Quelques remarques sur « L’affaire du siècle » (par Kevin Amara et Nicolas Casaux)

En cette fin d’année 2018, une coa­li­tion de quatre ONG — Green­peace, Oxfam, la Fon­da­tion pour la Nature et l’Homme (FNH) et Notre affaire à tous — s’est for­mée pour pour­suivre l’État fran­çais en jus­tice[1], afin de le contraindre à res­pec­ter la limite de 1,5° C de réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Pour le lan­ce­ment de cette pro­cé­dure, elles ont orga­ni­sé une cam­pagne média­tique d’envergure, notam­ment sur les réseaux sociaux, où un clip vidéo tour­né pour l’occasion est rapi­de­ment deve­nu viral. Clip vidéo dans lequel nos plus célèbres éco­los, you­tu­beurs, et quelques célé­bri­tés ayant accep­té de se prê­ter au jeu — pro­fi­tant ain­si d’une belle occa­sion de ver­dir leur image — expliquent le com­ment et le pour­quoi de ce pro­cès, et tentent de recueillir un maxi­mum de signatures.

Nous voyons deux rai­sons pour les­quelles ce pro­jet pour­rait ser­vir à quelque chose. La pre­mière, assez dis­cu­table, c’est qu’il per­met de par­ler des pro­blèmes éco­lo­giques actuels, et donc, d’une cer­taine manière, de sen­si­bi­li­ser — assez super­fi­ciel­le­ment, comme nous allons le voir. La seconde, c’est qu’il va échouer. Et qu’alors ceux qui l’au­ront por­té seront peut-être — espé­rons-le ! — ame­nés à se poser des ques­tions plus sérieuses et à éva­luer plus hon­nê­te­ment notre situa­tion. À mini­ma, il est pos­sible d’es­pé­rer que ceux qui auront pla­cé leurs espoirs dans cette action et dans ceux qui l’auront por­tée s’en détour­ne­ront afin de tendre vers des solu­tions plus réa­listes et per­ti­nentes au vu de la gra­vi­té de la situa­tion actuelle.

On l’a vu, au terme d’une bataille qui aura pris la vie d’au moins une per­sonne (Zineb Redouane), arra­ché au moins 3 mains, cre­vé au moins 6 yeux, et fait d’innombrables bles­sés (plus de 1 600)[2], tout ce que les gilets jaunes ont réus­si à obte­nir de la part de ceux qui orga­nisent la ruine du monde et le désastre social que l’on appelle civi­li­sa­tion, ce sont des miettes. « Il ne faut pas déses­pé­rer Billan­court », mais il faut savoir être réaliste.

Et voi­là que nos chères ONG coa­li­sées intentent un pro­cès à l’État dans le but d’endiguer le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Leur naï­ve­té est à la hau­teur de celui qui affirme, dans leur clip vidéo, que « l’État a la res­pon­sa­bi­li­té de nous pro­té­ger ». Le prin­ci­pal pro­blème de leur pro­jet, c’est qu’il n’a tech­ni­que­ment aucune chance de géné­rer quelque chose d’utile, ni pour nous, la civi­li­sa­tion (ce qui les inté­resse eux, semble-t-il), ni pour le monde natu­rel. Eux pré­tendent évi­dem­ment le contraire[3] :

« Et ça marche ! Aux Pays-Bas, la jus­tice a ordon­né au gou­ver­ne­ment néer­lan­dais de revoir à la hausse ses objec­tifs sur la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre, au nom de la pro­tec­tion des droits de ses citoyens. Au Pakis­tan, grâce à l’action en jus­tice d’un fils d’agriculteurs, les juges ont mis en place un Conseil cli­ma­tique char­gé de veiller à la mise en œuvre des objec­tifs cli­ma­tiques. En Colom­bie, 25 jeunes ont fait recon­naître par la Cour suprême la néces­si­té d’agir contre la défo­res­ta­tion et pour la pro­tec­tion du climat. »

Le bio, une autre illu­sion verte.

En véri­té, aucun de ces évé­ne­ments n’a eu le moindre effet. Les Pays-Bas font par­tie des pires émet­teurs de gaz à effet de serre d’Eu­rope. Les États ne par­viennent jamais à atteindre leurs objec­tifs. D’a­bord parce qu’ils ne font rien pour, mais aus­si et sur­tout parce qu’ils ne le peuvent pas. Croire que l’État pour­rait mettre un terme au réchauf­fe­ment cli­ma­tique, à la des­truc­tion des éco­sys­tèmes et au mas­sacre des autres espèces, c’est croire qu’un mar­teau pour­rait faire office de téles­cope. Ça ne fonc­tionne pas, peu importe à quel point on le sou­haite, on ne voit rien. Ce n’est pas dans ses cordes, ce n’est tout sim­ple­ment pas sa fonc­tion. L’État moderne orga­nise le sys­tème capi­ta­liste mon­dia­li­sé (la civi­li­sa­tion indus­trielle), fon­dé sur l’exploitation et la des­truc­tion per­pé­tuelles de la nature. En Colom­bie, la défo­res­ta­tion s’ac­cé­lère (« la forêt a per­du une sur­face de l’é­qui­valent du Luxem­bourg en 2017 »). Et si, afin de don­ner le change, d’alimenter l’espoir qui fait avan­cer les foules, de plus en plus de pays ins­crivent de belles choses dans leurs consti­tu­tions, les faits témoignent clai­re­ment de ce qu’ils n’en ont rien à faire, ou de ce qu’ils ne peuvent rien faire. Et en Boli­vie aus­si, la défo­res­ta­tion conti­nue, inexo­ra­ble­ment, mal­gré l’inscription, depuis 2012, de droits de la nature dans la consti­tu­tion du pays (lire, à ce sujet, le livre de Dimi­tri de Bois­sieu inti­tu­lé Boli­vie : l’illu­sion éco­lo­giste — Voyage entre nature et poli­tique au pays d’Evo Morales). « On peut vio­ler les lois sans qu’elles crient », écri­vait Tal­ley­rand dans ses Mémoires. On le constate un peu par­tout et depuis longtemps.

Par ailleurs, ces ONG, ces you­tu­beurs, tous ces gens ani­més à n’en pas dou­ter de la meilleure volon­té du monde, ignorent-ils que les États ne dis­posent plus que d’une lati­tude très limi­tée en ce qui concerne la créa­tion et l’édiction des lois qui gou­vernent nos socié­tés ? Le trans­fert de sou­ve­rai­ne­té des États vers des enti­tés supra-éta­tiques, plus impor­tantes com­mer­cia­le­ment par­lant, a long­temps été un secret de poli­chi­nelle : il a récem­ment été débat­tu publi­que­ment, dans les médias, dis­cu­té à l’As­sem­blée… Le TAFTA (pour ne citer qu’un exemple) ne leur évoque-t-il donc rien ?

L’U­ru­guay a été pour­sui­vi par le géant du tabac Phi­lip Mor­ris Inter­na­tio­nal devant le Centre Inter­na­tio­nal pour le Règle­ment des Dif­fé­rends rela­tifs aux Inves­tis­se­ments (CIRDI), un tri­bu­nal arbi­tral. Le pays avait mis en place une poli­tique anti-tabac consé­quente, que la marque n’a pas appré­ciée. En 2006, une loi inter­di­sait de fumer dans les lieux publics. En 2010, une impor­tante cam­pagne de sen­si­bi­li­sa­tion est mise en place à l’aide de spots de pubs et de mes­sages chocs sur les paquets. On estime ain­si qu’entre 2006 et 2010, le taux de fumeurs dans le pays a chu­té de près de 20%, pas­sant de 50 à 31%. Phi­lip Mor­ris a com­men­cé à grin­cer des dents. En 2010, l’in­dus­triel a fini par tout sim­ple­ment inten­ter un pro­cès contre l’U­ru­guay. Le 8 juillet 2016, le tri­bu­nal a ren­du une déci­sion favo­rable en faveur de l’U­ru­guay, et a condam­né Phi­lip Mor­ris à payer 7 mil­lions de dol­lars au pays, tout en s’ac­quit­tant de la tota­li­té des frais de justice.

Des cas de ce genre, il en existe pas loin de 500, à en croire ce papier[4] du Monde Diplo­ma­tique. Ce que l’on appelle l’ar­bi­trage inter­na­tio­nal est de plus en plus uti­li­sé par les socié­tés. Peu importe, fina­le­ment, que dans le cas évo­qué plus haut l’État ait eu gain de cause sur l’in­dus­triel. Ce qui importe ici est de com­prendre la por­tée de l’é­vé­ne­ment : une mul­ti­na­tio­nale est tout à fait en mesure d’at­ta­quer un État « sou­ve­rain ». Que fau­dra-t-il faire, alors, pour inter­dire le der­nier pro­duit phare de Bayer lorsque la France aura émis une loi l’in­ter­di­sant mais que la mul­ti­na­tio­nale aura eu gain de cause et aura contraint le pays à reve­nir sur sa déci­sion ? Qui atta­que­ra-t-on en jus­tice, à ce moment-là ? Cet oubli est révé­la­teur de l’i­gno­rance totale des rap­ports de force de la part de ces ONG et autres per­son­na­li­tés publiques.

