle, inorganisé, réactionnaire, limité et inefficace, cette révolte « instinctive » contre le nouvel ordre économique a connu de grands succès pendant un temps et avait des objectifs révolutionnaires. Elle fut plus intense dans les zones les plus développées, le centre et le nord du pays notamment. Le Times du 11 février 1812 décrit « toutes les apparences d’une guerre ouverte » en Angleterre. Le représentant de la Couronne Wood écrivit au ministre Fitzwilliam, le 17 juin 1812, que « hormis les endroits mêmes qui sont occupés par des soldats, le Pays est pour ainsi dire au pouvoir des sans-loi ».
Et en effet tes luddites furent irrésistibles à plusieurs moments de la deuxième décennie du siècle dernier ; ils étaient déterminés et appliqués à leur tâche. Comme disent Cole et Postgate : « Rien, c’est certain, ne pouvait arrêter les luddites. Les troupes parcouraient le pays sans résultat, déconcertées par le silence et la connivence des travailleurs. » En outre un examen des articles de journaux, des lettres et des brochures de l’époque montrent que l’insurrection était le but que s’étaient fixé les révoltés. Par exemple : « Les nobles et les tyrans doivent tous être abattus », lit-on dans un tract distribué à Leeds. Dès 1812, des signes de préparatifs révolutionnaires ouverts étaient largement visibles tant dans le Yorkshire que dans le Lancashire.
Une immense quantité de biens fut détruite, parmi lesquels de très nombreux métiers à tisser de conception nouvelle, destinés à produire des étoffes de qualité inférieure. Le mouvement doit son nom au jeune Ned Ludd qui, plutôt que d’accomplir l’ouvrage bâclé qu’on exigeait de lui, se mit à frapper à coups de masse tous les métiers à tisser qui lui tombaient sous la main. L’alternative insistante entre un contrôle des processus de production ou leur anéantissement enflamma l’imagination populaire et apporta aux luddites un soutien presque unanime. Hobsbawm déclara qu’il existait une « sympathie largement majoritaire à l’égard des briseurs de machines dans toutes les catégories de la population ». Cette situation avait, en 1813, selon Churchill, débouché sur « l’absence complète de moyens permettant de maintenir l’ordre public ». En 1812, la destruction des métiers à tisser devint passible de la peine capitale. Des troupes toujours plus nombreuses durent être envoyées contre les luddites, jusqu’à être plus nombreuses que celles que le duc de Wellington avait sous ses ordres face à Napoléon. Pourtant l’armée n’était pas seulement déployée dans le moindre village mais elle était jugée peu fiable en raison de ses sympathies pour le mouvement et du grand nombre de conscrits luddites dans ses rangs. De même, il était difficile de compter sur les magistrats et policiers locaux et un système d’espionnage massif s’avéra inefficace à contrer la réelle solidarité de la populace. Comme on pouvait s’y attendre, les milices de volontaires, telles qu’elles sont décrites dans la loi sur la Surveillance et la Vigilance, ne servirent qu’à « armer les plus défavorisés », selon Hammond, et il fallut se hâter d’instituer le système moderne de police professionnelle.
Pour lutter contre ce que Mathias a nommé une « tentative de destruction de la nouvelle société », il fallait une arme plus proche du lieu de production, en d’autres termes la perpétuation de l’acceptation de l’ordre des choses grâce au syndicalisme. Même s’il est évident que l’encouragement du syndicalisme fut une conséquence du mouvement luddite autant que le fut la création de la police moderne, il faut savoir qu’il existait une tradition de tolérance des syndicats parmi les ouvriers du textile et d’autres secteurs de l’industrie, dès avant le soulèvement luddite. Ainsi, comme Morton et Tate ont presque été seuls à le souligner, les bris de machines de cette époque ne sauraient être considérés comme des explosions de désespoir des travailleurs privés d’autres moyens d’expression. Malgré les Combination Acts, lois votées de 1799 à 1824 qui interdisaient les syndicats mais sans être appliquées, le luddisme ne vint pas combler un vide mais dut son succès temporaire à son refus du compromis avec le capital que prônaient les appareils syndicaux alors en plein essor. On pouvait, en effet, choisir alors entre les deux voies : révolte ou revendication. Or les syndicats furent, tant que dura le mouvement luddite, délaissés au profit de l’auto-organisation directe des travailleurs et des objectifs radicaux avancés par ces derniers.
