Le texte qui suit est un extrait du livre Endgame de Derrick Jensen (associé, pour les paragraphes du début, à son article intitulé « Au-delà de l’espoir », publié sur Orion). Un livre que nous traduirons possiblement en entier d’ici quelques années.
« L’espoir est le véritable tueur. L’espoir est nuisible. L’espoir nous permet de rester immobiles dans un radeau en perdition au lieu d’agir et d’affronter le problème. Oubliez l’espoir. Analyser sincèrement et honnêtement la situation comme elle se présente est notre unique chance. Au lieu d’attendre, en « espérant » que l’on s’en sorte, peut-être devrions-nous admettre que prendre la pleine mesure de la situation, aussi déplaisante soit-elle, est une très bonne chose, un premier pas en direction du changement véritable. »
Gringo Stars
« L’espoir est la laisse de la soumission. »
Raoul Vaneigem
« Le remède au désespoir n’est pas l’espoir. C’est la découverte de ce que nous voulons faire pour ce qui nous importe. »
Margaret Wheatley
« Nous sommes foutus ». Voilà les mots que j’ai le plus entendus dans la bouche des écologistes du monde entier. La plupart d’entre eux luttent désespérément, à l’aide des outils dont ils disposent — ou plutôt, des outils légaux dont ils disposent, donc des outils que ceux au pouvoir leur fournissent, et donc d’outils qui, ultimement, seront inefficaces — pour tenter de protéger quelque parcelle de terre, pour tenter de stopper la fabrique et la propagation de poisons, pour tenter d’empêcher les humains civilisés de tourmenter des plantes ou des animaux. Ils en sont parfois réduits à protéger un arbre, un seul.
Voici comment John Osborn, un activiste extraordinaire et un ami, résume ses motivations : « Tandis que nous nous enfonçons dans le chaos, je veux m’assurer que quelques portes restent ouvertes. Si les grizzlys sont encore là dans 20, 30 et 40 ans, ils le seront peut-être encore dans 50. S’ils sont éteints dans 20 ans, ils le seront pour toujours. »
Mais quoi que fassent les écologistes, nos meilleurs efforts sont insuffisants. Nous perdons lourdement, sur tous les fronts. Ceux au pouvoir tiennent dur comme fer à détruire la planète, et la plupart des gens n’en ont que faire.
Honnêtement, je n’ai pas grand espoir. Mais je pense que c’est une bonne chose. L’espoir nous maintient enchaînés au système, au conglomérat d’individus, d’idées et d’idéaux qui détruit la planète.
Pour commencer, il y a ce faux espoir selon lequel soudainement, de quelque façon, le système va inexplicablement changer. Ou celui selon lequel la technologie va nous sauver. Ou la déesse mère. Ou des créatures d’Alpha du Centaure. Ou Jésus Christ. Ou le père Noël. Tous ces faux espoirs mènent à l’inaction ou, au mieux, à l’inefficacité. Une des raisons pour lesquelles ma mère restait avec mon père, qui la violentait, tenait au fait qu’il n’y avait pas de foyers pour femmes battues dans les années 50 et 60 ; une autre à l’espoir qu’elle avait de le voir changer. Les faux espoirs nous enchaînent à des situations invivables, et nous empêchent de discerner les possibilités réelles.
Qui croit vraiment que Weyerhaeuser va arrêter de déforester parce qu’on lui demande gentiment ? Qui croit vraiment que Monsanto va arrêter de Monsanter parce qu’on lui demande gentiment ? Si seulement nous avions un démocrate à la Maison-Blanche, les choses iraient mieux. Si seulement nous faisions passer telle ou telle loi, les choses iraient mieux. Si seulement nous parvenions à faire retirer telle ou telle loi, les choses iraient mieux. Non-sens. Les choses n’iraient pas mieux. Elles ne vont déjà pas du tout, et elles empirent. Rapidement.
