Fukushima, Work in progress (par Audrey Vernon)

À l’oc­ca­sion du dixième anni­ver­saire de la catas­trophe nucléaire de Fuku­shi­ma, Audrey Ver­non nous pro­pose le texte com­plet de sa pièce de théâtre sur le sujet, ain­si qu’une cap­ta­tion vidéo d’une de ses répé­ti­tions (pla­cée à la fin de cette publication).

Fukushima, work in progress… 

Une légende Japonaise. 

Voix Off :

Fuku­shi­ma est une pré­fec­ture du japon située dans la pro­vince du Tohoku, 

Fuku­shi­ma signi­fie lit­té­ra­le­ment île du Bon­heur, de la chance… 

Sa Capi­tale est la ville de Fukushima

Fuku­shi­ma est une pré­fec­ture du japon située dans la pro­vince du Tohoku, 

Fuku­shi­ma signi­fie lit­té­ra­le­ment île du Bon­heur, de la chance… 

Sa Capi­tale est la ville de Fukushima

Fuku­shi­ma est une pré­fec­ture du japon située dans la pro­vince du Tohoku, 

Fuku­shi­ma signi­fie lit­té­ra­le­ment île du Bon­heur, de la chance… 

Sa Capi­tale est la ville de Fukushima

Audrey éclai­rée à jar­din posi­tion surélevée.

Audrey : Le 11 mars 2011 à 14 h 46, 23 secondes.

La plaque paci­fique a bru­ta­le­ment glis­sé entre les plaques phi­lip­pines et eur­asiennes déclen­chant un séisme de magni­tude 9 sur l’échelle de Rich­ter, dépla­çant l’ile du japon de 2,4 mètres vers l’est, dépla­çant l’axe de la terre de 25 cen­ti­mètres et accé­lé­rant légè­re­ment sa rotation.

Xavier : Dès les pre­miers ins­tants du séisme, les 54 cen­trales nucléaires du pays se sont arrê­tées immédiatement.

Audrey : Par inser­tion auto­ma­tique des grappes de com­mande dans le cœur des réacteurs…

Xavier : Tout a mer­veilleu­se­ment fonctionné…

Audrey : 50 minutes plus tard, à 15H36, un tsu­na­mi a défer­lé sur les côtes de la région du Tohoku.

Xavier : Une vague de 14 mètres a empor­té 16 000 personnes.

Audrey : Une vague de 14 mètres a sub­mer­gé la cen­trale de Fuku­shi­ma… la pri­vant de ses sources externes d’électricité et de ses moyens internes de refroidissement.

L’énergie néces­saire au refroi­dis­se­ment du cœur des réac­teurs était per­due, les réac­teurs ont com­men­cé à surchauffer…

Xavier : Il est 15h36 la région est dévas­tée, les routes impra­ti­cables, tout est détruit… la cen­trale de Fuku­shi­ma est plon­gée dans le noir.

Audrey : Sur les 6 réac­teurs, 3 étaient à l’arrêt à froid pour maintenance.

Dans les salles de com­mande des réac­teurs 1, 2 et 3 les écrans de contrôle ne fonc­tionnent plus. Les tra­vailleurs de la cen­trale n’ont plus accès aux para­mètres : pres­sion, tem­pé­ra­ture, niveau d’eau…

La pres­sion dans l’en­ceinte du bâti­ment ne doit pas être trop forte pour ne pas l’abîmer, la tem­pé­ra­ture ne doit jamais atteindre les 1200 degrés et le niveau d’eau dans les cuves qui contiennent le com­bus­tible ne doit jamais, jamais, jamais, baisser.

Xavier : Les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment de secours devraient se mettre en marche automatiquement.

Audrey : Mais les cuves de Die­sel des géné­ra­teurs élec­triques de secours ali­men­tant les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment de secours ont été empor­tées par le tsunami.

Il est 15h36, les hommes pré­sents dans les salles de com­mande des réac­teurs 1, 2 et 3 ne se sont pas aper­çus tout de suite que le sys­tème de refroi­dis­se­ment de secours ne s’était pas mis en marche, sans aucun ins­tru­ment de mesures, avec des répliques du séisme constantes et per­sua­dés que les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment de secours s’étaient mis en marche automatiquement…

Xavier : Les télé­phones por­tables ne fonc­tionnent plus, la cen­trale de Fuku­shi­ma n’est plus joi­gnable que par Télé­phone fixe…

Audrey : À Tokyo. Au siège de Tep­co. Tokyo Elec­tric power company.

Nous ne savons pas exac­te­ment ce qui se passe mais nous savons qu’un acci­dent nucléaire est hau­te­ment improbable.

Les cen­trales nucléaires sont sûres, archi sûres. 

Audrey prend un télé­phone fixe. 

« Bon­jour, ici le siège de Tep­co, Tokyo élec­tric power com­pa­ny, pour­riez-vous nous faire un point sur la situa­tion dans la cen­trale de Fukushima ?

Vous n’avez plus d’électricité… sur les 6 réac­teurs… ah ouf… Le géné­ra­teur élec­trique de secours… d’une clim ! Sur les 6 réac­teurs… ça va pas être suf­fi­sant… Bon tenez nous au courant. »

Il est 19h, nous décla­rons une zone d’exclusion de 3 km autour de la centrale.

