Russell Means, Lakota Oglala (les Indiens Lakota correspondent à la nation Siou, Siou étant le terme employé par leurs ennemis, et les Oglala en sont une des tribus), fut le cofondateur avec Dennis Banks du Mouvement des Indiens d’Amérique (AIM) en 1968. Depuis il a joué un rôle majeur dans des événements tels que l’occupation en 1972 par l’AIM du bâtiment du Bureau des affaires indiennes à Washington (DC), l’occupation de Wounded Knee en 1973 et l’organisation en 1980 du Yellow Thunder Camp dans les Black Hills (South Dakota). Ce mouvement radical pris par la suite un tournant Marxiste-Léniniste, ce qui incita Means à le quitter. Il est régulièrement un candidat à la présidence du gouvernement de la réserve Oglala de Pine Ridge dans le Sud-Dakota. Le texte qui suit — dans lequel Russell Means décide de s’adresser à l’AIM, tentant de réorienter la lutte contre le projet énergétique en démontrant que capitalisme et marxisme sont les deux faces d’un même projet à l’origine de leurs maux — est la retranscription d’un discours (retranscription publiée en 1999 dans le livre de Ward Churchill intitulé Marxism and Native Americans, soit, en français, « Le marxisme et les Indiens d’Amérique ») prononcé lors de l’ouverture du deuxième jour du Black Hills Survival Gathering (en français, Rassemblement pour la survie des collines noires) à Rapid City (Dakota du Sud), le 18 juillet 1980. Lors de cet évènement, plusieurs milliers de personnes venues du monde entier se réunirent pendant six journées de débats, ateliers et conférences. Le gouvernement US, sous le lobby des industries énergétiques, venait de déclarer ces Collines Noires — collines sacrées pour le peuple Lakota — « zone sacrifiée au nom de l’intérêt national », ce qui signifie concrètement que la zone entière était rendue inhabitable du fait de la construction d’une centrale de gazéification du charbon et d’une centrale nucléaire, ainsi que de l’installation de lignes à haute tensions. Le rassemblement fut suivi par un large éventail de groupes et organisations, des Indiens locaux, fermiers, politiciens gauchistes, écologistes du Sierra Club, activistes de Greenpeace, jusqu’à des entrepreneurs en « technologies alternatives ».
N.B. : Nous trouvons ce discours très intéressant ; cependant, il nous faut préciser : son rejet de la culture européenne le pousse à idéaliser, relativement, tout ce qui serait non-européen, une tendance dont il faut aussi se garder. Également, nous ne pensons pas que le marxisme et les marxistes puissent tous être mis dans le même sac, et si nous trouvons très justes nombre des remarques de Russell Means sur l’origine du marxisme, sur le fait que celui-ci s’enracine largement dans le substrat de la culture européenne, dans ses normes et ses dogmes indiscutés, nous considérons qu’il est possible, dans une perspective de convergence des luttes, de trouver un terrain d’entente avec le marxisme, dont nous partageons certaines dispositions et analyses.
Je déteste écrire. C’est la seule introduction possible à un tel discours.
Le procédé est en lui-même l’incarnation du concept européen de pensée « légitime » ; ce qui est écrit a une importance qui est complètement déniée à la parole. Ma culture, la culture Lakota, se fonde sur une tradition orale, c’est pourquoi, d’ordinaire, je refuse d’écrire.
C’est une des manières que le monde blanc a de détruire les cultures des peuples non-européens, en imposant une abstraction au détriment des relations orales d’un peuple.
Ce que vous lisez ici n’est donc pas ce que j’ai écrit, mais ce que j’ai dit, que quelqu’un d’autre a décidé de retranscrire.
Si j’autorise cela, c’est uniquement parce qu’il semble que la seule manière de communiquer avec le monde blanc soit par le biais des feuilles mortes et desséchées d’un livre.
Mais peu importe finalement que mes mots atteignent ou n’atteignent pas les blancs. Ils ont déjà prouvés au travers de leur histoire qu’ils sont incapables d’entendre, incapables de voir ; ils ne savent que lire (il y a bien sûr des exceptions, mais celles-ci ne font que confirmer la règle).
Je me soucie plus de ces Indiens d’Amérique, étudiants et autres, qui commencent à s’européaniser, à travers l’université et diverses autres institutions. Mais là encore, il s’agit d’une préoccupation plutôt marginale. Il est également possible pour un peau-rouge de développer un esprit blanc ; il s’agit d’un choix individuel sur lequel je ne m’attarderais pas ; qu’il en soit ainsi. Cela fait partie d’un long processus de génocide culturel, mené encore aujourd’hui par les blancs contre les Indiens. Ma principale préoccupation concerne les Indiens d’Amérique qui choisissent de résister à ce génocide, mais qui s’égarent quant à la marche à suivre.
[…] Chaque Indien d’Amérique doit fournir d’importants efforts pour ne pas s’européaniser. La force nécessaire à cet effort ne peut provenir que des coutumes traditionnelles et des valeurs traditionnelles que conservent nos anciens. Elle doit provenir du cercle, des quatre directions, de nos relations ; elle ne peut provenir des pages d’un livre, ou de 1000 livres. Aucun européen ne pourra jamais apprendre à un Lakota comment être Lakota, à un Hopi comment être Hopi. Un diplôme de Master en « études indiennes » ou en « éducation » ou en quoi que ce soit ne peut faire d’une personne un être humain, et n’apporte aucune connaissance sur les coutumes traditionnelles. Il ne peut que faire de vous un esprit européen, un étranger.
J’aimerais être clair sur un point bien précis. Quand je parle des Européens, ou d’un « esprit européen », je ne laisse pas la place à de fausses distinctions. Je ne crois pas qu’il y ait d’un côté, un sous-produit culturel qui serait mauvais, résultat de plusieurs milliers d’années de développement d’une culture européenne génocidaire et réactionnaire, et d’un autre côté, de nouvelles avancées intellectuelles révolutionnaires qui seraient bonnes. Je fais allusion ici aux théories marxistes et anarchistes, et plus généralement au « gauchisme ». Je ne crois pas que ces théories puissent être séparées du reste de la tradition intellectuelle européenne. Il s’agit bel et bien de la même sempiternelle rengaine.
