A propos de l’image de couverture de l’article, ci-dessus : La photo en haut à droite avec les poissons correspond à un événement dont parle l’article Chine : fermeture temporaire d’une usine de panneaux solaires accusée de rejets toxiques . La photo des boues rejetées à : En Chine, les terres rares tuent des villages & En Chine, les terres rares anéantissent les cultures des paysans.
Traduction d’un article (en anglais) initialement publié par Kim de Deep Green Resistance, le 28 août 2012 à l’adresse suivante.
Ne me parlez pas de développement durable. Vous voulez remettre en question mon mode de vie, mon impact, mon empreinte écologique ? Un monstre nous domine, dont l’empreinte est si gigantesque qu’il peut dévaster une planète entière sans même s’en apercevoir ou s’en soucier. Ce monstre, c’est la civilisation industrielle. Je refuse de le soutenir. Si la Terre doit vivre, le monstre doit mourir. Ceci est une déclaration de guerre.

[A propos du développement durable, les anglais utilisent le terme « sustainable », qu’il aurait fallu traduire par « soutenable » (la plupart des pays du monde parle de soutenable), mais en France, nous avons adopté le « developpement DURABLE », pour en savoir plus sur ce choix de mots : http://netoyens.info/index.php/contrib/09/06/2012/comment-traduire-sustainable-development]
& aussi, cette brève interview de Thierry Sallantin par Hervé Kempf de Reporterre :

Que sommes-nous en train d’essayer de rendre durable ? La vie sur Terre ou la civilisation industrielle ? Nous ne pouvons pas avoir les deux.
À un moment donné, le mouvement écologique — axé sur le désir de protéger la Terre — a été largement coopté par le mouvement pour le développement durable — axé sur le désir de préserver notre mode de vie confortable. Quand cela s’est-il produit et pourquoi ? Et comment se fait-il que personne ne s’en soit aperçu ? Ce changement d’objectif qui l’a vu passer de la compassion à l’égard de tous les êtres vivants et de la Terre au souhait égoïste de perpétuer un mode de vie intrinsèquement destructeur constitue un détournement fondamental des valeurs de l’écologie.
Le mouvement pour le développement durable prétend que notre capacité à vivre de manière soi-disant durable relève de la responsabilité des individus, qui doivent ainsi opter pour certains choix de vie à l’intérieur des structures existantes de la civilisation. Seulement, il est impossible de parvenir à une culture vraiment soutenable de la sorte. L’infrastructure industrielle est fondamentalement incompatible avec une planète vivante. Si nous voulons que la vie sur Terre prospère, les structures politiques, économiques et matérielles mondiales doivent être démantelées.
Les partisans du développement durable nous disent que réduire notre impact, provoquer moins de dégâts environnementaux, est une bonne chose, et que nous devrions être fiers de nos actions. Je ne suis pas d’accord. Moins de dégâts signifie encore beaucoup de dégâts. Tant que l’on continuera à dégrader l’état de la planète, la durabilité restera un vœu pieux. La fierté que nous procure l’accomplissement de quelques petits gestes n’aide personne.
Un quart, seulement, de l’ensemble de la consommation est imputable aux individus. Le reste est dû à l’industrie, à l’agroalimentaire, à l’armée, aux gouvernements et aux corporations. Même si chacun d’entre nous mettait tout en œuvre pour réduire son empreinte écologique, cela aurait peu d’incidence sur la consommation globale.
Si ces petits gestes ont vraiment pour effet de prolonger l’existence de notre culture, alors en les effectuant nous nuirons davantage au monde naturel que si nous n’avions pas agi. En effet, plus une culture destructrice s’éternise, plus les dégâts qu’elle cause sont élevés. Le titre de cet article ne vise pas seulement à retenir l’attention et à déclencher une controverse. Il énonce littéralement ce qui est en train de se produire.
