Un optimisme pathologique : comment l’espoir colporté par les médias perpétue la catastrophe

Le déses­poir est le seul remède contre l’illu­sion, sans déses­poir il nous est impos­sible de redes­cendre sur Terre — il s’a­git, en quelque sorte, d’une période de deuil de nos fan­tasmes. Cer­tains ne sur­vivent pas à ce déses­poir, mais sans lui, aucun chan­ge­ment majeur ne peut se produire.

— Phi­lip E. Slater

L’espoir est le véri­table tueur. L’espoir est nui­sible. L’espoir nous per­met de res­ter immo­biles dans un radeau en per­di­tion au lieu d’agir et d’affronter le pro­blème. Oubliez l’espoir. Ana­ly­ser sin­cè­re­ment et hon­nê­te­ment la situa­tion comme elle se pré­sente est notre unique chance. Au lieu d’attendre, en « espé­rant » que l’on s’en sorte, peut-être devrions-nous admettre que prendre la pleine mesure de la situa­tion, aus­si déplai­sante soit-elle, est posi­tif puisque c’est la pre­mière marche vers le chan­ge­ment véritable.

— Grin­go Stars

En cette période de début d’une nou­velle année, bilans et pers­pec­tives futures sont publiés à tort et à tra­vers par les médias de masse. Dans le monde entier, c’est la sai­son des ras­su­rances. Avant d’en ana­ly­ser quelques exemples (une vidéo édi­tée par Slate France et un article du quo­ti­dien Libé­ra­tion), il est bon de repla­cer la dis­cus­sion dans son contexte. En effet, toute dis­cus­sion sur l’é­co­lo­gie et sur l’é­tat du monde en géné­ral devrait com­men­cer par quelques rappels :

Du côté de la vie non-humaine : les forêts du monde sont dans un état désas­treux — en ce qui concerne les vraies forêts, les « old growth forest » comme disent les anglo­phones, les forêts anciennes, pas les plan­ta­tions ou mono­cul­tures modernes, il n’en res­te­rait que deux — et qui ne cesse d’empirer. La plu­part des éco­sys­tèmes ori­gi­nels ont été modi­fiés (détruits, ou détra­qués), d’une façon ou d’une autre (25% des fleuves n’atteignent plus l’océan ; depuis moins de 60 ans, 90% des grands pois­sons, 70% des oiseaux marins et, plus géné­ra­le­ment, 52% des ani­maux sau­vages, ont dis­pa­ru ; depuis moins de 40 ans, le nombre d’animaux marins, dans l’ensemble, a été divi­sé par deux). Le der­nier rap­port « Pla­nète Vivante » du WWF, publié en octobre 2016, estime que « les popu­la­tions mon­diales de pois­sons, d’oiseaux, de mam­mi­fères, d’amphibiens et de rep­tiles ont régres­sé de 58 % entre 1970 et 2012 ». Les scien­ti­fiques estiment que nous vivons aujourd’hui la sixième extinc­tion de masse. Sachant que les déclins en popu­la­tions ani­males et végé­tales ne datent pas d’hier, et qu’une dimi­nu­tion par rap­port à il y a 60 ou 70 ans masque en réa­li­té des pertes bien pires encore (cf. l’amnésie éco­lo­gique). On estime que d’ici 2048 les océans n’abriteront plus aucun pois­son. D’autres pro­jec­tions estiment que d’ici 2050, il y aura plus de plas­tiques que de pois­sons dans les océans. On estime éga­le­ment que d’ici à 2050, la qua­si-tota­li­té des oiseaux marins auront ingé­ré du plas­tique. La plu­part des biomes de la pla­nète ont été conta­mi­nés par dif­fé­rents pro­duits chi­miques toxiques de syn­thèse (cf. l’empoisonnement uni­ver­sel de Fabrice Nico­li­no). L’in­dus­trie chi­mique, à tra­vers le globe, a fabri­qué plus de 90 mil­lions de sub­stances de syn­thèse, dont 35 mil­lions sont com­mer­cia­li­sées. 99 % de la quan­ti­té totale des sub­stances pré­sentes sur le mar­ché ne sont pas tes­tées. Par­mi celles-ci, envi­ron 30.000 sont com­mer­cia­li­sées en quan­ti­tés supé­rieures à une tonne par an. La pro­duc­tion mon­diale de pro­duits chi­miques a explo­sé, pas­sant d’un mil­lion de tonnes en 1930 à 400 mil­lions aujourd’­hui. Or, on connaît l’im­pact toxi­co­lo­gique d’à peine 3.000 sub­stances sur les 100.000 com­mer­cia­li­sées en Europe. L’air que nous res­pi­rons est désor­mais clas­sé can­cé­ri­gène par l’OMS. Les espèces ani­males et végé­tales dis­pa­raissent (sont tuées) au rythme de 200 par jour (esti­ma­tion de l’ONU). Les dérè­gle­ments cli­ma­tiques aux­quels la pla­nète est d’ores et déjà condam­née pro­mettent d’effroyables conséquences.

Et ce n’est pas fini, loin de là, puisque l’ex­pan­sion urbaine est encore en cours, et que les pro­chaines décen­nies pro­mettent un « boom en construc­tion d’in­fra­struc­tures ». Selon Bill Lau­rance, pro­fes­seur à l’u­ni­ver­si­té James Cook en Aus­tra­lie, « un tsu­na­mi de nou­velles routes, de nou­veaux bar­rages, de nou­velles lignes élec­triques, de nou­veaux pipe­lines et d’autres infra­struc­tures » se pré­pare, et « les pro­jec­tions actuelles sug­gèrent que d’ici 2050, il y aura envi­ron 25 mil­lions de kilo­mètres de routes pavées sup­plé­men­taires — assez pour faire plus de 600 fois le tour de la Terre ».

L’ex­pan­sion de l’hu­ma­ni­té, urbaine qui plus est, aus­si appe­lée « éta­le­ment urbain », est une des prin­ci­pales menaces pour la bio­di­ver­si­té res­tante. Dans une étude sur les impacts de l’é­ta­le­ment urbain sur la bio­di­ver­si­té, publiée par Eli­za­beth A. Forys et Craig R. Allen, res­pec­ti­ve­ment de l’u­ni­ver­si­té d’E­ckerd en Flo­ride et de l’u­ni­ver­si­té du Nebras­ka, on peut lire que :

« La des­truc­tion des habi­tats est la pre­mière cause pré­ci­pi­tant l’extinction des espèces ter­restres, mais l’impact du déve­lop­pe­ment humain ou des routes pour­rait avoir une por­tée s’étendant bien au-delà des zones immé­diates où l’habitat a été détruit. La rai­son pour laquelle l’étalement [urbain, de la civi­li­sa­tion indus­trielle] est une telle menace pour la bio­di­ver­si­té ne relève pas que de la conver­sion d’habitat en routes et en bâti­ments, mais éga­le­ment des consé­quences de ces per­tur­ba­tions humaines sur une échelle bien plus vaste ».

Dans leur livre « Les impacts éco­lo­giques des tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion » (2012), le groupe EcoIn­fo nous rap­porte que :

« La cause n° 1 de perte de bio­di­ver­si­té est la perte d’habitats par des­truc­tion directe, que ce soit par exemple par la défo­res­ta­tion ou l’urbanisation, l’artificialisation, par dégra­da­tion de leur qua­li­té ou par frag­men­ta­tion des pay­sages (créa­tion de routes par exemple). Concer­nant les acti­vi­tés minières, elles ont donc des impacts directs en termes de des­truc­tion d’habitats que ce soit par les sites miniers mais aus­si par les accès rou­tiers asso­ciés et l’ensemble des infra­struc­tures néces­saires, notam­ment lors du déve­lop­pe­ment d’activités d’extraction en zones tro­pi­cales – e.g. le Congo pour les terres rares, région qui se situe pré­ci­sé­ment dans les régions du monde à forte biodiversité.

