Les seigneurs de la mer & Revolution (Merci à Rob Stewart)

Le 3 février 2017, le corps du bio­lo­giste et vidéaste éco­lo­giste Rob Ste­wart a été retrou­vé au fond de la mer, au large de la Flo­ride, où il était allé plon­ger, après 72 heures de recherches inten­sives par bateaux, drones et héli­co­ptères. Il y tour­nait son troi­sième long-métrage docu­men­taire : Shark­wa­ter 2 : Extinc­tion (une suite à son pre­mier long-métrage « Shark­wa­ter », publié en France sous le nom « Les sei­gneurs de la mer »), cen­sé révé­ler l’am­pleur de l’in­dus­trie mul­ti­mil­liar­daire de l’ex­ploi­ta­tion des requins (uti­li­sés dans l’in­dus­trie des cos­mé­tiques, dans l’in­dus­trie de la nour­ri­ture des ani­maux de com­pa­gnie, pour nour­rir le bétail, comme engrais, dans nos vac­cins, etc.). Il nous quitte donc à 37 ans, à la suite d’un acci­dent de plon­gée. Parce que son tra­vail importe énor­mé­ment, bien que nous ne par­ta­gions pas cer­taines de ses consi­dé­ra­tions et pré­co­ni­sa­tions, nous repu­blions ici ses deux pre­miers films, en VO sous-titrées, en atten­dant et en espé­rant que le troi­sième soit fina­li­sé et diffusé.

Les seigneurs de la mer (« Sharkwater » / 2006)

En 2006, Rob Ste­wart sor­tait son pre­mier film docu­men­taire inti­tu­lé « Shark­wa­ter », tra­duit en fran­çais par « Les sei­gneurs de la mer ». Depuis l’en­fance, Rob Ste­wart se pas­sionne pour les requins. À tel point qu’il est deve­nu bio­lo­giste et pho­to­graphe sous-marin afin de pou­voir nager avec eux, décryp­ter leur mys­tère et décons­truire le mythe du requin man­geur d’hommes. Ce mythe, entiè­re­ment fabri­qué, est lar­ge­ment res­pon­sable de l’in­dif­fé­rence qui entoure, un peu par­tout dans le monde, le mas­sacre de la popu­la­tion de requins à des fins com­mer­ciales. Du Cos­ta-Rica aux Îles Gala­pa­gos en pas­sant par le Gua­te­ma­la, Rob et l’é­qui­page de l’or­ga­ni­sa­tion de Paul Wat­son, Sea She­pherd, tentent de dénon­cer et de mettre en échec les bra­con­niers à la solde de mafias asia­tiques sou­te­nues par des gou­ver­ne­ments cor­rom­pus. Il y va de l’é­qui­libre éco­lo­gique de la planète.

Revolution (2013)

Dans son film, Revo­lu­tion, Rob Ste­wart démontre à quel point la pol­lu­tion, la défo­res­ta­tion, les usines à char­bon, les émis­sions de gaz car­bo­nique, les sables bitu­mi­neux et la sur­pêche détruisent l’en­vi­ron­ne­ment. Rob invite les habi­tants de la pla­nète à se mobi­li­ser pour sau­ver cette Terre qu’on habite et que, trop sou­vent, on déshonore.

« À quoi ça sert de sau­ver les requins si, de toute façon, l’ONU pré­voit que, d’ici 2048, il n’y aura plus de pois­sons dans les océans ? »

Lorsqu’une spec­ta­trice lui a posé cette ques­tion dérou­tante après la pro­jec­tion de son film Shark­wa­ter à Hong Kong, Rob Ste­wart est res­té bouche bée. Effec­ti­ve­ment, à quoi bon pro­té­ger les requins si toutes les espèces marines vont finir par dis­pa­raître ? Sous le choc, le bio­lo­giste deve­nu réa­li­sa­teur a bal­bu­tié une réponse floue. « Il faut choi­sir ses com­bats… et puis…. quelque chose comme ça ».

Dans Shark­wa­ter (Les sei­gneurs de la mer), son pre­mier film, le Toron­tois s’était por­té à la défense des requins, ces pré­da­teurs qui conti­nuent de souf­frir de la mau­vaise répu­ta­tion qu’on leur a col­lée depuis Jaws. Des ani­maux pour les­quels il a tou­jours eu une affec­tion par­ti­cu­lière, et qui sont lour­de­ment affec­tés, voire déci­més, par l’industrie de la pêche à l’aileron.

« À quoi bon lut­ter si, au final, il ne reste plus rien ? » a donc vou­lu savoir cette jeune femme. Micro à la main, Rob Ste­wart a essayé de répondre. Mais il n’a pas pu. Et il s’est dit qu’il devait faire quelque chose. Ce quelque chose a été Revo­lu­tion. Un film dont le tour­nage s’est éta­lé sur plu­sieurs années et qui l’a ame­né à par­cou­rir la pla­nète pour consta­ter le ter­rible déclin de notre éco­sys­tème et pour ten­ter d’y trou­ver des solutions.

Pour vision­ner le film, cli­quez sur l’i­mage ci-dessous :

Une remarque : le tra­vail de Rob Ste­wart de mise en lumière de la nui­sance et de la catas­trophe que repré­sente l’in­dus­trie de la pêche au requin, et de la pêche en géné­ral, est excellent. Tout comme sa mise en lumière des ravages de l’in­dus­trie des com­bus­tibles fos­siles, de la défo­res­ta­tion et de ses consé­quences, et de la pol­lu­tion et de ses consé­quences. Cepen­dant, et ceux qui sont fami­liers de l’é­co­lo­gie radi­cale s’en rendent sûre­ment compte, dans ses films, l’a­na­lyse des méca­nismes et des causes qui sous-tendent l’in­dus­tria­lisme demeure super­fi­cielle ce qui explique pour­quoi les « solu­tions » pré­sen­tées sont du même aca­bit. Il manque une ana­lyse plus pro­fonde et plus vaste de la civi­li­sa­tion indus­trielle, his­to­rique, poli­tique et éco­lo­gique. Quoi qu’il en soit, son abné­ga­tion et son dévoue­ment envers la pro­tec­tion des requins est exemplaire.

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Confessions d’un écologiste en convalescence (par Paul Kingsnorth)

L’auteur des paragraphes qui suivent, Paul Kingsnorth, est un journaliste et activiste britannique. Au cours de sa carrière, Kingsnorth a travaillé pour The Independent, pour Greenpeace, a été rédacteur en chef du célèbre magazine The Ecologist, a écrit pour The Guardian, et beaucoup d’autres médias prestigieux, a co-fondé la campagne « Free West Papua », a œuvré au sein du groupe EarthAction, et bien d’autres choses encore. Il y a quelques années, il a décidé de quitter le milieu de l’écologie, de raccrocher les gants. Pour expliquer sa décision, il a publié un livre, une collection d’essais intitulée Confessions of a Recovering Environmentalist (Confessions d’un écologiste en convalescence), dont voici un petit extrait, rapidement traduit (le livre ne l'a pas encore été) :