Ce n’est pas simplement le faux espoir qui enchaîne ceux qui vont en son sens. C’est l’espoir lui-même.
L’espoir, nous dit-on, est notre phare dans la nuit. Notre lumière à la fin d’un long et sombre tunnel. Le rayon de lumière qui, contre toute attente, parvient à pénétrer jusque dans nos cellules. Notre raison de persévérer, notre protection contre le désespoir (qui doit à tout prix, et donc à celui de notre santé et de celle du monde, être évité). Comment continuer si nous n’avons pas d’espoir ?
On nous a tous enseigné que l’espoir d’une condition future meilleure — comme l’espoir d’un paradis futur — est et doit être notre refuge dans la peine présente. Je suis sûr que vous vous souvenez de l’histoire de Pandore. On lui remit une boîte fermement scellée, et on lui dit de ne jamais l’ouvrir. Mais, curieuse, elle l’ouvrit, et en sortirent les fléaux, les peines et les calamités, probablement pas dans cet ordre. Elle referma la boîte, trop tard. Une seule chose y était restée : l’espoir. L’espoir, selon la légende, était « le seul bien que contenait le coffret où étaient enfermés tous les fléaux, et reste à ce jour le seul réconfort de l’humanité en cas de malheur ». Aucune mention ici de l’action comme réconfort en cas de malheur, ou de réellement faire quelque chose pour apaiser ou éliminer l’infortune. (Fortune : du latin fortuna, apparenté au latin fort‑, fors, hasard, chance : ce qui implique bien sûr que l’infortune que l’espoir est censé réconforter n’est que malchance, et non pas un élément dépendant de circonstances que l’on peut changer : en ce qui nous concerne, je ne vois pas le rapport entre la malchance et les misérables choix que l’on fait chaque jour et qui permettent à la civilisation de continuer à détruire la Terre.)
Plus je comprends l’espoir, plus je réalise que loin d’être un réconfort, celui-ci méritait largement sa place dans la boîte de Pandore aux côtés de tous les fléaux, peines et calamités ; qu’il sert les besoins de ceux au pouvoir aussi sûrement qu’une croyance en un distant paradis ; que l’espoir n’est vraiment rien de plus qu’une variante séculière de la mystification mentale paradis/nirvana.
L’espoir est, en réalité, une malédiction, un fléau.
Non seulement en raison de l’admirable dicton bouddhiste, « l’espoir et la peur se poursuivent l’un l’autre » — sans l’espoir il n’y a pas la peur — et non seulement parce que l’espoir nous éloigne du présent, de qui et de là où nous sommes en ce moment, en nous faisant miroiter un état futur imaginaire ; mais surtout en raison de ce qu’est l’espoir.
Nous braillons plus ou moins tous et plus ou moins continuellement à propos de l’espoir. Vous ne croiriez pas — ou peut-être le croiriez-vous — combien d’éditeurs pour combien de magazines m’ont demandé d’écrire sur l’apocalypse, en me précisant ensuite de « faire en sorte de laisser aux lecteurs un soupçon d’espoir ». Mais qu’est-ce que l’espoir, au juste ? Lors d’une conférence, au printemps dernier, quelqu’un m’a demandé de le définir. Je n’ai pas pu, et ai donc retourné la question à l’audience. Voici la définition qui a alors émergé : l’espoir est une aspiration en une condition future sur laquelle vous n’avez aucune influence. Cela signifie que vous êtes essentiellement impuissant.
Pensez‑y. Je ne vais pas, par exemple, dire que j’espère manger quelque chose demain. Je vais le faire. Je n’espère pas prendre une nouvelle respiration maintenant, ni finir d’écrire cette phrase. Je le fais. D’un autre côté, j’espère que la prochaine fois que je prendrais l’avion, il ne se crashera pas. Placer de l’espoir en une finalité signifie que vous n’avez aucune influence la concernant.