Xavier : À 21h un ron­dier décide dans la plus grande impro­vi­sa­tion et avec une lampe de poche de par­tir à la recherche de bat­te­ries afin de récu­pé­rer les mesures du cœur des réac­teurs. Il visite les bâti­ments admi­nis­tra­tifs détruits à la recherche des plans de câblage. À l’extérieur les plaques d’égout et de cani­veaux ont été empor­tées par le Tsu­na­mi lais­sant des trous béants dans le sol… Les ron­diers ont l’idée d’enlever les bat­te­ries des voi­tures sur le par­king de la cen­trale et d’en bran­cher 6 en série afin de récu­pé­rer les mesures du cœur du réac­teur numé­ro 1…

Sirène

Audrey : Les mesures retrou­vées indiquent que le niveau d’eau a bais­sé et que le com­bus­tible est expo­sé à l’air…

Xavier : Ça ne doit pas arri­ver, ça ne doit jamais, jamais arriver.…

Audrey : Le niveau d’eau doit tou­jours être de 4 mètres au-des­sus des barres de com­bus­tibles. Non refroi­di le com­bus­tible com­mence à chauf­fer, il oxyde les gaines de Zir­co­nium qui l’entourent, qui se mettent à chauf­fer puis à fondre, accé­lè­rant la réac­tion en chaine abou­tis­sant à la for­ma­tion d’hydrogène hau­te­ment explosif…

Xavier : Ça ne doit pas arri­ver, ça ne doit jamais jamais arriver…

Audrey : Ces mesures sont impossibles.

Un ron­dier décide d’entrer dans le bâti­ment réac­teur afin de se rendre compte de ce qui se passe mais le niveau de radio­ac­ti­vi­té devant la porte est déjà beau­coup trop éle­vé impos­sible de rentrer.

Vidéo 1 (Audrey parle à une vidéo de Xavier, en ouvrier nucléaire)

-Bon­jour, ici la cen­trale de Fuku­shi­ma, nous avons un pro­blème sur le réac­teur numé­ro 1, les mesures indiquent que le niveau d’eau a bais­sé et que le com­bus­tible est expo­sé à l’air…

-ça ne doit pas arri­ver, ça ne doit jamais jamais arri­ver, vous devez abso­lu­ment injec­ter de l’eau, tout de suite.

- Com­ment injec­ter de l’eau, plus rien ne marche, nous n’avons plus d’électricité.

-Vous avez besoin d’électricité pour faire fonc­tion­ner une cen­trale élec­trique ? C’est débile à la base, non ? Par­don excu­sez moi… je panique. Que dit le manuel, regar­dez sur le plan d’urgence ?

-Rien, un cas pareil n’a jamais été envi­sa­gé, rien n’est pré­vu en cas de perte de l’alimentation élec­trique et du sys­tème de refroi­dis­se­ment, vous nous aviez dit que nous avions plus de chance de gagner 10 fois au Loto que de faire face à une telle situation.

- C’est nous qui avions dit ça… bon ben appuyez sur le bou­ton off ?

- Quel bou­ton off vous savez bien qu’une fois la fis­sion arrê­tée, il faut refroi­dir tout le temps.

-Com­bien de temps ?

- Tout le temps, c’est le prin­cipe, des années, 20 ans minimum.

-Connec­tez le cir­cuit incen­die au cir­cuit d’aspersion du cœur.

-Les cana­li­sa­tions ont été détruites par le Tsunami

-Les camions de pom­piers, nous vous avons offert 3 camions de pom­piers, Envoyez les camions de pompiers…

- 2 ont été empor­tés par le Tsu­na­mi, reste un camion de pom­pier et excu­sez-moi mais un camion de pom­pier n’est pas fait pour asper­ger le cœur d’un réac­teur. Pas pré­vu dans le plan d’urgence.

-Évi­dem­ment que ce n’était pas pré­vu dans le plan d’urgence, puisque ce n’était pas pré­vu… Envoyez le camion de pompier.

-Les pom­piers ne sont pas for­més pour inter­ve­nir dans un bâti­ment réacteur.

-Envoyez un employé de Tepco.

-Les employés de Tep­co ne sont pas for­més pour conduire et manœu­vrer un camion de pompier.

-Deman­dez à un sous-traitant…

- la tra­vail sous rayon­ne­ment n’est pas pré­vu dans leur contrat.

-Parce qu’ils ont des contrats main­te­nant les sous-trai­tants?… Si on emploie des sous-trai­tants< c’est bien pour qu’il n’y ait pas de lien entre eux et nous et qu’ils soient moins regar­dants sur les condi­tions de travail.

Je m’occupe des pro­blèmes de contrats, envoyez des sous-trai­tants… Et ne leur don­nez pas de dosimètres…

Fin Vidéo

Il est 4 heure du matin. Les pro­blèmes de contrats et de logis­tique sont résolus.

On injecte enfin de l’eau douce dans le cœur du réac­teur numé­ro 1 mais c’est déjà beau­coup beau­coup trop tard… Cela fait main­te­nant 10 Heures que le cœur du réac­teur n°1 n’est plus refroi­di… Éva­cuez la zone des 10Km… Tout le monde dort per­sonne n’entend…

À 8h du matin, l’exode mas­sif com­mence, 50 000 per­sonnes sont concernées…

Le 12 mars à 15h26, toute l’eau douce dis­po­nible sur le site est épuisée.

Le direc­teur de la cen­trale, Masao Yoshi­da, paix à son âme, demande aux employés de se pré­pa­rer à injec­ter de l’eau de mer…

La direc­tion de Tep­co refuse, injec­ter de l’eau de mer, dans un réac­teur nucléaire ? Cela le détrui­rait irré­mé­dia­ble­ment, vous savez com­bien ça coûte un réac­teur nucléaire ? Mais le direc­teur de la cen­trale, paix à son âme, décide de pas­ser outre l’interdiction de Tep­co et ordonne d’injecter de l’eau de mer immédiatement.

Mais mal­heu­reu­se­ment 10 minutes seule­ment après avoir com­men­cé cette opé­ra­tion, à 15h36, le com­bus­tible et le Zir­co­nium ont ache­vé leur réac­tion en chaine dans le cœur du réac­teur numé­ro 1…

Une forte explo­sion d’hydrogène se produit.

