Les Principes de Jogjakarta : une menace internationale contre les droits des femmes (par Hannah Harrison)

Cet article résume les prin­ci­paux points du dis­cours (inti­tu­lé « Impo­ser les droits sexuels des hommes dans le droit inter­na­tio­nal huma­ni­taire ») pro­non­cé par Shei­la Jef­freys, une ancienne pro­fes­seure de science poli­tique de l’u­ni­ver­si­té de Mel­bourne, en Aus­tra­lie, les­bienne et fémi­niste radi­cale, lors de l’évènement We Need To Talk, ‘Incon­ve­nient Women’ (« Nous devons par­ler, ‘Les femmes qui dérangent’ ») orga­ni­sé par Venice Allan à Londres le 13 juin 2018. Une trans­crip­tion com­plète (en anglais) est dis­po­nible ici. Pour en savoir plus sur la pers­pec­tive fémi­niste de Shei­la Jef­freys, vous pou­vez éga­le­ment lire ce texte.


Que sont les Principes de Jogjakarta ?

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta ont été créés lors d’une ren­contre en Indo­né­sie en novembre 2006 ; en 2017, d’autres prin­cipes leurs ont été ajou­tés, sous le qua­li­fi­ca­tif de « Plus 10 ». Par­mi leurs signa­taires on retrouve d’importants mili­tants en faveurs des droits humains, d’importants juristes et fonctionnaires.

Ce docu­ment four­ni une charte de droits d’im­por­tance cru­ciale pour les gays et les lesbiennes.

« Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, en ce qui concerne les droits des gays et des les­biennes, sont très néces­saires. Il est mal­heu­reux qu’ils soient com­pro­mis et sub­ver­tis par la créa­tion de droits prin­ci­pa­le­ment en faveur des hommes hété­ro­sexuels qui se tra­ves­tissent à l’i­mage de femmes. » (Jef­freys, 2018)

Les élé­ments posi­tifs des Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta sont lar­ge­ment esca­mo­tés par une sec­tion por­tant sur « l’identité de genre ». Les consé­quences poten­tielles de cette « iden­ti­té de genre » sont peut-être pas­sées inaper­çues aux yeux de ceux qui consi­dèrent que cette sec­tion ne fait qu’encourager la pro­tec­tion des « trans­genres » contre la vio­lence et la dis­cri­mi­na­tion. Cepen­dant, ce n’est pas le cas. La sec­tion sur « l’identité de genre » menace les droits de toutes les femmes.

Le concept de l’i­den­ti­té de genre « menace la notion même des droits des femmes en tant que droits humains ». (Jef­freys, 2018)

Cette sec­tion por­tant sur  « l’identité de genre » vise à ins­crire dans le droit l’idée selon laquelle le « genre » (c’est-à-dire les rôles et sté­réo­types sexuels) serait inné, à sup­pri­mer les mesures de pro­tec­tion des femmes bio­lo­giques, et à faire en sorte que la cri­tique fémi­niste du « genre » devienne une forme de discrimination.

Le « genre » est l’outil patriar­cal ser­vant à oppri­mer les femmes. Il « ordonne les com­por­te­ments de deux groupes d’individus dans une hié­rar­chie oppres­sive com­pre­nant les subor­don­nées, les femmes, et les domi­nants, les hommes » (ibid.). Dans ce sys­tème, la « fémi­ni­té » consti­tue l’attitude assi­gnée à la classe subor­don­née, et la « mas­cu­li­ni­té », celle de la classe dominante.

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta affirment étran­ge­ment que la « pro­tec­tion du genre » est une com­po­sante de la lutte pour l’égalité des femmes :

« PRENANT NOTE : […] que le res­pect des droits sexuels, de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre fait par­tie inté­grante de la réa­li­sa­tion de l’égalité entre les hommes et les femmes et que les États doivent prendre des mesures pour par­ve­nir à l’élimination des pré­ju­gés et des pra­tiques cou­tu­mières fon­dées sur l’idée de l’infériorité ou de la supé­rio­ri­té de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle sté­réo­ty­pé des hommes et des femmes […]. » (Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, p.9, 2007)

Rem­pla­cer « iden­ti­té de genre » par « sté­réo­types de rôles sexuels » per­met de faire res­sor­tir la nature contra­dic­toire de cette affirmation :

« Le res­pect des sté­réo­types de rôles sexuels fait par­tie inté­grante de la réa­li­sa­tion de l’égalité entre les hommes et les femmes, […] les États doivent prendre des mesures pour par­ve­nir à l’élimination des pré­ju­gés et des pra­tiques cou­tu­mières fon­dées sur l’idée de l’infériorité ou de la supé­rio­ri­té de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle sté­réo­ty­pé des hommes et des femmes. »

La pro­tec­tion du « genre »  est en réa­li­té la pro­tec­tion de l’oppression des femmes.