Prenons le christianisme comme exemple historique. En son temps, le christianisme était révolutionnaire. Il a transformé les relations européennes de pouvoir de fond en comble ; c’est ainsi, même s’il vous arrive de penser que l’Empire romain est toujours resté dominé par la force militaire. Mais la culture européenne, dont le christianisme devint un des éléments, agit sur le plan religieux de façon à utiliser la religion comme un outil pour la destruction des peuples non-européens, pour l’expansion de la puissance militaire et économique de l’Europe aux quatre coins de la planète, pour la consolidation des États-nations européens, pour la formation du système économique capitaliste. La révolution chrétienne ou les révolutions chrétiennes ont été des moments forts du développement de la culture occidentale dans des domaines où elle était dominante ; cela n’a fait qu’accélérer le génocide d’origine occidentale à l’extérieur de l’Europe et peut-être aussi à l’intérieur.
C’est la même chose avec les « révolutions » européennes capitalistes ou autres. Elles ont transformé les relations de pouvoir en Europe, mais seulement pour réaffirmer les nécessités d’expansion du monde blanc dans tous les domaines.
Newton « révolutionna » la physique et les sciences soi-disant naturelles en réduisant l’univers physique à une équation mathématique linéaire. Descartes fit la même chose avec la culture, John Locke avec la politique, et Adam Smith avec l’économie. Chacun de ces « penseurs » s’empara d’une partie de la spiritualité de l’existence humaine, pour la transformer en un code, une abstraction. Ils ont repris là où le christianisme s’était arrêtée ; ils ont « sécularisé » la religion Chrétienne, comme aiment le dire les intellectuels, l’ont « sécularisée », et ce faisant, ont ainsi permis à l’Europe d’être plus efficace et plus prompte à s’imposer en tant que culture expansionniste. Chacune de ces révolutions intellectuelles n’a finalement servi qu’à faire progresser l’abstraction de la mentalité européenne, à extraire la complexité et la spiritualité merveilleuses de l’univers pour la remplacer par une « séquence logique » : un, deux, trois. Réponse ! C’est ce que les européens ont commencé à appeler « l’efficacité ». Tout ce qui est mécanique est parfait ; tout ce qui semble instantanément fonctionner — ce qui prouve que le modèle mécanique est bon — est considéré comme satisfaisant, même si ce n’est clairement pas le cas. C’est la raison pour laquelle la « vérité » change si rapidement dans l’esprit Européen ; les réponses qui découlent d’un tel processus ne peuvent être que provisoires, temporaires, et doivent être continuellement rejetées au profit d’autres solutions temporaires qui valident et maintiennent en vie ce modèle mécanique.
Hegel et ensuite Marx furent les héritiers de la pensée de Newton, Descartes, Locke et Smith. Hegel acheva le processus de sécularisation de la théologie — selon ses propres mots —, laïcisant ainsi la pensée religieuse à travers laquelle l’Europe comprenait l’Univers. Puis, Marx retranscrit la pensée de Hegel en termes de « matérialisme », ce qui revient à dire que Marx — aussi selon ses propres mots — a complètement déspiritualisé l’œuvre de Hegel. Voilà ce que l’on considère aujourd’hui comme le grand potentiel révolutionnaire de l’Europe. Les Européens peuvent bien y voir quelque chose de révolutionnaire, mais les Indiens Américains n’y voient que le vieux conflit Européen entre être et avoir. L’origine intellectuelle d’une nouvelle forme marxiste d’impérialisme européen se trouve dans la relation entre Marx — et ses épigones — et la tradition incarnée par Newton, Hegel et d’autres.
Être est une proposition spirituelle. Avoir est un acte matériel. De par leurs traditions, les Indiens d’Amérique se sont toujours efforcés d’être les meilleures personnes possibles. Une partie de cette démarche, hier comme aujourd’hui, revient à rejeter l’enrichissement, afin de ne pas avoir, de ne pas accumuler. Le profit matériel est un indicateur de faux statut social chez les peuples traditionnels, quand il est la « preuve que le système fonctionne » chez les européens. Nous voyons là deux visions du monde en opposition complète, et le Marxisme se pose très loin à l’opposé de la conception Amérindienne. Examinons-en la principale conséquence, car ce n’est pas juste un débat intellectuel.
La tradition matérialiste européenne de déspiritualisation de l’Univers est très similaire au procédé mental qui consiste à déshumaniser un individu. Et qui semble le plus expert à déshumaniser d’autres peuples ? Et pourquoi ? Des soldats, vétérans de nombreuses guerres, apprennent à traiter l’ennemi comme tel avant de retourner vers de nouveaux champs de bataille. Des assassins le font avant de commettre un crime. Les SS l’ont fait aux pensionnaires des camps de concentration. Les flics le font. Les patrons le font aux travailleurs qu’ils envoient dans les mines d’uranium ou dans les aciéries. Les politiciens le font avec tout le monde. Il faut que ce stratagème soit constamment mis en œuvre par chacun de ces groupes, pour qu’il devienne finalement acceptable de tuer, ou tout au moins d’anéantir d’autres individus. Un des commandements des chrétiens énonce « Tu ne tueras point », pas les humains en tout cas, l’artifice consiste alors à mentalement convertir vos victimes pour les considérer comme des non-humains. Il devient alors possible de proclamer que la violation de votre propre commandement est en fait une vertu.