Ceux qui intentent ce pro­cès ne com­prennent pas la situa­tion. (Par cour­toi­sie, lais­sons-leur le béné­fice du doute et sup­po­sons qu’ils ne se sou­cient pas que du cli­mat, ain­si que le sug­gère leur pro­jet, mais aus­si de la nature, du monde vivant, des espèces vivantes, y com­pris des humains). Ils ima­ginent, selon les croyances de l’écologisme grand public, qu’il est pos­sible (et sou­hai­table) de conti­nuer à faire fonc­tion­ner la civi­li­sa­tion moderne et ses conforts tech­no­lo­giques en pas­sant au « 100% renou­ve­lables ». Ils ne com­prennent pas que la civi­li­sa­tion indus­trielle ravage le monde non seule­ment au tra­vers de son mode de pro­duc­tion d’énergie, mais aus­si et sur­tout à tra­vers son uti­li­sa­tion de cette éner­gie. C’est-à-dire que même si les éner­gies dites « vertes » l’étaient vrai­ment (ce qu’elles ne sont pas), et même si elles pou­vaient rem­pla­cer les éner­gies expli­ci­te­ment pas vertes (ce qu’elles ne peuvent pas[5]), notre pro­blème res­te­rait qua­si­ment inchan­gé[6].

Les indus­tries des éner­gies dites « vertes » sont autant d’entreprises capi­ta­listes qui servent à per­pé­tuer la civi­li­sa­tion indus­trielle. Le monde natu­rel, lui, comme tou­jours, en paie le prix — rap­pe­lons, pour exemple, le cas de la cen­trale solaire de Ces­tas, en France, près de Bor­deaux, la plus grande d’Europe, qui a néces­si­té l’abattage de 250 hec­tares de pinède ; un pro­jet du consor­tium Eif­fage, Schnei­der Elec­tric, Krin­ner (l’occasion aus­si de rap­pe­ler que les indus­tries des éner­gies dites « vertes » sont, très logi­que­ment, domi­nées par d’immenses entre­prises mul­ti­na­tio­nales, et que toutes sortes de mul­ti­na­tio­nales, de Vin­ci à Total, y inves­tissent afin de faire du profit).

Autre exemple, dans le Lot-et-Garonne, où « la plus grande cen­trale élec­trique solaire est en voie de fina­li­sa­tion ». Pour cela « 1 300 hec­tares de terres agri­coles et 700 hec­tares de forêt » vont être sacri­fiés. For­mi­dable. La pla­nète et le cli­mat nous remer­cient. L’électricité que cette cen­trale pro­dui­ra ser­vi­ra à ali­men­ter en éner­gie d’innombrables appa­reils qui, à l’instar des pan­neaux solaires pho­to­vol­taïques, sont autant de futurs déchets, et dont la fabri­ca­tion aura impli­qué toutes sortes de nui­sances envi­ron­ne­men­tales et sociales.

En outre, il faut savoir que le cal­cul de la quan­ti­té de CO2 émise par un État est une arnaque comp­table[7] (ne pre­nant pas en compte tout un tas d’émissions dites « cachées » peut-être plus impor­tantes que les émis­sions natio­nales) qui, en plus, s’avère d’une impré­ci­sion gros­sière[8]. Une double arnaque en somme. Au bout du compte, seules une aber­ra­tion comp­table et une mau­vaise foi colos­sale per­mettent d’affirmer que les éner­gies dites « vertes » (ou « renou­ve­lables ») sont « neutres en car­bone », ou qu’elles s’inscrivent dans une dyna­mique de pré­ser­va­tion et de pro­tec­tion du monde naturel.

« Déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables » et « amé­lio­ra­tion de l’efficacité éner­gé­tique[9] ». Voi­là pour­tant ce que nos plai­gnants exigent de l’État. Comme tous les aveugles de l’écologisme média­tique, ils ne com­prennent pas que le déve­lop­pe­ment durable est un oxy­more, une contra­dic­tion dans les termes[10], un mythe. Que l’efficacité éner­gé­tique croît depuis des décen­nies et avec elle la des­truc­tion du monde natu­rel[11]. Ce qui nous ramène à l’impossibilité pour le sys­tème tech­no­ca­pi­ta­liste que l’État admi­nistre (avec une lati­tude très limi­tée) de faire autre chose que ce qu’il fait actuel­le­ment, qu’il fai­sait déjà hier. C’est-à-dire que même si l’État était contraint d’obéir aux injonc­tions des quatre ONG, s’il met­tait concrè­te­ment en place les mesures qu’elles exigent, le désastre socioé­co­lo­gique en cours n’en serait pas le moins du monde entra­vé. C’est-à-dire que si l’on émet­tait l’hypothèse extrê­me­ment impro­bable selon laquelle le sys­tème tech­no­ca­pi­ta­liste pour­rait par­ve­nir, grâce au déploie­ment des éner­gies dites « vertes », aux tech­no­lo­gies de CCS (cap­tage et sto­ckage du dioxyde de car­bone), et à d’autres tech­niques de géoin­gé­nie­rie, à limi­ter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à 1,5°C, nos chères ONG seraient satis­faites. Et le désastre socioé­co­lo­gique de la des­truc­tion du monde vivant et de l’accroissement des inéga­li­tés sociales et de la misère humaine que pro­duit la civi­li­sa­tion indus­trielle conti­nue­rait imperturbablement.

Dans le com­bat contre le bio­cide et le désastre social que la civi­li­sa­tion indus­trielle per­pé­tue sur toute la pla­nète, la voie juri­dique est un moyen d’action par­mi d’autres. Dans cer­tains contextes, comme pour faire annu­ler ou retar­der la béto­ni­sa­tion d’une zone humide, la construc­tion d’un bar­rage, etc., il peut être tout à fait défen­dable et même stra­té­gique d’intenter des pro­cès contre dif­fé­rents acteurs de la des­truc­tion de la nature ou de l’exploitation sociale. Le pro­blème, ici, c’est que nos coa­li­sés exigent n’importe quoi.

Nous pou­vons sau­ver la civi­li­sa­tion indus­trielle (pro­lon­ger, pour un temps limi­té, son exis­tence, grâce aux éner­gies et tech­no­lo­gies dites « vertes » et à la géoin­gé­nie­rie), ou nous pou­vons sau­ver le monde vivant qu’elle détruit (et nous sau­ver par la même occa­sion). Il faut choi­sir. Il n’est pas pos­sible de sau­ver les deux ensemble.

Au moment où ces lignes sont écrites, le site web inter­na­tio­nal d’informations éco­lo­gistes Mon­ga­bay publie un article inti­tu­lé « Les pro­tec­tions inter­na­tio­nales ne stoppent pas la sur­ex­ploi­ta­tion des pan­go­lins au Came­roun », dans lequel on apprend qu’un « rap­port récent montre que l’inscription en 2016 des pan­go­lins à l’annexe I de la CITES qui inter­dit leur com­merce inter­na­tio­nal, n’a pas d’effet au niveau local sur la pro­tec­tion de cet ani­mal en Afrique cen­trale. » Les cas comme celui-ci, on ne les compte plus. Car le recours juri­dique, s’il peut par­fois ser­vir dans la lutte contre le fléau socioé­co­lo­gique qu’est la civi­li­sa­tion indus­trielle, ne sera jamais suf­fi­sant. Et c’est un autre pro­blème que pose la cam­pagne média­tique de leur « affaire du siècle », qui risque de pro­mou­voir l’idée qu’il est pos­sible d’obtenir un chan­ge­ment signi­fi­ca­tif au tra­vers du sys­tème juri­dique d’État.

***

On nous rétor­que­ra qu’il s’agit tou­jours de quelque chose, et que ce quelque chose vaut tou­jours mieux que rien. Affir­ma­tion dou­teuse. Pri­mum non nocere : d’abord, ne pas nuire. La mul­ti­pli­ca­tion fré­né­tique de ces ini­tia­tives citoyen­nistes (le mois der­nier a vu naître l’initiative « On est prêt », et juste avant elle l’initiative « Il est encore temps », et voi­là main­te­nant « L’affaire du siècle ») semble rem­plir un vide. Semble. En réa­li­té, la pro­li­fé­ra­tion de ce type d’initiatives est incroya­ble­ment nui­sible, en ce qu’elle fait naître, qu’elle encou­rage ou qu’elle ren­force un espoir naïf et absurde, une illu­sion. À grand ren­fort de moyens tech­niques sti­mu­lants, à l’image des vidéos des you­tu­beurs éco­los, et du clip de pro­mo­tion de cette « Affaire du siècle » : le for­mat est « cool », le mon­tage dyna­mique, la pro­pa­gande réus­sie. Seule­ment, la lutte éco­lo­gique n’a pas voca­tion à être « cool ». Notre mode de vie — la civi­li­sa­tion indus­trielle — consti­tue une menace pour l’ensemble des espèces et de la toile du vivant. Une exter­mi­na­tion (les scien­ti­fiques parlent, plus insi­dieu­se­ment, d’extinction) de masse est en cours. Il faut se rendre à l’évidence : le com­bat néces­saire pour sor­tir de cette civi­li­sa­tion qui porte la mort comme la nuée porte l’o­rage sera long et douloureux.

