Le marxisme est aussi étranger à ma culture que le capitalisme et la chrétienté (par Russell Means)

Rus­sell Means, Lako­ta Ogla­la (les Indiens Lako­ta cor­res­pondent à la nation Siou, Siou étant le terme employé par leurs enne­mis, et les Ogla­la en sont une des tri­bus), fut le cofon­da­teur avec Den­nis Banks du Mou­ve­ment des Indiens d’Amérique (AIM) en 1968. Depuis il a joué un rôle majeur dans des évé­ne­ments tels que l’occupation en 1972 par l’AIM du bâti­ment du Bureau des affaires indiennes à Washing­ton (DC), l’occupation de Woun­ded Knee en 1973 et l’organisation en 1980 du Yel­low Thun­der Camp dans les Black Hil­ls (South Dako­ta). Ce mou­ve­ment radi­cal pris par la suite un tour­nant Mar­xiste-Léni­niste, ce qui inci­ta Means à le quit­ter.  Il est régu­liè­re­ment un can­di­dat à la pré­si­dence du gou­ver­ne­ment de la réserve Ogla­la de Pine Ridge dans le Sud-Dako­ta. Le texte qui suit dans lequel Rus­sell Means décide de s’a­dres­ser à l’AIM, ten­tant de réorien­ter la lutte contre le pro­jet éner­gé­tique en démon­trant que capi­ta­lisme et mar­xisme sont les deux faces d’un même pro­jet à l’o­ri­gine de leurs maux est la retrans­crip­tion d’un dis­cours (retrans­crip­tion publiée en 1999 dans le livre de Ward Chur­chill inti­tu­lé Mar­xism and Native Ame­ri­cans, soit, en fran­çais, « Le mar­xisme et les Indiens d’A­mé­rique ») pro­non­cé lors de l’ou­ver­ture du deuxième jour du Black Hil­ls Sur­vi­val Gathe­ring (en fran­çais, Ras­sem­ble­ment pour la sur­vie des col­lines noires) à Rapid City (Dako­ta du Sud), le 18 juillet 1980. Lors de cet évè­ne­ment, plu­sieurs mil­liers de per­sonnes venues du monde entier se réunirent pen­dant six jour­nées de débats, ate­liers et confé­rences. Le gou­ver­ne­ment US, sous le lob­by des indus­tries éner­gé­tiques, venait de décla­rer ces Col­lines Noires col­lines sacrées pour le peuple Lako­ta « zone sacri­fiée au nom de l’in­té­rêt natio­nal », ce qui signi­fie concrè­te­ment que la zone entière était ren­due inha­bi­table du fait de la construc­tion d’une cen­trale de gazéi­fi­ca­tion du char­bon et d’une cen­trale nucléaire, ain­si que de l’installation de lignes à haute ten­sions. Le ras­sem­ble­ment fut sui­vi par un large éven­tail de groupes et orga­ni­sa­tions, des Indiens locaux, fer­miers, poli­ti­ciens gau­chistes, éco­lo­gistes du Sier­ra Club, acti­vistes de Green­peace, jus­qu’à des entre­pre­neurs en « tech­no­lo­gies alternatives ».

N.B. : Nous trou­vons ce dis­cours très inté­res­sant ; cepen­dant, il nous faut pré­ci­ser : son rejet de la culture euro­péenne le pousse à idéa­li­ser, rela­ti­ve­ment, tout ce qui serait non-euro­péen, une ten­dance dont il faut aus­si se gar­der. Éga­le­ment, nous ne pen­sons pas que le mar­xisme et les mar­xistes puissent tous être mis dans le même sac, et si nous trou­vons très justes nombre des remarques de Rus­sell Means sur l’o­ri­gine du mar­xisme, sur le fait que celui-ci s’en­ra­cine lar­ge­ment dans le sub­strat de la culture euro­péenne, dans ses normes et ses dogmes indis­cu­tés, nous consi­dé­rons qu’il est pos­sible, dans une pers­pec­tive de conver­gence des luttes, de trou­ver un ter­rain d’en­tente avec le mar­xisme, dont nous par­ta­geons cer­taines dis­po­si­tions et analyses.