Les origines de la section sur l’identité de genre des Principes de Jogjakarta

La sec­tion por­tant sur « l’identité de genre » des Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta est le pro­duit des cam­pagnes de pro­pa­gande orga­ni­sées par des hommes tra­ves­tis, dans le but de pro­té­ger leur féti­chisme maso­chiste sexuel en l’inscrivant dans le droit. Ces hommes tirent leur plai­sir de l’érotisation de la subor­di­na­tion des femmes. Aux États-Unis, les acti­vistes en faveur des droits des hommes ont com­pi­lé une « liste de sou­haits de la manière dont ils vou­draient que leurs fan­tasmes sexuels soient auto­ri­sés et pro­té­gés par l’État » (Jef­freys, 2018). Cette liste por­tait le nom de Inter­na­tio­nal Bill of Trans­gen­der Rights (Décla­ra­tion inter­na­tio­nale des droits des trans­genres, 1995), et a ser­vi de modèle pour la sec­tion por­tant sur « l’identité de genre » des Prin­cipes de Jogjakarta.

Des exi­gences qui étaient aupa­ra­vant consi­dé­rées comme outran­cières sont désor­mais dis­crè­te­ment accep­tées en rai­son de l’association incon­tes­tée entre les droits des gays et des les­biennes et ceux des « trans­genres ». Shei­la Jef­freys explique que cette asso­cia­tion pro­blé­ma­tique pour­rait décou­ler de la croyance his­to­rique de cer­tains sexo­logues selon laquelle les hommes homo­sexuels avaient « un cer­veau de femme dans un corps d’homme » (ibid.). L’orientation sexuelle et « l’identité de genre » sont désor­mais tel­le­ment assi­mi­lées que l’acronyme SOGI (Sexual Orien­ta­tion and Gen­der Iden­ti­ty) est régu­liè­re­ment uti­li­sé dans les cam­pagnes pour les droits humains.

Cette asso­cia­tion, extrê­me­ment pré­ju­di­ciable, rend dif­fi­cile le fait de sou­te­nir les droits des gays et des les­biennes sans céder aux exi­gences des féti­chistes sexuels masculins.

« Pour ne don­ner qu’un seul exemple, les les­biennes en Afrique du Sud sont très sou­vent vio­lées et assas­si­nées dans un État qui s’en lave les mains. Et actuel­le­ment, nous ne pou­vons pas sou­te­nir leurs droits sans éga­le­ment sou­te­nir les droits de tra­ves­tis hété­ro­sexuels de s’immiscer dans les espaces réser­vés aux femmes, de pro­fi­ter des oppor­tu­ni­tés qui leurs sont réser­vées, de se faire pas­ser pour des ‘les­biennes’ et de faire pres­sion sur les les­biennes pour qu’elles acceptent le pénis. » (Jef­freys, 2018)

Comment l’implémentation des Principes de Jogjakarta nuirait-elle aux femmes ?

  • L’autodéclaration de « genre » ou l’abolition des espaces réser­vés aux femmes 

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta pro­meuvent la pra­tique de l’autodéclaration de « genre ». Au Royaume-Uni, des cri­tères « médi­caux » arbi­traires sont pré­sen­te­ment requis pour qu’une per­sonne soit léga­le­ment auto­ri­sée à chan­ger de « genre » — les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta rejettent l’i­dée même que des cri­tères puissent être exigés.

« Cela signi­fie que n’importe quel homme qui se tra­ves­tit le wee­kend, ou qui n’apporte aucun chan­ge­ment à son appa­rence, qui garde son pénis et sa barbe, peut léga­le­ment être recon­nu comme une femme s’il le réclame. » (Jef­freys, 2018)

Cela signi­fie qu’il suf­fit à n’im­porte quel homme de le sou­hai­ter pour qu’il soit léga­le­ment auto­ri­sé à entrer dans un espace aupa­ra­vant réser­vé aux femmes.