En cadrant le débat sur la durabilité autour de la prémisse selon laquelle les choix de consommation individuels sont la solution, les individus qui font des choix de vie différents ou qui n’ont pas le privilège de pouvoir choisir deviennent des ennemis. Pendant ce temps, les véritables ennemis — les structures oppressives de la civilisation — sont libres de poursuivre leurs pratiques destructrices et meurtrières sans être inquiétés. Aucun mouvement social sérieux ne peut se fonder sur cette prémisse. Divisez-vous et vous serez vaincus.
Le développement durable a du succès auprès des corporations, des médias et du gouvernement dans la mesure où il répond à leurs objectifs. Rester au pouvoir. Prolonger leur expansion. Se faire passer pour les gentils. Faire croire aux gens qu’ils ont une certaine influence. Les convaincre de rester calmes et de continuer à consommer. Contrôler le langage utilisé pour débattre des problèmes. En créant et en renforçant l’idée selon laquelle voter pour des changements mineurs et consommer (autrement) résoudra tous nos problèmes, ceux au pouvoir ont élaboré une stratégie très efficace pour maintenir la croissance économique au sein des soi-disant démocraties contrôlées par les multinationales.
Ceux au pouvoir continuent à faire croire aux gens que la seule manière de changer quoi que ce soit s’inscrit dans le cadre des structures qu’ils ont créées. Ils construisent ces structures de façon à ce que les gens ne puissent jamais rien changer de l’intérieur. Les élections, les pétitions et les manifestations sont autant de moyens qui servent à renforcer les structures de pouvoir. Seuls, ils ne pourront pas faire advenir les changements dont nous avons besoin. Ces tactiques permettent aux corporations et aux gouvernements de disposer d’un choix. Nous donnons à nos dirigeants le choix de nous accorder les réformes mineures que nous demandons ou de ne pas nous les accorder. Les animaux qui souffrent dans les fermes-usines n’ont pas le choix. Les forêts détruites au nom du progrès n’ont pas le choix. Les millions de personnes travaillant dans les ateliers de fabrication (clandestins ou pas) des pays émergents n’ont pas le choix. Les espèces aujourd’hui éteintes ne le sont pas par choix. Et pourtant, nous donnons le choix aux responsables de toutes ces morts et de toute cette souffrance. Nous exauçons les désirs d’une minorité de riches au lieu de répondre aux besoins de la vie sur Terre.
La plupart des actions populaires proposées pour parvenir à atteindre un niveau de développement durable n’ont pas de véritable effet, et certaines entraînent plus de mal que de bien. Ces stratégies comprennent la réduction de la consommation d’électricité, de l’utilisation de l’eau, une économie verte, le recyclage, la construction durable, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Examinons-les de plus près.

A lire aussi, une interview d’Ozzie Zehner, auteur de « Illusions vertes : les vilains secrets de l’énergie propre et le futur de l’environnementalisme » :

L’électricité
On nous pousse à réduire notre consommation d’électricité, ou à l’obtenir via des sources alternatives. Cela ne change absolument rien à la durabilité de notre culture dans son ensemble, puisque l’infrastructure électrique est intrinsèquement insoutenable. Aucune réduction de notre consommation ni aucune soi-disant énergie renouvelable n’y peut rien. Les extractions minières nécessaires à la fabrication des fils électriques, des composants, des appareils électriques, des panneaux solaires, des éoliennes, des centrales géothermiques, des centrales de biomasse, des barrages hydroélectriques, et de tout ce qui connecte et est connecté au réseau électrique, sont insoutenables. Les processus de fabrication de ces choses avec l’exploitation humaine, les pollutions, les déchets, les impacts sur le social et la santé, et les profits corporatistes qu’ils impliquent, les combustibles fossiles nécessaires au maintien de ces processus… insoutenables. Aucun choix personnel de consommation concernant l’usage et la génération d’électricité n’y peut rien. L’électricité Off-Grid [hors-réseau, NdT] n’est pas différente — elle nécessite des batteries et des convertisseurs [et souvent des panneaux solaires industriels, fabriqués en Chine ou ailleurs, etc. NdT].
