Quelques rappels sur l’ONG 350.org : cette organisation a reçu plus de 100 donations depuis 2005, de la part de 50 généreuses fondations, pour un montant de 10 millions de dollars, avec 6 dons de plus d’1 million. Plus de la moitié de ces 10 millions provient du Rockefeller Brothers Fund (RBF), du Rockefeller Family Fund et du Schumann Center for Media and Democracy. Un financement sur lequel le fondateur de 350.org, Bill McKibben, ne semble pas vouloir trop s’étendre, ainsi qu’on peut le constater dans cette embarrassante interview :
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Ci-dessous, Susan Rockefeller, qui prend la pose avec le livre This Changes Everything (traduit en français par Tout peut changer) écrit par la nouvelle figure de proue de l’ONG 350.org (depuis qu’elle fait partie de son conseil d’administration), Naomi Klein. Susan Rockefeller a également co-produit le film documentaire Tout peut changer, adapté du livre, réalisé par Avi Lewis et Naomi Klein (parmi les autres généreux mécènes bigrement anticapitalistes qui ont financé ce documentaire, on retrouve la Ford Foundation).

Et ci-dessous, Naomi Klein qui pose, toujours pour la promotion de son livre This Changes Everything (Tout peut changer), avec Angel Gurria, ministre des affaires étrangères du Mexique de décembre 1994 à janvier 1998, puis ministre des finances de janvier 1998 à décembre 2000, ennemi de longue date des zapatistes et actuel Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’itinéraire médiatique de Naomi Klein est clair : en moins de 10 ans, ses fréquentations ont beaucoup changé, elle est passée du sous-commandant Marcos à un de ses pires ennemis (Angel Gurria). La trajectoire classique du (pseudo-)révolutionnaire qui ne résiste pas aux sirènes de la célébrité et des privilèges, et qui se laisse allègrement co-opté par les élites.

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A propos de ces braves Rockefeller :
Dans une interview, David Rockefeller (le mari de Susan) explique que :
[…] L’énergie sera toujours un levier économique. Si mon grand-père était vivant aujourd’hui, il aurait très certainement exploré l’univers très prometteur des énergies renouvelables et recherché à améliorer l’impact négatif du pétrole et du gaz.
Il aurait lié des partenariats avec Bill Gates aujourd’hui, par exemple, sur certains projets, comme nous le faisons aujourd’hui en Afrique avec lui sur les semences. […]
Mais également que :
[…] Nous sommes aux côtes de Bill Gates dans ce domaine. Un projet qui permet aux agriculteurs locaux de cultiver pour eux, mais également d’exporter. La semence devenant pour eux une valeur économique.
Parmi les projets dont il parle, on retrouve l’AGRA (Alliance for a Green Revolution in Africa — Alliance pour une révolution verte en Afrique), un nouveau programme mis en place par la fondation Gates & la fondation Rockefeller, entre autres.
Pour en savoir plus sur cette « nouvelle révolution verte », et ses conséquences désastreuses, il faut lire cet article assez complet, dont voici des extraits :
L’AGRA déclare que son principal objectif est d’aider l’Afrique à accroître sa productivité pour un certain nombre de plantes alimentaires majeures, tout comme cela avait été envisagé par les programmes initiaux de la révolution verte.[3] Et une fois de pus, cela est censé se faire via la sélection végétale de type occidental dans les instituts nationaux de recherche agricole. La différence étant que cette fois-ci une nouvelle fournée de sélectionneurs de plantes sera formée en Afrique même, au lieu d’être formée dans les université du Nord, mais l’université de Cornell, la principale institution des premiers programmes de la révolution verte, sera cependant là pour superviser la formation. (…)
L’une des premières étapes de l’AGRA cependant est de créer un réseau de « fournisseurs en agroalimentaire », pour vendre les semences, les pesticides et les engrais. L’AGRA a déjà recruté une ONG étasunienne appelée Citizens’Network for Foreign Affairs (Réseau de citoyens pour les affaires étrangères) pour effectuer ce travail au Kenya, en Tanzanie et au Malawi. Jusqu’à présent, cette ONG a reçu près de 14 millions de dollars de subventions, ce qui en fait de loin le plus gros bénéficiaire des financements de l’AGRA jusqu’à présent. Pour approvisionner les fournisseurs, les donateurs de l’AGRA financent aussi des entreprises privées de semences. La fondation Rockefeller est le principal investisseur dans l’African Agricultural Capital (Capital agricole africain), un fonds d’investissement en capital-risque qui investit dans plusieurs petites entreprises de semences africaines qu’il contrôle en partie et qui sont aussi soutenues par l’AGRA. (…)
Que ce soit l’ancienne ou la nouvelle révolution verte, les premiers perdants sont les agriculteurs, en particulier les petits. L’AGRA cherche à remplacer les semences que les agriculteurs africains ont soigneusement développées pour leurs fermes et leurs cultures, par des variétés adaptées aux monocultures industrielles. Ces semences ouvriront la voie à l’industrialisation des cultures alimentaires africaines, laissant le champ libre à l’introduction et à la domination de l’agrobusiness. (…)
Au moment où l’AGRA a été lancée, ses fondateurs se sont empressés de souligner que l’AGRA n’utiliserait pas de plantes cultivées génétiquement modifiées (GM). Pas pour l’instant, bien sûr. Lors de la troisième assemblée générale des collaborateurs du programme de l’AGRA sur les « Biotechnologies, sélection et systèmes de semences pour les plantes cultivées africaines », un certain nombre de présentations de recherches et d’essais sur des plantes cultivées GM ont été intégrées. Il est donc difficile de prendre au sérieux la déclaration que l’AGRA n’avait rien à faire avec les semences GM. Tous ceux qui financent l’AGRA, dont Rockefeller et Gates, essayent déjà d’imposer l’introduction des technologies des modifications génétiques en Afrique. (…)
Les anglophones peuvent aussi lire cet excellent article écrit par Eric-Holt Gimenez.