L’autodéclaration de « genre » signi­fie­rait qu’il ne pour­rait plus exis­ter d’espaces réser­vés à un seul sexe. Un homme pour­rait entrer dans un espace autre­fois réser­vé aux femmes du simple fait de pré­tendre qu’il est main­te­nant une femme. Il serait, par exemple, « trans­phobe » pour un éta­blis­se­ment de conser­ver des cabi­nets de toi­lettes dis­tincts en fonc­tion du sexe.

[Apar­té du tra­duc­teur : Pour bien com­prendre la réa­li­té des pro­blèmes que pose l’autodéclaration de genre, et ce dans le monde entier, quelques exemples : en Nor­vège, à Sta­van­ger, très récem­ment, Bri­gitte, qui pre­nait sa douche dans les ves­tiaires pour femmes de son gym­nase habi­tuel, a été fort éton­née de tom­ber nez-à-nez avec un homme nu, pénis à l’air. L’individu en ques­tion, n’y voyant aucun pro­blème, lui a expli­qué qu’il avait effec­tué un chan­ge­ment juri­dique de genre et qu’il était donc une femme (en Nor­vège aus­si, c’est pos­sible). Bri­gitte a alors contac­té les gérants du gym­nase pour leur faire part de son désar­roi et pour leur deman­der s’il n’était pas pos­sible que les trans­sexuels dis­posent d’un ves­tiaire à part qui leur soit réser­vé. Manque de bol c’est elle qui s’est faite pour­suivre en jus­tice pour dis­cri­mi­na­tion (« trans­pho­bie »). Il y a quelques jours, au Cana­da, Jona­than Yaniv, un homme deve­nu une femme sur simple décla­ra­tion ver­bale, qui pos­sède donc encore ses organes géni­taux mas­cu­lins, a déci­dé de pour­suivre en jus­tice 16 esthé­ti­ciennes qui avaient refu­sé de lui épi­ler le scro­tum (les tes­ti­cules), pour dis­cri­mi­na­tion (il est une femme, il devrait avoir droit et accès à tout ce à quoi les femmes ont droit et accès !). Au Cana­da, tou­jours, à Toron­to, et très récem­ment aus­si, dans un foyer pour femmes en conva­les­cence, Han­na, ancienne ambu­lan­cière qui tra­vaille désor­mais dans l’industrie des ser­vices, a été contrainte de par­ta­ger une chambre double avec une « femme trans », soit un homme qui se dit femme. Parce qu’elle avait été vio­lée par le pas­sé, le fait de devoir par­ta­ger sa chambre avec un homme lui cau­sa beau­coup de stress, de l’anxiété liée à la résur­gence des sou­ve­nirs de son agres­sion, et l’empêcha de dor­mir. D’autres femmes du foyer se sen­taient pareille­ment mal-à‑l’aise. Mais lorsqu’elle s’est plainte auprès du tri­bu­nal des droits humains de l’Ontario de ce que le foyer pour femmes avait pla­cé « une femme trans phy­si­que­ment homme » dans sa chambre, dans son espace, on lui répon­dit que c’était elle qui com­met­tait un acte de « dis­cri­mi­na­tion » en fai­sant réfé­rence à cette per­sonne comme à un homme. Je pour­rais conti­nuer encore et encore, les exemples de ce type sont légion, et de plus en plus nombreux.] 

  • La confu­sion des termes « sexe » et « genre »

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta ne défi­nissent aucune dif­fé­rence entre le « genre » (une construc­tion sociale) et le sexe (la réa­li­té maté­rielle) — cela signi­fie que lorsqu’une per­sonne change de « genre », elle obtient le sta­tut juri­dique de l’autre sexe.

