Le 20 décembre 2016, le Huffington Post (US, initialement, puis Canada) a publié un article intitulé : « La ville de Las Vegas est maintenant entièrement alimentée par des énergies renouvelables ». Cette information fausse a par la suite été reprise par la plupart des grands merdias.
Le sous-titre de l’article du Huffington Post US était : « Las Vegas vient de devenir la plus grande ville des USA à ne dépendre que des énergies ‘vertes’ pour l’alimentation de ses équipements municipaux ».
J’imagine que vous percevez l’immense différence entre l’information véhiculée par le titre et celle que véhicule le sous-titre. Dans l’article, plus explicite encore, on peut lire que : « Bien que tous les équipements municipaux soient désormais alimentés par des énergies renouvelables, beaucoup de bâtiments résidentiels et commerciaux ne le sont pas ». Sachant que les casinos sont ce qui consomme le plus d’énergie à Las Vegas, vous imaginez à quel point le titre de l’article est trompeur. La grande majorité de la consommation d’énergie de la ville ne provient pas d’énergie « renouvelable » (ou-disant).
Las Vegas consomme plus de 8000 MW, en moyenne. Ses centrales solaires en fournissent environ 650. La géothermie environ 500. Le reste (l’immense majorité, donc, environ 6850 MW) provient de l’utilisation de gaz naturel. Et il s’agit là uniquement d’électricité, pas d’énergie. Las Vegas tire donc environ 20% de sa consommation d’électricité de sources dites « renouvelables ». Et 80% de sources non-renouvelables. En termes de consommation d’énergie les renouvelables occupent une place encore plus insignifiante (environ 10%).
Il est d’ailleurs prévu que la consommation d’énergie de Las Vegas augmente encore et toujours, croissance oblige.
La question la plus importante à poser, que les grands médias corporatistes n’évoquent jamais, serait plutôt de savoir si l’existence de Las Vegas est souhaitable (et il en est de même pour toutes les villes, de Paris à Kuala Lumpur). Ou, pour atteindre le cœur du problème, si la « civilisation » est souhaitable. Embarquées de force dans une logique de croissance économique (et démographique), toutes les villes du monde croissent en permanence, et avec elles leurs consommations en diverses ressources. En effet une autre question jamais posée et essentielle serait celle de l’escience, de l’intelligence ou de la justesse de l’utilisation de l’énergie et/ou de l’électricité ainsi générées. De l’énergie et de l’électricité, pour quoi faire ? Pour alimenter quoi ? Des appareils électroniques qui participent eux aussi à la pollution du monde (ce qui inclut les soi-disant innovations « vertes » que sont les voitures électriques, etc.) ? Une civilisation industrielle en expansion permanente, profondément inégalitaire, qui n’en finit pas de recouvrir le paysage écologique de son béton, de ses déchets plastiques, métalliques et toxiques, de faire se réchauffer la planète et de tuer les espèces animales non-humaines ? Réalisons-nous que sur un graphique la courbe de notre production industrielle d’électricité à la même allure que celle de notre production de déchets et de pollutions en tous genres, qui est l’inverse de celle de la biodiversité et des autres indicateurs de bonne santé écologique ?
Las Vegas, par exemple, en plein désert, est une hérésie écologique et économique, avec sa surconsommation d’eau (entre autres) qui assèche le fleuve Colorado (qui n’atteint plus l’océan) et les vallées voisines. Emblème du capitalisme, de la consommation ostentatoire, du divertissement de masse et de l’aliénation technologique, sans même aborder l’aspect écologique, tout devrait nous pousser à détruire une telle mégalopole. Et toutes les mégalopoles en général, puisque la civilisation industrielle, dont les villes sont la matrice, qui fait de leurs habitants des consommateurs de produits d’usines en tous genres, des voitures aux téléphones portables en passant par les marchandises alimentaires, les boites de conserves, les ramettes de papiers pour imprimantes laser, les colles, les pots de peinture et les meubles Ikea, n’est écologique en rien. Toutes les industries sont polluantes, et le réformisme visant à amoindrir leurs impacts destructeurs à l’aide de politiques du moins pire ne sont que la preuve que le mieux est l’ennemi du bien. Tant que l’humanité industrielle se contentera de chercher à rendre « plus vertes » les pratiques intrinsèquement nocives qui constituent le socle d’un mode de vie qui ne la satisfait même pas (cf. les maladies de civilisation, le stress, les angoisses, les dépressions, les burn-outs et les suicides qui se généralisent), au lieu d’y renoncer simplement, la situation écologique (et psychologique) mondiale ne cessera d’empirer.
Collectif Le Partage