Je déteste écrire. C’est la seule intro­duc­tion pos­sible à un tel discours.

Le pro­cé­dé est en lui-même l’incarnation du concept euro­péen de pen­sée « légi­time » ; ce qui est écrit a une impor­tance qui est com­plè­te­ment déniée à la parole. Ma culture, la culture Lako­ta, se fonde sur une tra­di­tion orale, c’est pour­quoi, d’or­di­naire, je refuse d’écrire.

C’est une des manières que le monde blanc a de détruire les cultures des peuples non-euro­péens, en impo­sant une abs­trac­tion au détri­ment des rela­tions orales d’un peuple.

Ce que vous lisez ici n’est donc pas ce que j’ai écrit, mais ce que j’ai dit, que quelqu’un d’autre a déci­dé de retranscrire.

Si j’autorise cela, c’est uni­que­ment parce qu’il semble que la seule manière de com­mu­ni­quer avec le monde blanc soit par le biais des feuilles mortes et des­sé­chées d’un livre.

Mais peu importe fina­le­ment que mes mots atteignent ou n’atteignent pas les blancs. Ils ont déjà prou­vés au tra­vers de leur his­toire qu’ils sont inca­pables d’entendre, inca­pables de voir ; ils ne savent que lire (il y a bien sûr des excep­tions, mais celles-ci ne font que confir­mer la règle).

Je me sou­cie plus de ces Indiens d’Amérique, étu­diants et autres, qui com­mencent à s’européaniser, à tra­vers l’u­ni­ver­si­té et diverses autres ins­ti­tu­tions. Mais là encore, il s’a­git d’une pré­oc­cu­pa­tion plu­tôt mar­gi­nale. Il est éga­le­ment pos­sible pour un peau-rouge de déve­lop­per un esprit blanc ; il s’agit d’un choix indi­vi­duel sur lequel je ne m’at­tar­de­rais pas ; qu’il en soit ain­si. Cela fait par­tie d’un long pro­ces­sus de géno­cide cultu­rel, mené encore aujourd’hui par les blancs contre les Indiens. Ma prin­ci­pale pré­oc­cu­pa­tion concerne les Indiens d’A­mé­rique qui choi­sissent de résis­ter à ce géno­cide, mais qui s’égarent quant à la marche à suivre.

[…] Chaque Indien d’A­mé­rique doit four­nir d’im­por­tants efforts pour ne pas s’eu­ro­péa­ni­ser. La force néces­saire à cet effort ne peut pro­ve­nir que des cou­tumes tra­di­tion­nelles et des valeurs tra­di­tion­nelles que conservent nos anciens. Elle doit pro­ve­nir du cercle, des quatre direc­tions, de nos rela­tions ; elle ne peut pro­ve­nir des pages d’un livre, ou de 1000 livres. Aucun euro­péen ne pour­ra jamais apprendre à un Lako­ta com­ment être Lako­ta, à un Hopi com­ment être Hopi. Un diplôme de Mas­ter en « études indiennes » ou en « édu­ca­tion » ou en quoi que ce soit ne peut faire d’une per­sonne un être humain, et n’ap­porte aucune connais­sance sur les cou­tumes tra­di­tion­nelles. Il ne peut que faire de vous un esprit euro­péen, un étranger.