On ne compte plus ceux qui espèrent que la culture dominante cesse de détruire le monde. En cela, ils garantissent sa continuation, au moins à court-terme, lui prêtent un pouvoir qu’elle n’a pas, et désavouent leur propre pouvoir.
Je n’espère pas que le saumon coho survive. Je ferai ce qu’il faut pour éviter que la culture dominante ne les extermine. Si les cohos souhaitent partir en raison de la façon dont ils sont traités — et qui pourrait leur en vouloir ? — je leur dirai au revoir, et ils me manqueront, mais s’ils ne souhaitent pas partir je ne permettrai pas à la civilisation de les exterminer. J’agirai quoi qu’il en coûte.
Je n’espère pas que la civilisation s’effondre le plus tôt possible. Je ferai ce qu’il faut pour que cela arrive.
Lorsque nous réalisons le niveau d’influence que nous avons en vérité, nous n’avons plus du tout à « espérer ». Nous avons juste à agir. À faire en sorte que les saumons survivent. À faire en sorte que les chiens de prairie survivent. À faire en sorte que les tigres survivent. À faire le nécessaire.
Casey Maddox a écrit que lorsque la philosophie meurt, l’action débute. J’ajouterais que lorsque nous cessons d’espérer une assistance extérieure, lorsque nous cessons d’espérer que l’horrible situation dans laquelle nous sommes se résolve d’elle-même, lorsque nous cessons d’espérer que d’une façon ou d’une autre la situation n’empire pas, alors nous sommes enfin libres — vraiment libres — de commencer à réellement la résoudre. Je dirais que lorsque l’espoir meurt, l’action commence.
L’espoir peut être bon — et adaptable — pour les prisonniers, mais les hommes et les femmes libres n’en ont que faire.
Êtes-vous un prisonnier, ou êtes-vous libre ?
***
Certains me demandent parfois, « si les choses sont si terribles, pourquoi ne te suicides-tu pas ? »
La réponse est que la vie est vraiment, vraiment belle. Je suis un être assez complexe pour comprendre en mon cœur que nous sommes vraiment, vraiment foutus, et en même temps que la vie est vraiment, vraiment belle. Pas parce que nous sommes foutus, évidemment, ni en raison de tout ce qui fait que nous le sommes, mais en dépit de cela. Nous sommes foutus. La vie est toujours belle. Nous sommes vraiment foutus. La vie est toujours vraiment belle.
Beaucoup ont peur de ressentir du désespoir. Ils craignent qu’en s’autorisant à percevoir le désespoir de notre situation, ils se condamneraient à être éternellement malheureux. Ils oublient qu’il est possible de ressentir plusieurs choses en même temps. Je suis plein de rage, de peine, de joie, d’amour, de haine, de désespoir, de bonheur, de satisfaction, d’insatisfaction, et d’un millier d’autres sentiments. Ils oublient aussi que le désespoir est une réponse tout à fait appropriée pour une situation désespérée. Beaucoup, aussi, ont probablement peur qu’en s’autorisant à percevoir à quel point les choses sont désespérées, ils seraient alors obligés de faire quelque chose pour changer leurs circonstances.
Désespoir ou pas, la vie est belle. L’autre jour, allongé au bord de l’étang devant chez moi, je regardais à travers les aiguilles de séquoia rendues translucides par les rayons du soleil. J’étais heureux, et je pensais, « que demander de plus ? ». La vie est si belle. Raison de plus pour se battre.
D’autres me demandent parfois, « si les choses sont si terribles, pourquoi ne pas faire la teuf ? »
Eh bien, ma première réponse c’est que je n’apprécie pas vraiment les teufs. La seconde c’est que je m’amuse déjà beaucoup. J’aime ma vie. J’aime la vie. C’est vrai pour la plupart des activistes que je connais. En nous battant pour qui et pour ce que nous aimons, nous faisons ce que nous aimons.