Au cours de la période en question, il apparaît clairement que le syndicalisme était fondamentalement distinct du luddisme et qu’il était encouragé en tant que tel, dans l’espoir affiché de le voir absorber l’autonomie luddite. Contrairement aux stipulations des Combination Acts, la légalité des syndicats était souvent reconnue par les tribunaux, par exemple. Lorsque des syndicalistes étaient poursuivis, ils n’étaient condamnés qu’à des peines légères ou acquittés, tandis que les luddites arrêtés étaient habituellement pendus. Certains membres du Parlement blâmèrent ouvertement les patrons pour les troubles sociaux et leur reprochèrent de ne faire plus grand usage de la porte de secours que constituaient les syndicats. Nous ne voulons pas dire que les objectifs des syndicats étaient aussi évidents que de nos jours ni que le contrôle qu’ils exerçaient était aussi prononcé, mais le rôle indispensable des syndicats à l’égard de l’ordre capitaliste était déjà en train de se clarifier : la crise sociale en cours — ainsi que la nécessité cruellement ressentie par les classes dirigeantes de se trouver des alliés afin de pacifier les ouvriers — jetait sur le rôle du syndicalisme une lumière nouvelle. Des députés des Midlands pressèrent le gouverneur Henson, dirigeant du syndicat des tisseurs sur métiers, de combattre le luddisme — comme si on avait besoin de son aide. Sa méthode, pour promouvoir la retenue et la soumission, consistait, bien sûr, en un inlassable plaidoyer en faveur du développement de la puissance syndicale. Le bureau du syndicat des tisseurs sur métiers, selon l’étude de Church sur la ville de Nottingham, « publia des instructions spécifiques aux travailleurs pour qu’ils n’endommagent pas les métiers à tisser ». Et le Syndicat de Nottingham, tentative majeure de fonder un syndicat général dans l’industrie, se prononça de même contre les luddites, renonçant à toute violence.
Si les syndicats n’étaient guère les alliés des luddites, on peut dire qu’ils constituaient, dans le mouvement ouvrier, une phase appelée à succéder au luddisme, en ce sens que le syndicalisme joua un rôle déterminant dans la défaite de ce dernier, par les divisions, la confusion et le détournement d’énergies que les syndicats engendrèrent. Le syndicalisme « remplaça », en quelque sorte, le luddisme, tout en sauvant les patrons d’usine des railleries des enfants de la rue comme du pouvoir direct du peuple. C’est ainsi que la pleine reconnaissance du syndicalisme, dans les lois abrogatives des Combination Acts votées en 1824 et 1825, eut « un effet modérateur sur le mécontentement populaire », selon Darwall. La campagne pour l’abrogation des lois antisyndicales, menée par Place et Hume, fut aisément couronnée de succès au sein d’un parlement dont la composition était pourtant similaire à celui qui les avait votées. De nombreux témoignages en faveur de l’abrogation furent entendus par la Chambre, émanant tant de patrons que de syndicalistes, et seuls quelques réactionnaires endurcis s’y opposèrent. Place Hume, dans leurs arguments conservateurs, prévoyaient une réduction du nombre de grèves à la suite de l’abrogation. Et de nombreux employeurs, comprenant le rôle cathartique et pacificateur des grèves, ne redoutaient guère l’éruption d’arrêts de travail qui menaçait en cas d’abrogation. Les lois d’abrogation confinaient officiellement les attributions syndicales à leurs préoccupations traditionnelles portant sur les salaires et les horaires — une limite dont l’héritage se constate dans la période actuelle par la présence systématique de clauses sur les « droits de la direction » dans les conventions collectives et autres accords contractuels entre patrons et syndicats. La campagne antisyndicale que menèrent certains patrons vers le milieu des années 1830 ne fit que souligner, à sa manière, le rôle central des syndicats : cette campagne ne fut possible qu’en raison du succès si éclatant remporté par les syndicats au détriment de la radicalité, à l’œuvre dans la période précédente, des travailleurs rejetant toute médiation. Ainsi Lecky est-il très exact, un peu plus tard dans le siècle, lorsqu’il estime « qu’il n’est guère douteux que les syndicats les plus importants, les plus prospères et les mieux organisés ont beaucoup fait pour atténuer les conflits sociaux », tout comme Webbs lorsqu’il reconnaît qu’il y avait bien plus de révoltes ouvrières avant que le syndicalisme ne s’impose.