L’utilisation de ter­ri­toires pour le dépôt de déchets, l’implantation de moyens de télé­com­mu­ni­ca­tion, de câbles, comme une grande par­tie des acti­vi­tés humaines, sont autant de causes pos­sibles de frag­men­ta­tion et de mise en péril de la qua­li­té des habitats… »

Du côté de la vie humaine, les inéga­li­tés éco­no­miques ne cessent de croître, l’in­ci­dence des mala­dies psy­cho­lo­giques (stress, angoisses, dépres­sions, sui­cides) grimpent en flèche, comme celles des autres mala­dies d’ailleurs dites « de civi­li­sa­tion » — le dia­bète, l’athérosclérose, l’asthme, les aller­gies, l’obésité et le cancer.

Bien que cer­tains sta­tis­ti­ciens (comme Ste­ven Pin­ker) se plaisent à péro­rer que nous vivons dans un monde qui n’a jamais été aus­si dépour­vu de vio­lence, la réa­li­té est inverse. Tout dépend de la défi­ni­tion de « vio­lence » que l’on uti­lise. De ce qu’on consi­dère comme étant violent, et inver­se­ment. Gand­hi lui-même affir­mait que la pau­vre­té était la pire forme de vio­lence. La vio­lence psy­cho­lo­gique est-elle moins impor­tante que la vio­lence phy­sique ? L’ex­ploi­ta­tion des « res­sources humaines » que la civi­li­sa­tion indus­trielle est par­ve­nue à mon­dia­li­ser, a éten­due une forme de vio­lence par­ti­cu­liè­re­ment insi­dieuse au monde entier. On estime que plus de 150 mil­lions d’hu­mains dépendent des acti­vi­tés extrac­tives pour leur sub­sis­tance. Du tra­vail dans les mines. Bien évi­dem­ment, les pro­mo­teurs de l’illu­sion d’un monde par­fai­te­ment paci­fié ne consi­dèrent pas le tra­vail dans les mines comme de la vio­lence, même s’ils n’ont aucune idée de ce que c’est, et qu’ils ne s’a­mu­se­raient jamais pour leur bon plai­sir à aller extraire du cobalt au Congo. Le tra­vail, dans les pays « en déve­lop­pe­ment », impo­sé à 250 mil­lions d’en­fants (esti­ma­tion de l’OIT) âgées de 5 à 14 ans, et à des dizaines de mil­lions d’a­dultes, majo­ri­tai­re­ment des femmes, n’est pas une forme de vio­lence. Bien évi­dem­ment, les pro­mo­teurs de l’illu­sion d’un monde par­fai­te­ment paci­fié ne font pas et ne lais­se­raient pas tra­vailler leurs propres enfants. Le sala­riat, lui-même impo­sé, est une forme de vio­lence, pour beau­coup, et de bien des manières.

Arrê­tons-nous ici pour les rap­pels. Bien d’autres choses méri­te­raient d’être sou­li­gnées, mais ce n’est pas l’ob­jet prin­ci­pal de cet article. Pour ceux qui veulent en savoir plus, nous vous conseillons cet article, et cet autre.

Pour ceux qui sont assez hon­nêtes envers eux-mêmes, le constat est acca­blant. Et bien pire que ça. L’am­pleur des des­truc­tions, la folie dont la civi­li­sa­tion indus­trielle fait preuve, sont d’une magni­tude si colos­sale que les mots manquent pour les décrire.

Et pour­tant, les médias de masse, les grandes ONG, les gou­ver­ne­ments et les ins­ti­tu­tions cultu­relles offi­cielles rap­pellent en conti­nu que le monde ne va « pas si mal », qu’il y a de l’es­poir, Europe 1 nous apprend qu’une « majo­ri­té de Fran­çais, à hau­teur de 58%, se disent « opti­mistes » pour l’an­née 2017 », l’As­so­cia­ted Press (l’é­qui­valent de l’AFP des USA), que « 2017 repré­sente l’espoir pour les Amé­ri­cains », Vla­di­mir Pou­tine que « 2016 a été une année « dif­fi­cile » mais pleine d’es­poir », Libé­ra­tion publie un article inti­tu­lé « 11 bonnes rai­sons pour dire que la pla­nète ne va pas si mal », Slate.fr publie une vidéo sou­li­gnant 13 points qui, selon eux, prouvent qu’il « y a de quoi res­ter opti­miste », à l’ins­tar d’Avaaz.

En guise d’exemple, ana­ly­sons l’ar­ticle de Libé­ra­tion et les points sou­li­gnés par la vidéo de Slate France (qui a déjà été vision­née plus de 5,5 mil­lions de fois sur Facebook).

Les 11 bonnes rai­sons que Libé­ra­tion met en avant pour nous inci­ter à « espé­rer de jours meilleurs » sont les suivantes :

  1. Une poi­gnée d’es­pèces, dont les pan­das, les tigres et les Lynx boréals, ne sont plus consi­dé­rées comme gra­ve­ment mena­cées, et voient leurs effec­tifs légè­re­ment augmenter.
  2. La couche d’o­zone se rebouche.
  3. L’ac­cord de Kiga­li : 150 états se sont enten­dus pour inter­dire pro­gres­si­ve­ment l’u­ti­li­sa­tion des gaz hydro­fluo­ro­car­bures (HFC).
  4. L’ac­cord de Paris (COP 21) a été rati­fié en moins de 10 mois.
  5. Notre-Dame-des-Landes : les tra­vaux n’ont pas commencé.
  6. Oba­ma a pris des très bonnes mesures éco­lo­giques (forages en Arc­tique inter­dit, Keys­tone XL stop­pé, ter­ri­toires fédé­raux protégés).
  7. Jus­tin Tru­deau (pre­mier ministre du Cana­da) a lui aus­si œuvré en faveur de l’environnement
  8. Les éner­gies « renou­ve­lables » se développent.
  9. La loi sur la bio­di­ver­si­té a été votée en France.
  10. La Cour pénale inter­na­tio­nale s’in­té­resse aux crimes environnementaux.
  11. 21 enfants amé­ri­cains pour­suivent en jus­tice leur gou­ver­ne­ment « pour son impli­ca­tion dans le chan­ge­ment cli­ma­tique et son inac­tion à lut­ter contre ».

L’es­poir est un fléau, comme le rap­pelle brillam­ment Der­rick Jen­sen. L’op­ti­misme, une patho­lo­gie, à notre époque où il se confond avec le déni et per­met à la machine de conti­nuer son tra­vail mor­ti­fère. Tout plu­tôt que dire que ça va mal. Tout, plu­tôt que recon­naître et décrire les choses telles qu’elles sont.