Étant don­né tout ce qui pré­cède, force est de consta­ter que les ini­tia­tives de ces ONG, de ces you­tu­beurs et de ces figures de l’é­co­lo­gie média­tique, loin de sen­si­bi­li­ser l’opinion publique aux pro­blé­ma­tiques socioé­co­lo­giques, ne servent qu’à ali­men­ter les illu­sions et les faux espoirs domi­nants, notam­ment en pro­mou­vant les idées suivantes :

  1. L’idée selon laquelle notre pro­blème se résu­me­rait au réchauf­fe­ment cli­ma­tique, à un taux de CO2 atmo­sphé­rique qu’il nous fau­drait contrôler.
  2. L’idée selon laquelle le « déve­lop­pe­ment durable » (les éner­gies dites « renou­ve­lables », l’efficacité éner­gé­tique, etc., en bref : un ajus­te­ment tech­no­lo­gique de la socié­té indus­trielle) pour­rait nous tirer d’affaire, endi­guer le réchauf­fe­ment cli­ma­tique — et faire en sorte, acces­soi­re­ment, même si cela a de plus en plus ten­dance à être éclip­sé par la foca­li­sa­tion sur le cli­mat, que la socié­té indus­trielle devienne sou­te­nable, res­pec­tueuse du monde naturel.
  3. L’idée selon laquelle à l’aide d’un ajus­te­ment éco­no­mique (qu’on appel­le­rait éco­no­mie sociale et soli­daire, éco­no­mie du par­tage, éco­no­mie col­la­bo­ra­tive, éco­no­mie contri­bu­tive, ou quelque jolie expres­sion que les experts du mar­ke­ting auraient inven­tée), la socié­té indus­trielle pour­rait deve­nir socia­le­ment juste, en plus de soutenable.
  4. L’idée selon laquelle, bien que récal­ci­trant, l’État serait tech­ni­que­ment en mesure de réa­li­ser les fan­tasmes pré­ci­tés, et qu’il nous fau­drait seule­ment l’y contraindre.

L’efficacité éner­gé­tique et de nou­velles indus­tries de pro­duc­tion d’énergie ne ren­dront jamais sou­te­nable la civi­li­sa­tion indus­trielle. Au contraire, elles contri­buent à per­pé­tuer son carac­tère intrin­sè­que­ment délé­tère. La socié­té de masse capi­ta­liste ne sera jamais socia­le­ment juste. Nous avons besoin de rien de moins que du déman­tè­le­ment com­plet de la socié­té indus­trielle mon­dia­li­sée, de l’État, du capi­ta­lisme. Nous avons besoin d’une décrois­sance radi­cale, d’une dis­so­lu­tion de la socié­té de masse au pro­fit d’une mul­ti­tude de socié­tés véri­ta­ble­ment démo­cra­tiques — fon­dées, donc, sur des tech­no­lo­gies démo­cra­tiques. Ce que ni l’État ni son sys­tème judi­ciaire ne per­met­tront ni n’encourageront jamais. Il va fal­loir se battre.

Kevin Ama­ra & Nico­las Casaux


  1. https://laffairedusiecle.net/laffaire/
  2. Pour une liste non-exhaus­tive, un recen­se­ment pro­vi­soire des vic­times de la répres­sion d’État de ces der­nières semaines : https://desarmons.net/index.php/2018/12/11/recensement-provisoire-des-blesses-graves-des-manifestations-du-mois-de-decembre-2018/
  3. https://www.oxfamfrance.org/a‑la-une/un-recours-historique-pour-proteger-le-climat-et-notre-avenir/
  4. https://www.monde-diplomatique.fr/2014/06/BREVILLE/50487
  5. https://partage-le.com/2017/02/lecologie-du-spectacle-et-ses-illusions-vertes/
  6. https://partage-le.com/2018/10/de-paul-hawken-a-isabelle-delannoy-les-nouveaux-promoteurs-de-la-destruction-durable-par-nicolas-casaux/
  7. Voir ici : https://www.actu-environnement.com/ae/news/empreinte-carbone-france-hausse-emissions-co2-25628.php4 et là : https://partage-le.com/2015/11/limpossible-developpement-durable-par-george-monbiot/
  8. http://www.leparisien.fr/environnement/initiatives-environnement/comment-mesure-t-on-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-07–02-2018–7545936.php
  9. https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2018/12/2018–12-17-Demande-pr%C3%A9alable.pdf
  10. Voir : https://partage-le.com/2017/02/des-dangers-du-developpement-durable-ou-capitalisme-vert-par-derrick-jensen/ et : https://partage-le.com/2016/02/cet-insoutenable-mot-de-developpement-par-fabrice-nicolino/ et : https://partage-le.com/2015/12/le-developpement-durable-est-un-mensonge-par-derrick-jensen/
  11. À pro­pos de l’effi­ca­ci­té éner­gé­tique, il faut lire cet article de Max Wil­bert : https://partage-le.com/2018/06/pourquoi-lefficacite-energetique-ne-resout-rien-bien-au-contraire-par-max-wilbert/
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  1. Salut Nico­las,
    Je te copie/colle mon com­men­taire à pro­pos de cet non-évé­ne­ment sur la page face­book — De l’ef­fon­dre­ment à la rési­lience Groupe Haut-Rhin 68 -. 

    « Bra­vo, mer­ci à eux de mettre la pres­sion sur l’État fran­çais sur son inac­tion face aux enjeux cli­ma­tiques et envi­ron­ne­men­taux, même si je reste quand même (très) scep­tique sur la naï­ve­té du discours.
    Nous sommes face à un 5 nœuds gor­dien : l’augmentation de la popu­la­tion, l’augmentation de la consom­ma­tion (niveau de vie), l’efficience des flux, les agen­ce­ments socio-éco­lo­giques (répar­ti­tion des impacts) et le réfé­ren­tiel des besoins.

    La lutte contre le dérè­gle­ment cli­ma­tique (et tous les effets de bord et les effets de rebond qui vont de pair) à + 2 °C revient à divi­ser (qua­si­ment) par deux notre PIB d’ici 2030, et par 10 — si on veut évi­ter les +4 °C d’ici la fin du siècle (qua­si­ment impos­sible, voir article Nature décembre 2017, on est déjà sur des scé­na­rios à + 5 °C) – relève tout sim­ple­ment de l’utopie sociale et éco­no­mique. Pour­quoi ? Avouer publi­que­ment et poli­ti­que­ment que la lutte contre le dérè­gle­ment cli­ma­tique revient à dimi­nuer puis à divi­ser notre sys­tème éco­no­mique (entendre PIB dans le sché­ma actuel) n’est poli­ti­que­ment, socia­le­ment et éco­no­mi­que­ment pas rece­vable aujourd’hui, même si c’est struc­tu­rel­le­ment inévi­table à terme.
    À l’heure de la fronde natio­nale pour un meilleur pou­voir d’achat et contre le mépris de la caste poli­tique, il est de toute évi­dence impen­sable de démon­trer à la popu­la­tion et aux « élites » que le main­tien de notre sys­tème-Terre pas­se­ra par (qqls exemples) : la fin des pen­sions de retraite, la fin des 35 h, la fin de notre modèle éco­no­mique qui nous assure un des meilleurs IDH de la pla­nète, la fin de l’abondance éner­gé­tique, ou encore la fin de notre confort de vie. La sobrié­té heu­reuse qu’on vous annonce demain est celle où il va fal­loir trans­pi­rer. C’est sur­tout celle où il va fal­loir faire des choix vitaux pour assu­rer les besoins fon­da­men­taux (ali­men­taire, éner­gé­tique, sécu­ri­té, pro­duc­tion), les besoins de paix publique (pro­tec­tion, défense) et les dif­fé­rents équi­libres (iden­ti­té, cohé­sion, coopé­ra­tion) pour la popu­la­tion, leur famille et leur ter­ri­toire (com­mune, dépar­te­ment, région).

    Qui veut l’entendre aujourd’hui et qui peut le por­ter politiquement ?

    Je n’ai ni le temps de vous mon­trer la cor­ré­la­tion entre l’énergie, l’économie, les res­sources et notre niveau de vie (Cf voir mes confé­rences), ni le temps de vous expli­quer la rési­lience ter­ri­to­riale (Cf ma thèse), mais il me semble impor­tant de bien com­prendre la logique sui­vante : por­ter plainte contre l’État pour inac­tion contre la lutte contre le cli­mat revient, in fine, à lui deman­der un niveau de vie com­pa­rable aux fran­çais des années 1900 en plus de devoir résoudre en même temps les 5 nœuds gor­diens pour main­te­nir notre système-Terre.
    Autre­ment dit, je ne sais pas si ces bobos pari­siens ont réel­le­ment sai­si ce que signi­fie de vivre comme grand-papa d’avant la Grande Guerre avec l’héritage actuel — dérè­gle­ments majeurs (com­plexes, internes et externes) de tout ordre (cli­ma­tique, éner­gé­tique, envi­ron­ne­men­tal, matières pre­mières, biogéologique) —.