(Vidéo des ceri­siers qui fleu­rissent Noir côté cour Audrey, Seul Xavier est main­te­nant éclai­ré à la bou­gie)

Xavier : Le bruit a été faible, faible comme un écho, c’était la pre­mière fois que j’entendais le bruit que fait une cen­trale qui explose et je ne l’oublierai jamais…

Les popu­la­tions des villes et des vil­lages de la pré­fec­ture de Fuku­shi­ma étaient encore là, tout le monde avait ces­sé de tra­vailler. Per­sonne ne par­lait et dans le silence, les cendres de Fuku­shi­ma Dai­chi ont com­men­cé à tom­ber… Des flo­cons, cer­tains pas plus grands qu’une pièce de mon­naie, d’autres avaient la taille d’une paume de main… Une chute incroya­ble­ment silen­cieuse… En les voyant tom­ber j’étais terrorisé.

Il ne s’agissait pas de cendre noire, elle était blanche. J’ai pres­sen­ti que cette cendre était mortelle.

Audrey sur scène est réeclai­rée, elle décroche le télé­phone pour par­ler à une autre Audrey : DÉGUISÉE EN SECRÉTAIRE : Vidéo 

-Bon­jour, ici Tep­co, je vou­drais par­ler à l’Autorité de Sûre­té nucléaire… c’est pour décla­rer un inci­dent sur un de nos réac­teurs de Fuku­shi­ma Daiichi…

-Echelle inter­na­tio­nale de mesure des évè­ne­ments nucléaires et radio­lo­giques, bon­jour… Ines à votre écoute… 

-Bon­jour ici Tep­co, j’appelle pour signa­ler un incident… 

-Bien sûr, pas de pro­blèmes, nous avons plu­sieurs niveaux à vous pro­po­ser… (avec un nuan­cier de pein­ture) niveau 0 aucune impor­tance pour la sûre­té, (l’autre Audrey fait non de la tête) niveau 1 ano­ma­lie… Niveau 2 incident ? 

-Vous avez com­bien de niveaux ?

-7… pour­quoi 7 ne me deman­dez pas je n’en sais rien… J’imagine que 8 étant l’infini c’était peut-être trop anxio­gène pour de l’énergie nucléaire… Niveau 3 peut être, inci­dent grave ? Tou­jours pas, on va bien finir par y arri­ver… Niveau 4… Acci­dent avec des consé­quences locales… (Audrey fait oui de la tête) Niveau 4, On n’en a pas sou­vent des comme ça, vous êtes seule­ment, notre deuxième… C’est noté. Bonne fin de jour­née… Tenez nous au cou­rant… (Fin vidéo)

À 18H25 nous pro­po­sons l’évacuation de la zone des 20km.… (por­te­voix) Éva­cuez la zone des 20km. Cette éva­cua­tion n’étant pas obli­ga­toire, elle n’ouvre droit à aucune indem­ni­té. Si vous ne sou­hai­tez pas éva­cuer, nous vous deman­dons de res­ter confi­nés dans les maisons…

Tout va bien, on gère…

De l’eau de mer est injec­tée dans le cœur du réac­teur, cette eau devient immé­dia­te­ment hau­te­ment radio­ac­tive, elle pénètre dans le bâti­ment, s’infiltre par toutes les brèches, va rejoindre l’eau de la nappe phréa­tique et du Tsu­na­mi avant de s’écouler dans l’océan.… Tout va bien, conti­nuez à vivre nor­ma­le­ment… Seule­ment ne sor­tez pas…

Fiche Bri­co­lage Numé­ro 1

Com­ment injec­ter de l’eau de mer dans un réac­teur nucléaire qui n’a pas été étu­dié pour, à l’aide de camions de pom­piers qui n’ont pas non plus été étu­diés pour, à l’aide d’ouvriers qui n’ont pas été for­més pour. 

Pre­miè­re­ment, trou­ver des bat­te­ries de voi­tures afin de les connec­ter en série dans la salle de com­mande aux sou­papes qui per­mettent de dépres­su­ri­ser le réac­teur afin qu’il n’explose pas lorsqu’on injecte de l’eau…

2 Trou­ver de l’eau de mer… 

3 Pom­per l’eau de mer. Nous avons d’abord essayé de pom­per l’eau de mer depuis le quai de la cen­trale à l’aide d’un camion de pom­pier mais la pres­sion des pompes à incen­die est trop faible par rap­port à la hau­teur du quai d’environ 20 mètres… Petite astuce, pen­sez à faire venir 4 autres camions de pom­pier des cen­trales envi­ron­nantes à tra­vers les routes détruites par le tsu­na­mi afin de bran­cher en série ces 4 camions de pom­pier et avoir une pres­sion suf­fi­sante pour pom­per l’eau de mer à par­tir d’un quai trop haut.


Deuxième astuce, pré­voyez de l’essence en quan­ti­té suf­fi­sante… Car les camions de pom­piers tombent en panne d’essence et ça, il vaut mieux y avoir pen­sé avant. 

Petit piège, pre­nez garde aux explo­sions dont les gra­vats peuvent endom­ma­ger les câbles et réduire à néant votre joli cir­cuit d’injection d’eau…

Voi­là… Vous savez main­te­nant asper­ger le cœur d’un réac­teur à l’aide de camions de pom­piers, la semaine pro­chaine nous vous expli­que­rons com­ment col­ma­ter un réser­voir qui fuit à l’aide d’un che­wing-gum mâchouillé.

Des cen­taines d’hommes se suc­cèdent nuit et jour pour essayer de refroi­dir 3 réac­teurs nucléaires avec les moyens du bord, en essayant d’ouvrir des vannes pneu­ma­tiques manuel­le­ment, en essayant de faire ren­trer des trucs ronds dans des trous car­rés, en essayant de contac­ter aux heures d’ouvertures des socié­tés qui ont fabri­qué ces vannes qu’on ne peut plus ouvrir sans électricité.