Alors, voi­là, rapi­de­ment, ce qu’on pense des 11 points de Libé :

  1. Poin­ter du doigt les excep­tions n’a aucune influence sur la règle, à savoir les 100 à 200 espèces qui, chaque jour, sont pré­ci­pi­tées vers l’ex­tinc­tion par la civi­li­sa­tion indus­trielle, même si, oui, c’est tou­jours ça de pris.
  2. Ok. Effec­ti­ve­ment, que le trou dans la couche d’o­zone se rebouche est une très bonne chose, et c’est tou­jours ça de pris aussi.
  3. Ce point est direc­te­ment lié au 2. Il s’agit des gaz en lien avec le trou dans la couche d’ozone, ce qui revient à rajou­ter un point pour rajou­ter un point.
  4. Génial, le résul­tat de la 21ème COP, sachant que la pla­nète a été détruite de manière expo­nen­tielle sous les 20 pre­mières. Nous dou­tons bien évi­dem­ment et à juste titre de l’u­ti­li­té de la COP21, comme de toutes les autres. Rap­pe­lons d’ailleurs qu’É­li­sa­beth Schnei­ter publiait en novembre 2016, sur Repor­terre, un article inti­tu­lé « Mal­gré l’accord de Paris, les pro­jets émet­teurs de CO2 se mul­ti­plient en France et dans le monde ».
  5. Ok. Un endroit spé­ci­fique qui reste pré­ser­vé, pour l’instant, même prin­cipe que pour le 1.
  6. Oba­ma éco­lo ? Est-ce une mau­vaise blague ? Le pays le plus consom­ma­teur et pol­luant du monde (en concur­rence avec la Chine dans cette dis­ci­pline) ? Encore une fois trois petits exemples sont poin­tés du doigt, comme l’ar­rêt du pipe­line Keys­tone XL, que l’on connait parce qu’il a été média­ti­sé. Mais les dizaines de pipe­lines et de pro­jets pétro­liers qu’Obama a vali­dés pen­dant son man­dat, et qui n’ont pas été média­ti­sés, qui les connait ? Qui a enten­du par­ler du pipe­line du lac Saka­ka­wea ? Du pipe­line Trans-Pecos ? Du pipe­line Comanche Trail ? Entre 2009 et 2015 plus de 19 000 km de pipe­lines ont été construits aux USA. L’administration Oba­ma a éga­le­ment dépen­sé plus de 34 mil­liards de dol­lars dans le sou­tien de plus de 70 pro­jets liés aux com­bus­tibles fos­siles, à tra­vers le globe, prin­ci­pa­le­ment dans des cen­trales tour­nant aux com­bus­tibles fos­siles, en Aus­tra­lie, en Afrique du Sud et ailleurs. Oba­ma a approu­vé les bud­gets mili­taires les plus impor­tants de toute l’his­toire des États-Unis.
  7. Même chose avec Tru­deau. Euphé­mi­sa­tion com­plè­te­ment indé­cente. Lui qui a approu­vé le Trans Moun­tain pipe­line (Kin­der Mor­gan), le pipe­line de la Line 3, qui a aug­men­té « la capa­ci­té de trans­port du pétrole par pipe­lines au Cana­da de 30 %, de plus d’un mil­lion de barils par jour », serait un cham­pion de l’environnement ?! On croit rêver.
  8. Les éner­gies renou­ve­lables sont une fausse solu­tion, une nou­velle indus­trie, pol­luante, comme toutes les indus­tries, donc un nou­veau pro­blème.
  9. La loi sur la bio­di­ver­si­té n’est pas un pro­grès, au contraire (« Si la loi recon­nait le prin­cipe du ‘pré­ju­dice éco­lo­gique, elle ouvre la porte à la com­pen­sa­tion, qui est ‘en pra­tique un droit à détruire’  », nous rap­por­tait Repor­terre à son sujet, entre autres choses).
  10. Si elle s’y inté­resse alors, nous sommes sauvés.
  11. Bis. Une dis­trac­tion sans aucun impact.

On serait ten­té de dire qu’une telle mini­mi­sa­tion, qu’un tel posi­ti­visme, en plus de n’être d’au­cune aide, et de lar­ge­ment rele­ver du déni, voire du men­songe, est un scan­dale, une honte, qu’il s’a­git d’un bara­tin minable et déri­soire. Mais on pas­se­rait à côté de l’im­por­tant. Qui est que pour conti­nuer, pour aller de l’a­vant, pour faire tour­ner la machine tech­no-indus­trielle et son corol­laire le sys­tème éco­no­mique mon­dial, les médias, les poli­ti­ciens, les experts et les hommes d’af­faire, en un mot l’a­ris­to­cra­tie diri­geante, se doivent de mettre en avant ce qu’ils peuvent pour main­te­nir une lueur d’es­poir chez les popu­la­tions de tra­vailleurs. S’ils ne dif­fusent presque jamais le constat que nous pré­sen­tons au début de ce texte, ce n’est pas un hasard, ni un oubli. Vous ima­gi­nez bien qu’ils ne peuvent se per­mettre de dire, à l’ins­tar de Ber­nard Char­bon­neau, qu’ « en réa­li­té il n’y a pro­ba­ble­ment pas de solu­tion au sein de la socié­té indus­trielle telle qu’elle nous est don­née ». Sans la croyance, sans l’es­pé­rance selon laquelle demain sera meilleur qu’­hier, le malaise social pour­rait atteindre un niveau dan­ge­reux qui ris­que­rait de mena­cer la paix sociale, et de per­tur­ber le bon fonc­tion­ne­ment de l’é­co­no­mie indus­trielle mon­dia­li­sée. On dit bien trop sou­vent que l’es­poir fait vivre, ce qui, d’une cer­taine manière, est vrai, mais pas pour les rai­sons que l’on croit. L’es­poir fait avan­cer, comme dans le cas de l’âne qui espère man­ger la carotte qui pend au bout d’un fil, devant son nez.

Ain­si, ce qu’on oublie de dire, c’est sur­tout que dans le sys­tème éco­no­mique mon­dia­li­sé qui est le nôtre, basé sur la consom­ma­tion de masse sti­mu­lée par la peur, elle-même engen­drée par un état de crise per­ma­nent, l’es­poir fait vendre. L’es­poir est un des com­bus­tibles qui per­met à la socié­té indus­trielle de fonc­tion­ner. La socié­té indus­trielle est res­pon­sable du déclin colos­sal en bio­di­ver­si­té que nous expo­sons au début. En réa­li­té, on pour­rait faci­le­ment sou­te­nir que l’es­poir tue, que l’es­poir de jours meilleurs (de len­de­mains qui chantent) que main­tiennent les popu­la­tions indus­trieuses, accep­tant ain­si doci­le­ment l’ordre éta­bli sur lequel elles n’ont de toute façon aucun pou­voir, est mor­tel pour les popu­la­tions non-humaines et pour la biodiversité.

Der­rick Jen­sen le for­mule comme suit :

Hon­nê­te­ment, je n’ai pas grand espoir. Mais je pense que c’est une bonne chose. L’espoir nous main­tien enchaî­nés au sys­tème, au conglo­mé­rat d’individus, d’idées et d’idéaux qui détruit la planète.

Pour com­men­cer, il y a ce faux espoir selon lequel sou­dai­ne­ment, de quelque façon, le sys­tème va inex­pli­ca­ble­ment chan­ger. Ou celui selon lequel la tech­no­lo­gie va nous sau­ver. Ou la déesse mère. Ou des créa­tures d’Alpha du Cen­taure. Ou Jésus Christ. Ou le père noël. Tous ces faux espoirs mènent à l’inaction, ou au moins à l’inefficacité. Une des rai­sons pour les­quelles ma mère res­tait avec mon père, qui la vio­len­tait, était le fait qu’il n’y avait pas de foyers pour femmes bat­tues dans les années 50 et 60, une autre qu’elle avait l’espoir qu’il chan­ge­rait. Les faux espoirs nous enchaînent à des situa­tions invi­vables, et nous empêchent de voir les pos­si­bi­li­tés réelles.