Ce docu­ment semble déli­bé­ré­ment encou­ra­ger cette fusion des termes, per­mise par l’usage com­mun, en anglais, du mot gen­der en tant que syno­nyme de sex. À cer­tains endroits, les auteurs du docu­ment révèlent qu’ils com­prennent bien que le sexe est un concept qui dif­fère du « genre » — par exemple, lorsqu’ils font réfé­rence à la cri­mi­na­li­sa­tion des rela­tions « de même sexe ». Ici, ils recon­naissent que seules les rela­tions avec le même sexe sont criminalisées :

« Abro­ger toutes les lois cri­mi­na­li­sant l’activité sexuelle consen­tie entre per­sonnes de même sexe en âge de consen­te­ment […]. » (Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, p.14, 2007)

Cepen­dant, ailleurs, ils défi­nissent inten­tion­nel­le­ment l’homosexualité comme l’attraction pour le même « genre » plu­tôt que pour le même sexe, afin de pro­mou­voir leur agen­da — rem­pla­cer la recon­nais­sance du sexe par celle du « genre » (auto­dé­cla­ré).

« Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta sub­sti­tuent le genre, soit la com­pré­hen­sion féti­chiste mas­cu­line de ce que sont les femmes, au sexe, éli­mi­nant ain­si les pro­tec­tions des femmes en tant que classe oppri­mée sur la base de son sexe bio­lo­gique. » (Jef­freys, 2018)

Le mot « genre » est sou­vent uti­li­sé comme s’il était syno­nyme du mot « sexe ». Cette confu­sion dis­si­mule l’objectif des mili­tants pour les « droits des trans », qui est de rem­pla­cer toute recon­nais­sance ou réfé­rence juri­dique au sexe bio­lo­gique par une réfé­rence à une « iden­ti­té de genre » auto­dé­cla­rée. Ce chan­ge­ment évin­ce­rait effec­ti­ve­ment la notion de droits des femmes au pro­fit de celle des « droits sexuels » des hommes.
  • L’effacement des lesbiennes

Shei­la Jef­freys sou­ligne que ce sont prin­ci­pa­le­ment des hommes qui font cam­pagne pour les droits liés au « genre » (c’est-à-dire pour les droits sexuels des hommes). Les femmes qui « tran­si­tionnent » — des les­biennes, prin­ci­pa­le­ment — « sont les dom­mages col­la­té­raux de ce qui se trans­forme de plus en plus en un mou­ve­ment pour les droits sexuels des hommes. » (ibid.)

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta défi­nissent l’homosexualité comme l’attraction envers le même « genre » plu­tôt qu’envers le même sexe, tout en sti­pu­lant que la parole d’un homme (l’autodéclaration) est tout ce qu’il faut pour lui per­mettre d’être juri­di­que­ment consi­dé­ré comme une femme. Cela signi­fie qu’un homme avec un pénis pour­rait affir­mer être une les­bienne et faire pres­sion sur les les­biennes pour qu’elles les acceptent dans leurs espaces et leurs com­mu­nau­tés ; il serait ain­si lar­ge­ment en mesure de mani­pu­ler des les­biennes jeunes ou vul­né­rables pour qu’elles lui accordent un droit d’accès sexuel.

Les femmes qui confron­te­raient cet homme en affir­mant qu’il n’est pas une les­bienne seraient consi­dé­rées comme des « trans­phobes » sec­taires, cou­pables de « dis­cours hai­neux », et ris­que­raient d’être pour­sui­vies en justice.

  • L’analyse fémi­niste de l’oppression des femmes devient une forme de discrimination

Le fait de remettre en ques­tion « l’identité de genre » d’un indi­vi­du, comme dans l’exemple pré­cé­dent, est condam­né dans les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta comme une forme de discrimination.

« Prendre toutes les mesures appro­priées, y com­pris des pro­grammes d’éducation et de for­ma­tion, dans le but de par­ve­nir à l’élimination des pré­ju­gés et des atti­tudes ou com­por­te­ments dis­cri­mi­na­toires fon­dés sur l’idée de l’infériorité ou de la supé­rio­ri­té d’une orien­ta­tion sexuelle ou d’une iden­ti­té de genre, ou encore d’une expres­sion du genre. » (Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, p.11, 2007)

Cette affir­ma­tion fait écho à la ter­mi­no­lo­gie employé ailleurs dans le docu­ment, qui fai­sait réfé­rence à l’élimination de « l’idée de l’infériorité ou de la supé­rio­ri­té de l’un ou l’autre sexe » — seule­ment, ici, « sexe » a été rem­pla­cé par « genre ».