J’aimerais être clair sur un point bien pré­cis. Quand je parle des Euro­péens, ou d’un « esprit euro­péen », je ne laisse pas la place à de fausses dis­tinc­tions. Je ne crois pas qu’il y ait d’un côté, un sous-pro­duit cultu­rel qui serait mau­vais, résul­tat de plu­sieurs mil­liers d’années de déve­lop­pe­ment d’une culture euro­péenne géno­ci­daire et réac­tion­naire, et d’un autre côté, de nou­velles avan­cées intel­lec­tuelles révo­lu­tion­naires qui seraient bonnes. Je fais allu­sion ici aux théo­ries mar­xistes et anar­chistes, et plus géné­ra­le­ment au « gau­chisme ». Je ne crois pas que ces théo­ries puissent être sépa­rées du reste de la tra­di­tion intel­lec­tuelle euro­péenne. Il s’agit bel et bien de la même sem­pi­ter­nelle rengaine.

Pre­nons le chris­tia­nisme comme exemple his­to­rique. En son temps, le chris­tia­nisme était révo­lu­tion­naire. Il a trans­for­mé les rela­tions euro­péennes de pou­voir de fond en comble ; c’est ain­si, même s’il vous arrive de pen­ser que l’Empire romain est tou­jours res­té domi­né par la force mili­taire. Mais la culture euro­péenne, dont le chris­tia­nisme devint un des élé­ments, agit sur le plan reli­gieux de façon à uti­li­ser la reli­gion comme un outil pour la des­truc­tion des peuples non-euro­péens, pour l’expansion de la puis­sance mili­taire et éco­no­mique de l’Europe aux quatre coins de la pla­nète, pour la conso­li­da­tion des États-nations euro­péens, pour la for­ma­tion du sys­tème éco­no­mique capi­ta­liste. La révo­lu­tion chré­tienne ou les révo­lu­tions chré­tiennes ont été des moments forts du déve­lop­pe­ment de la culture occi­den­tale dans des domaines où elle était domi­nante ; cela n’a fait qu’accélérer le géno­cide d’origine occi­den­tale à l’extérieur de l’Europe et peut-être aus­si à l’intérieur.

C’est la même chose avec les « révo­lu­tions » euro­péennes capi­ta­listes ou autres. Elles ont trans­for­mé les rela­tions de pou­voir en Europe, mais seule­ment pour réaf­fir­mer les néces­si­tés d’expansion du monde blanc dans tous les domaines.

New­ton « révo­lu­tion­na » la phy­sique et les sciences soi-disant natu­relles en rédui­sant l’univers phy­sique à une équa­tion mathé­ma­tique linéaire. Des­cartes fit la même chose avec la culture, John Locke avec la poli­tique, et Adam Smith avec l’économie. Cha­cun de ces « pen­seurs » s’empara d’une par­tie de la spi­ri­tua­li­té de l’exis­tence humaine, pour la trans­for­mer en un code, une abs­trac­tion. Ils ont repris là où le chris­tia­nisme s’était arrê­tée ; ils ont « sécu­la­ri­sé » la reli­gion Chré­tienne, comme aiment le dire les intel­lec­tuels, l’ont « sécu­la­ri­sée », et ce fai­sant, ont ain­si per­mis à l’Europe d’être plus effi­cace et plus prompte à s’imposer en tant que culture expan­sion­niste. Cha­cune de ces révo­lu­tions intel­lec­tuelles n’a fina­le­ment ser­vi qu’à faire pro­gres­ser l’abs­trac­tion de la men­ta­li­té euro­péenne, à extraire la com­plexi­té et la spi­ri­tua­li­té mer­veilleuses de l’univers pour la rem­pla­cer par une « séquence logique » : un, deux, trois. Réponse ! C’est ce que les euro­péens ont com­men­cé à appe­ler « l’efficacité ». Tout ce qui est méca­nique est par­fait ; tout ce qui semble ins­tan­ta­né­ment fonc­tion­ner ce qui prouve que le modèle méca­nique est bon est consi­dé­ré comme satis­fai­sant, même si ce n’est clai­re­ment pas le cas. C’est la rai­son pour laquelle la « véri­té » change si rapi­de­ment dans l’esprit Euro­péen ; les réponses qui découlent d’un tel pro­ces­sus ne peuvent être que pro­vi­soires, tem­po­raires, et doivent être conti­nuel­le­ment reje­tées au pro­fit d’autres solu­tions tem­po­raires qui valident et main­tiennent en vie ce modèle mécanique.