La conservation de l’eau
Des douches plus courtes. Des appareils à bas-débit. Des restrictions sur l’eau. On prétend que cela fait une différence. En réalité, toute l’infrastructure fournissant cette eau — les immenses barrages, les pipelines longues distances, les pompes, les égouts — est insoutenable.
Les barrages détruisent la vie de tout un bassin versant [voir ici, NdT]. Cela revient à bloquer une artère, à empêcher le sang d’atteindre les membres. Personne ne peut survivre à cela. Les rivières meurent lorsqu’on empêche les poissons de les remonter et de les descendre. La communauté naturelle dont font partie ces poissons est tuée, à la fois en amont et en aval du barrage.
Les barrages entraînent une baisse des nappes aquifères, empêchant les racines des arbres d’accéder à l’eau. Les écologies des plaines d’inondations dépendent d’inondations saisonnières, et sont détruites lorsqu’un barrage en amont les empêche. Des érosions en aval et sur les berges en résultent. La décomposition anaérobique de matière organique dans les barrages émet du méthane dans l’atmosphère.
Peu importe votre efficacité au niveau de l’usage de l’eau, cette infrastructure ne sera jamais durable/soutenable. Elle doit être détruite, afin que ces communautés puissent se régénérer.
L’économie verte
Des emplois verts. Des produits verts. L’économie du durable. Non. Cela n’existe pas. La totalité de l’économie mondiale est insoutenable. L’économie se base sur — et dépend de — la destruction du monde naturel. La Terre est traitée comme un simple carburant pour la croissance économique. Ils appellent ça les ressources naturelles. Que quelques personnes choisissent de se retirer de cette économie n’y changera rien. Tant que cette économie existe, il n’y aura rien de durable.
Tant que ces structures existent : électricité, eau courante, économie mondialisée, agriculture industrielle — il n’y aura rien de durable. Pour parvenir à une véritable soutenabilité, ces structures doivent être démantelées.
Quel est le plus important à vos yeux — faire durer un peu plus longtemps un mode de vie confortable, ou la continuation de la vie sur Terre pour les communautés naturelles restantes et les générations futures ?
Recyclage
On nous fait croire qu’acheter tel ou tel produit est bon parce que son emballage peut être recyclé. Vous pouvez choisir de le placer ensuite dans une poubelle de couleur. Peu importe le fait que des écosystèmes fragiles aient été détruits, des communautés indigènes déplacées, des gens loin de chez vous forcés de travailler dans des conditions dignes de l’esclavage, des rivières polluées, pour produire cet emballage en premier lieu. Peu importe qu’il soit recyclé en un autre produit inutile qui finira dans une décharge. Peu importe que son recyclage implique de le transporter très loin, au moyen d’une machinerie nécessitant de l’électricité et des combustibles fossiles, ce qui pollue et produit des déchets. Peu importe le fait que si quelque chose d’autre est placé dans cette poubelle, le lot entier finira dans une décharge en raison de la contamination.
Construction durable/soutenable
Les principes de la construction durable : construire plus de logements — bien qu’il y en ait déjà largement assez pour loger tout le monde ; dégager, pour cela, des espaces constructibles, en détruisant toutes les communautés naturelles qui y viv(ai)ent ; construire à l’aide de bois issu de plantations forestières ayant supplanté les forêts anciennes (qui ont été rasées et remplacées par une monoculture de pins où rien d’autre ne peut vivre) ; utiliser des matériaux de construction légèrement moins nocifs que les matériaux conventionnels ; et enfin, convaincre tout le monde que la Terre s’en portera mieux.
L’énergie solaire
Les panneaux solaires. La toute dernière mode en termes de durable, qui est — et c’est la marque de fabrique du durable™ — incroyablement destructrice de la vie sur Terre. D’où viennent ces choses-là ? Vous êtes censés croire qu’ils sont faits de rien, et qu’ils représentent une source gratuite et non polluante d’électricité.