En termes de déspiritualisation de l’Univers, ce processus amène à considérer vertueux de détruire la planète. Des mots comme « progrès » ou « croissance » sont alors utilisés pour rationaliser ce processus, de la même manière que « victoire » et « liberté » sont généralement employés pour justifier toutes les boucheries qui découlent logiquement de la déshumanisation. Par exemple, un spéculateur foncier pourra parler de « développement » d’un terrain en y ouvrant une carrière de gravier. En vérité, le développement signifie la destruction totale et permanente du lieu, dont même la terre est extirpée. Mais, la logique européenne s’est enrichie de quelques tonnes de graviers, avec lesquelles encore plus de parcelles pourront être « développées » par la construction de routes. Finalement, c’est l’univers tout entier qui est exposé — dans la logique Européenne — à ce genre de folies.
La chose la plus regrettable, peut-être, est que les européens ne semblent ressentir aucun sentiment de perte. Après tout, leurs philosophes ont tellement déspiritualisé le réel qu’ils ne retirent aucune satisfaction en contemplant simplement la beauté d’une montagne, d’un lac, ou d’un autre être vivant. Non, la satisfaction se mesure en termes de gain matériel — la montagne devient donc du gravier, l’eau du lac sert de liquide de refroidissement à une usine, et les gens sont envoyés dans ces usines d’endoctrinement que les européens aiment appeler « écoles ». Tout cela est très « rationnel » et pour le bien, si bien que l’on n’en ressent aucun sentiment de frustration. Et c’est très difficile, voire impossible, de convaincre quelqu’un qu’il y a quelque chose de mauvais dans la logique du profit lorsque l’on n’a plus la sagesse spirituelle qui nous permet de ressentir la perte de ce qui est détruit tout au long du chemin.
Chaque nouvelle abstraction occidentale est née d’une nécessité directe. A chaque fois qu’une abstraction commence à être exposée, à chaque fois que les coûts impliqués deviennent évidents — et même évidents pour certains européens — une nouvelle abstraction est créé pour encore repousser l’inévitable. Pour un temps. Newton, Locke, Descartes et Smith ont mené à Hegel, Marx et Darwin, puis nous avons eu Einstein, Niels, Bohr, etc. Chacun d’entre eux a rendu plus abstraite la réalité et contribué à la continuation du système scientifique matérialiste lorsque les vieilles « réponses » étaient périmées. Mais chaque nouvelle abstraction, chaque palliatif n’est qu’une solution temporaire et double la mise. Considérez, par exemple, l’énergie nécessaire pour faire tourner toute la machine industrielle. Il y a un peu plus de deux siècles, tout le monde, pratiquement, utilisait du bois — un élément renouvelable et naturel — pour se chauffer comme pour cuisiner. Vint ensuite la révolution industrielle, et le charbon devint alors le combustible prédominant, tandis que la production industrielle se mut en un impératif social pour l’Europe. La pollution commença à devenir un problème dans les villes, durant que partout on éventrait la terre afin d’en extraire du charbon. Plus tard, c’est le pétrole qui devint le principal combustible, alors que l’outil de production se modernisait, à travers une série de « révolutions » scientifiques. La pollution s’accrut alors de manière dramatique et aujourd’hui personne ne sait vraiment ce que sera le coût environnemental à long terme de toute cette extraction de pétrole du sol. Il y a aujourd’hui une crise « énergétique », et l’uranium est en passe de devenir le combustible dominant — toujours au nom du même système de valeurs matérialistes qui provoque les crises, à la fois de l’énergie et de l’environnement.
On peut maintenant compter sur les capitalistes pour développer l’uranium, mais au rythme qui leur permettra un profit régulier maximum. C’est leur éthique : et peut-être que cela peut permettre de gagner du temps. Les marxistes, d’un autre coté, vont vouloir développer l’énergie nucléaire aussi vite que possible, au prétexte qu’il s’agit de l’énergie la plus « efficiente » que l’on ait sous la main. C’est leur éthique à eux, et, à dire vrai, j’ai du mal à voir en quoi c’est préférable. Encore une fois, le marxisme reste au cœur de la tradition européenne. La même vieille rengaine.
Les missionnaires ont dirigé la pulsion européenne de destruction des continents de ce monde ; pas simplement des êtres humains autochtones qui y vivaient, mais aussi des continents eux-mêmes. Les missionnaires sont toujours là, ils sont toujours actifs et les peuples traditionnels les considèrent comme des ennemis. Mais ils ont souvent été remplacés en importance par des capitalistes dont la mission est d’exploiter « efficacement » ce que les missionnaires ont « défriché ». Le passage de l’Église au capitalisme a sans doute abouti à des différences superficielles dans la structure de la société occidentale — ils se sont données du mal pour « séparer l’Église et l’État » dans leur législation (pour réduire le pouvoir de l’Église) — mais le fait est que cette « révolution » a tout simplement fait empirer les choses pour les non-européens. Le capitalisme est plus destructeur et plus efficace que la version missionnaire de l’Europe que nous avons rencontrée il y a quelques centaines d’années.
On pourra en déduire une règle systématique. Vous ne pouvez pas juger de la nature réelle d’une doctrine révolutionnaire européenne uniquement sur la base des bouleversements qu’elle propose au sein des structures de pouvoir et de la société européenne. Vous ne pouvez la juger qu’au regard de ces effets sur la vie des non-européens. En effet, dans l’histoire européenne toutes les révolutions n’ont servi qu’à renforcer la tendance et l’aptitude de l’Europe à exporter la destruction vers d’autres peuples, d’autres cultures, jusqu’à l’environnement. Je mets quiconque au défi de me trouver un exemple où cela ne fut pas le cas.
C’est dans ce contexte que nous, peuples Indiens d’Amérique, sommes sollicités pour adhérer à cette « nouvelle » doctrine européenne révolutionnaire qu’est le marxisme, et priés de croire qu’elle inversera les effets négatifs de l’Histoire européenne sur notre existence. Les relations de pouvoir, en Europe vont une fois de plus être réajustées et cela devrait bénéficier à tout le monde. Mais que cela signifie-t-il vraiment ?