Bien évidemment, il ne s’agit ici que d’un petit exemple des innombrables domaines où ces sympathiques Rockefeller investissent leur argent.
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A lire également : cette critique, publiée sur notre site, du livre tout-sauf-révolutionnaire de Naomi Klein, Tout peut changer (qui correspond plutôt à un plaidoyer classique en faveur du développement, du développement durable et donc des ENR, du sacro-saint emploi, etc.) : https://partage-le.com/2015/03/critique-de-livre-tout-peut-changer-naomi-klein/
Si j’avais plus de temps, je traduirais ou résumerais les excellents et édifiants dossiers et articles (ici et là, entre autres) rédigés par la journaliste canadienne Cory Morningstar à propos de Naomi Klein, 350.org et Bill McKibben. Mais en attendant, cela devrait suffire à exposer en quoi cette ONG et ses célébrités servent, comme beaucoup d’autres, à détourner et à contrôler le militantisme, et s’inscrivent dans l’insidieuse entreprise d’ONG-isation de la résistance dénoncée par Arundhati Roy :
Nico
A propos des ONG, lire également :
https://partage-le.com/2015/12/long-isation-de-la-resistance-par-arundhati-roy/
Article intéressant mais titre de à hurler.. (et vidéo) qui mettent tout le monde dans le même panier : les vraies ONG, les fausses, les instrumentalisées par de gens comme Bill Gates ou autres néolibéraux comme celles qui viennent de la société civile…
Quant à Bill Gates, ses « projets », oui, font l’apologie des OGM (y compris du bétail modifié !), proposent pour certains des solutions qui sont tournées vers la classe moyenne et vous rendent clients « liés » à vie au marchand/producteur (ex. : de boules absorbant le contenu du wc, à remplacer régulièrement puis à brûler dans une centrale biomasse).
Il y a différentes visions du « développement » et des causes de mal développement : allant de la droite à la gauche et à ce qui relève plus de ce que j’appellerais, pour faire simple (un peu à tord, il y a de tout dans la société civile) « la société civile engagée et en réflexion »… Et non, il y a plein d’ONG dont le but n’est absolument pas de faire rentrer les gens dans l’économie de marché. La défense des peuples indigènes, de leurs droits et valeurs, la lutte contre le brevetage du vivant, l’appui à une souveraineté alimentaire locale, à une agriculture qui respecte aussi le droit coutumier africain etc etc plutôt que tout au « marché » le montrent assez. On pourrait aussi parler de l’appui aux (à la création de) syndicats, de l’aide aux paysans sans terre qui s’installent – non sans conflits et dangers — sur des terres non cultivées par les gros propriétaires en profitant de loi sur la réforme agraire, Ces ONG appuyent aussi tout simplement les projets qui sont demandés par la population, même si ça implique de devoir parlementer avec un fonctionnaire qui ne comprend pas que non, ils ne veulent pas d’un tracteur qui les rendra dépendant du pétrole, mais de la culture attelée. Mais s’ils veulent pouvoir mieux s’organiser pour conserver leurs poissons pour pouvoir aller le vendre à la halle aux poissons du coin, c’est LEUR demande.
Et si ces ONG, qui font un sacré bon boulot, perdent le soutien des gens…
Jeter le bébé avec l’eau du bain = affaiblir, diviser pour mieux régner.
(Il y a aussi cette incapacité (?) récurrente à comprendre la différence entre les ONG de développement — qui travaillent à plus long terme — et des ONG d’aide d’urgence)