Si vous osez demander d’où ils viennent et de quoi ils sont faits, il n’est pas difficile de découvrir la vérité. Les panneaux solaires sont faits de métaux [voir l’excellente conférence de Philippe Bihouix à ce propos : https://vimeo.com/126497350, NdT], de plastiques, de terres rares, de composants électroniques. Ils nécessitent des extractions minières, des processus de fabrication, des guerres, des déchets, et de la pollution. Des millions de tonnes de plomb sont déversées dans des rivières et sur les terres agricoles environnant les usines de panneaux solaires en Chine et en Inde, causant des problèmes de santé pour les humains et les communautés naturelles qui y vivent. Le silicium polycristallin est un autre déchet toxique et polluant issu de leur manufacture et déversé en Chine. La production de panneaux solaires entraîne des émissions de trifluorure d’azote (NF3) dans l’atmosphère. Un gaz à effet de serre 17 000 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.
NdT : 1. L’industrie des panneaux solaires requiert, entre autres, les matériaux suivants, dont certains correspondent aux fameuses terres rares, listés en avril 2016 par le site Resource Investor : l’arsenic (semi-conducteur), l’aluminium, le bore (semi-conducteur), le cadmium (utilisé dans certains types de cellules photovoltaïques), le cuivre (câblage et certains types de cellules photovoltaïques), le gallium, l’indium (utilisé dans les cellules photovoltaïques), le minerai de fer (acier), le molybdène (utilisé dans les cellules photovoltaïques), le phosphore, le sélénium, le silicium, l’argent, le tellure et le titane. 2. A propos des conséquences des extractions de terres rares, nous vous conseillons de lire cet article du Monde, intitulé « En Chine, les terres rares tuent des villages ». Vous pouvez aussi visionner les images d’un photoreportage de terrain effectué par Veronique de Viguerie.
Les terres rares viennent d’Afrique [mais surtout de Chine, NdT], et des guerres sont menées pour le droit de les extraire. Des gens meurent pour que vous puissiez bénéficier de votre développement durable et confortable. Les panneaux sont fabriqués en Chine. Les usines émettent tellement de pollution que les habitants des alentours tombent malades. Les lacs et les rivières ont péri à cause de la pollution. Ces gens ne peuvent pas boire l’eau, respirer l’air ou cultiver la terre en raison de la fabrication de panneaux solaires. Votre développement durable est si populaire en Chine que des villageois se mobilisent en masse pour manifester contre les usines de fabrication. Ils s’allient pour entrer de force dans les usines et détruire l’équipement, obligeant les usines à fermer. Ils estiment que leurs vies valent plus que le développement durable des riches.
Les panneaux ont une durée de vie d’environ 30 ans, puis, direction la décharge. Toujours plus de pollutions, toujours plus de déchets. Certaines parties des panneaux solaires peuvent être recyclées, mais certaines ne le peuvent pas, et sont de plus (par chance !) hautement toxiques. Pour être recyclés, les panneaux solaires sont envoyés vers des pays de la majorité du monde (aussi appelée « Tiers-monde ») où des ouvriers aux maigres salaires sont exposés à des substances toxiques lorsqu’ils les désassemblent. Le processus de recyclage lui-même requiert de l’énergie et du transport, et crée des déchets en sous-produits.
L’industrie des panneaux solaires est dirigée par Siemens, Samsung, Bosch, Sharp, Mitsubishi, BP, et Sanyo, entre autres. C’est vers ces compagnies que transitent les remboursements et les factures d’énergies vertes. Ces corporations vous remercient pour vos dollars durables.
L’énergie éolienne
Le traitement des terres rares nécessaires pour fabriquer les aimants des éoliennes a lieu en Chine, et les habitants des villages alentour peinent à respirer l’air lourdement pollué. Un lac de boue toxique et radioactive de 8 km se tient maintenant en lieu et place de leurs terres agricoles.
Des chaînes de montagnes entières sont détruites pour en extraire les métaux. Des forêts sont passées au bulldozer pour ériger des éoliennes dont les pales tuent des millions d’oiseaux et de chauves-souris. La santé des gens vivant près des éoliennes est affectée par des infrasons.