En ce moment même, nous qui vivons sur la réserve de Pine Ridge, vivons en fait sur ce que la société européenne a déclaré « zone sacrifiée au nom de l’intérêt national ». Cela signifie qu’il y a ici de grosses réserves d’uranium, et que la culture européenne (pas nous) convoite ce minerai comme source d’énergie. Pour l’industrie minière, la manière la plus efficace et bon marché d’extraire et de traiter cet uranium implique de rejeter les déchets ici même, sur le site d’origine. Ici, où nous vivons. Ces déchets sont radioactifs et rendront toute la région inhabitable à jamais. C’est ce que l’industrie, et la société blanche qui a créé cette industrie, considèrent comme un prix « acceptable » pour le développement énergétique. Ils prévoient par ailleurs, dans le cadre de ce processus industriel, de prélever la totalité des eaux souterraines de cette partie du Dakota du Sud, ce qui rendra la région doublement invivable. La même chose est en train de se dérouler en terre Navajo et Hopi, ainsi qu’en terre Cheyenne et Crow, et d’autres sont sur la liste. Plus de 60 % de toutes les réserves énergétiques américaines ont été détectées sous les territoires des réserves, si bien qu’il n’y a pas moyen d’y voir un fait isolé. Pour les Indiens d’Amérique, il s’agit ni plus ni moins d’une question de survie. Pour le monde blanc et son industrie, il s’agit d’être capable de continuer à exister sous la forme actuelle.
Nous résistons pour ne pas être transformés en « zone sacrifiée au nom de l’intérêt national ». Nous résistons pour ne pas être transformés en « peuple sacrifié au nom de l’intérêt national ». Le coût de cette exploitation industrielle n’est pas acceptable pour nous. Extraire de l’uranium ici, et pomper toute l’eau, cela relève du génocide, ni plus, ni moins. Ainsi les raisons de notre résistance sont suffisamment évidentes et n’ont pas à être expliquées plus avant.
Supposons maintenant que dans notre résistance contre l’extermination, nous commencions à chercher des alliés (nous en avons). Supposons encore que nous prenions le marxisme révolutionnaire au pied de la lettre : que son but ultime ne soit rien de moins que le renversement de l’ordre capitaliste européen à l’origine de cette menace sur notre existence. Cela pourrait sembler une alliance naturelle pour les Indiens d’Amérique. Comme le rappellent les marxistes, ce sont des capitalistes qui nous ont déclarés « zone sacrifiée au nom de l’intérêt national ». C’est vrai jusqu’à un certain point.
Mais, comme je l’ai déjà dit, ce n’est qu’un jeu de dupe. Regardez derrière le rideau du marxisme révolutionnaire, qu’y trouvez-vous ? Un engagement à renverser le système industriel qui a créé le besoin de la société blanche en uranium ? Non. Une volonté de garantir au peuple Lakota et aux autres peuples amérindiens un réel contrôle sur la terre et les ressources qu’il leur reste encore ? Non, à moins que ce processus industriel soit renversé en tant que partie de leur doctrine. Un engagement pour nos droits, en tant que peuples, de conserver nos valeurs et nos traditions ? Non, pas tant qu’ils ont besoin de l’uranium de notre terre pour alimenter le système de la civilisation industrielle, cette culture dont les marxistes font toujours partie.
Le marxisme révolutionnaire n’a pour autre but que la poursuite et le perfectionnement de cette industrie qui nous détruit tous. Il n’offre que de « redistribuer » les résultats, peut-être l’argent, de cette industrialisation à une plus large partie de la population. Il offre de prendre la richesse des capitalistes et de la distribuer, mais, pour ce faire, le marxisme doit maintenir le système industriel. Encore une fois, les relations de pouvoir dans le monde européen seront changées, mais encore une fois, les effets sur les peuples amérindiens, ici, et non européens, ailleurs, resteront les mêmes. On reste dans le même schéma que lorsque le pouvoir passa de l’église aux riches investisseurs durant la soi-disant « révolution bourgeoise ». La société européenne s’en trouva légèrement modifiée, en surface, mais son comportement envers les non-européens continua à l’identique. Vous apprécierez tout particulièrement ce que la révolution américaine de 1776 apporta aux Indiens d’Amérique. Toujours la même vieille rengaine.
Le marxisme révolutionnaire, comme toute forme de société industrielle, cherche à « rationaliser » les hommes en fonction de ce qu’exige l’industrie, pour le maximum d’industrie, le maximum de production. C’est une doctrine matérialiste qui a un profond mépris pour la tradition spirituelle de l’Indien d’Amérique, pour nos cultures et nos modes de vie. Marx lui-même nous qualifiait de « pré-capitalistes » et « primitifs ». « Pré-capitaliste » signifie simplement qu’à ses yeux, nous finirions par découvrir le capitalisme et devenir capitalistes ; nous sommes donc économiquement attardés, selon le marxisme. La seule manière pour des Indiens d’Amérique de prendre part à une révolution marxiste serait qu’ils rejoignent le système industriel, qu’ils deviennent ouvriers en usine, ou « prolétaires », comme les appelle Marx. Marx était très clair sur le fait que sa révolution ne pouvait avoir lieu qu’à travers la lutte du prolétariat contre la classe dominante, et que l’existence d’un système industriel massif était une condition préalable à la réussite d’une société marxiste.
Je crois qu’il y a là un problème de langage. Chrétiens, capitalistes, marxistes. Tous se considéraient en esprit comme « révolutionnaires ». Mais aucun d’eux ne souhaitait une véritable révolution. Leur véritable intention, c’est la continuation. Ils font ce qu’ils font pour que la culture européenne continue à prospérer et à se développer selon ses besoins. Comme les bactéries, la culture européenne progresse par convulsions intermittentes et aussi parfois par divisions internes dans le but de se perpétuer et de grandir. Ce n’est pas d’une révolution que nous sommes en train de parler, mais d’un moyen pour perpétuer ce qui existe déjà. Une amibe reste une amibe après qu’elle s’est reproduite. Mais, après tout, comparer la culture européenne à une amibe n’est pas gentil pour l’amibe ! Les cellules cancéreuses sont peut-être une comparaison plus appropriée étant donné que la culture occidentale a historiquement tout détruit autour d’elle et éventuellement se détruira elle-même.