Hegel et ensuite Marx furent les héri­tiers de la pen­sée de New­ton, Des­cartes, Locke et Smith. Hegel ache­va le pro­ces­sus de sécu­la­ri­sa­tion de la théo­lo­gie selon ses propres mots , laï­ci­sant ain­si la pen­sée reli­gieuse à tra­vers laquelle l’Europe com­pre­nait l’Univers. Puis, Marx retrans­crit la pen­sée de Hegel en termes de « maté­ria­lisme », ce qui revient à dire que Marx aus­si selon ses propres mots a com­plè­te­ment déspi­ri­tua­li­sé l’œuvre de Hegel. Voi­là ce que l’on consi­dère aujourd’­hui comme le grand poten­tiel révo­lu­tion­naire de l’Eu­rope. Les Euro­péens peuvent bien y voir quelque chose de révo­lu­tion­naire, mais les Indiens Amé­ri­cains n’y voient que le vieux conflit Euro­péen entre être et avoir. L’o­ri­gine intel­lec­tuelle d’une nou­velle forme mar­xiste d’im­pé­ria­lisme euro­péen se trouve dans la rela­tion entre Marx et ses épi­gones et la tra­di­tion incar­née par New­ton, Hegel et d’autres.

Être est une pro­po­si­tion spi­ri­tuelle. Avoir est un acte maté­riel. De par leurs tra­di­tions, les Indiens d’A­mé­rique se sont tou­jours effor­cés d’être les meilleures per­sonnes pos­sibles. Une par­tie de cette démarche, hier comme aujourd’hui, revient à reje­ter l’enrichissement, afin de ne pas avoir, de ne pas accu­mu­ler. Le pro­fit maté­riel est un indi­ca­teur de faux sta­tut social chez les peuples tra­di­tion­nels, quand il est la « preuve que le sys­tème fonc­tionne » chez les euro­péens. Nous voyons là deux visions du monde en oppo­si­tion com­plète, et le Mar­xisme se pose très loin à l’opposé de la concep­tion Amé­rin­dienne. Exa­mi­nons-en la prin­ci­pale consé­quence, car ce n’est pas juste un débat intellectuel.

La tra­di­tion maté­ria­liste euro­péenne de déspi­ri­tua­li­sa­tion de l’Univers est très simi­laire au pro­cé­dé men­tal qui consiste à déshu­ma­ni­ser un indi­vi­du. Et qui semble le plus expert à déshu­ma­ni­ser d’autres peuples ? Et pour­quoi ? Des sol­dats, vété­rans de nom­breuses guerres, apprennent à trai­ter l’ennemi comme tel avant de retour­ner vers de nou­veaux champs de bataille. Des assas­sins le font avant de com­mettre un crime. Les SS l’ont fait aux pen­sion­naires des camps de concen­tra­tion. Les flics le font. Les patrons le font aux tra­vailleurs qu’ils envoient dans les mines d’uranium ou dans les acié­ries. Les poli­ti­ciens le font avec tout le monde. Il faut que ce stra­ta­gème soit constam­ment mis en œuvre par cha­cun de ces groupes, pour qu’il devienne fina­le­ment accep­table de tuer, ou tout au moins d’a­néan­tir d’autres indi­vi­dus. Un des com­man­de­ments des chré­tiens énonce « Tu ne tue­ras point », pas les humains en tout cas, l’ar­ti­fice consiste alors à men­ta­le­ment conver­tir vos vic­times pour les consi­dé­rer comme des non-humains. Il devient alors pos­sible de pro­cla­mer que la vio­la­tion de votre propre com­man­de­ment est en fait une vertu.