Je n’ai aucune patience envers ceux d’entre nous qui utilisent le désespoir de la situation pour excuser leur inaction. J’ai remarqué que si vous privez la plupart de ceux-là de cette excuse particulière, ils en trouvent alors une autre, et encore une autre, et puis une autre. L’utilisation de cette excuse pour justifier leur inaction — l’utilisation de n’importe quelle excuse pour justifier l’inaction — révèle ni plus ni moins qu’une incapacité à aimer.
Lors d’une de mes dernières conférences, une personne s’est levée lors des questions/réponses pour affirmer que la seule raison pour laquelle les activistes font ce qu’ils font, c’est pour se sentir mieux eux-mêmes. Que l’efficacité ne comptait pas, a‑t-elle dit, et que c’était égotique de penser qu’elle comptait. Elle a également sorti l’excuse classique selon laquelle le monde naturel n’aurait pas besoin de notre aide. Au moins avait-elle reconnu que le monde réel existait, et n’était pas que le battement de cil d’un dieu quelconque, mais il en résultait un narcissisme tout aussi mythologique.
Je lui ai répondu que je n’étais pas d’accord.
Il m’a demandé : « L’activisme ne te permet-il pas te sentir bien ?
— Bien sûr que si, mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’en suis. Si je voulais simplement me sentir bien, je me masturberais. Mais je veux accomplir quelque chose dans le monde réel.
— Pourquoi ?
— Parce que je suis amoureux. Des saumons, des arbres devant ma fenêtre, des bébés lamproies qui vivent dans les fonds sablonneux, des petites salamandres qui rampent dans la couche d’humus. Et si vous aimez, vous agissez pour défendre votre bien-aimé. Bien sûr que les résultats importent, mais ils ne déterminent pas si l’on agit ou pas. On n’espère pas simplement que nos bien-aimés survivent et prospèrent. On fait ce qu’il faut pour. Si mon amour ne me pousse pas à protéger ceux que j’aime, ce n’est pas de l’amour. Et si je n’agis pas pour protéger ma Terre, je ne suis pas vraiment humain. »
Il y a quelque temps, j’ai reçu un e‑mail d’un habitant de Spokane, dans l’État de Washington. Il me disait que son fils de 15 ans était merveilleusement actif dans la lutte écologique et sociale, mais il continuait ainsi : « je voudrais m’assurer qu’il reste actif, donc je ressens le besoin de lui donner de l’espoir. C’est un problème, parce que je ne perçois aucun espoir, et que je ne veux pas lui mentir. »
Je lui ai dit de ne pas mentir, et que s’il voulait faire en sorte que son fils reste actif, il ne devrait pas essayer de lui donner de l’espoir, mais plutôt de l’amour. Si son fils apprend comment aimer, il restera actif.
Une chose merveilleuse se produit lorsque vous abandonnez l’espoir, et vous fait prendre conscience que vous n’en aviez jamais eu besoin pour commencer. Vous réalisez qu’abandonner l’espoir ne vous a pas tué, ni ne vous a rendu moins efficace. En réalité, cela vous a rendu plus efficace, parce que vous cessez de dépendre de quelqu’un ou de quelque chose pour résoudre vos problèmes — vous cessez d’espérer que vos problèmes se résolvent miraculeusement, à travers l’aide magique de Dieu, de la déesse Mère, du Sierra Club, des vaillants occupeurs d’arbres [Tree-sitters, ceux qui grimpent dans les arbres afin d’empêcher leur abatage, NdT], des braves saumons, ou de la Terre elle-même — et vous commencez à faire le nécessaire pour résoudre vous-mêmes vos problèmes.
À cause de la civilisation industrielle, les taux de spermatozoïdes humains ont été divisés par deux au cours des 50 dernières années. Sur la même période, les filles ont commencé la puberté de plus en plus tôt : 1 % des filles de 3 ans ont commencé à développer de la poitrine ou des poils pubiens, et au cours, seulement, des 6 dernières années, le pourcentage de filles de moins de 8 ans aux poitrines gonflées et aux poils pubiens est passé d’1 à 6,7 % pour les filles blanches, et à 27,2 % pour les filles noires.