Des lors que nous, Indiens d’Amérique, épouserions la cause Marxiste, cela reviendrait à souscrire au sacrifice national de notre terre ; nous devrions nous suicider culturellement, devenir industrialisés, occidentalisés et pourquoi pas pasteurisés. Nous devrions nous détruire totalement nous-mêmes. Seul un fou pourrait considérer que cela puisse être souhaitable.
J’en viens à me demander si malgré tout, je ne suis pas trop sévère. Le marxisme a déjà une longue histoire ; cette histoire vient-elle confirmer ou infirmer mes craintes ? J’ai donc regardé le processus d’industrialisation en union Soviétique depuis 1920, et je constate que ces marxistes y ont fait en 60 ans ce que la « révolution industrielle » anglaise a fait en 300 ans. Je constate que le territoire de l’URSS était habité par un grand nombre de populations tribales, qui ont finalement toutes été sacrifiées pour faire place aux usines. Les soviétiques parlent de cela sous le nom de « question nationale » : cette question de savoir si ces tribus avaient simplement le droit d’exister ; en l’occurrence ils décidèrent que ces tribus étaient un sacrifice acceptable pour l’industrialisation. Je regarde en Chine et je constate exactement la même chose. Je regarde au Vietnam, et je vois des marxistes imposer encore ce même ordre industriel aux populations tribales qu’ils délogent de leurs montagnes.
J’entends un scientifique soviétique célèbre dire que lorsque l’uranium sera épuisé, des alternatives seront alors découvertes. Je vois les Vietnamiens remettre en fonction une centrale nucléaire abandonnée par l’armée américaine. Est-ce qu’ils l’ont démantelée et détruite ? Non, ils l’utilisent. Je constate que la Chine procède à des essais atomiques, développe des réacteurs nucléaires, prépare un programme spatial pour coloniser et exploiter les planètes de la même manière que les Européens ont colonisé et exploité ce continent. C’est toujours la même rengaine, mais peut-être avec un rythme plus rapide à présent.
La déclaration du scientifique soviétique est très intéressante. Est-ce qu’il sait ce que sera cette source d’énergie alternative ? Non, il a simplement confiance, la science trouvera une solution. J’entends des marxistes révolutionnaires déclarer que la destruction de l’environnement, la pollution, les radiations, tous ces phénomènes seront contrôlés. Et je les vois agir conformément à leurs dires. Est-ce qu’ils savent comment ces phénomènes seront contrôlés ? Non, ils ont simplement confiance. Quelle en est leur connaissance ? Confiance ! La science trouvera une solution. Cette croyance a toujours été une quasi-religion en Europe. La science est devenue la nouvelle religion occidentale pour capitalistes et marxistes réunis, ils sont vraiment inséparables, ils ne sont que parties et produits de la même culture. Ainsi, les marxistes, à la fois en théorie et en pratique, demandent aux peuples non-européens d’en finir tout à la fois avec leurs valeurs, leurs traditions, leur existence culturelle. Nous serons tous accros à la science industrielle dans la société marxiste.
Je ne crois pas que ce soit le capitalisme lui-même qui soit intrinsèquement responsable de la situation où les Indiens d’Amérique ont été déclarés « sacrifice national ». Non, il s’agit de la tradition européenne ; c’est la culture européenne elle-même qui est responsable. Le marxisme est simplement la dernière continuation de cette tradition, pas la solution. S’allier avec cette idéologie, c’est s’allier avec les mêmes forces qui ont dit de nous que nous étions un « coût » acceptable…
Une autre voie est possible. Il y a la voie de la tradition Lakota, et la voie des autres peuples Indiens d’Amérique. La voie qui comprend que les hommes n’ont pas le droit de dégrader la terre-mère, qu’il existe des forces bien au-delà de ce que peut concevoir l’esprit européen, et que les humains doivent vivre en harmonie avec toutes leurs relations, puisque, le cas échéant, ces relations se chargeront d’éliminer la disharmonie. Avec une vision emphatique et déséquilibrée des hommes par les hommes, l’arrogance européenne d’agir comme s’ils étaient au-delà de la nature de toutes choses et de leurs relations entre elles peut seulement aboutir à un déséquilibre total et à un réajustement qui remettra ces humains arrogants à leur place en leur faisant apprécier le vrai goût des choses concrètes, le goût des choses qu’ils ne contrôleront jamais. Alors, l’harmonie reviendra. Pas besoin de théories révolutionnaires pour comprendre ça ; c’est bien au-delà de ce que peuvent maîtriser les hommes. Les sociétés traditionnelles de par le monde le savent bien, et ne viennent pas élaborer des grandes théories à ce sujet. La théorie est abstraite, notre savoir est réel.
L’essence de la foi européenne — y compris sa foi en la science — se ramène à la croyance ultime que l’homme est dieu. L’Europe s’est d’ailleurs toujours cherchée un messie, que ce soit l’homme Jésus Christ, l’homme Karl Marx ou l’homme Albert Einstein. Les Indiens d’Amérique savent que c’est complètement absurde. L’homme est la plus faible des créatures, si faible que les autres créatures doivent offrir leur chair afin qu’il survive. Les êtres humains ne peuvent survivre qu’en étant rationnels, puisqu’ils n’ont pas les griffes et les crocs que les autres animaux utilisent pour obtenir leur nourriture. La rationalité peut néanmoins devenir une malédiction quand les hommes oublient l’ordre naturel des choses à un point qu’aucune autre créature ne pourrait atteindre. Le loup n’oublie jamais sa place dans l’ordre naturel. Les Indiens d’Amérique peuvent l’oublier. Les européens l’oublient systématiquement. Nous adressons une prière de remerciement au cerf et à nos relations, les remerciant de nous permettre de manger leur chair ; les européens se contentent de prendre cette chair comme un dû, et considèrent le cerf comme une créature inférieure. Après tout, ils se considèrent d’essence divine, par leur rationalité et leur science ; dieu est l’être suprême ; tout le reste doit être inférieur. Ainsi la capacité de l’Europe de créer des déséquilibres ne connaît pas de limites.