En termes de déspi­ri­tua­li­sa­tion de l’Univers, ce pro­ces­sus amène à consi­dé­rer ver­tueux de détruire la pla­nète. Des mots comme « pro­grès » ou « crois­sance » sont alors uti­li­sés pour ratio­na­li­ser ce pro­ces­sus, de la même manière que « vic­toire » et « liber­té » sont géné­ra­le­ment employés pour jus­ti­fier toutes les bou­che­ries qui découlent logi­que­ment de la déshu­ma­ni­sa­tion. Par exemple, un spé­cu­la­teur fon­cier pour­ra par­ler de « déve­lop­pe­ment » d’un ter­rain en y ouvrant une car­rière de gra­vier. En véri­té, le déve­lop­pe­ment signi­fie la des­truc­tion totale et per­ma­nente du lieu, dont même la terre est extir­pée. Mais, la logique euro­péenne s’est enri­chie de quelques tonnes de gra­viers, avec les­quelles encore plus de par­celles pour­ront être « déve­lop­pées » par la construc­tion de routes. Fina­le­ment, c’est l’univers tout entier qui est expo­sé dans la logique Euro­péenne à ce genre de folies.

La chose la plus regret­table, peut-être, est que les euro­péens ne semblent res­sen­tir aucun sen­ti­ment de perte. Après tout, leurs phi­lo­sophes ont tel­le­ment déspi­ri­tua­li­sé le réel qu’ils ne retirent aucune satis­fac­tion en contem­plant sim­ple­ment la beau­té d’une mon­tagne, d’un lac, ou d’un autre être vivant. Non, la satis­fac­tion se mesure en termes de gain maté­riel la mon­tagne devient donc du gra­vier, l’eau du lac sert de liquide de refroi­dis­se­ment à une usine, et les gens sont envoyés dans ces usines d’en­doc­tri­ne­ment que les euro­péens aiment appe­ler « écoles ». Tout cela est très « ration­nel » et pour le bien, si bien que l’on n’en res­sent aucun sen­ti­ment de frus­tra­tion. Et c’est très dif­fi­cile, voire impos­sible, de convaincre quelqu’un qu’il y a quelque chose de mau­vais dans la logique du pro­fit lorsque l’on n’a plus la sagesse spi­ri­tuelle qui nous per­met de res­sen­tir la perte de ce qui est détruit tout au long du chemin.

Chaque nou­velle abs­trac­tion occi­den­tale est née d’une néces­si­té directe. A chaque fois qu’une abs­trac­tion com­mence à être expo­sée, à chaque fois que les coûts impli­qués deviennent évi­dents et même évi­dents pour cer­tains euro­péens  une nou­velle abs­trac­tion est créé pour encore repous­ser l’inévitable. Pour un temps. New­ton, Locke, Des­cartes et Smith ont mené à Hegel, Marx et Dar­win, puis nous avons eu Ein­stein, Niels, Bohr, etc. Cha­cun d’entre eux a ren­du plus abs­traite la réa­li­té et contri­bué à la conti­nua­tion du sys­tème scien­ti­fique maté­ria­liste lorsque les vieilles « réponses » étaient péri­mées. Mais chaque nou­velle abs­trac­tion, chaque pal­lia­tif n’est qu’une solu­tion tem­po­raire et double la mise. Consi­dé­rez, par exemple, l’énergie néces­saire pour faire tour­ner toute la machine indus­trielle. Il y a un peu plus de deux siècles, tout le monde, pra­ti­que­ment, uti­li­sait du bois un élé­ment renou­ve­lable et natu­rel pour se chauf­fer comme pour cui­si­ner. Vint ensuite la révo­lu­tion indus­trielle, et le char­bon devint alors le com­bus­tible pré­do­mi­nant, tan­dis que la pro­duc­tion indus­trielle se mut en un impé­ra­tif social pour l’Europe. La pol­lu­tion com­men­ça à deve­nir un pro­blème dans les villes, durant que par­tout on éven­trait la terre afin d’en extraire du char­bon. Plus tard, c’est le pétrole qui devint le prin­ci­pal com­bus­tible, alors que l’outil de pro­duc­tion se moder­ni­sait, à tra­vers une série de « révo­lu­tions » scien­ti­fiques. La pol­lu­tion s’accrut alors de manière dra­ma­tique et aujourd’­hui per­sonne ne sait vrai­ment ce que sera le coût envi­ron­ne­men­tal à long terme de toute cette extrac­tion de pétrole du sol. Il y a aujourd’hui une crise « éner­gé­tique », et l’uranium est en passe de deve­nir le com­bus­tible domi­nant  tou­jours au nom du même sys­tème de valeurs maté­ria­listes qui pro­voque les crises, à la fois de l’énergie et de l’environnement.

