Anticlérical ! (par Arthur)

Chro­nique écrite à l’oc­ca­sion de l’é­lec­tion [le 26 août 1978] de Jean-Paul Pre­mier (Albi­no Lucia­ni), Pape au pon­ti­fi­cat express : un mois ! Il en est mort, le bougre.

Atten­tion croyant, passe ton che­min ! Ces lignes vont faire sai­gner ton âme !

Dieu est malade : achevons-le !

Sus­pense dra­ma­tique à la cha­pelle Six­tine : on était sans nou­velle des cent-onze vieillards enfer­més sous les fresques de Michel-Ange. Le fonc­tion­ne­ment défec­tueux d’un poêle archaïque était-il à l’o­ri­gine d’une asphyxie collective ?

L’Église déca­pi­tée ? Le curé de Cucu­gnan élu pape de la Chré­tien­té, faute de car­di­naux ? Non ! Jean-Paul Pre­mier sau­vait la Sainte Face en sor­tant vain­queur de l’im­pi­toyable course aux honneurs.

Des suc­ces­seurs de Saint Pierre, il y en eut : des saints, des débau­chés, des machia­vé­liques com­bi­nards. Tous du côté du manche, der­rière Simon de Mont­fort (vam­pire de l’Oc­ci­ta­nie) ou Fran­co et Hitler.

L’Église était l’État. Orga­ni­sa­tion cen­tra­li­sée, faite pour diri­ger les hommes. L’Église était le bras armé de l’Oc­ci­dent nive­leur. Les conquis­ta­dores espa­gnols mirent à bas les civi­li­sa­tions inca et maya au nom de Dieu.

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Dieu, comme Casius Clay, est the king of the world. Dieu est amour, napalm, et sor­cières cal­ci­nées. Le nombre de femmes brû­lées vives pour rai­son de feu au cul, de non-conforme ou de rebou­teuse, vous pou­vez pas savoir… (la femme était Satan, elle don­nait des idées char­nelles au fidèle).

Crois ou meurs !

Et ça dure. Ces môme­ries san­glantes sont tou­jours à la Une. Savez-vous que les inté­gristes feraient volon­tiers cra­mer les nudistes exhi­bant leur tem­po­relle cha­leur, s’ils étaient au pouvoir ?

Les églises se vident sous les pro­jec­teurs de l’in­dif­fé­rence maté­ria­liste et les bate­leurs font le for­cing. Entrez et vous ver­rez ! Rien. On sait qu’il n’y a rien, que l’orgue nos­tal­gique et l’en­cens exotique.

Rien qu’une méthode de gou­ver­ne­ment des masses.

Sor­ti­ra-t-on un jour des ténèbres du mys­ti­cisme ? C’est une ques­tion à se faire excom­mu­nier. À quand les ren­voyeurs d’actes de baptême ?

Déchi­rée par les que­relles bou­ti­quières de sur­faces concur­rentes, l’Église est en plein doute : achevons-là !

Les rati­chons dans le vent se posent même la ques­tion de l’exis­tence de Dieu. Le Bar­bu a du plomb dans l’aile. On le rem­place par une enti­té floue, plus facile à caser, sorte de nébu­leuse apai­sante, de cata­plasme adap­table à tous les cas de lèpre agnos­tique. Dieu est tout, donc tout est Dieu. Embal­lez, c’est pesé. Tu crois sans le savoir. N’in­siste pas, tu feras ton Salut, volens nolens.

Plus besoin d’al­ler prier, se confes­ser, bouf­fer l’hos­tie. On peut être chré­tien en res­tant chez soi. Comme la Redoute, Dieu livre à domicile.

Alors à quoi bon le rite, le conclave, la fumée ? A quoi bon ? Mais un rite a ses lois immuables, celles du Spec­tacle. Le gogo doit mar­cher, tel le sau­vage, aux tabous du féti­chisme gué­ris­seur. On gar­de­ra donc avec pro­fit un mini­mum de sym­bo­lique pour ne pas tout démythifier.

Si le mythe passe, le com­merce trépasse.

L’es­sen­tiel, voyez-vous, ce n’est pas l’ef­fi­ca­ci­té du méde­cin, c’est l’exis­tence des malades. Et de ce côté-là, pas de sou­cis ! Le mar­ché de la misère affec­tive et morale se porte bien. D’où Dieu, sa main fraîche sur les plaies inté­rieures (dif­fi­ciles à obser­ver, gué­ri­son remise à une vie ulté­rieure), son brouillard à éga­rer l’in­tel­li­gence. Pru­rit onto­lo­gique ? Voyez Dieu !

Le dan­ger, pour la libé­ra­tion intel­lec­tuelle et libi­di­neuse de l’homme, un esprit libre dans un corps affran­chi, c’est l’es­prit reli­gieux. Un can­cer à dépis­ter par­tout, jusque dans les nou­velles reli­gions (tech­nique, crois­sance du PNB, État).

La reli­gion relie (reli­gere). Les chaînes aus­si. L’Homme a sans doute besoin d’être relié à quelque chose, sous peine de flot­ter dans l’é­ther, tel le den­tier dans un verre à cham­pagne. Mais relié à quoi ? À qui ? Et sur­tout, pourquoi ?

Répondre à ces ques­tions c’est déjà faire un pas vers la dis­so­lu­tion des dogmes, c’est déjà tuer Dieu comme la lumière tue l’ombre.

Croyant ! Tu n’as pas écou­té mes conseils limi­naires : tu as lu ce tis­su d’or­dures, et main­te­nant tu souffres ! Petit maso­chiste, je suis ton Golgotha.

Arthur (Hen­ri Montant),
La Gueule ouverte n°225, 30 août 1978.

 

 

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  1. L’homme est capable du meilleur comme du pire, avec ou sans — n’im­porte quelle — idéo­lo­gie. Dif­fi­cile d’é­ta­blir un clas­se­ment de la mor­bi­di­té, on a tué au nom de la reli­gion mais aus­si de poli­tiques athées (fas­cisme, com­mu­nisme) ou de la laï­ci­té. Les guerres actuelles se font au nom des droits de l’homme. Faut-il pour autant les jeter avec l’eau du bain ? 

    Dieu est mort mais pas seule­ment, pour para­phra­ser Nietzsche : « l’homme est mort également ».
    Cela ne signi­fie pas que le concept de Dieu ou celui de l’humanité n’a jamais pro­duit de belles choses (lisez Maître Eck­hart ou Nico­las de Cues), mais qu’ac­tuel­le­ment on tend à en faire n’im­porte quoi.

    Car le pire est devant nous. L’i­déo­lo­gie domi­nante du mar­ché sans entrave et du néo-libé­ra­lisme (pri­va­ti­sa­tion des béné­fice et socia­li­sa­tion des pertes) est la plus dan­ge­reuse de toute car sans fron­tière et d’une puis­sance finan­cière jamais vue.
    La cho­si­fi­ca­tion du vivant et des vivants (tout règnes confon­dus) ou leur mar­chan­di­sa­tion avance à grand pas. Tout se vend, tout s’a­chète pour le seul pro­fit des plus riches. La cor­po­ra­to­cra­tie (a‑religieuse, a‑politique, a‑nationale) rem­place chaque jour un peu plus les démocraties.

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