Toute la tradition européenne, marxisme inclut, cherche à défier l’ordre naturel régissant toutes choses. La Terre a été abusée, les forces de la nature bafouées, et cela ne peut pas durer éternellement. Aucune théorie ne peut remettre en cause cette simple vérité. Notre Terre Mère se vengera, l’environnement tout entier se vengera, et les abuseurs finiront par être éliminés. Les choses suivent le cercle. Elles retournent d’où elles viennent. Voilà la révolution. C’est la prophétie de mon peuple, du peuple Hopi et de tous les autres peuples sensés.
Les Indiens d’Amérique ont essayé d’expliquer cela aux européens depuis des siècles. Mais, comme je l’ai dit plus tôt, ces derniers ont prouvé à maintes reprises qu’ils sont incapables d’écouter. L’ordre naturel prévaudra, et les abuseurs disparaîtrons, de la même manière que les cerfs meurent quand ils brisent l’équilibre d’une région en la surpeuplant. Ce n’est qu’une question de temps avant que ce que les Européens appellent une « catastrophe majeure à l’échelle globale » ne se produise. Les peuples Indiens d’Amérique, comme tous les êtres naturels, devront survivre. Une partie de notre lutte pour la survie est de résister. Résister, non pas pour renverser un gouvernement ou prendre le pouvoir, mais parce qu’il est normal de résister contre l’extermination, pour survivre. Nous ne voulons prendre le pouvoir sur les institutions blanches ; nous voulons leur disparition. C’est cela la révolution.
Les Indiens d’Amérique sont toujours en phase avec ces réalités, avec les prophéties et les traditions de nos ancêtres. Nous tirons notre savoir de nos aînés, de la nature et des forces qui la traversent. Et lorsque la catastrophe sera passée, nous, peuples Indiens d’Amérique, serons toujours là pour habiter ce continent. Même si seulement une poignée d’indiens dans les Andes, le peuple Indien d’Amérique survivra et l’harmonie sera rétablie. Cela est révolution.
J’aimerais maintenant être très clair sur un point précis, un point qui devrait déjà être clair en raison de ce que j’ai dis ces dernières minutes. Seulement, la confusion est aisée ces temps-ci, alors je vais insister lourdement. Lorsque j’utilise le terme « européen », je ne fais pas particulièrement référence à une couleur de peau ou à une structure génétique particulière. Je fais référence à un état d’esprit, une vision du monde qui est le produit de l’évolution de la culture européenne. Les gens ne sont pas génétiquement codés pour cet état d’esprit, ils y sont acculturés. La même chose est vraie pour les Indiens d’Amérique ou pour les membres de n’importe quelle culture.
Il est possible pour un Indien d’Amérique de partager les valeurs ou la vision du monde européen. Nous avons un mot pour désigner ces gens ; nous les appelons des « pommes » — rouge à l’extérieur (la génétique), blanc à l’intérieur (leur esprit). D’autres communautés ont des termes semblables : les Noirs ont leurs « oreos », les Latinos leurs « noix de coco », etc. Et, comme je l’ai dit en commençant cette intervention, il y a des exceptions à la norme européenne ; des gens qui sont blancs de peau, mais pas « blancs » intérieurement. Je ne suis pas sûr de pouvoir attribuer à ceux-là d’autres noms qu’êtres humains.
Ce que je veux mettre en avant ici, ce n’est pas une proposition raciale, mais une proposition culturelle. Ceux qui prônent et défendent les réalités de la culture européenne et son industrialisme sont mes ennemis. Ceux qui y résistent et qui luttent contre sont mes alliés et les alliés des Indiens d’Amérique. Je me fiche diablement de la couleur de leur peau. Le terme « caucasien » est utilisé par les blancs pour désigner les blancs ; la perspective à laquelle je m’oppose est européenne.
On ne peut pas vraiment considérer les « communistes vietnamiens » comme des caucasiens, mais leur mentalité est devenue similaire à celle d’européens. La même chose est vraie des « communistes chinois », des « capitalistes japonais », ou des « catholiques bantous » ou Peter Mc Dollar à Navajo, ou Dickie Wilson ici à Pine Ridge. Ma position n’est pas raciste, elle n’est qu’une analyse de ce qui fonde et anime l’esprit d’une culture.
En termes marxiste, je suppose qu’on me qualifierait de « nationaliste culturel ». Je travaille d’abord avec mon peuple, les Lakota, parce que nous avons la même vision du monde, et partageons les mêmes préoccupations. Au-delà, je travaille avec les populations amérindiennes traditionnelles, là encore en raison de visions et préoccupations communes. Au-delà, je travaille avec quiconque a pu expérimenter l’oppression européenne, et résiste à son totalitarisme culturel et industriel. Manifestement, cela inclut des caucasiens génétiques qui luttent contre les normes dominantes de la culture européenne ; j’ai à l’esprit les Irlandais ou les Basques, mais il y en a beaucoup d’autres.
Je travaille en premier lieu avec mon propre peuple, avec ma propre communauté. Les autres peuples ayant des projets non-européens devraient en faire autant. Je ne me prétend pas capable d’assumer effectivement les combats de la communauté noire à Watts ou à Newark. Et je n’attends pas d’un militant de ces communautés noires qu’il soit particulièrement efficace dans les luttes quotidiennes du peuple Lakota. Chaque communauté peut et doit construire sur la base de sa propre identité culturelle. C’est notre force et la source de notre vision du monde, une vision qui nous pousse à résister contre l’industrialisatisme de la culture européen. C’est cette vision du monde qui nous autorise à nous rassembler, à nous allier à d’autres, à mettre en commun nos forces et nos ressources pour résister à la culture européenne mortifère, tout en gardant nos propres identités d’êtres humains.