On peut main­te­nant comp­ter sur les capi­ta­listes pour déve­lop­per l’uranium, mais au rythme qui leur per­met­tra un pro­fit régu­lier maxi­mum. C’est leur éthique : et peut-être que cela peut per­mettre de gagner du temps. Les mar­xistes, d’un autre coté, vont vou­loir déve­lop­per l’énergie nucléaire aus­si vite que pos­sible, au pré­texte qu’il s’agit de l’énergie la plus « effi­ciente » que l’on ait sous la main. C’est leur éthique à eux, et, à dire vrai, j’ai du mal à voir en quoi c’est pré­fé­rable. Encore une fois, le mar­xisme reste au cœur de la tra­di­tion euro­péenne. La même vieille rengaine.

Les mis­sion­naires ont diri­gé la pul­sion euro­péenne de des­truc­tion des conti­nents de ce monde ; pas sim­ple­ment des êtres humains autoch­tones qui y vivaient, mais aus­si des conti­nents eux-mêmes. Les mis­sion­naires sont tou­jours là, ils sont tou­jours actifs et les peuples tra­di­tion­nels les consi­dèrent comme des enne­mis. Mais ils ont sou­vent été rem­pla­cés en impor­tance par des capi­ta­listes dont la mis­sion est d’exploiter « effi­ca­ce­ment » ce que les mis­sion­naires ont « défri­ché ». Le pas­sage de l’Église au capi­ta­lisme a sans doute abou­ti à des dif­fé­rences super­fi­cielles dans la struc­ture de la socié­té occi­den­tale ils se sont don­nées du mal pour « sépa­rer l’Église et l’État » dans leur légis­la­tion (pour réduire le pou­voir de l’Église) mais le fait est que cette « révo­lu­tion » a tout sim­ple­ment fait empi­rer les choses pour les non-euro­péens. Le capi­ta­lisme est plus des­truc­teur et plus effi­cace que la ver­sion mis­sion­naire de l’Eu­rope que nous avons ren­con­trée il y a quelques cen­taines d’années.

On pour­ra en déduire une règle sys­té­ma­tique. Vous ne pou­vez pas juger de la nature réelle d’une doc­trine révo­lu­tion­naire euro­péenne uni­que­ment sur la base des bou­le­ver­se­ments qu’elle pro­pose au sein des struc­tures de pou­voir et de la socié­té euro­péenne. Vous ne pou­vez la juger qu’au regard de ces effets sur la vie des non-euro­péens. En effet, dans l’histoire euro­péenne toutes les révo­lu­tions n’ont ser­vi qu’à ren­for­cer la ten­dance et l’ap­ti­tude de l’Europe à expor­ter la des­truc­tion vers d’autres peuples, d’autres cultures, jusqu’à l’environnement. Je mets qui­conque au défi de me trou­ver un exemple où cela ne fut pas le cas.

C’est dans ce contexte que nous, peuples Indiens d’A­mé­rique, sommes sol­li­ci­tés pour adhé­rer à cette « nou­velle » doc­trine euro­péenne révo­lu­tion­naire qu’est le mar­xisme, et priés de croire qu’elle inver­se­ra les effets néga­tifs de l’Histoire euro­péenne sur notre exis­tence. Les rela­tions de pou­voir, en Europe vont une fois de plus être réajus­tées et cela devrait béné­fi­cier à tout le monde. Mais que cela signi­fie-t-il vraiment ?