Étant donné que le vent est une source d’énergie irrégulière et imprévisible, une centrale d’appoint carburant au gaz est nécessaire. Étant donné que le système d’appoint tourne par intermittence, il est moins efficace et produit plus de CO2 que s’il tournait constamment, s’il n’y avait pas d’éoliennes. L’énergie éolienne sonne bien en théorie, mais ne fonctionne pas en pratique. Un autre produit inutile qui ne profite qu’aux actionnaires. [Et toujours, ce que Kim ne rappelle pas ici, restent les problèmes de l’infrastructure de transport et du stockage de l’énergie, NdT].
L’efficacité énergétique
Et si nous améliorions l’efficacité énergétique ? Cela ne réduirait-il pas la consommation et la pollution ? Eh bien, non. C’est tout le contraire. Avez-vous déjà entendu parler du paradoxe de Jevon ? Ou du postulat de Khazzoom-Brookes ? Ceux-ci expliquent que les avancées technologiques améliorant l’efficacité énergétique entraînent une augmentation de la consommation énergétique, et non une baisse. L’efficacité fait qu’il y a plus d’énergie disponible pour d’autres usages. Plus nous sommes efficaces dans notre consommation, plus nous consommons. Plus nous travaillons efficacement, plus nous accomplissons de travail. Et plus nous creusons notre propre tombe.
[« Tel est le paradoxe des effets rebond : chaque gain d’efficacité apporté par la science et l’industrie se traduit, en bout de ligne, par une consommation énergétique globale surmultipliée. Ainsi le transport aérien, moins énergivore qu’autrefois, est devenu accessible à tout un chacun et a décuplé. Idem pour la climatisation, ce luxe devenu omniprésent. Et l’éclairage de plus en plus économique transforme peu à peu l’obscurité en une denrée rare. » (extrait du 4 ème de couverture du livre Vert paradoxe), NdT]
L’économie de l’offre et de la demande
De nombreuses actions entreprises au nom de la soutenabilité peuvent avoir un effet inverse. Un point de réflexion : la décision d’une personne de ne pas prendre l’avion, par souci du changement climatique ou de la soutenabilité, n’aura aucun impact. Si quelques personnes arrêtent de prendre l’avion, les compagnies aériennes réduiront leurs prix et boosteront leur marketing, ce qui incitera plus de gens à prendre l’avion. Et parce qu’elles auront baissé le prix des vols, les compagnies devront effectuer plus de vols pour maintenir les profits à leur niveau. Plus de vols, donc plus d’émissions de carbones. Et si l’industrie connaissait des problèmes financiers en raison d’une baisse de la demande, elle serait renflouée par les gouvernements. Cette stratégie de « non-participation » ne résout rien.
En réalité, cette décision de ne pas voler ne fait rien pour réduire la quantité de carbone qui est émise, elle n’y participe simplement pas sur la distance, et la maigre réduction de la quantité de carbone émise ne fait rien contre le changement climatique.
Pour avoir un véritable impact sur le climat mondial, nous devons empêcher tous les avions et toutes les machines carburant aux combustibles fossiles d’opérer, à tout jamais, ce qui n’est pas aussi difficile que cela peut sembler de prime abord. Cela ne sera pas simple, mais cela reste dans le domaine du possible. Et non seulement est-ce souhaitable, mais aussi essentiel si nous voulons que la vie sur Terre perdure.
La même chose est vraie pour tous les autres produits destructeurs que nous pouvons choisir de ne pas acheter. La viande industrielle, l’huile de palme, les bois de forêts tropicales, les produits alimentaires transformés. Tant qu’il y aura des produits en vente, il y aura des acheteurs. Tenter de réduire la demande n’aura que peu ou pas d’effet. Il y aura toujours davantage de produits arrivant sur le marché. Les campagnes incitant à réduire la demande de produits individuels ne pourront jamais suivre. Et à chaque nouveau produit, la conviction que celui-ci est nécessaire et non un luxe ne fait que se renforcer. Parviendrai-je à vous convaincre de ne pas acheter un smartphone, un ordinateur portable, du café ? J’en doute.