    Dans tous les cas, il s’agit clai­re­ment d’un débat de socié­té qui doit abso­lu­ment être por­té par la socié­té civile, à l’échelle mon­diale, euro­péenne, natio­nale, dépar­te­men­tale, com­mu­nale ? Je ne sais pas. Pou­vons-nous le faire ? Je ne sais pas.

    Par contre, je sais qu’il est encore pos­sible d’infléchir les tra­jec­toires en Sud Alsace en déve­lop­pant urgem­ment la rési­lience ter­ri­to­riale, cette capa­ci­té des êtres et des sys­tèmes socio-éco­lo­giques à absor­ber les chocs et à se transformer.
    Loin de prô­ner le repli sur soi, les stra­té­gies de rési­lience encou­ragent le par­tage, la coopé­ra­tion, l’autonomie créa­trice de tous les acteurs locaux et peuvent se mani­fes­ter sous dif­fé­rentes formes (éco­no­mique, démo­cra­tique, ali­men­taire, sani­taire, mobi­li­té, démo­cra­tique, etc.).
    Ceci est peu coû­teux à mettre en place, règle en par­tie les pro­blèmes socioé­co­no­miques du ter­ri­toire et per­met de pré­pa­rer des futurs beau­coup plus sou­hai­tables que ceux vers les­quels nous convergeons.
    Il n’y a à ce jour aucun vil­lage sud alsa­cien rési­lient, AUCUN. C’est main­te­nant de notre res­pon­sa­bi­li­té éthique, per­son­nelle et col­lec­tive d’y par­ve­nir pour les géné­ra­tions d’aujourd’hui et de demain. »

  2. Quand bien même les jus­ti­fi­ca­tions invo­quées sont justes et inté­res­santes, la pos­ture du « moi j’ai rai­son tous les autres ont tort » et à taper sur tout ce qui essaie de bou­ger dans l’é­co­lo­gie grand public et média­tique (comme vous dites) dans chaque papier devient las­sante, pour ne pas dire exas­pé­rante. OK vous avez rai­son sur le fond, mais per­sonne ne vous suit, per­sonne n’est prêt à ne serait-ce que com­men­cer le début d’une révo­lu­tion décrois­sante. Per­son­nel­le­ment quand j’es­saie d’a­bor­der ce sujet autour de moi c’est un flop com­plet, et ça me fatigue. Donc on peut res­ter seul dans son coin à cri­ti­quer tout le monde, dra­pé dans ses cer­ti­tudes, et que rien ne change, ou essayer de com­prendre les blo­cages, biais, idéo­lo­gies de cha­cun pour avan­cer. Quand bien même vous avez, je le répète, rai­son sur le fond, en fait ça ne sert à rien de le dire. J’en viens à pen­ser que la cri­tique du déve­lop­pe­ment durable ou des autres fumis­te­ries éco­lo-pro­duc­tives est aus­si contre-pro­duc­tive que les causes dénon­cées. En dénon­çant les impasses poli­tiques, épis­té­mo­lo­giques ou psy­cho­lo­giques de l’é­co­lo­gie « grand public », on donne aus­si du grain à moudre aux par­ti­sans du pro­duc­ti­visme pur et dur, encore plus nocifs quoi­qu’on en dise, et qui se disent « vous voyez bien, c’est trop com­pli­qué et contra­dic­toire l’é­co­lo­gie, autant faire comme on fait ».

    1. Je pense au contraire que c’est bien de le dire. Quand on nous enfume média­ti­que­ment en per­ma­nence, heu­reu­se­ment qu’il y a un contre pou­voir, sinon c’est pen­sée unique et abru­tis­se­ment géné­ra­li­sé ; là où on en est en fait.

      Je constate la même chose que vous sur le sen­ti­ment de soli­tude quand on porte de tels dis­cours, mais je crois que c’est jus­te­ment en en par­lant, que d’i­ci quelque temps on sera plus nom­breux à por­ter l’i­dée. Par exemple, Etienne Chouard était peu enten­du jusque là et le mou­ve­ment des gilets jaunes a par­ti­ci­pé à dif­fu­ser son idée de vrai démo­cra­tie. Son idée cir­cule. La preuve en est que le pou­voir com­mence à craindre cette idée (tirage au sort, le peuple décide etc) et décide d’at­ta­quer le Mon­sieur en le trai­tant de facho :
      http://chouard.org/blog/2018/12/20/ric-pour-les-gilets-jaunes-et-les-autres-les-moeurs-des-journalistes-en-france-en-2018-avec-les-vrais-opposants-cest-2-qui-tiennent-et-3-qui-cognent-et-un-baillon-pour-quil-se-taise/

      Conti­nuons à par­ler des pro­blèmes, sans tabou !

      1. Mer­ci pour le droit de réponse de Chouard que je n’a­vais pas encore vu.
        J’ai été moi aus­si scan­da­li­sé du trai­te­ment que les médias lui ont réser­vé. Ça fait main­te­nant 5 ans qu’il a dénon­cé les dérives de Soral mais on entend sur tous les pla­teaux télés que Chouard = Soral = fas­ciste = on parle pas du RIC.
        Affligeant.

    2. Salut,
      Je vou­lais juste te dire que je com­prends cet aga­ce­ment face à des articles qui des­cendent sys­té­ma­ti­que­ment les ten­ta­tives de don­ner de l’es­poir par des moyens socia­le­ment accep­tables de pro­tes­ter, et d’autre part cette las­si­tude de se sen­tir seul à com­prendre la gra­vi­té de la situa­tion dans son entou­rage proche.
      En revanche ce n’est pas vrai que per­sonne ne pense comme ça. Mais ce sont des posi­tions extrê­me­ment radi­cales et donc dou­lou­reuses à prendre, et elles néces­sitent une décons­truc­tion com­plète de son mode de pen­sée, de son édu­ca­tion, et de la manière de voir le monde, quand on est occi­den­tal et qu’on a tou­jours été les protégé(e)s ce sys­tème toxique. Je ne sais pas quel âge tu as, per­son­nel­le­ment je n’ai pas encore vingt ans donc je pense être encore prête à me battre pour ne pas vivre dans le monde que conçoivent les diri­geants. Parce que j’ai vrai­ment très peur. 

      Aus­si je com­prends ce que tu dis sur le fait qu’il y a une telle mani­pu­la­tion de la part des élites diri­geantes et des puis­sants, et une telle confu­sion face à la com­plexi­té d’un pro­blème à plu­sieurs têtes, qui est cau­sé par les poli­tiques et par une cer­taine classe sociale, et dont les consé­quences sont ana­ly­sées par tout un éven­tail de sciences natu­relles et humaines. Je me sens sou­vent décou­ra­gée, et peut-être qu’un jour j’a­ban­don­ne­rai la par­tie, mais pour le moment je suis vrai­ment ani­mée par la colère et par la peur. Le pro­blème, et c’est ce que je me dis à chaque fois, c’est qu’a­ban­don­ner, c’est pré­ci­sé­ment ce que les capi­ta­listes, ceux qui font leur maille sur la des­truc­tion du vivant et sur l’as­ser­vis­se­ment des humains, attendent de nous. Rien d’autre, pour eux c’est aus­si simple que ça. Juste aban­don­ner et mar­cher sur le che­min qu’ils ont défo­res­té pour nous.

      Et je pense que mal­gré la com­plexi­té du drame que nous vivons, il y a des évi­dences qu’on ne peut pas nier quant à la direc­tion que nous devons prendre. Le dis­cours des poli­tiques omet (volon­tai­re­ment) d’être sen­sé sur les sujets éco­lo­gique et humain, mais la réflexion que nous pou­vons construire pour essayer de lut­ter effi­ca­ce­ment n’o­met par les réa­li­tés de ce que recherchent ces poli­tiques. Il y a déjà une incon­nue en moins. 

      Il y a des choses qui sont évi­dentes, enfin je crois. Si les éner­gies fos­siles détruisent l’en­vi­ron­ne­ment, on cesse de les uti­li­ser. Si on coupe plus d’arbres qu’il ne le faut pour lais­ser à la forêt le temps de se régé­né­rer, on arrête. Si un sys­tème ne peut appor­ter une vie décente et épa­nouis­sante (au prix d’un déni plus ou moins impor­tant pour vivre en paix) qu’à une minus­cule frange pri­vi­lé­giée de la popu­la­tion — en fait, de la toile du vivant tout entier — on en sort le plus vite pos­sible. Je crois que si on arrive à gar­der en tête ces grandes lignes direc­trices, même en se ren­dant compte que cer­taines idées de bonne volon­té sont des échecs stra­té­giques, on ne peut que deve­nir plus effi­caces. On apprend des erreurs les uns des autres, je pense que ça n’a échap­pé à per­sonne fina­le­ment que cette « Affaire du siècle » ne peut pas appor­ter les effets atten­dus. On peut peut-être dire que sur ce point pré­cis c’est une leçon, pour ceux qui veulent pro­gres­ser. Ceux qui n’a­ban­don­ne­ront pas devien­dront plus radicaux.