Qui croit vrai­ment que Weye­rhaeu­ser va arrê­ter de défo­res­ter parce qu’on lui demande gen­ti­ment ? Qui croit vrai­ment que Mon­san­to va arrê­ter de Mon­san­ter parce qu’on lui demande gen­ti­ment ? Si seule­ment nous avions un démo­crate à la mai­son blanche, tout irait bien. Si seule­ment nous fai­sions pas­ser telle ou telle loi, tout irait bien. Si seule­ment nous par­ve­nions à faire reti­rer telle ou telle loi, tout irait bien. Non-sens. Les choses n’iraient pas bien. Elles ne vont déjà pas, et elles empirent. Rapidement.

Ce n’est pas sim­ple­ment le faux espoir qui enchaîne ceux qui vont en son sens. C’est l’espoir lui-même.

L’espoir, nous dit-on, est notre phare dans la nuit. Notre lumière à la fin d’un long et sombre tun­nel. Le rayon de lumière, qui, contre toute attente, par­vient à péné­trer jusque dans nos cel­lules. Notre rai­son de per­sé­vé­rer, notre pro­tec­tion contre le déses­poir (qui doit à tout prix, et donc à celui de notre san­té et de celle du monde, être évi­té). Com­ment conti­nuer si nous n’avons pas d’espoir ?

On nous a tous ensei­gné que l’espoir d’une condi­tion future meilleure — comme l’espoir d’un para­dis futur — est et doit être notre refuge dans la peine pré­sente. Je suis sûr que vous vous sou­ve­nez de l’histoire de Pan­dore. On lui remit une boîte fer­me­ment scel­lée et on lui dit de ne jamais l’ouvrir. Mais, curieuse, elle l’ouvrit, et en sor­tirent les fléaux, les peines et les cala­mi­tés, pro­ba­ble­ment pas dans cet ordre. Elle refer­ma la boîte, trop tard. Une seule chose y était res­tée : l’espoir. L’espoir, selon la légende, était « le seul bien que conte­nait le cof­fret par­mi tous les maux, et reste à ce jour le seul récon­fort de l’humanité en cas de mal­heur ». Aucune men­tion ici de l’action comme récon­fort en cas de mal­heur, ou de réel­le­ment faire quelque chose pour apai­ser ou éli­mi­ner l’infortune. (For­tune : du latin for­tu­na, appa­ren­té au latin fort‑, fors, hasard, chance : ce qui implique bien sûr que l’infortune que l’espoir est cen­sé récon­for­ter n’est que mal­chance, et non pas dépen­dante de cir­cons­tances que l’on puisse chan­ger : dans le cas pré­sent, je ne vois pas le rap­port entre la mal­chance et les misé­rables choix que l’on fait chaque jour et qui per­mettent à la civi­li­sa­tion de conti­nuer à détruire la Terre.)

Plus je com­prends l’espoir, plus je réa­lise que loin d’être un récon­fort, celui-ci méri­tait lar­ge­ment sa place dans la boîte aux côtés de tous les fléaux, peines et cala­mi­tés ; qu’il sert les besoins de ceux au pou­voir aus­si sûre­ment qu’une croyance en un dis­tant para­dis ; que l’espoir n’est vrai­ment rien de plus qu’une variante sécu­lière de la mys­ti­fi­ca­tion men­tale paradis/nirvana.

L’espoir est, en réa­li­té, une malé­dic­tion, un fléau.

Non seule­ment en rai­son de l’admirable dic­ton boud­dhiste, « l’espoir et la peur se pour­suivent l’un l’autre » — sans l’espoir il n’y a pas la peur — et non seule­ment parce que l’espoir nous éloigne du pré­sent, de qui et de là où nous sommes en ce moment et nous fait miroi­ter un état ima­gi­naire futur, mais sur­tout en rai­son de ce qu’est l’espoir.

Nous braillons plus ou moins tous et plus ou moins conti­nuel­le­ment à pro­pos de l’espoir. Vous ne croi­riez pas — ou peut-être le croi­riez-vous — com­bien d’éditeurs pour com­bien de maga­zines m’ont dit qu’ils vou­laient que j’écrive sur l’apocalypse, en me deman­dant ensuite de « faire en sorte de lais­ser aux lec­teurs un soup­çon d’espoir ». Mais, qu’est-ce que l’espoir, pré­ci­sé­ment ? Lors d’une confé­rence, au prin­temps der­nier, quelqu’un m’a deman­dé de le défi­nir. Je n’ai pas pu, et ai donc retour­né la ques­tion à l’audience. Voi­ci la défi­ni­tion qui a alors émer­gé : l’espoir est une aspi­ra­tion en une condi­tion future sur laquelle vous n’avez aucune influence. Cela signi­fie que vous êtes essen­tiel­le­ment impuissant.

Pensez‑y. Je ne vais pas, par exemple, dire que j’espère man­ger quelque chose demain. Je vais le faire. Je n’espère pas prendre une nou­velle res­pi­ra­tion main­te­nant, ni finir d’écrire cette phrase. Je le fais. D’un autre côté, j’espère que la pro­chaine fois que je pren­drais l’avion, il ne se cra­she­ra pas. Pla­cer de l’espoir en une fina­li­té signi­fie que vous n’avez aucune influence la concernant.

Tant de gens disent qu’ils espèrent que la culture domi­nante cesse de détruire le monde. En disant cela, ils garan­tissent sa conti­nua­tion, au moins à court-terme, et lui prêtent un pou­voir qu’elle n’a pas. Ils s’écartent aus­si de leur propre pouvoir.

Je n’espère pas que le sau­mon coho sur­vive. Je ferai ce qu’il faut pour évi­ter que la culture domi­nante ne les exter­mine. Si les coho sou­haitent par­tir en rai­son de la façon dont ils sont trai­tés — et qui pour­rait leur en vou­loir ? — je leur dirai au revoir, et ils me man­que­ront, mais s’ils ne sou­haitent pas par­tir, je ne per­met­trai pas à la civi­li­sa­tion de les exter­mi­ner. J’agirai quoi qu’il en coûte.

Je n’espère pas que la civi­li­sa­tion s’effondre le plus tôt pos­sible. Je ferai ce qu’il faut pour que cela arrive.

[…] Beau­coup de gens ont peur de res­sen­tir du déses­poir. Ils craignent qu’en s’autorisant à per­ce­voir le déses­poir de notre situa­tion, ils devront alors être constam­ment mal­heu­reux. Ils oublient qu’il est pos­sible de res­sen­tir plu­sieurs choses en même temps. Je suis plein de rage, de peine, de joie, d’amour, de haine, de déses­poir, de bon­heur, de satis­fac­tion, d’insatisfaction, et d’un mil­lier d’autres sen­ti­ments. Ils oublient aus­si que le déses­poir est une réponse tout à fait appro­priée pour une situa­tion déses­pé­rée. Beau­coup de gens ont aus­si pro­ba­ble­ment peur qu’en s’autorisant à per­ce­voir à quel point les choses sont déses­pé­rées, ils seront peut-être alors for­cés de faire quelque chose pour chan­ger leurs circonstances.