Pour en revenir aux luddites, on ne trouve que fort peu de récits à la première personne et une tradition orale presque secrète, parce qu’ils se réalisaient dans leurs actes, récusant apparemment toute médiation idéologique. De quoi s’agissait-il, en réalité ? Stearns, peut-être l’un des commentateurs les plus documentés écrit d’eux : « Les luddites élaborèrent une doctrine fondée sur les vertus présumées des méthodes de travail manuelles. » Il les traite de « pauvres diables rétrogrades » avec condescendance, et pourtant il y a là certainement un grain de vérité. Les assauts des lucidités n’étaient pourtant pas engendrés par l’introduction de nouvelles machines, comme on le croit généralement, car il n’y a aucune trace de telles innovations en 1811 et 1812, lorsque le mouvement luddite démarra. Les destructions étaient plutôt dirigées contre les nouvelles méthodes qui imposaient alors un travail moins soigneux sur des machines alors en usage depuis un certain temps. Il ne s’agissait pas d’une attaque contre la production pour des motifs économiques, mais, avant tout, d’une réaction violente des ouvriers du textile (bientôt rejoints par ceux d’autres professions) contre une tentative de déchéance du travail qualifié. Les produits de mauvaise qualité — en particulier, la « camelote » hâtivement fabriquée — formaient le cœur du problème. Si les offensives des luddites eurent généralement lieu pendant des périodes de dépression économique, c’est parce que les patrons profitaient souvent de ces périodes pour introduire de nouvelles méthodes de production. Mais il est également vrai que les temps de privations n’engendraient pas forcément des mouvements luddites, tout comme le luddisme pouvait fort bien se manifester dans des régions épargnées par la crise. Le Leicestershire, par exemple, fut le comté le moins atteint par la dépression et on y produisait des produits lainiers de la meilleure qualité — or le Leicestershire fut l’une des places fortes du luddisme.
Ne pas discerner ce qu’il pouvait avoir de radical dans un mouvement qui semblait se contenter de demander que fût mis fin à une production de mauvaise qualité, c’est ne pas percevoir la profonde vérité de la relation, attestée par tous les protagonistes du conflit, entre les bris de métiers et la sédition. Comme si le combat que mène le producteur pour préserver l’intégrité de son activité à l’atelier peut s’effectuer sans remettre en cause le système capitaliste tout entier. L’exigence d’un travail de meilleure qualité se mua nécessairement en un cataclysme — une lutte à mort tant qu’elle trouva des combattants pour la mener. Elle mène directement au cœur du rapport social capitaliste et de sa dynamique.
Un autre aspect du phénomène luddite qui se voit généralement traité avec condescendance, cette fois par occultation pure et simple, c’est la question de l’organisation des insurgés. Les luddites auraient frappé sauvagement et aveuglément — alors que les syndicats proposaient aux travailleurs la seule forme possible d’organisation. Mais en réalité, les luddites surent s’organiser au plan local et même se fédérer, acceptant dans leurs rangs des ouvriers de toutes les professions, en usant d’une remarquable coordination spontanée. Rejetant une structure aliénante, leur organisation n’était ni formelle ni permanente. Leur tradition de révolte n’avait pas de centre et existait surtout en tant que code non écrit. Leur communauté était exempte de manipulations, c’était une organisation qui ne comptait que sur elle-même. Cela donnait toute sa profondeur au mouvement et expliquait la vaste séduction qu’il exerçait. Dans la pratique, « aucun degré d’intensité dans l’activité des magistrats ou des larges renfort militaires ne suffit à dissuader les luddites. Chacune de leurs attaques démontrait préparation et méthode ». C’est du moins ce qu’écrit Thompson qui ne cache pas son admiration pour « leurs superbe mesures de sécurité et lignes de communication ». Un officier de l’armée, dans le Yorkshire, prend acte de leur sens « extraordinaire de la concertation et de l’organisation ». William Cobbett écrivit à propos d’un rapport adressé au gouvernement en 1812 : « Et voici la circonstance qui, entre toutes, rendra le ministère perplexe : on ne trouve pas de meneurs. C’est un mouvement du peuple lui-même. »
Or, malgré la frustration de Cobbett, le mode de direction du mouvement apportait un peu d’eau au moulin des autorités. Et en effet, ce mouvement n’était pas parfaitement égalitaire, même si les luddites se montrèrent, en ce domaine, plus lucides qu’ils ne le furent dans leur appréciation des enjeux du soulèvement, dans leur conscience de ce qui était à portée — et qui leur a échappé de si peu. Ce fut, bien sûr, à l’égard des dirigeants du mouvement que la « subtilité du jeu politique » s’avéra le plus efficace, de sorte que certains d’entre eux se muèrent en cadres syndicaux.