Qu’allez-vous y faire ? Allez-vous espérer que ce problème disparaisse d’une façon ou d’une autre ? Allez-vous espérer que quelqu’un le résolve par magie ? Allez-vous espérer que quelqu’un — quiconque — stoppe l’industrie chimique qui nous tue tous ? Ou allez-vous faire quelque chose ?
Lorsque vous renoncez à l’espoir, non seulement vous survivez, mais il y a mieux. Et c’est que d’une certaine manière, vous mourez. Et ce qu’il y a de merveilleux dans cette mort, c’est qu’une fois mort ils — ceux au pouvoir — ne peuvent plus vous toucher. Pas au travers de leurs promesses, de leurs menaces, ni même au travers de leur violence. Une fois mort de cette façon, vous pouvez toujours chanter, vous pouvez toujours danser, vous pouvez toujours faire l’amour, vous pouvez toujours vous battre comme un diable — vous pouvez toujours vivre parce que vous êtes toujours en vie, d’ailleurs plus que jamais auparavant — mais ceux au pouvoir n’ont plus prise sur vous. Vous réalisez ainsi que lorsque l’espoir meurt, cette partie de vous qu’il emporte n’était pas vous, mais était le vous dépendant de ceux qui vous exploitent, le vous qui croyait que ceux qui exploitent s’arrêteraient d’eux-mêmes d’une façon ou d’une autre, le vous qui dépendait et croyait en ces mythologies propagées par ceux qui vous exploitent afin de faciliter leur exploitation. Le vous socialement construit. Le vous civilisé. Le vous fabriqué, produit, estampillé, façonné, est mort. La victime est morte.
Et qui reste-t-il une fois ce vous mort ? Il reste vous. Le vous animal. Le vous nu. Le vous vulnérable (et invulnérable). Le vous mortel. Le vous survivant. Le vous qui pense non pas ce que cette culture vous a enseigné à penser, mais qui pense par lui-même. Le vous qui ressent non pas ce que cette culture vous a appris à ressentir, mais qui ressent par lui-même. Le vous qui n’est pas ce que cette culture vous a appris à être, le véritablement vous. Le vous qui peut dire oui, le vous qui peut dire non. Le vous qui fait partie de la Terre où vous vivez. Le vous qui va se battre (ou pas) pour défendre sa famille. Le vous qui combattra (ou pas) pour défendre ceux que vous aimez. Le vous qui va se battre (ou pas) pour défendre la Terre dont dépend votre vie et celles de ceux que vous aimez. Le vous dont la morale ne dépend pas de ce que cette culture — qui détruit la planète, qui vous détruit — enseigne, mais dépend de vos propres sentiments animaliers d’amour et de lien avec votre famille, vos amis, votre Terre. Pas de votre famille de civilisés auto-identifiés mais d’animaux ayant besoin d’une Terre pour vivre, d’animaux qui sont tués par les produits chimiques, d’animaux ayant été formés et déformés pour correspondre aux besoins de cette culture.
Lorsque vous abandonnez l’espoir — lorsque vous mourez de cette façon, et êtes ainsi réellement en vie — vous vous rendez invulnérable à la cooptation de rationalité et de peur que les nazis ont fait subir aux Juifs et à d’autres, que les abuseurs font subir à leurs victimes, que la culture dominante nous fait subir à tous. Ou peut-être faudrait-il dire que les exploiteurs élaborent des circonstances physiques, sociales et émotionnelles telles que les victimes se perçoivent comme n’ayant d’autre choix que de s’infliger eux-mêmes cette cooptation. Mais lorsque vous abandonnez l’espoir, cette relation exploiteur/victime est brisée. Vous devenez comme ces Juifs qui participèrent au soulèvement du ghetto de Varsovie.