Pas­sons main­te­nant à la vidéo de Slate, au style hol­ly­woo­dien (qui n’est pas sans rap­pe­ler les vidéos de pro­pa­gande des médias de masse qui firent récem­ment le buzz sur le web durant la guerre en Syrie), énu­mé­rant 13 points sélec­tion­nés ; de quoi ras­su­rer les foules de naïfs que la com­bi­nai­son de jolies images, de faits tron­qués et d’une musique entraî­nante suf­fit à cap­ti­ver. Voi­ci les points qu’elle met en avant :

  1. Les baleines ain­si que 9 autres espèces ne sont plus menacées.
  2. En Inde, 50 mil­lions d’arbres ont été plan­tés et une refo­res­ta­tion de 12 % est prévue.
  3. Jua­rez, la ville la plus dan­ge­reuse du monde, est désor­mais moins dan­ge­reuse, la cri­mi­na­li­té diminue.
  4. La Chine pré­voit de fer­mer 1 mil­lier de mines de char­bon et de ne plus en ouvrir pen­dant 3 ans.
  5. Taï­wan pré­voit d’au­to­ri­ser le mariage homosexuel.
  6. 93% des enfants dans le monde ont appris à lire et écrire.
  7. L’espérance de vie en Afrique a aug­men­té de 9,4 années depuis 2000.
  8. La mor­ta­li­té infan­tile en Rus­sie a dimi­nué 12 %.
  9. La cri­mi­na­li­té chute aux pays bas, où 1/3 des cel­lules de pri­son sont inoccupées.
  10. La Gam­bie et la Tan­za­nie ont mis fin au mariage for­cé des enfants.
  11. La peine de mort est désor­mais illé­gale dans plus de la moi­tié des pays.
  12. La faim dans le monde recule, atteint son niveau le plus bas depuis 25 ans.
  13. Les nais­sances de pan­das battent de nou­veaux records.

Le point 1 et le point 13, qui n’en forment qu’un, nous les com­men­tons déjà à tra­vers nos remarques sur l’ar­ticle de Libé­ra­tion (cf. point 1). Ce qu’on peut se deman­der, c’est si le choix de finir sur la nais­sance de bébés pan­das (mas­cottes velues ado­rées des foules), quitte à rajou­ter un point qui fait dou­blon, est for­tuit ou délibéré.

Le deuxième point nous offre l’oc­ca­sion de nous pen­cher sur la situa­tion éco­lo­gique de l’Inde. Par­mi les choses que l’on peut apprendre sur cet évè­ne­ment, il y a le fait que ces arbres ont été plan­tés « en des endroits spé­ci­fiques, le long de routes, d’au­to­routes, de voies fer­rées et de terres boi­sées », et que « seuls 60% de ces arbres sur­vi­vront » (puisque les autres mour­ront de soif). On com­prend dès lors qu’il ne s’a­git pas vrai­ment de forêts que l’on replante, tout comme les par­celles boi­sées régu­liè­re­ment cou­pées pour l’in­dus­trie du bois n’ont jamais l’oc­ca­sion de deve­nir de vraies forêts. L’é­tat des forêts indiennes est l’ob­jet de mani­pu­la­tion sta­tis­tiques liées à des défi­ni­tions dou­teuses. Le gou­ver­ne­ment indien pré­tend que la cou­ver­ture fores­tière a aug­men­té en Inde, ces der­niers temps. Ce que plu­sieurs études, se basant sur une défi­ni­tion plus rigou­reuse de ce qu’est une forêt, viennent contre­dire. La sur­face recou­verte de forêts « denses » dimi­nue constam­ment. En 1930, en Inde, les forêts recou­vraient 869 012 km², contre 625 565 en 2013, une perte de 243 447 km² (28%) en 80 ans (source). En 2015, selon les chiffres du gou­ver­ne­ment indien, la forêt recou­vrait cepen­dant 701 673 km². La cou­ver­ture fores­tière, en Inde, aurait ain­si aug­men­té au cours des 13 der­nières années, selon le gou­ver­ne­ment indien (qui recon­nait éga­le­ment que sur les 30 der­nières années, 15 000 km² de forêt ont été per­dus à cause de l’é­ta­le­ment urbain et 14 000 à cause de plus de 23 716 pro­jets indus­triels). Cette aug­men­ta­tion s’explique par la plan­ta­tion d’arbres, par­ti­cu­liè­re­ment de mono­cul­tures, qui ne peuvent pas se sub­sti­tuer aux forêts natu­relles et diver­si­fiées, per­dues pour tou­jours. Cette crois­sance annon­cée est qua­li­fiée par la revue Eco­no­mic Times (pour­tant loin d’être une revue d’é­co­lo­gie radi­cale) de « résul­tat de jon­gle­ries sta­tis­tiques et de l’utilisation de défi­ni­tions erro­nées de la part du minis­tère des forêts ». Sachant que l’Inde compte construire plus de 50 000 km de routes sur les 6 pro­chaines années, entre autres infra­struc­tures indus­trielles. Mais j’i­ma­gine que les gens n’ont pas à savoir tout ça, qu’ils peuvent bien se conten­ter de jolies images, d’une musique exci­tante, et de slo­gans simplistes.

Le troi­sième point, com­ment dire, ne nous inté­resse pas plus que ça. Que la ville de Jua­rez soit plus calme est fort bien pour ses habi­tants. Pour la pla­nète, c’est autre chose. L’é­ta­le­ment urbain étant une des pre­mières nui­sances qui soit pour la bio­di­ver­si­té et la san­té des éco­sys­tèmes, qu’une ville se porte bien, eh bien, ça n’est pas néces­sai­re­ment une bonne chose.

Le qua­trième point, atten­dons voir. Il s’a­git de pré­vi­sions. De quelque chose qui doit se pro­duire. Le pla­cer dans les réus­sites de 2016 est légè­re­ment pré­ma­tu­ré. Sur­tout lorsque la Chine, ain­si que nous le rap­porte notre cher quo­ti­dien Le Monde, à tra­vers son « 13e plan quin­quen­nal pour l’énergie, dévoi­lé lun­di 7 novembre par l’Administration natio­nale pour l’énergie, pré­voit une aug­men­ta­tion de la capa­ci­té des cen­trales à char­bon du pays de 19 % d’ici à 2020 », qui conti­nue : « La Chine, pre­mier émet­teur mon­dial de CO2, va conti­nuer à construire des cen­trales à char­bon, source d’énergie la plus pol­luante. Le pays, qui peut aujourd’hui pro­duire 920 giga­watts d’électricité grâce au char­bon, pré­voit d’augmenter cette capa­ci­té jusqu’à 1 100 GW d’ici à 2020 ». Nove­thic sou­ligne éga­le­ment que « la Chine veut inves­tir 460 mil­liards d’euros dans de nou­velles cen­trales à char­bon ». Ce qu’on peut encore ajou­ter, c’est que la Chine importe de plus en plus de char­bon depuis l’é­tran­ger, ces der­nières années, où elle finance d’autres mines (comme en Bir­ma­nie, au Cana­da, en Mon­go­lie, en Rus­sie, en Afrique du Sud, et ailleurs), et qu’elle entre­prend actuel­le­ment la construc­tion de cen­trales nucléaires (flot­tantes (!)), tout en aidant, entre autres, le Pakis­tan a en construire (des cen­trales nucléaires nor­males, non-flot­tantes, qui cou­le­raient sur­ement si on les pla­çait en mer).

Le cin­quième point, même chose, pré­vi­sions. Et puis, le mariage homo­sexuel pour sau­ver la pla­nète, on est scep­tique. C’est sûre­ment très bien pour ceux que cela concerne.