En ce moment même, nous qui vivons sur la réserve de Pine Ridge, vivons en fait sur ce que la socié­té euro­péenne a décla­ré « zone sacri­fiée au nom de l’in­té­rêt natio­nal ». Cela signi­fie qu’il y a ici de grosses réserves d’uranium, et que la culture euro­péenne (pas nous) convoite ce mine­rai comme source d’énergie. Pour l’industrie minière, la manière la plus effi­cace et bon mar­ché d’ex­traire et de trai­ter cet ura­nium implique de reje­ter les déchets ici même, sur le site d’origine. Ici, où nous vivons. Ces déchets sont radio­ac­tifs et ren­dront toute la région inha­bi­table à jamais. C’est ce que l’industrie, et la socié­té blanche qui a créé cette indus­trie, consi­dèrent comme un prix « accep­table » pour le déve­lop­pe­ment éner­gé­tique. Ils pré­voient par ailleurs, dans le cadre de ce pro­ces­sus indus­triel, de pré­le­ver la tota­li­té des eaux sou­ter­raines de cette par­tie du Dako­ta du Sud, ce qui ren­dra la région dou­ble­ment invi­vable. La même chose est en train de se dérou­ler en terre Nava­jo et Hopi, ain­si qu’en terre Cheyenne et Crow, et d’autres sont sur la liste. Plus de 60 % de toutes les réserves éner­gé­tiques amé­ri­caines ont été détec­tées sous les ter­ri­toires des réserves, si bien qu’il n’y a pas moyen d’y voir un fait iso­lé. Pour les Indiens d’A­mé­rique, il s’a­git ni plus ni moins d’une ques­tion de sur­vie. Pour le monde blanc et son indus­trie, il s’a­git d’être capable de conti­nuer à exis­ter sous la forme actuelle.

Nous résis­tons pour ne pas être trans­for­més en « zone sacri­fiée au nom de l’in­té­rêt natio­nal ». Nous résis­tons pour ne pas être trans­for­més en « peuple sacri­fié au nom de l’in­té­rêt natio­nal ». Le coût de cette ex­ploitation indus­trielle n’est pas accep­table pour nous. Extraire de l’uranium ici, et pom­per toute l’eau, cela relève du géno­cide, ni plus, ni moins. Ain­si les rai­sons de notre résis­tance sont suf­fi­sam­ment évi­dentes et n’ont pas à être expli­quées plus avant.

Sup­po­sons main­te­nant que dans notre résis­tance contre l’extermination, nous com­men­cions à cher­cher des alliés (nous en avons). Sup­po­sons encore que nous pre­nions le mar­xisme révo­lu­tion­naire au pied de la lettre : que son but ultime ne soit rien de moins que le ren­ver­se­ment de l’ordre capi­ta­liste euro­péen à l’origine de cette menace sur notre exis­tence. Cela pour­rait sem­bler une alliance natu­relle pour les Indiens d’A­mé­rique. Comme le rap­pellent les mar­xistes, ce sont des capi­ta­listes qui nous ont décla­rés « zone sacri­fiée au nom de l’in­té­rêt natio­nal ». C’est vrai jusqu’à un cer­tain point.

Mais, comme je l’ai déjà dit, ce n’est qu’un jeu de dupe. Regar­dez der­rière le rideau du mar­xisme révo­lu­tion­naire, qu’y trou­vez-vous ? Un enga­ge­ment à ren­ver­ser le sys­tème indus­triel qui a créé le besoin de la socié­té blanche en ura­nium ? Non. Une volon­té de garan­tir au peuple Lako­ta et aux autres peuples amé­rin­diens un réel contrôle sur la terre et les res­sources qu’il leur reste encore ? Non, à moins que ce pro­ces­sus indus­triel soit ren­ver­sé en tant que par­tie de leur doc­trine. Un  enga­ge­ment pour nos droits, en tant que peuples, de conser­ver nos valeurs et nos tra­di­tions ? Non, pas tant qu’ils ont besoin de l’u­ra­nium de notre terre pour ali­men­ter le sys­tème de la civi­li­sa­tion indus­trielle, cette culture dont les mar­xistes font tou­jours partie.