Lorsque vous abandonnez l’espoir, vous perdez beaucoup de peur. Et lorsque vous arrêtez de vous reposer sur l’espoir, et commencez à la place à protéger ceux que vous aimez, vous devenez dangereux pour ceux au pouvoir.
Et au cas où vous vous poseriez la question, c’est une très bonne chose.
Je ne souhaite pas particulièrement mourir. J’aime vivre, et j’aime ma vie. Mais je vais vous raconter quelque chose qui m’a aidé à perdre au moins une partie de la crainte que ceux au pouvoir me tuent, s’ils en arrivaient à me percevoir comme une menace envers leur droit inaliénable de détruire la planète. Je me suis posé la question : quel est le pire qu’ils puissent me faire ? Concrètement, le pire qu’ils puissent faire c’est me tuer. Oui, ils peuvent me torturer — ce qu’ils font à beaucoup — ou m’enfermer en confinement solitaire — ce qu’ils font aussi à beaucoup — mais j’ose espérer (voilà le mot) qu’en de telles circonstances je serais capable de m’ôter la vie, si nécessaire. Et pour autant que je sache, s’ils me tuent, une de trois choses différentes adviendra probablement. La première possibilité, après la mort, c’est « l’extinction des feux », les lumières s’éteignent ; auquel cas je serais juste mort, et je n’en saurais rien de toute façon. La deuxième, c’est qu’après la mort nous nous retrouvions « autre part », peu importe ce que cela signifie, auquel cas je continuerais à les combattre depuis là-bas. Et la troisième, qu’après la mort, nous nous réincarnions. Si tel était le cas, je suivrais la voie de Kartar Singh (Sardar Kartar Singh Saraba, ou encore Shaheed Kartar Singh Saraba), un jeune indien de 18 ans qui s’est battu pour expulser les Britanniques de chez lui et qui, en 1915, fut trahi et capturé. Alors que le magistrat responsable de l’affaire s’apprêtait à choisir entre le pendre et l’emprisonner à vie, Kartar Singh s’exprima ainsi : « Je souhaite être condamné à mort, et pas à la prison à vie, afin qu’après ma réincarnation je puisse m’efforcer d’anéantir l’esclavage imposé par les Blancs. Si je nais femme, je porterai des fils aux cœurs de lions, et les inciterai à tailler en pièce les dirigeants britanniques. »
La cour décida qu’il était trop dangereux pour qu’on le laisse vivre.
J’espère qu’il est revenu pour se battre à nouveau.
Derrick Jensen
Traduction : Nicolas CASAUX
J’espère qu’il sera entendu…
merci merci pour le partage, la traduction, etc.! merci encore.
Superbe, superbe texte, témoignage, superbe leçon de vie
Le pire qui puisse vous arriver serait de mourir ? Vous plaisantez ?
« ils » savent faire mille fois pire.
Par exemple : vous dévaloriser aux yeux de tous, ou juste des vôtres ou de la justice (exemple : Snowden faussement accusé de viol en Suède, jamais prouvé malgré plusieurs années d’enquête…).
Ou vous empêcher d’agir (exemple : Nicolas Hulot ministre).
Vous pourrir la vie avec un contrôle fiscal, brûler votre voiture (méchants délinquants…), vous arrêter 48 heures en prison puis vous relâcher en vous disant qu’il n’y avait aucune raison de vous arrêter, etc…
Regardez en France ce qu’il se passe depuis novembre 2018 et les milliers d’arrestations arbitraires, des accusations antisémites ou homophobes, etc… L’oligarchie et leurs manipulations vous font froid dans le dos au pays des Droits de l’Homme ? C’est normal : faire peur aux Gilets Jaunes sert à terroriser toute opposition dans le monde entier. Les terroristes ne sont pas toujours ceux qui sont nommés ainsi dans tous les journaux…