Tout cela dans un bruit assour­dis­sant qui souffle des sou­papes, sans éclai­rage, dans un envi­ron­ne­ment hau­te­ment irra­dié et dans une cha­leur si forte qu’elle fait fondre les bottes…

Le 14 mars à 11H le com­bus­tible et le Zir­co­nium ont ache­vé leur réac­tion en chaine dans le réac­teur numé­ro 3, une explo­sion d’hydrogène détruit l’enceinte du bâti­ment, bles­sant 6 tra­vailleurs, endom­ma­geant le réac­teur numé­ro 2 et la pis­cine qui contient le com­bus­tible usé du réac­teur numé­ro 4… qui elle aus­si com­mence à surchauffer…

Les réac­teurs sont deve­nus incon­trô­lables… ils retournent à l’état sauvage.

Non domes­ti­quée, la radio­ac­ti­vi­té retrouve sa vraie nature, elle irra­die, elle s’éclate…

Le jeu du télé­phone arabe fait que les infor­ma­tions par­tant de la cen­trale arrivent défor­mées au centre de secours et encore plus défor­mées au bureau du pre­mier ministre.

(On entend le dia­logue ori­gi­nal en japo­nais entre la direc­tion de Tep­co, le bureau du pre­mier ministre et la cen­trale de Fukushima) 

QG QG est ce que vous m’entendez ? On a un pro­blème écou­tez-moi s’il vous plait, c’est ter­rible on a eu un pro­blème sur le réac­teur 3, ok il est 11H je vais faire un rap­port d’urgence, qu’elle est la situa­tion ? est-ce que c’est la même explo­sion que sur le réac­teur numé­ro 1 ? Je ne sais pas je n’ai pas de vision glo­bale. C’est assez dif­fi­cile à dire du poste de contrôle mais c’est clai­re­ment dif­fé­rent d’un simple trem­ble­ment de terre. À par­tir de main­te­nant il faut éva­cuer tout le monde du site. Regar­dez les para­mètres du réac­teur numé­ro 3. Éva­cuez les employés du site, éva­cuez les employés du site. Pré­ve­nez le cabi­net du pre­mier ministre, et L’ASN il faut les contacter.

Il faut faire très vite, nous devons injec­ter de l’eau. Dès que la ligne d’éventage est prête pour relâ­cher la pres­sion. Où en est la situa­tion ? Nous y tra­vaillons. Quoi ? Ce n’est pas ter­mi­né atten­dez un peu. Com­ment ça attendre ! Il n’y a pas de temps à perdre, il faut abso­lu­ment mettre tout le reste de côté. SI je com­prends bien nous devons mettre en place la ligne d’éventage. Oui exac­te­ment, c’est bien ce que j’ai com­pris, c’est ce qu’on va faire ? Donc Masao Yoshi­da, est ce qu’à par­tir de là on peut s’en tenir à cette feuille de route, est ce qu’on peut trans­mettre au gou­ver­ne­ment ? Oui je suis déso­lé, je n’ai pas le temps d’expliquer, pou­vez-vous vous en tenir à cette feuille de route et le faire ? 

Vous m’entendez ? Allo ? Il faut que nous par­lions des règles d’évacuation. Il faut savoir si les employés peuvent res­ter dans la salle de com­mande de la cen­trale, la situa­tion pour­rait réel­le­ment tour­ner à la catas­trophe. Il faut vrai­ment main­te­nant que quelqu’un prenne une déci­sion. MMMMM com­pris, Je pense que nous devons suivre la pro­cé­dure stan­dard. Véri­fions que nous sommes sur la même page en pre­nant l’heure où le réac­teur 2 a été expo­sé 18H22 c’est bien ça ? C’est bien ça l’heure est cor­recte. N’est-ce pas ? Oui c’est ça. Le cœur va fondre et endom­ma­ger l’enceinte du réac­teur dans 2 heures c’est bien ça ? Oui. Que dit la pro­cé­dure acci­den­telle sur l’évacuation lorsque l’enceinte est endom­ma­gée. Déso­lé je ne m’en sou­viens pas. C’est ter­rible il faut résoudre ça main­te­nant. Trou­vez-la et envoyez-la par email. 

Xavier : J’ai déci­dé d’évacuer à la qua­trième explo­sion à la troi­sième j’avais pres­sen­ti que l’ensemble des réac­teurs de la cen­trale allaient explo­ser les uns après les autres, une peur sour­noise m’a pris aux ventre…

Nous n’avions aucune infor­ma­tion, ou alors contra­dic­toires, nous n’avions pas le droit de prendre nos véhi­cules pri­vés, il fal­lait éva­cuer en bus, on nous a dit de ne prendre que le néces­saire, per­sonne ne nous a pré­ve­nu que cette éva­cua­tion n’était pas tem­po­raire, ils ont éva­cué les vieux, les hôpi­taux, en bus, nous avons été dépla­cés plu­sieurs fois d’un point à un autre dans la pré­fec­ture de Fuku­shi­ma, par­fois même on nous a emme­né dans des lieux plus radio­ac­tifs que notre point de départ, per­sonne ne savait ce qui se passait.

Je suis allé me réfu­gier dans ma famille loin de la pré­fec­ture de Fukushima.

Audrey devant une table rem­plie de jouets : Camions de pom­pier, voi­tures d’enfant etc… 

Nous essayons d’arroser une pas­soire à l’aide d’un brumisateur…

Tep­co envi­sage d’abandonner la cen­trale, le japon serait immé­dia­te­ment rayé de la carte.

Le pre­mier ministre Nao­to Kan informe TEPCO que le retrait n’est pas une option.

Le direc­teur de la cen­trale Masao Yoshi­da décide de faire éva­cuer tous les tra­vailleurs du site, sauf une cin­quan­taine de per­sonnes jugées indispensables.

L’explosion des bâti­ments a déclen­ché le rejet de radio­nu­cléides dans l’air mais les don­nées météo­ro­lo­giques sur la dis­per­sion radio­ac­tive autour de Fuku­shi­ma n’ont pas été ren­dues publique : afin de ne pas affo­ler les populations.