      Je ne sais pas si mon pavé est d’un grand inté­rêt pour toi ou pour les autres qui le liront mais je vou­lais juste dire que moi aus­si je suis très remuée par tout ce que je lis (notam­ment DGR en ce moment) mais que je crois qu’on est au moment cru­cial où nous ne pou­vons pas aban­don­ner alors que les géné­ra­tions pré­cé­dentes n’ont pas eu d’autre choix que de s’en remettre à nous. On arrive à un moment où il faut croire en nous, il faut qu’on arrive à une extrême soli­da­ri­té, à un extrême sou­tien les uns des autres.

  3. Mer­ci pour cet article très, très inté­res­sant, qui met des mots pré­cis sur le malaise que je res­sens face à ce genre de mobilisation. 

    Ceci dit, à la fin de ma lec­ture, je suis très embê­tée : se battre ? Ça veut dire quoi ? Quelles actions recommandez-vous ?

    1. Se battre, ces jours-ci, cela veut dire prendre la rue, aller aux fron­tières, blo­quer les flux, bref mettre son gilet jaune. Parce qu’au-delà des miettes obte­nues qui ne trompent per­sonne (et qui consti­tuent cepen­dant une vic­toire his­to­rique vu l’é­chec de tous les mou­ve­ments sociaux depuis une ou deux décen­nies), le prin­ci­pal béné­fice de ce mou­ve­ment est de ralen­tir signi­fi­ca­ti­ve­ment la course folle de la socié­té de consom­ma­tion et par corol­laire la des­truc­tion de notre milieu.
      Et puis si l’on veut avoir une chance d’ar­rê­ter le désastre, il ne faut pas écrire des péti­tions, faire des pro­cès, ou par­ti­ci­per aux car­na­vals urbains du type « Marche pour le cli­mat », mais agir pour des­ti­tuer l’o­li­gar­chie qui tient le pied appuyé sur la pédale de l’ac­cé­lé­ra­teur. C’est ce que font les gilets jaunes, ici et main­te­nant, sans doute sans en avoir conscience, sans pré­ten­tion théo­rique, sim­ple­ment parce qu’ils ont une conscience aiguë des choses « qui ne se font pas ». Orwell appe­lait ça la décence commune.

      « Le pou­voir est logis­tique, blo­quons tout »

      1. mouais. Très démo­cra­tique tout ça.
        Blo­quer ça n’est pas un programme.
        Quand dans une démo­cra­tie on croit faire la révo­lu­tion, on abou­tit qu’à une seule chose, l’ar­ri­vée au pou­voir d’un par­ti popu­liste et auto­cra­tique. His­to­ri­que­ment, c’est automatique.

        La presse cri­tique les Gilets jaunes ? « Blo­quons la presse ! »
        Ça donne envie, votre monde.

        1. Ca tombe bien, la France n’est pas une démo­cra­tie. Et écrire « his­to­ri­que­ment c’est auto­ma­tique » est his­to­ri­que­ment faux.
          Et quand en cas de révo­lu­tion démo­cra­tique arrive effec­ti­ve­ment au pou­voir un par­ti « popu­liste et auto­cra­tique », his­to­ri­que­ment c’est bien sou­vent quand la haute bour­geoi­sie, l’o­li­gar­chie, décide d’u­nir ses forces à l’ex­trême droite plu­tôt que de perdre ses pri­vi­lèges. C’est ce qui s’est pas­sé en Cata­logne jus­te­ment, avec une alliance bourgeoisie-communistes-franquistes.
          Quand la démo­cra­tie réelle, c’est-à-dire la démo­cra­tie directe, est en passe de triom­pher, les domi­nants tombent vite les masques et on voit ce que le mot « démo­cra­tie » signi­fie pour eux. Ce sont des obser­va­tions qu’il est aisé de consta­ter ces jours-ci.

          Si vous vou­lez savoir ce que c’est qu’une vraie démo­cra­tie, au-delà du théâtre qu’on nomme ain­si aujourd’­hui, lisez ce petit tract d’actualité :
          https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2018/11/29/gilets-jaunes-gascons-%e2%80%afmacron-demission%e2%80%89-oui-et-apres%e2%80%89%e2%80%af/

  4. Les dis­cours radi­caux sont de bonne guerre et je pense qu’ils ont rai­son d’être : il y a urgence. Marx et sa suite (Rosa Luxem­bourg, Debord, Cou­sin et d’autres) enton­naient « à bas l’É­tat, à bas le Capi­tal, à bas la Mar­chan­dise ». Si l’a­na­lyse est per­ti­nente, si la ques­tion du pour­quoi tombe sous le sens, c’est tou­jours la ques­tion du com­ment qui coince. Com­ment abattre la civi­li­sa­tion ther­mo-indus­trielle, com­ment tru­ci­der le Capi­tal. Com­ment abo­lir l’E­tat. Com­ment en finir avec la Mar­chan­dise et le Spec­tacle. Pas facile, car avec des mesu­rettes on n’a­vance pas. Comp­ter sur ce que Marx appelle la « baisse ten­dan­cielle du taux de pro­fit », est un peu illu­soire si l’on veut une solu­tion dans un délai rela­ti­ve­ment bref (car le capi­tal sait se repro­duire de manière de plus en plus sophis­ti­quée, il ne veut pas mou­rir, il résiste comme il peut).
    Donc, c’est quoi la marche à suivre, s’il en est une ? Il y a des ce,tai,es de mil­liers de gens qui se posent la ques­tion. Mais y a‑t-il une réponse satis­fai­sante ? J’ai bien peur que ce soit très compliqué.

  5. C’est bien beau de cri­ti­quer mais que pro­po­sez vous comme moyen d’ac­tions vu que selon vous por­ter plainte est illu­soire et uto­pique ? J’ai signé la péti­tion et pour­tant je ne par­tage pas votre avis sur les points 2 et 3 que vous soulevez.
    Nombre de per­sonnes sen­sibles à la catas­trophe qui s’an­nonce se sentent impuis­santes face cette impos­si­bi­li­té d’a­gir. Alors oui, un peu d’es­poir fait du bien.
    Que pou­vons nous faire d’autres ? Pro­po­sez des solu­tions plu­tôt que de cri­ti­quer les actions des autres …

    1. Zel, dans sa rubrique « Livres à décou­vrir » ou au fil des articles, ce site fait réfé­rence à tout un tas d’ou­vrages et notam­ment les 2 volumes de « Eco­lo­gie en résis­tance » ou encore « DGR — Un mou­ve­ment pour sau­ver la pla­nète » etc…
      Ce genre d’ou­vrages déve­loppent des idées, des stra­té­gies (tu peux appe­ler ça ‘solu­tion’ si tu le souhaites)

  6. Par hon­nê­te­té et curio­si­té intel­lec­tuelles, j’ai bien vou­lu suivre le très long argu­men­taire détaillé et plai­doyer contre « L’Af­faire du siècle » (dont j’ai signé et sou­te­nu la péti­tion) qui mérite en effet d’être consi­dé­ré. Tout au long et plus j’ap­pro­chais de la fin du texte, je me disais : « So, what ? », « alors quoi ? », « quelles solu­tion et méthode ? »… Il faut attendre le der­nier petit para­graphe de 10 lignes pour y trou­ver 2 phrases défi­nis­sant l’ob­jec­tif pré­ten­du­ment alter­na­tif à se fixer : « Nous avons besoin de rien de moins que du déman­tè­le­ment com­plet de la socié­té indus­trielle mon­dia­li­sée, de l’E­tat, du capi­ta­lisme. » & « Nous avons besoin d’une décrois­sance radi­cale, d’une dis­so­lu­tion de la socié­té de masse au pro­fit d’une mul­ti­tude de socié­tés véri­ta­ble­ment démo­cra­tiques — fon­dées, donc sur des tech­no­lo­gies démo­cra­tiques. » OK pour moi (je ne serais pas éton­né que les pro­ta­go­nistes de « L’Af­faire du siècle » par­tagent aus­si cette visée finale). Bon, et on fait quoi pour prendre ce che­min ? Les 5 der­niers mots du pam­phlet nous donnent la solu­tion miracle : « Il va fal­loir se battre ». Nous voi­là bien avan­cés ! 🙂 « L’Af­faire du siècle » aurait tout faux… mais la for­mule magique du com­bat (com­ment, quels outils, quelles étapes, … ?) nous ramène… où ? Flop du siècle ou fumis­te­rie intel­lec­tuelle du siècle ???