Le texte sug­gère qu’il est dis­cri­mi­na­toire de cri­ti­quer l’identité « de genre » ou l’expression du « genre ». Seule­ment les sté­réo­types qui consti­tuent la notion de « genre » sont consi­dé­rés comme nui­sibles par les fémi­nistes, qui veulent les abo­lir afin de réa­li­ser l’égalité entre les hommes et les femmes. Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta ont donc pour effet d’affirmer que le fémi­nisme est « pré­ju­di­ciable » en rai­son de ses cri­tiques des sté­réo­types sexuels (ici appe­lés « genre »). L’objectif d’éradiquer ce « pré­ju­gé » pour­rait même ser­vir à jus­ti­fier la cri­mi­na­li­sa­tion de la pen­sée et du dis­cours fémi­niste, en tant que « dis­cours hai­neux » à l’encontre d’un groupe sup­po­sé­ment oppri­mé (les féti­chistes sexuels masculins).

  • La pro­tec­tion des droits sexuels des hommes.

S’il sub­sis­tait le moindre doute concer­nant le fait que le prin­ci­pal objec­tif de la sec­tion des Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta por­tant sur « l’identité de genre » est de pro­té­ger et de pro­mou­voir les droits sexuels des hommes, les sup­plé­ments de 2017 (le Plus 10), devraient le dissiper.

Le Plus 10 pré­co­nise : la sup­pres­sion de tout âge mini­mum pour le « chan­ge­ment de sexe » juri­dique ; le droit des « trans­genres » à l’anonymat sur inter­net ; le droit de « pré­ser­ver et de res­sus­ci­ter la diver­si­té cultu­relle » (une réfé­rence au mariage d’enfants ?) et le droit de « chan­ger de sexe » sans égard pour le casier judi­ciaire. Ce docu­ment semble ouvrir la voie à une for­ma­li­sa­tion des « droits des pédo­philes ». Qu’il s’agisse ou non de l’intention de ses auteurs, nous ne le savons pas ; cepen­dant, il serait naïf de croire que les pédo­philes ne remar­que­ront pas à quel point ce docu­ment pour­rait faci­li­ter et jus­ti­fier leur féti­chisme — avec le temps, l’attirance sexuelle pour les enfants pour­rait finir par être consi­dé­rée comme s’inscrivant dans le cadre de « l’expression de genre » ou de « l’orientation sexuelle ».

Le Plus 10 classe éga­le­ment la « mater­ni­té de sub­sti­tu­tion » dans la sec­tion « Le droit de fon­der une famille ». Or, la mater­ni­té de sub­sti­tu­tion est un des cinq pro­blèmes prin­ci­paux que dénonce la col­lec­tive fémi­niste OBJECT.

« Le droit de se livrer au tra­fic de bébés et d’utiliser les femmes dans la pros­ti­tu­tion géné­sique est de plus en plus accep­té du fait du recours d’hommes homo­sexuels à ce mar­ché com­mer­cial de bébés et de sa pro­mo­tion. L’encouragement de la « mater­ni­té de sub­sti­tu­tion » montre clai­re­ment que les prin­cipes de Jog­ja­kar­ta concernent au pre­mier titre les droits des hommes au détri­ment de ceux des femmes. » (Jef­freys, 2018)

Quelle influence ont actuellement les principes de Jogjakarta dans le droit international ?

Les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta n’ont pour l’instant aucune valeur juri­dique, mais béné­fi­cient d’une cer­taine influence. En outre, Shei­la Jef­freys nous rap­pelle que ce sta­tut pour­rait rapi­de­ment chan­ger et ce sans aucune consul­ta­tion publique.

Ce docu­ment est consi­dé­ré comme pro­po­sant des « pra­tiques d’ex­cel­lence » en ce qui concerne les droits humains des les­biennes, des gays et des « trans­genres ». Il est de plus en plus cité comme jus­ti­fi­ca­tion pour pro­mou­voir  l’autodéclaration de « genre » ; et des expres­sions comme « iden­ti­té de genre » et « expres­sion de genre » s’imposent gra­duel­le­ment dans le droit  international.