Je crois au slogan « Fais confiance au projet de ton frère », quoique j’aimerais ajouter les sœurs dans la balance. J’ai confiance dans la vision du monde fondée sur la communauté et les cultures de tous les groupes ethniques, les nations qui spontanément résistent à l’industrialisation et à l’extinction de l’humanité. Évidemment, des individus « blancs » peuvent partager cela avec nous, à condition qu’ils aient compris que la continuation des impératifs industriels de l’Europe n’est pas un projet, mais un suicide pour l’espèce humaine. Le blanc est une des couleurs sacrées du peuple Lakota : rouge, jaune, blanc et noir. Les quatre points cardinaux. Les quatre saisons. Les quatre périodes de la vie et de l’âge. Les quatre races de l’humanité. Mélangez du rouge, du jaune, du blanc et du noir, ensemble et vous obtenez du brun, la couleur de la cinquième race. Cela est dans l’ordre naturel des choses. C’est pourquoi il me semble naturel que toutes les races travaillent ensemble, chacune conservant ses propres significations, identité et message.
Mais la plupart des caucasiens exhibent un comportement particulier. Dès que je commence à critiquer l’Europe et son impact sur les autres cultures, ils se mettent sur la défensive. Ils commencent à se défendre eux-mêmes. Et pourtant, je ne suis pas en train de les accuser personnellement. J’attaque l’Europe. En personnalisant mes observations sur l’Europe, ils personnalisent la culture européenne, en s’y identifiant eux-mêmes ; en se défendant de la sorte, ils ne font finalement que défendre cette culture mortifère. C’est une confusion qui doit être dépassée, et vite. Aucun d’entre nous n’a d’énergie à perdre dans de tels faux combats.
Les caucasiens ont une vision plus positive à offrir à l’humanité que la culture européenne, je le crois. Mais pour se réapproprier cette vision du monde, il leur est nécessaire de s’extraire pour un temps de la culture européenne — et de se placer du côté du reste de l’humanité — pour regarder l’Europe pour ce qu’elle est et ce qu’elle fait. S’accrocher au capitalisme, au marxisme et autres « ismes » équivaut simplement à rester dans le cadre de la culture européenne. On n’échappe pas à ce fait fondamental. En tant que donnée, cela correspond à un choix. Comprenez que ce choix est culturel, et non racial. Comprenez que choisir la culture européenne et l’industrialisme équivaut à choisir d’être mon ennemi. Et comprenez que ce choix est le vôtre, pas le mien.
Ce qui me ramène à ces Indiens d’Amérique qui errent dans les universités, les taudis des villes et autres institutions européennes. Si vous y êtes pour apprendre à résister à l’oppresseur en accord avec vos voies traditionnelles, ainsi soit-il. Je ne sais pas comment vous vous débrouillez pour combiner les deux facteurs, mais vous réussirez peut-être. Mais n’oubliez pas votre perception de la réalité. Faites attention à ne pas commencer à penser que le monde blanc offre aujourd’hui des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Faites attention aussi à ce que les mots employés par les peuples autochtones ne soient pas tournés à l’avantage de nos ennemis. L’Europe a inventé la pratique du retournement du sens des mots. Il suffit de regarder les traités établis entre les peuples des Indiens d’Amérique et les différents gouvernements européens pour savoir ce qu’est la vérité des faits. Tirez votre force de votre identité.
Le renversement des mots va bon train aujourd’hui, cela ne s’est jamais arrêté. C’est pourquoi lorsque j’ai pris la parole à Genève, en Suisse, au sujet de la colonisation des peuples autochtones dans cette partie de l’Amérique de l’hémisphère Nord, j’ai été abusivement présenté comme un « gauchiste » par certains militants blancs. C’est pourquoi certains idiots sont crus par quelques têtes creuses lorsqu’ils désignent les militants indiens comme « marxistes-léninistes ». C’est pourquoi certains groupes de « gauche » croient qu’ils partagent nos valeurs tout en les rejetant en pratique. Une culture qui confond constamment révolution et continuation, qui confond science et religion, qui confond révolte et résistance, n’a rien d’utile à vous apprendre, n’a rien à vous offrir comme mode de vie. Les Européens ont depuis longtemps perdu tout contact avec la réalité, si tant est qu’ils aient un jour été en contact avec elle. Soyez désolés pour eux si vous en ressentez le besoin, mais n’ayez pas honte de vous en tant qu’Indiens d’Amérique.
Bon, je suppose que pour conclure, je voudrais dire clairement qu’entraîner quiconque vers le marxisme est la dernière chose qui vienne à l’esprit. Le marxisme est aussi étranger à ma culture que le capitalisme et la chrétienté. D’ailleurs, je peux dire que je ne pense pas essayer d’attirer quiconque vers quoi que ce soit. D’une certaine façon, j’ai essayé d’être un « leader », dans le sens où les médias grand public aiment à utiliser ce terme, lorsque le Mouvement des Indiens d’Amérique — AIM — était une jeune organisation. Ce fut la conséquence d’une confusion dont je ne souffre plus désormais. Vous ne pouvez pas être tout pour qui que ce soit. Je ne souhaite pas être traité de cette façon par mes ennemis ; je ne suis pas un « leader ». Je suis un patriote Lakota Oglala. C’est tout ce que je souhaite et ai besoin d’être. Et je suis très à l’aise avec qui je suis.
Russell Means
Traduction : Sébastien Debande
Édition & révision : Nicolas Casaux
Today I’m feeling Lakota. I resist. Thank you for your message.