Au temps « pré-politique » des luddites, le peuple baissait ouvertement ses maîtres — ce qui s’est quelque peu perpétué de nos jours, en pleine période « post-politique ». Il fêta allègrement la mort de Pitt en 1806 et, avec plus de joie encore, l’assassinat de Perceval en 1812. Ces réjouissances populaires à l’occasion du décès de Premiers ministres disent toute la faiblesse des médiations entre gouvernants et gouvernés, tout comme elles démontrent l’absence d’intégration de ces derniers. L’affranchissement politique des ouvriers était certainement moins poussé que leur affranchissement industriel, leur intégration à la production. Leur accès au droit de vote n’en traîna que plus en longueur. Néanmoins, il est vrai que la pacification sociale trouva une arme puissante dans les efforts acharnés déployés alors pour intéresser la population aux activités législatives — c’est-à-dire pour élargir la base électorale de la représentation parlementaire. Cobbett, que d’aucuns considèrent comme le pamphlétaire le plus efficace de l’histoire de l’Angleterre, incita de nombreux hommes du peuple à rejoindre les clubs qui menaient campagne pour la réforme électorale — et il était également réputé, selon Davis, pour ses « condamnations ouvertes des luddites ». Les effets pernicieux de cette campagne réformatrice, la division qu’elle entraînait peuvent partiellement se mesurer en comparant de précédentes démonstrations de fureur antigouvernementale, telles que les « Gordon riots » de 1780 ou l’émeute contre le roi de 1795, avec des fiascos sanglants aussi lamentables que ceux des « soulèvements » de Pentridge et de Peterloo, lesquels coïncident à peu près avec la défaite du mouvement luddite, juste avant 1820.
Pour revenir, en conclusion, à des mécanismes plus fondamentaux, nous nous retrouvons une fois de plus face aux problèmes du travail et du syndicalisme. Ce dernier, c’est incontestable, fonda sa pérennité sur la dépossession des travailleurs du contrôle qu’ils exerçaient sur les instruments de production — et nous avons vu que le syndicalisme lui-même contribua largement à cette rupture. Certains, tels les marxistes voient cette défaite et sa conséquence — la victoire du système industriel — comme à la fois inévitables et souhaitables, mais il leur faut pourtant admettre que dans l’exécution même du travail réside, encore de nos jours, l’essentiel de la maîtrise de la production industrielle. Un siècle après Marx, Galbraith détermina que les garanties qu’offrait le système productiviste, au détriment des traditions de créativité, étaient à la base de la renonciation des syndicats à toute revendication sur le contenu du travail lui-même. Mais le travail, comme tout idéologue est payé pour le savoir, est un domaine voué à la falsification permanente. Aussi les médiateurs modernes ont-ils, en bons techniciens du consensus, décidés d’ignorer le combat des luddites, universel et continuel, pour le contrôle du processus de production, alors même que toutes les formes possibles et imaginables de « participation des salariés » sont actuellement encouragées.
Aux débuts du mouvement syndical, il s’y trouvait une bonne dose de démocratie. La désignation des délégués par rotation ou par tirage au sort était, par exemple, fort répandue. Mais ce qui prive à jamais les syndicats de légitimité, c’est que c’est une défaite bien réelle – celle des luddites et de tous ceux qui résistèrent au machinisme – qui a créé les conditions de leur victoire et qui en fait l’organisation de la complicité, une parodie de communauté. À ce niveau, rien ne peut déguiser le rôle réel du syndicalisme, agent de résignation et béquille d’un monde difforme.
La quantification marxienne éleva la productivité au rang de nec plus ultra, tout comme les gauchistes ne perçurent pas le but ultime du pouvoir direct des producteurs et se tournèrent, belle aberration, vers les syndicats comme étant tout ce qui reste à ces ignorants de prolétaires. L’opportunisme et l’élitisme de toutes les Internationales, et de toute la gauche, finirent par déboucher sur le fascisme, lorsque l’accumulation des renoncements fit sentir pleinement ses effets. Quand on voit que le fascisme a pu séduire les travailleurs en tant que dépassement des inhibitions, en tant que « socialisme de l’action » — révolutionnaire, donc — on mesure parfaitement ce qui a été perdu avec la défaite des luddites.
Il en est qui apposent l’étiquette « période de transition » à la crise permanente actuelle, espérant qu’une nouvelle défaite des luddites de notre temps en sera l’heureux dénouement. Nous constatons aujourd’hui le même besoin de renforcer la discipline du travail que dans les débuts du capitalisme industriel, et peut-être même existe-t-il une conscience similaire de la population à l’égard du « progrès ». Il est temps de discerner plus clairement quels sont nos ennemis, afin que, cette fois, la transition soit le fait des créateurs, non des gestionnaires.
John Zerzan