  • Au Royaume-Uni

Le gou­ver­ne­ment bri­tan­nique a récem­ment lan­cé une consul­ta­tion publique concer­nant des chan­ge­ments du  Gen­der Recog­ni­tion Act (Loi sur la recon­nais­sance du sexe) (2004). Ses repré­sen­tants affirment que le droit des « trans­genres » de chan­ger de « sexe juri­dique » n’est appa­rem­ment pas négo­ciable — la consul­ta­tion porte uni­que­ment sur l’opportunité de rendre plus simple et rapide l’accès des hommes aux espaces réser­vés aux femmes. Il est cru­cial que nous conti­nuions de faire cam­pagne contre ce chan­ge­ment afin d’empêcher l’instauration au pays de l’autodéclaration de « genre ».

Un docu­ment publié par le gou­ver­ne­ment écos­sais cite les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta et la Réso­lu­tion 2048 (voir ci-des­sous) comme une preuve de ce que les cer­ti­fi­cats de recon­nais­sance de « genre » devraient être mis à jour afin de per­mettre l’autodéclaration de « genre ». (Gou­ver­ne­ment écos­sais, 2017 ; cité par Jef­freys, 2018)

  • Europe

En mars 2018, le Par­le­ment euro­péen a adop­té un rap­port sur la situa­tion des droits fon­da­men­taux dans l’Union Euro­péenne, qui encou­rage l’autodéclaration du « genre » ; les auteurs y dénoncent la néces­si­té de recou­rir à des cri­tères d’admissibilité (des preuves médi­cales, par exemple) pour jus­ti­fier la chi­rur­gie de « réas­si­gna­tion du genre », mais sti­pulent néan­moins que cette chi­rur­gie devrait être faci­le­ment acces­sible. (Par­le­ment euro­péen, 2018 ; cité par Jef­freys, 2018)

Réso­lu­tion 2048 : adop­tée par l’Assemblée par­le­men­taire du conseil de l’Europe (APCE) en 2015. Ce docu­ment sou­tient éga­le­ment l’autodéclaration du « genre ». Shei­la Jef­freys men­tionne que les réso­lu­tions de l’APCE n’ont pas valeur juri­dique, mais qu’elles sont sou­vent adop­tées par l’UE à la longue. (Assem­blée par­le­men­taire, 2015 ; cité par Jef­freys, 2018)

[En France, depuis la loi de moder­ni­sa­tion de la jus­tice du XXIe siècle, pro­mul­guée le 18 novembre 2016, le chan­ge­ment d’état civil a été gran­de­ment faci­li­té pour les « trans­genres ». Désor­mais, « toute per­sonne majeure ou mineure éman­ci­pée qui démontre par une réunion suf­fi­sante de faits que la men­tion rela­tive à son sexe à l’état civil ne cor­res­pond pas à celui dans lequel elle se pré­sente et dans lequel elle est connue peut en obte­nir la modi­fi­ca­tion » devant un tri­bu­nal de grande ins­tance. Sur­tout, les requé­rants n’ont plus à appor­ter la preuve « irré­ver­sible et médi­cale d’une trans­for­ma­tion phy­sique ». « Les prin­ci­paux de ces faits, dont la preuve peut être rap­por­tée par tous moyens, peuvent être : 1° Qu’elle se pré­sente publi­que­ment comme appar­te­nant au sexe reven­di­qué ; 2° Qu’elle est connue sous le sexe reven­di­qué de son entou­rage fami­lial, ami­cal ou pro­fes­sion­nel ; 3° Qu’elle a obte­nu le chan­ge­ment de son pré­nom afin qu’il cor­res­ponde au sexe reven­di­qué. » (NdT)]

  • À l’international

Une réso­lu­tion du Conseil des droits de l’homme de l’ONU de 2016 fait réfé­rence à la dis­cri­mi­na­tion basée sur « l’identité de genre », mais ne défi­nit pas cette expres­sion. (Nations Unies, 2016 ; cité par Jef­freys, 2018)

De nom­breuses ONG, gras­se­ment finan­cées, font cam­pagne à l’international pour pro­mou­voir l’agenda des acti­vistes en faveur des droits sexuels des hommes (sous l’égide des droits « LGBT »). ARC Inter­na­tio­nal, par exemple, est une ONG qui fait cam­pagne en faveur des droits « LGBT » et qui a joué un rôle déci­sif dans le déve­lop­pe­ment des Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta. Ils essaient d’obtenir un sou­tien mon­dial en faveur de ces prin­cipes, y com­pris en ten­tant d’influencer l’ONU afin qu’elle adopte le lan­gage de la poli­tique de « l’identité de genre ».