Cet homme possède une répartie rare ! Une grande lucidité se ressent dans son discours.
Ses paroles se boivent… que dire de plus ? Un grand homme ce R.Means.
Russell Means soutient qu’il est un « Patriote Oglala Lakota » alors que ses racines ne sont ni Oglala, ni Lakota. Qu’il eut choisi une identite culturelle en tant qu’Oglala, soit. Toutefois, une etude genealogique de sa famille demontre amplement qu’il etait plus Francais qu’Indien, plus « Europeen » qu’Ameridien. J’ai ecrit a ce sujet dans mon livre, publie en Septembre 2017 intitule : « Russell C. Means : The European Ancestry of a Militant Indian (1939–2012).
Soit. Reconnaissez-vous que, pour autant, cela n’a pas grande incidence sur le fond du texte ?
Tu n’as visiblement rien compris à l’affaire. L’esprit qui l’anime n’est pas français, ni européen. Il y a manifestement, chez vous une incapacité fondamentale à comprendre le monde non-blanc.
Russell Means est presente ici en tant que « cofondateur » du movement indien avec Dennis J. Banks. Faux. Il a joint le movement Indien fonde a Minneapolis par Dennis Banks et Clyde Bellecourt, apres sa foundation.
En ce qui concerne ses remarques sur la pensee Europeenne, vos lecteurs devraient savoir que Russell Means etait plus Europeen qu’Indien lui-meme, ce que j’ai bien documente dans mon livre paru recemment en anglais : « Russell C. Means : The European Ancestry of a Militant Indian (1939–2012) disponible sur amazon.
Insister. Vous venez pisser sur des détails. Et sur le fond ? Rien.
https://www.newscientist.com/article/mg22129554-400-there-is-no-dna-test-to-prove-youre-native-american/
Le parole di Russell Means in questo discorso sono bellissime !
L’auteur a — t — il seulement lu K.Marx ?
Le manque de discernement sur Marx et les courants marxistes qui s’en suivent semble le prouver. Votre N.B n’est pas la pour rien…
En attendant, vu que la majorite de l’article est axe sur le marxisme, ce manque de precision (Marx = « Les Marxismes/tes » = « Le communisme sovietique » = … = Industrie = Capitalisme = Tout ce qui est « europeen ») rend le contenu pauvre.
En attendant, merci pour le travail sur ce site, presque toujours enrichissant.
Il faut être très prudent avec les marxistes car ce sont en grande majorité d’indécrottables productivistes, donc d’indécrottables collabos de la civilisation industrielle. Leurs prolétaires sont tellement peu révolutionnaires qu’ils fabriquent bombes, missiles et portes-avions et qu’ils partent en chantant faire des guerres dont ils ne veulent pas. De plus autant les révolutions russes que d’autres ont prouvé que ce sont des ennemis acharnés des anarchistes qui sont prêt à tout pour cela, même à se faire financer, comme au Mexique lors de la révolution zapatiste d’inspiration anarchiste, par des capitalistes.
Ce qui fait que je donne entièrement raison à Russel Means quand il dit qu’une révolution marxiste ne ferait qu’empirer les choses. Une bonne raison de plus donc de préférer la résistance.
Pour indiquer une référence, devenue incontournable (je n’ai lu que le début du livre, je ne peut donc pas en dire grand chose) :
Kevin B. Anderson, « Marx aux antipodes. Nations, ethnicité et sociétés non occidentales. »
Comme souvent, le titre français ne correspond pas exactement au titre anglais, qui est plutôt : ‘Marx dans les marges, dans les recoins, dans les plis…’ C’est là qu’il faut regarder souvent…
Merde avec l’orthographe : ‘je ne peux pas’ et non ‘je ne peut pas’, un grand classique…
La traduction étant basée sur la première édition, privilégier la seconde édition en anglais :
https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/M/bo22776846.html
Ce commentaire pour inviter l’éventuel lecteur, s’il en reste, à se renseigner sur l’engagement politique libertarien de l’auteur (et autres fariboles : cf. la version anglaise du lien ci-dessous pour plus d’infos sur ses relations avec la société du spectacle) ; c’est pas bien difficile :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Russell_Means
ça peut aussi nous renseigner, éventuellement, sur les engagements politiques non avoués de ceux qui publient cet auteur, qui ne peuvent pas ignorer initialement son engagement politique libertarien (et autres fariboles).
Un discours bien libertarien que Means a du aaaaaadorer : « Maintenant, je ne vais pas prendre au sérieux les prétendues plaintes des Indiens d’Amérique contre ce pays. Je crois, avec raison, à la représentation hollywoodienne la plus antipathique des Indiens et de ce qu’ils ont fait à l’homme blanc. Ils n’avaient pas de droits sur des territoires simplement parce qu’ils y étaient nés et qu’ils avaient vécu là de manière naturelle. L’homme blanc n’a pas colonisé ce pays…
Étant donné que les Indiens n’avaient pas le concept de propriété ou de droits de propriété — ils n’avaient pas de société sédentaire, ils avaient des « cultures » tribales à prédominance nomade — ils n’avaient pas de droits sur la terre, et il n’y avait aucune raison pour que quiconque leur accorda des droits qu’ils n’avaient pas imaginés et qu’ils n’utilisaient pas…
Pour quoi se battaient-ils, en s’opposant à l’homme blanc sur ce continent ? Pour leur désir de continuer une existence primitive ; pour leur « droit » de garder une partie de la terre intacte — d’exclure les autres afin qu’ils puissent vivre comme des animaux ou des hommes des cavernes. Tout Européen qui apportait avec lui un élément de civilisation avait le droit de s’emparer de ce continent, et c’est formidable que certains d’entre eux l’aient fait. Les Indiens racistes d’aujourd’hui, ceux qui condamnent l’Amérique, ne respectent pas les droits individuels. »
Ayn Rand, Discours à la promotion de l’Académie militaire des États-Unis à West Point, 1974.