Le 16 mars au len­de­main du pas­sage de la radio­ac­ti­vi­té sur Tokyo et sur le japon nous déci­dons la dis­tri­bu­tion de pas­tilles d’iode qui per­mettent à la radio­ac­ti­vi­té de ne pas se fixer dans le corps… Mais cela n’est effi­cace qu’avant le pas­sage de la radioactivité…

Nous essayons d’éviter la panique à l’aide de petits des­sins ani­més qui expliquent la situa­tion de façon ras­su­rante. Nous accep­tons l’aide internationale.

Le direc­teur de l’autorité de sûre­té nucléaire fran­çaise exige que l’accident soit réevalué…

« Allo Ines, je crois qu’on est plu­tôt en train de se diri­ger vers un 5 Acci­dent avec risques hors site… oui même un 6, Acci­dent grave avec rejets impor­tants. 7 ? Non… Pas 7… 7 c’est Tcher­no­byl… On n’en est pas là… »

Des camions de pom­piers et des camions anti émeutes, nor­ma­le­ment uti­li­sés pour dis­per­ser des mani­fes­tants sont appe­lés en renfort…

Les inter­ven­tions humaines sont presque impos­sibles en rai­son des radia­tions, per­sonne ne peut appro­cher des réac­teurs endommagés.

On essaie d’utiliser les héli­co­ptères de l’armée mais l’eau est dis­per­sée par le vent, elle ruis­selle le long des bâti­ments et n’atteint jamais le cœur. La radio­ac­ti­vi­té se fout com­plè­te­ment des efforts déployés pour essayer de la contenir.…

Il fau­dra plus d’un mois pour retrou­ver une tem­pé­ra­ture à peu près maîtrisable.

Au bout d’un mois, nous déci­dons d’appeler INES pour clas­ser la catas­trophe, catas­trophe de niveau 7. Catas­trophe nucléaire majeur avec for­ma­tion de 3 CORIUMS.…

Le 21 avril 2011… Nous déci­dons la créa­tion d’une zone rouge…

J’aimerais m’adresser aux populations.

Dans une zone de 20KM autour de Fuku­shi­ma, une zone rouge est décla­rée, zone dans laquelle il est désor­mais tota­le­ment inter­dit de péné­trer et où « il sera assez dif­fi­cile de reve­nir pen­dant assez longtemps… »

Xavier : La for­mule est jolie.

Audrey : Mer­ci ! Oui c’est un euphé­misme.… Je trouve ça plus élégant…

Une per­sonne par famille est auto­ri­sée pen­dant 2 heures à venir récu­pé­rer des affaires. Sont concer­nées les villes de Oku­ma, Tomio­ka, Futa­ba, Namie, Mina­mi soma, Iitate…

Xavier : Non pas Iitate… Iitate est un des plus beaux vil­lages du japon.

Audrey : Sumi­ma­sem, je suis désolée.

Dans la pré­fec­ture de Fuku­shi­ma, dans les zones oranges et vertes, Nous vous recom­man­dons d’avoir tou­jours un dosi­mètre sur vous, vous êtes res­pon­sables de vos doses…

Les nou­velles normes accep­tables sont de 20 mil­li­sie­verts par an pour les popu­la­tions locales… 3000 BCQ par kilos pour les pro­duits frais, 100 bcq pour le lait infantile.

Xavier : 20 mili­si­verts par an, est la norme accep­table pour les tra­vailleurs du nucléaire, la norme pour les popu­la­tions dans le monde est de 1 mili­sie­verts par an…

Audrey : Sumi­ma­sem Je suis désolée…

Xavier : Avant l’accident, 100 bcq était consi­dé­ré comme un déchet nucléaire qui devait être sto­cké et retrai­té. À l’état natu­rel, le plu­to­nium et le césium n’existent pas. La norme devrait être zéro bec­que­rel pour le lait infantile.

Audrey : Sumi­ma­sem, je suis déso­lée. La norme a été augmentée.

Tep­co a rédi­gé un communiqué.

« Nous nous excu­sons sin­cè­re­ment d’avoir été à l’origine de ce grave acci­dent et d’avoir géné­ré des pro­blèmes, à la fois phy­si­que­ment et men­ta­le­ment pour des popu­la­tions qui avaient déjà été frap­pées par une catas­trophe natu­relle. Nous nous excu­sons d’avoir cau­sé du sou­ci aux populations »

Faute avouée…

Xavier : Du sou­ci… Cette terre est deve­nue inha­bi­table, 160 000 per­sonnes ont per­du leur mai­son, leur racine, leur pas­sé, elles ont per­du leurs espé­rances, leurs rêves, leur futur.

Audrey : Excu­sez-moi, qui êtes-vous ?

Xavier : Je suis un pay­san, j’habite la zone rouge de Fukushima.

Audrey : Vous êtes un délin­quant, vous habi­tez illé­ga­le­ment la zone rouge de Fuku­shi­ma… Je pour­rais vous faire arrê­ter. Pour­quoi êtes-vous revenu ?

Xavier : La vie de réfu­gié est absurde, Les irra­diés sont des pes­ti­fé­rés, per­sonne ne veut s’approcher d’eux, les voi­tures imma­tri­cu­lées Fuku­shi­ma se font insul­ter, les jeunes ne peuvent plus se marier qu’entre eux. Cette popu­la­tion est deve­nue une popu­la­tion de parias… De pay­sans, de pêcheurs, vous en avez fait des chô­meurs… Une vie pro­vi­soire, en pré­fa­bri­qués. C’est pour ça que je suis ren­tré. C’est ma terre et bien que conta­mi­née je conti­nue de l’aimer. Je ne la lais­se­rai pas entre les mains froides de Tep­co. C’est ma façon de com­battre et de ne jamais oublier ni ma colère, ni mon cha­grin, je ne déser­te­rai pas.