Le sixième point, la pro­gres­sion de l’en­doc­tri­ne­ment et de l’ins­truc­tion à l’oc­ci­den­tal, qui relève his­to­ri­que­ment et encore actuel­le­ment de l’eth­no­cide ou d’une insi­dieuse accul­tu­ra­tion, voyez-vous, ne laisse rien augu­rer de bon (pour plus de détails concer­nant ce sujet, nous avons récem­ment publié cet article, et vous pou­vez éga­le­ment regar­der cet excellent documentaire) :

Le sep­tième point, bon, pour­quoi pas, pris comme ça, seule­ment, si on ana­lyse le com­ment, les choses se com­pliquent. En ce qui concerne l’es­pé­rance de vie, rap­pe­lons plu­sieurs choses, et d’a­bord que ces der­nières années, elle a dimi­nué aux États-Unis comme en France. L’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie moyenne dans le monde déve­lop­pé pré­sente le même pro­blème para­doxal que l’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie moyenne dans le monde « en déve­lop­pe­ment ». Elle est en par­tie le résul­tat du confort et des agré­ments que l’in­dus­tria­lisme, qui a rava­gé et qui ravage le monde, nous a offert. Cela valait-il et cela vaut-il le coup de rui­ner la pla­nète à coups de mines, de cen­trales pol­luantes, d’é­mis­sions de gaz à effet de serre, de pol­lu­tions plas­tiques et métal­liques diverses, etc., dans le seul but de vivre plus long­temps ? L’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie moyenne d’une par­tie des humains et pour un temps limi­té (puis­qu’elle repose sur une civi­li­sa­tion qui se rap­proche tous les jours plus de son effon­dre­ment) et à un tel prix, est-elle une bonne chose ?

Les même ques­tions sont valables pour le 8ème point, qui, dans l’ab­so­lu (hors contexte, consi­dé­ré iso­lé­ment), est une bonne chose.

Le 9ème point, pareil, si pour la socié­té indus­trielle des Pays-Bas c’est peut-être une amé­lio­ra­tion, en quoi cela nous sort-il du pétrin dans lequel nous nous enfon­çons chaque jour un peu plus ?

Le 10ème point, très bien. Mais le choix de mettre en avant l’in­ter­dic­tion du mariage for­cé des enfants, en Gam­bie et en Tan­za­nie, relève d’une volon­té per­verse per­met­tant d’oc­cul­ter l’é­lé­phant dans la pièce, comme les grands médias savent si bien le faire. En Gam­bie, le pré­sident-élu Ada­ma Bar­row n’est pas encore en poste puisque son pré­de­ces­seur Yahya Jam­meh conteste sa défaite élec­to­rale, refuse la pas­sa­tion de pou­voir, et « pré­pare la guerre ». Bien des choses devraient être dites sur la Tan­za­nie, comme sur bien des pays « en déve­lop­pe­ment », dont l’é­co­no­mie dépend d’un pillage des matières pre­mières, d’une agri­cul­ture d’ex­por­ta­tion et des dévas­ta­tions éco­lo­giques que les deux entraînent. L’or est la pre­mière expor­ta­tion de la Tan­za­nie (1,37 mil­liards de dol­lars), qu’elle exporte vers l’A­frique du Sud, l’Inde, la Suisse et l’Aus­tra­lie. L’or est sui­vi par le tabac, qu’elle exporte vers la Bel­gique, le Luxem­bourg, l’Al­le­magne, la Pologne, la Rus­sie et la France, prin­ci­pa­le­ment. Après le tabac, on retrouve les expor­ta­tions de mine­rai de métaux pré­cieux (dia­mants et autres), vers le Japon, la Chine et l’Al­le­magne, notam­ment. Le café y est culti­vé pour expor­ta­tion vers le Japon, les États-Unis, l’I­ta­lie, l’Al­le­magne et la Bel­gique. Si au sein du sys­tème éco­no­mique actuel, qui détruit le monde, cela a un sens, éco­lo­gi­que­ment et socia­le­ment, ça n’en a aucun. Culti­ver pour expor­ter à l’in­ter­na­tio­nal est anti­éco­lo­gique au pos­sible. Détruire des éco­sys­tèmes qui sont l’ha­bi­tat de nom­breuses espèces pour creu­ser d’im­menses trous dans le sol afin d’en extraire divers maté­riaux des­ti­nés au sys­tème indus­triel moderne non plus (rap­pe­lons que l’or est encore prin­ci­pa­le­ment uti­li­sé dans le domaine de la bijou­te­rie, cru­cial n’est-ce pas). Peut-être qu’il serait inté­res­sant que les médias de masse, lors­qu’ils daignent par­ler de pays « en déve­lop­pe­ment », abordent ces sujets-là, qui sont bien plus vitaux, à tous points de vue.

Le 11ème point, soit, même si la peine de mort est tou­jours de mise aux USA, en Chine, et ailleurs…

Le 12ème point, pré­sen­té ain­si, est gro­tesque. Pour­quoi la faim dans le monde existe-t-elle ? Quelles en sont les causes et les méca­nismes ? Au sein de la socié­té de consom­ma­tion mon­dia­li­sée, une par­tie colos­sale des den­rées ali­men­taires est pure­ment et sim­ple­ment jetée et gâchée. L’é­co­no­mie de mar­ché décide de la répar­ti­tion de la nour­ri­ture. Les pra­tiques agri­coles de tous les pays du monde devraient être ana­ly­sées, éva­luées et dis­cu­tées. Le sys­tème éco­no­mique mon­dial per­met aux pays « déve­lop­pés » de piller les pays où des gens meurent de faim. Un pro­blème dont on attend tou­jours de Slate qu’ils s’en sai­sissent. Mais qu’ils n’ex­po­se­ront jamais ain­si. Inté­rêts éco­no­miques et poli­tiques obligent. Comme l’ex­plique Jean Zie­gler, ancien rap­por­teur spé­cial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, « un enfant qui meurt de faim est assas­si­né », « la faim dans le monde tient du crime orga­ni­sé », et « les spé­cu­la­teurs devraient être jugés pour crime contre l’humanité ».

Dans l’en­semble, les seuls points véri­ta­ble­ment posi­tifs que contiennent les dif­fé­rentes ras­su­rances publiées par les médias de masse concernent ces quelques espèces dont les effec­tifs remontent légè­re­ment. (Et, dans le cas de l’ar­ticle de Libé­ra­tion, le fait que la ZAD de Notre-Dame-des-Landes tienne bon est aus­si un bon point). Le reste est un ramas­sis de bêtises qu’ils ont du gla­ner en tapant « bonnes nou­velles 2016 » sur le moteur de recherche de Google.

Cet autre opium du peuple qu’est l’es­poir, que les chiens de garde de l’ordre éta­bli — les chantres du pro­grès social et/ou tech­no­lo­gique, du déve­lop­pe­ment, de la crois­sance, etc. — cultivent régu­liè­re­ment, relève d’un for­mi­dable déni des réa­li­tés éco­lo­giques pré­sentes et de ses ten­dances his­to­riques, d’une gigan­tesque occul­ta­tion de l’é­lé­phant (désor­mais en voie de dis­pa­ri­tion) dans la pièce. A com­men­cer par le fait que la pla­nète va mal, de mal en pis, que l’ex­pan­sion de la civi­li­sa­tion indus­trielle est une catas­trophe en cours, avec ses crois­sances de zones urbaines, ses extrac­tions minières qui se mul­ti­plient, ses pro­duc­tions de déchets en tous genres, des plas­tiques aux métal­liques, avec sa sur­ex­ploi­ta­tion des res­sources non-renou­ve­lables, et sa sur­ex­ploi­ta­tion des res­sources renou­ve­lables, avec ses pol­lu­tions de l’air par des par­ti­cules de toutes sortes de tailles et toxiques, avec l’eth­no­cide qu’elle pour­suit, afin qu’il ne reste qu’une mono­cul­ture domi­nante, et ain­si de suite.