Shei­la Jef­freys sou­ligne éga­le­ment le fait que des acti­vistes favo­rables aux « droits des trans » par­ti­cipent actuel­le­ment aux tra­vaux du Comi­té pour l’é­li­mi­na­tion de toutes les formes de dis­cri­mi­na­tion à l’é­gard des femmes (CEDEF) de l’ONU et qu’ils y pro­meuvent leur idéo­lo­gie. La puis­sance de cette Conven­tion (la CEDEF) serait per­due s’il deve­nait inter­dit de recon­naître les femmes comme classe sexuelle — la défi­ni­tion du mot « femme » devien­drait alors n’importe quelle per­sonne qui « s’identifie » comme femme.

« Si le sexe ne peut plus être men­tion­né, alors les femmes dis­pa­rai­tront en tant que caté­go­rie et le fémi­nisme et l’idée de droits des femmes ne pour­ront plus exis­ter. » (Jef­freys, 2018)

Que peut-on faire pour résister contre cette menace pour les droits des femmes ?

Loca­le­ment et inter­na­tio­na­le­ment, il est impor­tant que les fémi­nistes et les groupes qui militent en faveur des droits des femmes conti­nuent d’exposer les pro­blèmes que pose l’idéologie trans­genre et les rami­fi­ca­tions poten­tielles des chan­ge­ments pro­po­sés aux lois natio­nales (comme, au Royaume-Uni, la Loi sur la recon­nais­sance du sexe, 2004).

Cepen­dant, Shei­la Jef­freys insiste aus­si sur l’importance de faire cam­pagne à l’international. Les orga­ni­sa­tions riche­ment sub­ven­tion­nées qui militent en faveur des « droits des trans » par­viennent à faire entendre leurs voix au niveau inter­na­tio­nal, sans aucune oppo­si­tion. Shei­la encou­rage celles et ceux d’entre nous qui s’opposent à ce mou­ve­ment en faveur des droits sexuels des hommes à s’assurer d’être repré­sen­tés à la CEDEF, et éga­le­ment de tra­vailler au niveau conti­nen­tal, en Europe, en s’adressant aux euro­dé­pu­té-e‑s, par exemple.

« Les orga­ni­sa­tions en faveur des droits des trans par­ti­ci­pant actuel­le­ment au CEDEF pour pro­mou­voir leur lan­gage et leurs inté­rêts. Il faut que les femmes y par­ti­cipent aus­si. » (Jef­freys, 2018)

« En Europe, nous devrions faire pres­sion sur les euro­dé­pu­té-e‑s, et sur les groupes de femmes du Par­le­ment euro­péen, et sur le Lob­by euro­péen des femmes. » (Jef­freys, 2018)

OBJECT va com­men­cer se doter d’une stra­té­gie de réa­li­sa­tion de ces OBJECTifs.

Han­nah Harrison


Tra­duc­tion : Nico­las Casaux et Tradfem

Réfé­rences

Jef­freys, Shei­la. (2018) Enfor­cing Men’s Sexual Rights in Inter­na­tio­nal Human Rights Law. Pre­sen­ted as speech at Venice Allan’s “We Need To Talk” event (“Incon­ve­nient Women”) at Cam­den Town Hall, Lon­don, on 13/06/2018. Trans­cript avai­lable at http://drradfem.org/enforcing-mens-sexual-rights-in-international-human-rights-law/ Retrie­ved 24/07/2018.

The Yogya­kar­ta Prin­ciples (2007) Retrie­ved 24/07/2018 from http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2016/08/principles_en.pdf

The Yogya­kar­ta Prin­ciples plus 10 (2017) Retrie­ved 24/07/2016 from http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2017/11/A5_yogyakartaWEB‑2.pdf

Lec­tures complémentaires

Bruns­kell-Evans, Hea­ther. & Moore, Michele. Eds. (2018) Trans­gen­der Chil­dren and Young People : Born in Your Own Body.

Jef­freys, Shei­la. (2014) Gen­der Hurts : A Femi­nist Ana­ly­sis of the Poli­tics of Transgenderism.