    1. « Par hon­nê­te­té et curio­si­té intellectuelles ».
      A la lec­ture de votre prose, votre hon­nê­te­té intel­lec­tuelle est de pure forme.
      On ne peut que vous ren­voyer vers les nom­breux ouvrages et tra­vaux d’au­teurs dont la lec­ture devrait vous éclairer.
      Que vou­lez içi ? Un article de 3000 pages ?
      En fait, je ne sais même pas pour­quoi je prends 2 minutes pour répondre à ce genre de réac­tion mépri­sante autant qu’ar­ro­gante, sans doute parc­qu’elles truffent les com­men­taires des articles du site ?
      .
      Pour faire simple :
      1/Postulat : Nous sommes condi­tion­nés par un sys­tème à vivre et entre­te­nir le dit sys­tème qui même la pla­nète vivante à sa perte (ref. innombrables).
      2/Le pro­blème est sys­té­mique. Par défi­ni­tion déshu­ma­ni­sée et intrans­for­mable fon­da­men­ta­le­ment (ref. innom­brables). Cer­tains Sou­haitent donc la mort la plus rapide pos­sible du sys­tème en question.
      3/Solution pro­po­sée par le DGR : le pour­rir au plus tôt par l’ac­ti­visme et par tout les moyens pos­sibles (ref. innombrables).
      .
      Main­te­nant, si vous ne vou­lez pas­ser que 3 minutes pour com­prendre le fond, libre à vous (tous). Mais ne la rame­nez pas en débu­tant votre com­men­taire par : « Par hon­nê­te­té et curio­si­té intel­lec­tuelles, j’ai bien vou­lu suivre le très long argumentaire… »
      .
      Argu­men­taire qui est d’ailleurs par­ti­cu­liè­re­ment court cette fois ci, déjà déve­lop­pé dans de nom­breux articles postérieurs.
      .
      Bonne journée.

      1. On peut rajou­ter un point 4… His­toire de ne pas tendre le bâton.…Quoique.
        .
        4/ Pro­po­si­tion de sys­tème alter­na­tif qui pour­rait rem­pla­cer le grand n’im­porte quoi. Décrois­sant, local, humain, simple, fra­ter­nelle, modé­ré, bienveillant.…
        .
        Oh ! mais que voi­la des mots qui ne peuvent que faire rica­ner ! Et qui néces­si­te­raient des heures de négo­cia­tions et pers­pec­tives pour être rece­vables. Mais après tout, au diable ces bille­ve­sées n’est il pas ? Le mar­ché va bien finir par s’autoreguler,les enfants de moins de 10 ans ces­ser de fouiller les décharges de notre « monde » et la terre s’arrêter toute seule de se trans­for­mer en astéroïde.
        .
        Mode colère [off]

  7. Pour­quoi n’est-il jamais ques­tion de l’ac­ti­vi­té mili­taire mon­diale dont la pol­lu­tion est éva­luée à 20% des acti­vi­tés pol­luantes ? Pour ne citer que cer­taines terres ne peuvent plus être uti­li­sées à cause des mines anti­per­son­nel, ou des bombes à ura­nium. D’autre part la fabri­ca­tion des armes et les essais consomment énor­mé­ment d’eau potable et libèrent des gaz nocifs et radio­ac­tifs. Or les dépenses mili­taires mon­diales n’ont jamais été aus­si éle­vées 1850 mil­liards de dol­lars en 2017 et à la demande de l’O­TAN les pays membres sont obli­gés d’aug­men­ter leurs dépenses mili­taires à 2% de leur PIB. Un trai­té d’in­ter­dic­tion des armes nucléaires a été signé en juillet 2017 : agis­sons pour que 50 pays le rati­fient pour qu’il s’ap­plique (20 l’ont déjà rati­fié) et mobi­li­sons nous pour abo­lir la guerre.

  8. Ok, ok. Mais en ce qui me concerne, je ne crois pas une seconde que cela abou­ti­ra à quelque chose de concret sur le plan de l’é­tat mais j’ai quand même signé. Parce qu’il faut atteindre « le cen­tième singe ». Même si ce n’est qu’une méta­phore, tous les moyens sont bons pour atteindre le point de rup­ture où même le plus nom­bri­lo­cen­tré des Ama­zon-addicts aura enten­du par­ler de la catas­trophe éco­lo­gique qui s’an­nonce. Après il y aura tou­jours des col­la­bos, des résis­tants, et des jemen­fou­tistes, c’est ain­si. Votre article est très bien docu­men­té et aus­si met l’ac­cent sur l’ar­naque psy­cho­lo­gique que peut être le « bio-équi­table ». Et tiens, comme par hasard, c’est un mec qui fabrique et vend le pro­duit, et une femme qui accepte de se lais­ser « entu­ber ». Toute res­sem­blance … Et je suis tout à fait d’ac­cord avec le démen­telment radi­cal et le fait qu’il va fal­loir se battre. Bonne continuation.

  9. C’est quoi des tech­no­lo­gies démo­cra­tiques ? Vous par­lez de décrois­sance mais quelles tech­no­lo­gies dans cette décroissance ?

  10. Bon­jour,
    Je suis membre de Notre Affaire à Tous, l’ONG a l’initiative du recours. Pour faire très court : 1) C’est bien il faut gar­der son esprit cri­tique. 2) Dans le fond on est d’accord avec vous il faut un chan­ge­ment radi­cal de la socié­té. C’est pour ca qu’on attaque pas seule­ment l’Etat mais éga­le­ment Total en jus­tice, car nous sommes conscients du pou­voir et de la res­pon­sa­bi­li­té des mul­ti­na­tio­nales dans le chan­ge­ment cli­ma­tique ain­si que de la pro­tec­tion de l’environnement. 3) On est un col­lec­tif de juristes à la base de ce recours et on croit à l’effet de l’application du droit. C’est pour ça qu’on demande au juge entrés autres d’enjoindre L’Etat à res­pec­ter ses propres enga­ge­ments aux­quels il s’est astreint. En d’autres termes, on vise à don­ner une réelle force exé­cu­toire à des lois qui, mal­heu­reu­se­ment, ne sont pas res­pec­tées. 4) Il est vrai qu’il y a des enjeux tout aus­si impor­tants que le cli­mat tels que la pro­tec­tion sociale, la bio­di­ver­si­té, le nucléaire, la guerre et j’en passe. Mais on ne peut tout mélan­ger sur­tout lorsque l’on intro­duit un recours en jus­tice, qui doit trai­ter d’un pré­ju­dice, d’un dan­ger ou de la pro­tec­tion de cer­tains droits plus ou moins pré­cis. 5) On consi­dère que tous les moyens sont bons pour par­ve­nir à la pro­tec­tion du cli­mat et de l’environnement, y com­pris l’action en jus­tice et la mobi­li­sa­tion citoyenne sur les réseaux sociaux.

    1. Salut, le pro­blème c’est qu’au­cun des 5 points que tu cites ne font par­tie des pro­blèmes prin­ci­paux qu’on expose. Qui sont, pour faire très bref :
      1. Que vous faites un pro­cès pour deman­der plus de déve­lop­pe­ment durable (pour faire court, c‑a-d le « déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables » et « l’a­mé­lio­ra­tion de l’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique », prin­ci­pa­le­ment, pour reprendre vos formulations).
      2. Que vous confon­dez « pro­tec­tion du cli­mat et de l’environnement » et « déve­lop­pe­ment durable » alors que les deux sont anti­no­miques, contra­dic­toires. C’est-à-dire que vous sem­blez soit igno­rer soit ne pas com­prendre que le « déve­lop­pe­ment durable » ne per­met­tra jamais d’en­di­guer le désastre en cours, qu’il désigne la conti­nua­tion du désastre qu’est la socié­té indus­trielle (dont il n’existe pas de ver­sion verte, durable, sou­te­nable, sauf dans les délires absurdes de ses plus fer­vents idéo­logues). Il y a un cer­tain nombre d’ar­ticles sur le déve­lop­pe­ment durable sur notre site. N’hé­si­tez pas à y jeter un œil pour plus d’explications.

      Comme : https://partage-le.com/2018/10/de-paul-hawken-a-isabelle-delannoy-les-nouveaux-promoteurs-de-la-destruction-durable-par-nicolas-casaux/
      https://partage-le.com/2018/06/pourquoi-lefficacite-energetique-ne-resout-rien-bien-au-contraire-par-max-wilbert/
      https://partage-le.com/2018/05/9289/
      https://partage-le.com/2017/02/lecologie-du-spectacle-et-ses-illusions-vertes/
      https://partage-le.com/2017/02/des-dangers-du-developpement-durable-ou-capitalisme-vert-par-derrick-jensen/
      https://partage-le.com/2017/08/ce-nest-pas-seulement-la-production-delectricite-qui-pose-probleme-cest-son-utilisation-et-tout-le-reste/
      https://partage-le.com/2016/02/cet-insoutenable-mot-de-developpement-par-fabrice-nicolino/

      1. Nico­las,

        J’ai lu un cer­tain nombre de vos articles ain­si que le PDF du mou­ve­ment DGR « rejoindre DGR ». Je ne connais­sais pas votre mou­ve­ment. Je réponds ci-des­sous à votre der­nier commentaire.
        Pre­miè­re­ment, on ne fait pas de pro­cès pour deman­der plus de déve­lop­pe­ment durable. Je ne suis pas sûr que vous ayez réel­le­ment lu et com­pris notre docu­ment. Je pense que votre opi­nion s’est arrê­tée sur des sym­boles et des idées préconçues. 