Audrey : En res­tant vous per­dez le droit à une quel­conque indemnité.

Xavier : Vos indem­ni­tés sont ridi­cules. 8000 euros par foyer.

Per­sonne ne peut recons­truire une vie ailleurs…

Vous indem­ni­sez des mai­sons vieilles de cent ans, des terres ines­ti­mables au prix du marché.

Audrey : Le prix du mar­ché a énor­mé­ment bais­sé dans la pré­fec­ture de Fuku­shi­ma, les mai­sons ne valent plus rien… Si vous vou­lez vous pou­vez rem­plir un dos­sier de contes­ta­tion, ça va prendre du temps, j’espère que vous ne mour­rez pas avant et je doute que vous tou­chiez quoi que ce soit, vous êtes un mau­vais citoyen, vous n’obéissez pas au gouvernement.

Méfiez-vous, des voi­tures de police patrouillent dans la zone

Xavier : Ce sont des trompe l’œil.

Audrey : C’est vrai, nous n’avons pas assez d’hommes qui acceptent de tra­vailler dans la zone et nous avons besoin d’eux pour la dépol­lu­tion… des mil­liers de km2 à retour­ner… Nous avons même dû enga­ger des SDF, le tra­vail est immense, et une fois fait l’eau coule de la mon­tagne, ravine la radio­ac­ti­vi­té et tout est à recommencer.

Xavier : Et les ani­maux, nous n’avons pas eu le droit d’évacuer nos ani­maux, ils sont morts de faim, de soif, les étables sont deve­nues de char­niers. Qu’avez-vous pré­vu pour l’âme des ani­maux morts qui han­te­ront cette terre jusqu’à la fin des temps ?

Tep­co : L’âme des ani­maux morts, est ce que nous avons quelque chose pour l’âme des ani­maux morts, je regarde sur le plan d’urgence… Je ne sais pas si je dois cher­cher à âme ou à ani­maux… âme, âme j’ai quelque chose… âme des réac­teurs appe­lée aus­si cœur du réac­teur « la perte de l’électricité a engen­dré la perte du cœur des réac­teurs qui ont fon­du et se sont trans­for­més en Corium. »

Xavier : Qu’est-ce que c’est ?

Audrey : C’est la matière la plus dan­ge­reuse de l’univers, une matière qui n’existe qu’en cas de catas­trophe nucléaire majeure.

Xavier : Pour­quoi ça s’appelle Corium ?

Audrey : C’est un néo­lo­gisme, c’est l’industrie nucléaire qui l’a inven­té, ça vient du mot cœur avec le suf­fix ium… ça fait scien­ti­fique… Corium c’est du cœur fondu…

Xavier : Ah oui, c’est tout bête.

Audrey : Le Corium est une lave hau­te­ment radio­ac­tive, dense, extrê­me­ment chaude qui peut faire fondre tout ce qui se trouve sous lui… Nous n’avons pas un Corium, mais 3 coriums qui percent actuel­le­ment le sol sous les 3 réacteurs…

On ne sait pas où ils sont, on ne sait pas ce qu’ils font, on ne peut pas s’approcher qui­conque s’en appro­che­rait serait mort en quelques secondes.

Il fau­dra plu­sieurs dizaines d’années, pour que la cha­leur du Corium dimi­nue… Pour le moment elle doit être entre 2500 et 3000°, la lave pour vous don­ner un ordre d’idée est autour de 1000°. La lave refroi­dit à l’air… Le Corium non.

Mais ne vous inquié­tez pas… Nous l’arrosons, le seul élé­ment qui peut refroi­dir le Corium est l’eau, cette eau devient immé­dia­te­ment hau­te­ment radioactive…

Xavier : la seule chose qui soit plus forte que votre radio­ac­ti­vi­té est un élé­ment qui ne vous doit rien, la chose la plus simple et la plus pure de l’univers, l’eau… et cette eau, vous la souillez.

Audrey : Tous les jours que Dieu fait, nous devons réin­jec­ter de l’eau pour refroi­dir les réac­teurs puisque plus rien ne fonc­tionne, qu’on ne peut pas répa­rer, qu’on ne peut pas s’approcher…

350 m³ cubes d’eau sont envoyés tous les jours dans les cuves afin de main­te­nir la tem­pé­ra­ture entre 30 et 50 degrés. Le jour du Tsu­na­mi l’eau a enva­hi l’usine, cette eau hau­te­ment radio­ac­tive est tou­jours sous l’usine, elle remonte, à cause des brèches, 400 m³ d’eau remonte tous les jours, cela fait donc 750 m³ d’eau à pom­per par jour.

Xavier : Votre haute tech­no­lo­gie n’est qu’une his­toire de pis­cines qui se rem­plissent et qui se vident, une his­toire de pompes, de Shadocks…

Audrey : Le dés­équi­libre entre l’eau extraite et l’eau réin­jec­tée impose de sto­cker tous les jours. 400 m³ d’eau conta­mi­née. Nous en sommes déjà à 600 000 tonnes…

Nous essayons de trai­ter cette eau pour en éli­mi­ner le césium et avoir l’autorisation de la reje­ter à la mer, mais notre ligne de décon­ta­mi­na­tion ne fonc­tionne pas, c’est Are­va qui l’a construite…

Le pro­blème c’est que la radio­ac­ti­vi­té dévore tout ce dans quoi nous la mettons.

Pour vous don­ner un exemple… Pour vous mon­trer que je ne vous cache rien…

Nous dis­po­sons actuel­le­ment de 300 réser­voirs ver­ti­caux à assem­blage par bride… 300 réser­voir hori­zon­taux sou­dés, plus de 200 réser­voirs cubiques sou­dés, 7 réser­voirs enterrés…

Xavier : et 2 seaux.