Pour stopper la destruction, nous devons définitivement interrompre l’approvisionnement de tout ce que la production requiert. Cibler des compagnies ou des pratiques spécifiques n’aura aucun impact sur l’infrastructure énergétique mondiale qui se nourrit de la destruction de la Terre. L’économie mondiale dans sa totalité doit être mise hors-service.
Que voulez-vous réellement ?
Quel est le plus important – une énergie durable pour que vous puissiez regarder votre TV, ou les vies des rivières du monde, des forêts, des animaux et des océans ? Préféreriez-vous vivre sans eux et elles, sans Terre ? Même s’il s’agissait d’une option, même si vous n’étiez pas solidement intégré à la toile du vivant, préféreriez-vous vraiment avoir de l’électricité pour vos lampes, vos ordinateurs et vos engins, plutôt que de partager l’extase de la coexistence avec le reste de la vie sur Terre ? Un monde sans vie, où règnent les machines, est-ce vraiment ce que vous voulez ?
Si obtenir ce que vous voulez requiert la destruction de tout ce dont vous avez besoin — un air et de l’eau propres, de la nourriture saine et des communautés naturelles — vous n’allez alors pas durer bien longtemps, rien ne durera alors bien longtemps.
Je sais ce que je veux. Je veux vivre dans un monde de plus en plus riche de vie. Un monde qui récupérerait de la destruction, où il y aurait chaque année plus de poissons, d’oiseaux, d’arbres, et de diversité que l’année précédente. Un monde où je pourrais respirer l’air, boire dans les rivières, et manger grâce à la Terre. Un monde où les humains vivraient en communauté avec le reste du vivant.
La technologie industrielle n’est pas durable (ni soutenable). L’économie mondialisée n’est pas durable (ni soutenable). La valorisation de la terre comme simple ressource destinée à être exploitée par les humains n’est pas durable (ni soutenable). La civilisation n’est pas durable (ni soutenable). Si la civilisation s’effondrait aujourd’hui, il faudrait encore au moins 400 ans pour que l’existence humaine sur la planète devienne véritablement durable (et soutenable). Si c’est un véritable développement durable que vous souhaitez, alors démantelez la civilisation dès aujourd’hui, et continuez à œuvrer pour la régénération de la Terre pendant 400 ans. C’est à peu près le temps qu’il a fallu pour créer les structures destructrices au sein desquelles nous vivons aujourd’hui, il faudra donc au moins ça pour remplacer ces structures par d’autres bénéficiant à l’ensemble du vivant, et pas seulement à une minorité opulente. Cela ne se fera pas en un instant, mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’y mettre.
D’aucuns suggèreront : « alors retirons-nous, construisons des alternatives, et le système s’effondrera puisque plus personne n’y participera ». Cette idée m’a plu aussi. Mais elle ne peut pas fonctionner. Ceux qui sont au pouvoir utilisent les armes de la peur et de la dette pour maintenir leur contrôle. La majorité des humains de ce monde n’ont pas [ou ne voient pas, NdT] cette option de retrait. Leur peur et leur dette les maintiennent enchaînés à cette prison qu’est la civilisation. Votre fuite ne les aide en rien. Votre participation à l’assaut contre les structures de cette prison, si.
Nous n’avons pas le temps d’attendre que la civilisation s’effondre. 90% des grands poissons des océans ont disparu. 98 % des forêts anciennes ont été détruites. Chaque jour plus de 200 espèces s’éteignent [sont exterminées, NdT], pour toujours. Si nous attendons plus longtemps, il n’y aura plus de poissons, plus de forêts, plus aucune trace de vie sur Terre.
Alors, que pouvez-vous faire ?
Diffusez le message. Remettez en question les croyances et préjugés dominants. Partagez cet article avec tous ceux que vous connaissez.