        Nos demandes sont les sui­vantes : répa­rer les pré­ju­dices invo­qués (pré­ju­dices moraux des asso­cia­tions et de cer­tains membres ain­si que du pré­ju­dice éco­lo­gique ; i.e. néces­saires pour jus­ti­fier notre inté­rêt à agir) ain­si que « Prendre toute mesures utiles per­met­tant de sta­bi­li­ser, sur l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal, les concen­tra­tions de GES dans l’atmosphère à un niveau qui per­mette de conte­nir l’élévation de la tem­pé­ra­ture moyenne de la pla­nète à 1,5 °C ».
        En revanche, à aucun moment nous deman­dons une meilleure mise en œuvre de la notion de déve­lop­pe­ment durable. Si tu cherches avec ctrl.f dans le docu­ment de la demande préa­lable, tu consta­te­ras très rapi­de­ment mon pro­pos. Je t’invite à véri­fier. En ce qui concerne la demande rela­tive au déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables et à l’augmentation de l’efficacité éner­gé­tique, cela n’équivaut pas à deman­der « plus de déve­lop­pe­ment durable ». Au contraire, l’efficacité éner­gé­tique vise tout sim­ple­ment l’efficacité, la ratio­na­li­té et la fru­ga­li­té pour réduire in fine notre consom­ma­tion. Beau­coup de pos­si­bi­li­tés existent en fait à cet égard. L’énergie renou­ve­lable doit être déve­lop­pée quant à elle pour faire face a mini­ma à nos besoins les plus essen­tiels et pour rem­pla­cer les éner­gies très sales ou nucléaires. Et, quand bien même la pro­duc­tion de nou­veaux maté­riaux pour les éoliennes ou les pan­neaux solaires a un impact plus ou moins pro­blé­ma­tique sur l’environnement et les droits de l’homme, celui-ci n’est pas aus­si impor­tant même s’il doit encore s’atténuer. A cet égard, un mou­ve­ment juri­dique inter­na­tio­nal impor­tant vise à res­pon­sa­bi­li­ser les mul­ti­na­tio­nales. Du reste, il est clair que les solu­tions tech­no­lo­giques doivent encore être améliorées.

        Quoi qu’il en soit, si le gou­ver­ne­ment don­nait satis­fac­tion à nos demandes, un chan­ge­ment de socié­té radi­cal et posi­tif devrait être mis en œuvre, car la pro­tec­tion du cli­mat et de l’environnement néces­site une vision holis­tique. Il est de ce point de vue très clair que le sacri­fice d’une par­celle de forêt pour un champ de pan­neaux pho­to­vol­taïques soit une absur­di­té totale. Mais de nos jours, nous dis­po­sons des moyens néces­saires, qu’ils soient poli­tiques, juri­diques et de com­mu­ni­ca­tion pour empê­cher que de telles aber­ra­tions se répètent à l’échelle locale.

        Mal­gré tout, je pense com­prendre ce que vous écri­vez, dans le sens où notre demande se heurte au sys­tème capi­ta­liste et à son modèle de crois­sance éco­no­mique dans lequel la France et le monde entier sont pro­fon­dé­ment ancrés. Je suis sen­sible à cette cri­tique car elle est loin d’être dénuée de sens. Au regard de cette situa­tion, seul le déve­lop­pe­ment durable pour­rait être selon vous une voie alter­na­tive admis­sible au sta­tut quo pour le sys­tème éco­no­mique. Vous avez sûre­ment rai­son. Il faut se battre pour que cela ne soit pas la seule alter­na­tive cré­dible à nos sociétés. 

        Au demeu­rant, votre cri­tique tein­tée d’un mépris pro­fond à l’égard de notre action en rai­son de nos moyens de com­mu­ni­ca­tions pour appe­ler à un éveil des consciences me semble être très peu construc­tive. En outre, au regard de l’intérêt lar­ge­ment insuf­fi­sant de la socié­té et du monde entier pour les enjeux envi­ron­ne­men­taux, votre appel à la décrois­sance radi­cale et au déman­tè­le­ment de nos socié­tés indus­trielles en guise de conclu­sion est encore plus uto­pique et fon­da­men­ta­le­ment irréa­li­sable (du moins, à l’heure actuelle). En effet, com­ment comp­tez-vous faire entrer des gens en résis­tance, en France ou dans les pays en déve­lop­pe­ment, alors qu’ils n’ont pas de conscience éco­lo­gique et n’ont même pas les moyens d’en avoir une ? Les per­sonnes subis­sant la pau­vre­té ne peuvent presque pas se per­mettre de se consa­crer à la pro­tec­tion de l’environnement. Or, un mou­ve­ment d’écorésistance requiert une cer­taine masse de per­sonnes dis­po­nible, et ce à l’échelle planétaire. 

        En tout cas, depuis que l’Etat néer­lan­dais s’est fait condam­ner en 2015 par sa propre jus­tice, des recours contre les Etats et contre les entre­prises pol­lueuses se sont mul­ti­pliés dans le monde entier, à savoir aux USA, en Europe, en Inde, en Aus­tra­lie, dans les Phi­lip­pines etc… Je pense que ce mou­ve­ment est por­teur d’espoir même s’il est vrai que beau­coup de défis juri­diques res­tent à être rele­vés. Ce mou­ve­ment ne vise pas néces­sai­re­ment à sau­ver la civi­li­sa­tion indus­trielle, mais à la réin­ven­ter, et ce, par des moyens paci­fistes, avec l’appui de normes exis­tantes et accep­tées par nos socié­tés telles que les droits de l’homme et celles visant la pro­tec­tion de l’environnement.

        Le docu­ment du DGR pré­tend qu’un chan­ge­ment de para­digme est impos­sible en l’état (notam­ment avec les géné­ra­tions exis­tantes, ren­voi à l’idée de Max Planck), mais vous n’êtes aucu­ne­ment en mesure de le prou­ver. Nous ne sommes pas non plus en mesure de prou­ver qu’une tran­si­tion éco­lo­gique paci­fiste puisse se réa­li­ser. Mais je veux croire que la tran­si­tion éco­lo­gique vers la décrois­sance et la per­ma­cul­ture puisse se réa­li­ser de manière paci­fique. Cela requiert un enga­ge­ment quo­ti­dien, qui ne peut se res­treindre au seul champ des idées. 

        En atten­dant, au lieu de s’opposer à notre action et de vou­loir s’en démar­quer à tout prix, vous feriez-mieux de nous rejoindre car je pense que nous nous bat­tons pour la même cause. En effet, si le temps semble être venu au Bré­sil pour prendre les armes afin de pro­té­ger l’Amazonie contre les pro­jets du nou­veau gou­ver­ne­ment, cela ne me paraît pas encore être le cas en France. Pour moi, vos idées sont pré­ma­tu­rées et non adap­tées à la France et à l’Europe. Avant de vou­loir faire usage de la force, tous les moyens paci­fistes devraient être mis en œuvre. Et on est encore très loin d’avoir uti­li­sé tous les moyens non-vio­lents possibles.