La popu­la­ri­té de ces ras­su­rances témoigne de la pas­si­vi­té du public en géné­ral, qui absorbe des slo­gans sim­plistes dont il pour­rait aisé­ment se rendre compte de l’ab­sur­di­té s’il fai­sait l’ef­fort de se ren­sei­gner lui-même, un mini­mum, à leur sujet. Comme tou­jours, les infor­ma­tions sont dis­po­nibles. Les ten­dances, assez claires. Dont la ten­dance des médias de masse à faus­ser ou à défor­mer l’in­for­ma­tion, et la ten­dance du public à ne pas s’en sou­cier, à accep­ter des men­songes, pour­vus qu’ils soient ras­su­rants. Mal­heu­reu­se­ment, ces men­songes ras­su­rants détruisent la pla­nète, qui est notre seule maison.

Howard Zinn, his­to­rien et acti­viste états-unien, s’é­ver­tuait à rap­pe­ler aux gens que « le gou­ver­ne­ment n’est pas notre ami », un euphé­misme pour dire que le gou­ver­ne­ment est notre enne­mi. Les médias non plus, ne sont pas nos amis, à l’ins­tar des célé­bri­tés. Le poids des démis­sions indi­vi­duelles, des renon­ce­ments face à l’i­ner­tie de l’é­poque et au règne des ins­ti­tu­tions domi­nantes, que beau­coup prennent pour une fata­li­té, n’est qu’un mau­vais choix col­lec­tif. Attendre de ces ins­ti­tu­tions (médias, poli­ti­ciens, etc.), ou de cette culture plus géné­ra­le­ment, qu’elles nous guident vers un monde meilleur, c’est faire preuve du « loya­lisme sui­ci­daire » dont par­lait Aldous Hux­ley dans son livre « Les temps futurs » :

« Car, en fin de compte, la peur chasse même l’hu­ma­ni­té de l’homme. Et la peur, mes bons amis, la peur est la base et le fon­de­ment de la vie moderne. […] La peur de la science, qui enlève d’une main plus encore qu’elle ne donne avec une telle pro­fu­sion de l’autre. La peur des ins­ti­tu­tions dont le carac­tère mor­tel est démon­trable et pour les­quelles, dans notre loya­lisme sui­ci­daire, nous sommes prêts à tuer et à mou­rir. La peur des Grands Hommes que, par accla­ma­tion popu­laire, nous avons éle­vés à un pou­voir qu’ils uti­lisent, inévi­ta­ble­ment, pour nous assas­si­ner et nous réduire en esclavage. »

Dans son article « Notre manie d’es­pé­rer est une malé­dic­tion », Chris Hedges dénonce à sa manière ce loya­lisme sui­ci­daire :

« La croyance naïve selon laquelle l’histoire est linéaire, et le pro­grès tech­nique tou­jours accom­pa­gné d’un pro­grès moral, est une forme d’aveuglement col­lec­tif. Cette croyance com­pro­met notre capa­ci­té d’action radi­cale et nous berce d’une illu­sion de sécu­ri­té. Ceux qui s’accrochent au mythe du pro­grès humain, qui pensent que le monde se dirige inévi­ta­ble­ment vers un état mora­le­ment et maté­riel­le­ment supé­rieur, sont les cap­tifs du pou­voir. Seuls ceux qui acceptent la pos­si­bi­li­té tout à fait réelle d’une dys­to­pie, de la mon­tée impi­toyable d’un tota­li­ta­risme ins­ti­tu­tion­nel, ren­for­cé par le plus ter­ri­fiant des dis­po­si­tifs de sécu­ri­té et de sur­veillance de l’histoire de l’humanité, sont sus­cep­tibles d’effectuer les sacri­fices néces­saires à la révolte.

L’aspiration au posi­ti­visme, omni­pré­sente dans notre culture capi­ta­liste, ignore la nature humaine et son his­toire. Cepen­dant, ten­ter de s’y oppo­ser, énon­cer l’évidence, à savoir que les choses empirent, et empi­re­ront peut-être bien plus encore pro­chai­ne­ment, c’est se voir exclure du cercle de la pen­sée magique qui carac­té­rise la culture états-unienne et la grande majo­ri­té de la culture occi­den­tale. La gauche est tout aus­si infec­tée par cette manie d’espérer que la droite. Cette manie obs­cur­cit la réa­li­té, au moment même où le capi­ta­lisme mon­dial se dés­in­tègre, et avec lui l’ensemble des éco­sys­tèmes, nous condam­nant poten­tiel­le­ment tous. »

La « pen­sée magique » fait réfé­rence à une « forme de pen­sée qui s’at­tri­bue la puis­sance de pro­vo­quer l’ac­com­plis­se­ment de dési­rs, l’empêchement d’é­vé­ne­ments ou la réso­lu­tion de pro­blèmes sans inter­ven­tion maté­rielle ».

Mais le phé­no­mène que l’on observe aujourd’­hui, plus stu­pide encore, ne relève pas que de cette pen­sée magique. Il relève de la contra­dic­tion pure.

Dans une article récem­ment publié (le 27 décembre 2016) sur le site du Guar­dian, on peut lire les résul­tats d’une étude publiée le 20 décembre 2016 par l’A­ca­dé­mie Natio­nale des Sciences des USA, por­tant sur la crois­sance des villes. L’é­tude en ques­tion nous rap­porte que « d’ici 2030, on estime que la taille des zones urbaines du monde va tri­pler ». Ce qui se rap­porte à ce que nous écri­vons plus haut, à pro­pos du boom de construc­tions d’in­fra­struc­tures et d’é­ta­le­ment urbain que connaissent d’ores et déjà la plu­part des pays « en déve­lop­pe­ment », et dans une moindre mesure les pays « déve­lop­pés » (routes, bar­rages, voies fer­rées, villes, etc.), et dont il est pré­vu qu’il s’in­ten­si­fie encore au cours des pro­chaines décen­nies. Ne pas com­prendre ce que cela implique pour la bio­di­ver­si­té pla­né­taire res­tante et pour l’é­tat du monde natu­rel en géné­ral implique de sacré­ment le vou­loir. La ville est un mode d’ha­bi­tat anti­éco­lo­gique (c’est expli­qué plus en détails ici), la pres­sion que fait peser la civi­li­sa­tion urbaine sur la pla­nète (et ses « res­sources ») est lar­ge­ment insou­te­nable, et ce depuis déjà long­temps, ima­gi­nez donc les effets que pro­dui­ra cette expan­sion planifiée.