Print Friendly, PDF & Email
Total
1
Shares
5 comments
  1. Il y a pire encore pour tous ces nou­veaux textes (Décla­ra­tions des droits sexuels1, Stan­dards pour l’E­du­ca­tion sexuelle en Europe2, …), et non seule­ment les Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, l’o­rien­ta­tion sexuelle est une simple « attrac­tion sexuelle envers le sexe oppo­sé, le même sexe ou les deux à la fois« 3, autre­ment dit TOUT EST ORIENTATION SEXUELLE4, y com­pris la pédophilie.
    Sauf que ce terme n’existe plus, et pas non plus celui de mineur sexuel, les enfants sont des per­sonnes de moins de 18 ans, ont une sexua­li­té dès la nais­sance et des « capa­ci­tés évo­lu­tives » leur per­met­tant de deve­nir des « par­te­naires sexuels« 5.
    On va vers une léga­li­sa­tion de la « pédo­phi­lie consen­tante » sous la pres­sion de lob­bies pédo­philes infil­trés dans de grandes orga­ni­sa­tions (Inti­tut Kin­sey, SIECUS, IPPF, …) ayant des sta­tuts consul­ta­tifs à l’O­NU (Eco­soc).
    On va vio­ler des gamins sous pré­texte de leur don­ner des droits sexuels ou de les édu­quer sexuel­le­ment (dès 0 ans)6.

    1 https://www.ippf.org/sites/default/files/ippf_sexual_rights_declaration_french.pdf
    2 https://www.sante-sexuelle.ch/wp-content/uploads/2013/11/Standards-OMS_fr.pdf
    3 ibid 1, note 23, p. 25
    4 http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2016/08/principles_fr.pdf
    Les prin­cipes de J ne posent aucune limite aux orien­ta­tions sexuelles.
    5 ibid 1, article 5, pp. vii, 18
    6 ibid 2, Matrice, p. 36

  2. Enfin, on peut quand même se poser la ques­tion de savoir en quoi il est per­ti­nent de défendre bec et ongle la men­tion du sexe bio­lo­gique à l’é­tat civil (par exemple)!! C’est un peu comme défendre à tout prix la per­ti­nence, la néces­si­té ultime des papiers d’i­den­ti­té et du fichage qui s’en suit…parce que bien sûr la défense des droits des femmes et du fémi­nisme repose sur la men­tion du sexe bio­lo­gique à l’é­tat civil c’est bien connu…et la pro­mo­tion de la pari­té numé­rique par­ti­cipe comme cha­cun sait effi­ca­ce­ment à la défense des droits des femmes…
    Et donc en conclu­sion je retiens que les femmes trans sont des hommes féti­chistes et les hommes trans des lesbiennes.…ben voui et ce type d’af­fir­ma­tion ça per­met évi­dem­ment de défendre les droits des femmes…
    Hé les para­nos qui adorent assi­mi­ler pédo­philes et LGBT, on se calme ! Non le lob­by LGBT ne va pas défi­gu­rer notre pla­nète et nos socié­tés ne vous en déplaise…et y’a peu de chance qu’on nous four­nisse un jour une sta­tis­tique sérieuse concer­nant le viol et l’a­bus sexuel des « vraies » les­biennes par ces « hor­ribles » femmes trans (hommes féti­chistes selon le texte)…mais pen­dant ce temps des hommes (des « vrais », « virils » etc) violent et abusent sexuel­le­ment diverses personnes…mais au lieu de s’in­ter­ro­ger sur la vio­lence mas­cu­line il va de soi qu’il est néces­saire de s’in­sur­ger contre la pré­ten­tion des trans (hommes et femmes) à deman­der des droits…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles connexes
Lire

Quelques petits problèmes concernant le discours d’Aurélien Barrau (par Nicolas Casaux)

En à peine quelques semaines depuis que son appel a été diffusé sur le site du journal Le Monde, Aurélien Barrau est devenu la coqueluche de l’écologie grand public. S’il énonce des choses tout à fait justes, comme la nécessité pour l’humanité de cesser de s’étendre et même de laisser davantage d’espace aux autres espèces, et la nécessité de consommer moins, de décroître, de renoncer au principe de croissance, son discours pose problèmes pour plusieurs raisons. Retour sur un engouement tout à fait attendu. [...]