Audrey : Pardon ?

Xavier : Oui, j’ai deux seaux si vous vou­lez, je peux vous les prêter…

Audrey : Je suis déso­lée, je ne suis pas for­mée pour com­prendre et appré­cier votre humour.

Vous savez déman­te­ler une cen­trale nucléaire vous ?

Xavier : Non

Audrey : Ben nous non plus, quand on les a construites, on pen­sait qu’aujourd’hui nous saurions…

Nous nous étions tou­jours dit que les cen­trales ne devraient jamais durer plus de 40 ans, car au bout de 40 ans une cen­trale est tel­le­ment ron­gée de radio­ac­ti­vi­té qu’elle devient impos­sible à entretenir…

Le réac­teur numé­ro 1 de Fuku­shi­ma Daï­chi allait fêter ses 40 ans…

Xavier : Quelle ironie…

Audrey : Nous devons construire de nou­veaux réser­voirs sur la zone tous les jours… Le pro­blème de ces réser­voirs ce sont les fuites… Joints dégra­dés, bou­lons fous, corrosion…

Xavier : Des bou­lons fous ?

Audrey : Oui les bou­lons deviennent fous au contact de l’eau conta­mi­née. Les bou­lons fous sont un vrai pro­blème dans le sto­ckage de l’eau radioactive…

Xavier : Vous n’avez pas essayé des réser­voirs en papier cré­pon, celui dont on fait les éven­tails et les lampions ?

Audrey : Non, mais nous avons essayé de construire un mur géant puis de geler le sous-sol de la cen­trale afin que l’eau ne s’écoule plus dans la mer…

Le pro­blème c’est que ça coûte une blinde en élec­tri­ci­té un fri­go sou­ter­rain géant et puis sur­tout ça ne fonc­tionne pas.

Xavier : Qui va payer ?

Audrey : Euh.… Alors… pas moi, pas les diri­geants de Tep­co, pas les membres du gou­ver­ne­ment… Hum… Vous ! Tep­co a été natio­na­li­sé… Tep­co obéit à la loi du capi­ta­lisme les béné­fices sont pri­vés mais les pertes doivent être assu­mées par la col­lec­ti­vi­té. Nous allons aug­men­ter le prix de l’électricité… et le gou­ver­ne­ment a voté une sub­ven­tion… ain­si qu’un prêt… ça va coû­ter des mil­liards mais ce chiffre n’est qu’une esti­ma­tion, on n’en sait rien, vous ver­rez bien.

Xavier : Per­sonne n’a été condamné ?

Audrey : Non per­sonne, nous avons consi­dé­ré que la res­pon­sa­bi­li­té n’était pas par­ti­cu­lière. Que c’était un pro­blème de men­ta­li­té, de sou­mis­sion, de pro­tec­tion des puis­sants, accu­ser des per­sonnes par­ti­cu­lières n’aurait rien changé…

Et nous avons consi­dé­ré que les preuves n’étaient pas suf­fi­santes pour conclure qu’ils auraient pû pré­voir ou éviter…

Xavier : Pour­tant un rap­port vous avait pré­ve­nu que la cen­trale ne résis­te­rait pas à une vague de plus de 10 mètres…

Audrey : Nous avons enter­ré ce rap­port… Nous pen­sions qu’une vague de plus de 10 mètre était irréa­liste. Les risques ont été mini­mi­sés dans l’intérêt de l’industrie, recon­naître des risques, implique des mesures de sécu­ri­té, tout ça coûte cher et on ne peut pas tout pré­voir… Par exemple, ça va vous paraître idiot, vous allez rire…

Xavier : Non je ne crois pas non…

Audrey : Dans les années 90 nous avons ins­tal­lé des géné­ra­teurs de secours sur une col­line à l’abri d’un éven­tuel tsunami

Xavier : Et que s’est-il passé ?

Audrey : Non je ne vous dis pas, vous allez encore vous moquer…

Xavier : Je vous pro­mets, je vais faire un effort.…

Audrey : Les inter­rup­teurs, on les a lais­sés en bas… en zone inon­dable… On n’y a pas eu accès…

Xavier : Vous plaisantez ?

Audrey : Ah vous voyez, vous vous moquez…

Xavier : Non, je vous assure… Ce n’est pas drôle…

Audrey : Nous avons fait de notre mieux dans cette situa­tion et puis sans le pre­mier ministre Nao­to Kan, sans le direc­teur de la cen­trale Masao Yoshi­da paix à son âme, ain­si que tous les tra­vailleurs pré­sents sur place ça aurait pû être bien pire.

Xavier : Pour­quoi paix à son âme…

Audrey : Masao Yoshi­da est mort après avoir lut­té nuit et jour pen­dant 5 mois, pour récu­pé­rer la mai­trise de la cen­trale, can­cer de l’œsophage, ful­gu­rant mais ce n’est pas être à cause de la radio­ac­ti­vi­té, il faut 5 ans à ce can­cer pour se décla­rer… donc ça ne peut pas être nous…

ET puis comme tous les tra­vailleurs Nao­to Kan avait une clause sur son contrat qui déga­geait Tep­co de toute res­pon­sa­bi­li­té en cas de mala­die : Les tra­vailleurs sont res­pon­sables de leurs doses.

Xavier : Vous êtes des criminels.

Audrey : La radio­ac­ti­vi­té n’a tué per­sonne à Fukushima.

Xavier : Mais l’arrivée du Césium a tué toute pos­si­bi­li­té de vivre dans un monde nor­mal… Jusqu’ici man­ger des fruits, boire de l’eau c’était bon, res­pi­rer un bon bol d’air pur en forêt en y ramas­sant des cham­pi­gnons, c’était bon. Tou­cher la neige, nager dans la mer, pêcher des pois­sons à quoi bon… Ramas­ser des légumes dans le jar­din, tra­vailler la terre.