Les pro­messes d’es­poir que dis­til­lent l’a­ris­to­cra­tie diri­geante, dont cer­tains « éco­lo­gistes » capi­ta­listes ou éco­ca­pi­ta­listes  — des éco­lo­gistes spé­cia­li­sés dans le green­wa­shing, un pro­cé­dé de mar­ke­ting ou de rela­tions publiques uti­li­sé par une orga­ni­sa­tion (entre­prise, admi­nis­tra­tion publique natio­nale ou ter­ri­to­riale, etc.) dans le but de se don­ner une image éco­lo­gique res­pon­sable — sont des impos­si­bi­li­tés tech­niques. Comme croire que plus de tech­no­lo­gie peut résoudre le pro­blème que les hautes tech­no­lo­gies sont en train de per­pé­tuer. Croire que les ins­ti­tu­tions qui orga­nisent la ruine de la pla­nète peuvent la sau­ver. Croire que l’on peut pré­ser­ver notre confort indus­triel ET ces­ser de détruire et de pol­luer le monde natu­rel ; croire que l’on peut conti­nuer avec l’é­ta­le­ment urbain ET pré­ser­ver la bio­di­ver­si­té et les popu­la­tions d’es­pèces sau­vages. Rap­pel, en bref : le confort indus­triel dépend de mul­tiples pra­tiques des­truc­trices, extrac­tions minières (des­truc­tion d’ha­bi­tat), exploi­ta­tions de res­sources non-renou­ve­lables, émis­sions de pol­luants divers et variés, entre autres (et sans même abor­der l’ex­ploi­ta­tion et les inéga­li­tés sociales qu’il requiert). L’é­ta­le­ment urbain (indis­so­ciable de la civi­li­sa­tion indus­trielle et de son confort) détruit éga­le­ment l’ha­bi­tat d’un nombre incal­cu­lables d’es­pèces non-humaines, par essence. Sur une pla­nète finie, il y a impos­si­bi­li­té logique. Mais les mythes ont la peau dure, et notam­ment celui du pro­grès, que dénon­çait déjà Aldous Hux­ley dans son livre « Les temps futurs » :

« Dès le début de la révo­lu­tion indus­trielle, il avait pré­vu que les hommes seraient gra­ti­fiés d’une pré­somp­tion tel­le­ment outre­cui­dante pour les miracles de leur propre tech­no­lo­gie qu’ils ne tar­de­raient pas à perdre le sens des réa­li­tés. Et c’est pré­ci­sé­ment ce qui est arrivé.

Ces misé­rables esclaves des rouages et des registres se mirent à se féli­ci­ter d’être les Vain­queurs de la Nature, vrai­ment ! En fait, bien enten­du, ils avaient sim­ple­ment ren­ver­sé l’é­qui­libre de la Nature et étaient sur le point d’en subir les conséquences.

Son­gez donc à quoi ils se sont occu­pés au cours du siècle et demi qui a pré­cé­dé la Chose. A pol­luer les rivières, à tuer tous les ani­maux sau­vages, au point de les faire dis­pa­raître, à détruire les forêts, à déla­ver la couche super­fi­cielle du sol et à la déver­ser dans la mer, à consu­mer un océan de pétrole, à gas­piller les miné­raux qu’il avait fal­lu la tota­li­té des époques géo­lo­giques pour dépo­ser. Une orgie d’imbécillité criminelle.

Et ils ont appe­lé cela le Pro­grès. Le Pro­grès ! Je vous le dis, c’é­tait une inven­tion trop fan­tas­tique pour qu’elle ait été le pro­duit d’un simple esprit humain – trop démo­nia­que­ment iro­nique ! Il a fal­lu pour cela une Aide exté­rieure. Il a fal­lu la Grâce de Bélial, qui, bien enten­du, est tou­jours offerte – du moins, à qui­conque est prêt à coopé­rer avec elle. »

Le mythe du pro­grès et les espoirs qu’il véhi­cule, selon les­quels les contra­dic­tions pré­cé­dem­ment citées se résou­dront d’elles-mêmes, consti­tue la plus dan­ge­reuse des illu­sions. Non pas qu’il n’y ait aucun espoir de voir un jour l’é­tat du monde et de nos socié­tés s’a­mé­lio­rer. Qui vivra ver­ra. Mais ce qui est clair, c’est que la voie sur laquelle nous sommes col­lec­ti­ve­ment enga­gés est une impasse. & qu’é­tant don­né le carac­tère anti-éco­lo­gique des fon­de­ments mêmes de la civi­li­sa­tion indus­trielle, aucune réforme n’y fera rien. Les espoirs qui pré­tendent autre­ment sont autant de mensonges.

Col­lec­tif Le Partage


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7 comments
  1. Très bon article.

    « En ce qui concerne l’espérance de vie, rap­pe­lons plu­sieurs choses, et d’abord que ces der­nières années, elle a dimi­nué aux États-Unis comme en France. »
    Preuve que l’es­pé­rance de vie n’a rien à voir avec le progrès.

    Don­ner une espé­rance de vie à quel­qu’un qui vient de naitre ou qui à 20 ans relève de la fraude.
    L’es­pé­rance de vie devrait en véri­té se réfé­rer à une espé­rance de vie selon une cer­taine époque, un cer­tain déve­lop­pe­ment, PIB, mode vie…

    On remar­que­ra à ce sujet que ceux qui ont vécu le plus long­temps (puisque l’es­pé­rance de vie décroît actuel­le­ment) sont nées à une époque où méde­cine, confort, hygiène était rare et que la décrois­sance de l’es­pé­rance de vie actuelle concerne ceux qui ont béné­fi­cié du pro­grès, des vaccins…il ne fait nul doute pour moi que dans l’a­ve­nir l’es­pé­rance de vie va encore décroître et que l’é­poque de nais­sance de ces morts pré­coces cor­res­pon­dra sûre­ment à ce qu’on consi­dére aujourd’­hui comme le sum­mum du progrès.

  2. Enfin!..

    Un écho, plus cette impres­sion de bour­don­ne­ment vide. Des mots qui font réson­ner le mal-être qui som­meille en moi depuis long­temps. Merci.

    Espé­rance de vie… pour une vie sans espé­rance. Prô­ner la quan­ti­té plu­tôt que la qua­li­té. L’en­jeu est double, nous faire consom­mer plus pour com­pen­ser ce mal-être et plus long­temps en aug­men­tant la durée ! Bingo !

    Et tout ça pour se retrou­ver dans une situa­tion où, à force de se faci­li­ter la vie par bon nombre de gad­gets (chers finan­ciè­re­ment et éco­lo­gi­que­ment), nous sommes obli­gés de nous dépen­ser arti­fi­ciel­le­ment pour entre­te­nir notre condi­tion phy­sique, re-Bingo !

    L’hu­main, ‘som­met’ de la créa­tion est deve­nu pitoyable dans sa vanité.

  3. apres avoir vu constats de des­truc­tions, et tant de deci­sions a court terme
    pen­dant tant d annees, j ai essaye de trou­ver la logique de ces gestes.
    ma conclusion ;
    l elite, les diri­geants, sonts convain­cus de la des­truc­tion imminente
    de la civi­li­sa­tion, peut etre meme de toute vie sur terre…
    c est la seule expli­ca­tion logique.
    meteo­rite, super vol­cans, guerre nucleaire, faites votre choix !
    donc, ils ne perdent rien a tout exploi­ter et tuer sur leur passage,
    puisque pour eux, tout est deja detruit.…

  4. L’ar­ticle rejoint tout à fait le livre de Paul Jorion  » Le der­nier qui s’en va éteint la lumière », dont la lec­ture est tout à fait salutaire

    1. Sauf que Paul Jorion est un tech­no­phile qui pensent que des robots et des machines pour­raient nous aider, sans com­prendre que des machines et des robots ne peuvent être que le fait d’une socié­té indus­trielle mon­dia­li­sée, elle-même insou­te­nable (des­truc­trice). Qu’il compte sur « les plus riches » pour régler nos pro­blèmes. Et d’autres âneries.

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