        1. Vous pen­sez pou­voir chan­ger les effets délé­tères du sys­tème en char­geant la res­pon­sa­bi­li­té sur l’in­di­vi­du qui devrait pou­voir, par son com­por­te­ment, sa prise de « conscience » modi­fier la méca­nique du sys­tème, le ren­dant plus vertueux.
          Il y a, à mon sens, une pro­fonde dif­fé­rence d’analyse.
          .
          Deman­dez à Apple (Apple le Trust pas l’in­di­vi­du) de ne pas conti­nuer à vendre du rêves mais à expli­quer concrè­te­ment l’im­pact de ses pro­duc­tions sur les res­sources humaines et naturelles.
          .
          Deman­dez à Bri­tish Petro­leum (BP le Trust pas l’in­di­vi­du) de ne pas s’im­pa­tien­ter de voir la calotte gla­ciaire fondre pour pou­voir exploi­ter les réserves d’hy­dro­car­bure juste en dessous.
          .
          Deman­dez à mon fils de com­prendre pour­quoi ses Nike pose glo­ba­le­ment une sorte de pro­blème (et ma machine à café, ma bagnole, ma montre, mon ordi­na­teur, mon TGV, mes îles caï­mans, les machines for­mi­dables qui tiennent son grand père en vie à 93 ans dans quel état…)
          .
          Bref, « Holis­ti­que­ment ». Vous pen­sez pou­voir vous battre contre l’ex­tra­or­di­naire pou­voir de condi­tion­ne­ment, de per­sua­sion, de déma­go­gie du sys­tème qui s’at­taque avec immense suc­cès aux leviers psy­cho­lo­giques les plus pri­maires et élé­men­taires de notre espèce en invo­quant l’idéaliste facul­té d’a­na­lyse d’ap­proche holis­tique que cha­cun pour­rait exer­cer librement.
          .
          Non. Votre « conscience » éco­lo­giste eth­no­cen­trée ne remet­tra pas en ques­tion les absurdes, super­fi­ciels et condi­tion­nés besoins « Que je le vaux bien » .
          .
          Et entendre qu’il s’a­git de for­cer le Gvt à dimi­nuer la quan­ti­té de Co2 émise en France et juste com­plè­te­ment con. Rapa­trions la pro­duc­tion de bien de consom­ma­tion jusque la impor­té, en France, et seule­ment alors la ques­tion aurait du sens. Et recal­cu­lons le coût réel du KW/h nucléaire tant qu’on y est, ces­sant de nous cacher der­rière un scien­tisme naïf.
          .
          Et dans votre vidéo, on se garde bien de par­ler des souf­frances ani­males, humaines et natu­relles que le sys­tème entre­tient pour son plus grand pro­fit. Il ne s’a­gi­rait pas de trop le cham­boul­ler… lui et ses divi­dendes, retour sur inves­tis­se­ment, point de crois­sance, start up nation et autre Tra­ding Haute Fréquence.

    2. le man­dat impé­ra­tif n’existe pas en poli­tique ; à mon avis toute déci­sion de jus­tice en ce sens pour­ra être contes­tée sur cette base

    1. Hel­lo,

      Les rayon­ne­ment de la cha­leur venant de réser­voires magmatiques/plumes plus ou moins à fleur de la sur­face ont tou­jours été pré­sents et n’ont jamais empê­ché le cou­vert de neiges et de glaces aux pôles de se for­mer, de s’é­tendre et de per­sis­ter pen­dant plu­sieurs mil­liers d’an­nées. Que ce soit au Groen­land, en Islande ou en Antarc­tique. La fonte inexo­rable des calottes ne vient pas de là, tout comme la fonte des gla­ciers andins ou alpins.
      Lors­qu’il est ques­tion du cli­mat, il n’est pas ques­tion uni­que­ment des tem­pé­ra­tures atmo­sphé­riques voire l’in­ter­face entre les gla­ciers et le sub­strat (pour rap­pel, l’at­mo­sphère prends pra­ti­que­ment pea­nuts du sur­plus de cha­leur par rap­port aux océans), il est ques­tion de cycles : cycles de l’eau, cycle du carbone, ..
      Et sur ce der­nier point, tout le monde aura beau ges­ti­cu­ler comme il le faut, mais per­sonne ne sait quel sera l’é­tat final de ces cycle quand le sys­tème-Terre aura trou­vé un nou­vel équi­libre à cause de nos conne­ries (émis­sions fos­siles CO2, des­truc­tion des réser­voirs, modi­fi­ca­tion albe­do, mono­cul­ture et impli­ca­tions sur la bio­di­ver­si­té et bien d’autres) : il y a de fortes pro­ba­bi­li­té que l’a­gri­cul­ture ne soit plus pos­sible, et encore moins pour nour­rir des repas de fête pour ce chep­tel humain à 7 mil­liards de têtes.
      Le com­bat pour le moment, c’est de bri­ser et se déba­ras­ser de ce qui pour­rait empê­cher notre vie ou notre sur­vie d’êtres libres, et de devoir tro­quer cette liberte pour une dépen­dance à des struc­tures mor­ti­fères et prêtes à nous mettre sous tutelle tech­no­lo­gique dans l’u­nique but que rien ne change (et pour cela, l’om­ni­pré­sence des écrans dans nos vies ont un fabu­leux pou­voir hyp­no­tique pour y entrer). La manière… impro­vi­sa­tion totale, tous les « manuels » de recettes ont échoué et sont trop connus des organes de coercitions.

  11. Bon­soir,
    Je lis votre article, inté­res­sant, mais très anxiogène.
    Ils se trompent. Soit.
    Que pro­po­sez vous alors ? Quelle est la démarche à suivre ? Quelle est la posi­tion à défendre ?
    Faut-il juste se rési­gner et attendre l’annihilation bien gentiment ?

    Il est facile je trouve de ne pas por­ter votre cri­tique plus loin et d’apporter des élé­ments construc­tifs au débat.

    1. Non, il n’est pas facile de for­mu­ler notre cri­tique, on aurait aimé vous y voir. En outre, la cri­tique et la pro­po­si­tion sont deux choses dif­fé­rentes, notre article n’a­vait pas pour objet de se concen­trer sur la for­mu­la­tion d’une pro­po­si­tion alter­na­tive. Beau­coup d’ar­ticles sur notre site se concentrent sur cette ques­tion. De même que le livre Deep Green Resis­tance que nous venons de publier : http://editionslibre.org/produit/deep-green-resistance-un-mouvement-pour-sauver-la-planete-derrick-jensen-lierre-keith-et-aric-mcbay/

    2. bon­jour, ce terme « anxio­gène » est révé­la­teur du fait que l’on veulent « posi­ti­ver » on veut un « espoir ». En lisant Labo­rit (et sûre­ment d’autres) on com­prend que c’est vital pour notre struc­ture, sinon on se détruit soi-même. (éloge de la fuite, agres­si­vi­té détournée).
      cette ini­tia­tive média­tique est plus sim­ple­ment citoyen­niste ; sans remettre en cause le sys­tème, elle par­ti­cipe à ras­sem­bler des per­sonnes sur un point pré­cis (ici la vie sur terre) de tout milieux sociaux cultu­rels qu’on a tel­le­ment ato­mi­sé que c’est déjà un grand pas de les ras­sem­bler, j’ai vu aus­si cela avec les fau­cheurs, les anti­nuc à Bure et ailleurs, et autres sites NDDL, Sivens, NoTav.
      La démarche c’est de s’en­ga­ger dans un domaine de votre affi­ni­té et de ral­lier, sou­te­nir selon vos moyens les groupes d’op­po­si­tion radi­cale en plus de ces démarches citoyen­nistes plus confor­tables pas inutiles tout de même.
      La posi­tion à défendre, c’est la ren­contre, c’est l’ac­cès à la terre nour­ri­cière non conta­mi­née pour le plus grand nombre. C’est tendre vers des socié­tés à taille humaine les plus justes pos­sible et sur­tout des­cendre du nuage du déve­lop­pe­ment. (capi­ta­lisme, scien­tisme, bar­ba­rie civi­li­sée, pro­duc­ti­visme, méca­niste, occi­den­ta­lo­cen­trique ego­cen­trique etc)
      Il ne faut bien sûr pas se rési­gner mais se révol­ter en tenant compte des pièges du pas­sé (cf l’homme révol­té) « le pou­voir est mau­dit » il doit être répar­ti comme une braise incan­des­cente que l’on se passe une seconde main à main au su et vu de tous.

  12. Inté­res­sant de lire vos réflexions et les réponses étayées dans les com­men­taires… Gra­ti­tude à toutes les per­sonnes qui cherchent à contri­buer pour la vie :-). Notre matière grise (qui en fait est rose) est utile en cela, notre intui­tion et notre cœur aus­si, il me semble. Nous sommes tous liés ‑comme tou­jours — dans cette expé­rience à venir !

  13. Cet article fût très inté­res­sant quoi qu’un peu cynique et un peu moins appuyé pour ce qui est de la cri­tique des you­tu­beurs et des visages de l’é­co­lo cool.
    Je pense que rendre l’é­co­lo­gie cool est une bonne idée et per­met de don­ner à cette lutte de l’im­por­tance que une élite d’é­ru­dits ne pour­rait soulever.
    Je pense que ces éru­dits et intel­lec­tuels devraient plu­tôt mar­cher main dans la main pour ame­ner ces you­tu­beurs et autres visages à trans­mettre les bons messages.
    Car je crois que déni­grer n’a plus place dans ce monde oú nous devons nous battre ensemble.
    Nous sommes à l’é­coute et nous vou­lons chan­ger le monde et aus­si naïf que cela semble, nous avançons.
    Ces you­tu­beurs parlent de consom­mer moins et mieux et changent peu à peu le regard des gens, à leur échelle. Ils parlent de zéro déchet, de vie mini­male, de ne pas prendre l’a­vion, de chan­ger de banque. Ce sont peut être des gestes simples et insi­gni­fiants mais en tout cas c’est au delà du simple fait de par­ler de baisse des gaz à effet de serre.
    Quels seraient les meilleurs modes d’ac­tion selon vous ? Vaut-il mieux ne rien faire du tout ?

  14. je vous sou­tiens et sou­haite sin­cè­re­ment que votre démarche aboutissent !
    il faut mettre fin a cette cor­rup­tion de folie , pour le bien de tout les être et de la terre !

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