Audrey : J’espère que vous ne faites pas ça… Les végé­taux stockent le césium radio­ac­tif, ne tou­chez pas aux fruits, aux légumes, aux céréales, au lait, à la viande, au miel, ne buvez pas l’eau.

Dans les villes et les vil­lages, il fau­dra éla­guer les arbres, arra­cher les fleurs et les buis­sons, rem­pla­cer le sable du jar­din des enfants. Les empê­cher de jouer dehors. Arra­cher la mousse des arbres, col­lec­ter les aiguilles de pin, les feuilles mortes… Il fau­dra éla­guer les arbres, arra­cher les fleurs et les buis­sons, rem­pla­cer le sable du jar­din des enfants. Les empê­cher de jouer dehors. Arra­cher la mousse des arbres, col­lec­ter les aiguilles de pin, les feuilles mortes…

Xavier : éla­guer les arbres, arra­cher les fleurs et les buis­sons, rem­pla­cer le sable du jar­din des enfants. Les empê­cher de jouer dehors. Arra­cher la mousse des arbres, col­lec­ter les aiguilles de pin, les feuilles mortes…

C’est ça votre dépol­lu­tion ! Vous dépla­cez la radio­ac­ti­vi­té d’un point A à un point B en espé­rant qu’elle se dilue en route…

Audrey : En Fin­lande ils ont trou­vé une bonne idée, ils ont appe­lé ça Onka­lo, la cachette.

Xavier : La cachette ?

Audrey : Oui, la cachette… Ils enfouissent les déchets dans la terre très pro­fond dans la terre pen­dant cent ans, ils bouchent avec du béton et ils scellent à jamais… Le pro­blème c’est qu’ils ne savent pas s’ils doivent mettre un mot sur la porte, ne pas ouvrir… Ou pas de mot pour évi­ter que les gens repèrent l’entrée… Un mot qui sera encore com­pré­hen­sible dans 100 000 ans. Mais nous n’en sommes pas à des dis­cus­sions lin­guis­tiques à Fuku­shi­ma… Pour l’instant on entre­pose dans les jar­dins, dans les com­munes pauvres… Par­fois on jette dans la rivière, on oublie où on stocke…

Xavier : La radio­ac­ti­vi­té est invi­sible, c’est le crime parfait.

Audrey : Nous met­tons tout en œuvre pour reprendre en main le site, nous sommes en bonne voie… L’idéal serait que l’on nous auto­rise à vider les réser­voirs pleins dans le paci­fique cela per­met­trait de diluer la radio­ac­ti­vi­té, de la par­ta­ger avec le monde entier, cela devien­drait moins concen­tré… donc inof­fen­sif plus ou moins…

Xavier : Rien ne jus­ti­fie qu’une socié­té uti­lise des moyens qui mettent en péril les géné­ra­tions futures. Vous êtes irres­pon­sables, vous avez détruit un beau pays par appât du gain.

Vous vous êtes déchar­gés de votre res­pon­sa­bi­li­té et aujourd’hui c’est nous qui payons.

Ah mer­ci, vous nous avez tous don­né du travail…

C’est nous main­te­nant qui sommes deve­nus res­pon­sable de votre radio­ac­ti­vi­té qui est si dangereuse…

Audrey : La radio­ac­ti­vi­té n’est pas dan­ge­reuse, la peur de la radio­ac­ti­vi­té si…

Actuel­le­ment les gens meurent de mala­dies de cœur, d’obésité, de stress… Ils se sui­cident par déses­poir… Détendez-vous…

Xavier : À cause de vous ne vivrons plus jamais dans le même monde, des gens qui vivaient pai­si­ble­ment sont tom­bés dans une vie incroya­ble­ment misé­rable. Les vieux vou­draient mou­rir où ils sont nés…

Les jeunes sont par­tis, vous avez détruit notre pas­sé, notre futur et notre Humanité…

Audrey : Qui êtes-vous, vous qui par­lez, vous vous éton­nez aujourd’hui de la façon dont l’énergie nucléaire était fabri­quée mais ces cen­trales étaient autour de vous, de l’électricité sor­tait de vos murs, de vos mai­sons, pour­quoi ne pas vous être inquié­té de savoir d’où elle venait… Vous êtes-vous déjà posé la ques­tion de savoir com­ment les choses dont vous jouis­sez, que vous consom­mez existent elles n’apparaissent pas toutes faites… Des hommes tra­vaillaient, vivaient au contact de cette éner­gie, dans des condi­tions misé­rables, auprès de cette matière aus­si immaî­tri­sable que le soleil… Pour­quoi ne pas vous être inquié­té à ce moment-là…

Pour­quoi vous en inquié­ter seule­ment le jour où cela vous touche.

Ne faites pas comme si vous n’apparteniez pas aus­si à cette huma­ni­té qui se réjouit de pro­fi­ter des bien­faits de l’électricité… Sans savoir d’où elle vient ni qui elle a déjà tué.

Xavier : Vous nous juriez que cette élec­tri­ci­té n’était pas dan­ge­reuse. Qu’elle n’était pas cher, Qu’elle était sûre, propre…

Audrey : Il ne fal­lait pas nous croire.

Noir

Vidéo du vieux japonais… : 

Déso­lée pour l’image un peu sombre et pas très opti­miste mais je crois que le plus impor­tant est de faire com­prendre aux gens que les habi­tants du vil­lage d’Iitate et ceux de la région de Fuku­shi­ma s’efforcent de sur­vivre, est ce qu’on veut lais­ser une terre souillée et inha­bi­table à nos enfants ou un envi­ron­ne­ment viable aux géné­ra­tions futures ? Je pense en par­ti­cu­lier à la France je pense sou­vent aux fran­çais qui d’après ce qu’on m’a dit exploitent très lar­ge­ment le nucléaire. J’aimerais que vous y réflé­chis­siez voi­là tout. 


La pièce en vidéo et en entier :

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