Écoutez la Terre. Apprenez à connaître vos voisins non humains. Prenez soin les uns des autres. Agissez collectivement, pas individuellement. Construisez des alternatives, comme les économies du don, les systèmes alimentaires basés sur la polyculture, les modèles d’éducation alternatifs et les modes de gouvernance communautaires alternatifs. Créez une culture de résistance.
Plutôt que de tenter de réduire la demande pour les produits d’un système destructeur, mettez hors service leur approvisionnement. L’économie, c’est ce qui détruit la planète, alors faites en sorte qu’elle cesse. L’économie mondialisée dépend d’un approvisionnement constant en électricité ; l’arrêter est (presque) aussi simple qu’appuyer sur un interrupteur.
Les gouvernements et l’industrie ne feront jamais cela pour nous, que nous le leur demandions gentiment, ou que nous les y poussions fermement. Il nous revient de défendre la terre dont nos vies dépendent.
Nous ne pouvons pas faire cela en tant que consommateurs, ouvriers ou citoyens. Nous devons agir en tant qu’humains, en valorisant la vie plus que la consommation, le travail et les plaintes contre le gouvernement.
Renseignez-vous et soutenez Deep Green Resistance, un mouvement et une stratégie pour sauver la planète. Ensemble, nous pouvons nous battre pour un monde où il fasse bon vivre. Rejoignez-nous.
Pour reprendre les propos de Lierre Keith, co-auteure du livre Deep Green Resistance :
« La tâche de l’activiste n’est pas de naviguer au sein des systèmes d’oppression avec autant d’intégrité que possible, mais de les démanteler. »
Kim
Traduction : Héléna Delaunay & Nicolas Casaux
Bonjour,
Cet article vraiment formidable sur l’observation de nos modes de vies et nos contradictions les plus insensées.
Par contre, en découvrant ce mouvement DGR dont provient la rédaction de ce texte, je suis un peu perplexe sur ce grand élan « d’Amour » qui les motive (http://deepgreenresistance.org/fr/who-we-are/about-deep-green-resistance) mais qui, selon mon mode de pensée bien sûr, me parait justement manquer de l’essentiel de cet Amour, essentiel qui est l’amour de toute vie, quelle que soit « sa forme », lorsque je lis les principes directeurs de ce « féminisme radical »(http://deepgreenresistance.org/fr/who-we-are/guiding-principles-of-deep-green-resistance).
J’en comprend le sens profond et j’en connais bien les raisons bien sûr, étant moi une « femme-victime » dans sa « belle sensibilité ». Mais au delà de cette constatation de cette emprise de « l’Homme sur la Femme », il y a les qualités du masculin, cette partie que la femme possède aussi en elle.
Et tout comme l’homme, toutes les femmes ne portent pas que les qualités du féminin, elles peuvent être violentes aussi dans cet Ego qui les mènent par le bout du sein parfois…
Nous faisons tous partis d’un monde ou chaque chose complète l’autre dans ses bons comme ses mauvais aspects.
L’Harmonie ne se fera jamais les uns sans les autres. Et elle ne peux se faire que si chacun s’observe clairement de l’intérieur, avec un regard d’Amour justement.
Décidément il est très difficile pour cet Être humain de passer au dessus de ses souffrances et de réellement parvenir au véritable Amour, celui de la vie qui l’entoure, celui inconditionnel et pur.
On ne peux, selon moi encore, pas parler d’Amour dans toute sa clarté lorsque nos souffrances nous cachent l’autre moitié de sa lumière.
Mais on parle, on parle…
Tant qu’on ne prend pas racine dans nos certitudes mais qu’on tente d’évoluer sans cesse vers le haut 🙂
Bien cordialement,
Laurette D.
MERCI pour ce beau commentaire !!!
Article partagé et diffusé via « Socialisme libertaire » :
http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/11/le-developpement-durable-est-en-train-de-detruire-la-planete.html
Salutations libertaires ★
Article très intéressant, merci pour toutes ces informations.
Alain
http://www.ecosunenergy.fr/