Le mar­xisme révo­lu­tion­naire n’a pour autre but que la pour­suite et le per­fec­tion­ne­ment de cette indus­trie qui nous détruit tous. Il n’offre que de « redis­tri­buer » les résul­tats, peut-être l’argent, de cette indus­tria­li­sa­tion à une plus large par­tie de la popu­la­tion. Il offre de prendre la richesse des capi­ta­listes et de la dis­tri­buer, mais, pour ce faire, le mar­xisme doit main­te­nir le sys­tème indus­triel. Encore une fois, les rela­tions de pou­voir dans le monde euro­péen seront chan­gées, mais encore une fois, les effets sur les peuples amé­rin­diens, ici, et non euro­péens, ailleurs, res­te­ront les mêmes. On reste dans le même sché­ma que lorsque le pou­voir pas­sa de l’église aux riches inves­tis­seurs durant la soi-disant « révo­lu­tion bour­geoise ». La socié­té euro­péenne s’en trou­va légè­re­ment modi­fiée, en sur­face, mais son com­por­te­ment envers les non-euro­péens conti­nua à l’identique. Vous appré­cie­rez tout par­ti­cu­liè­re­ment ce que la révo­lu­tion amé­ri­caine de 1776 appor­ta aux Indiens d’A­mé­rique. Tou­jours la même vieille rengaine.

Le mar­xisme révo­lu­tion­naire, comme toute forme de socié­té indus­trielle, cherche à « ratio­na­li­ser » les hommes en fonc­tion de ce qu’exige l’industrie, pour le maxi­mum d’industrie, le maxi­mum de pro­duc­tion. C’est une doc­trine maté­ria­liste qui a un pro­fond mépris pour la tra­di­tion spi­ri­tuelle de l’In­dien d’A­mé­rique, pour nos cultures et nos modes de vie. Marx lui-même nous qua­li­fiait de « pré-capi­ta­listes » et « pri­mi­tifs ». « Pré-capi­ta­liste » signi­fie sim­ple­ment qu’à ses yeux, nous fini­rions par décou­vrir le capi­ta­lisme et deve­nir capi­ta­listes ; nous sommes donc éco­no­mi­que­ment attar­dés, selon le mar­xisme. La seule manière pour des Indiens d’A­mé­rique de prendre part à une révo­lu­tion mar­xiste serait qu’ils rejoignent le sys­tème indus­triel, qu’ils deviennent ouvriers en usine, ou « pro­lé­taires », comme les appelle Marx. Marx était très clair sur le fait que sa révo­lu­tion ne pou­vait avoir lieu qu’à tra­vers la lutte du pro­lé­ta­riat contre la classe domi­nante, et que l’existence d’un sys­tème indus­triel mas­sif était une condi­tion préa­lable à la réus­site d’une socié­té marxiste.

Je crois qu’il y a là un pro­blème de lan­gage. Chré­tiens, capi­ta­listes, mar­xistes. Tous se consi­dé­raient en esprit comme « révo­lu­tion­naires ». Mais aucun d’eux ne sou­hai­tait une véri­table révo­lu­tion. Leur véri­table inten­tion, c’est la conti­nua­tion. Ils font ce qu’ils font pour que la culture euro­péenne conti­nue à pros­pé­rer et à se déve­lop­per selon ses besoins. Comme les bac­té­ries, la culture euro­péenne pro­gresse par convul­sions inter­mit­tentes et aus­si par­fois par divi­sions internes dans le but de se per­pé­tuer et de gran­dir. Ce n’est pas d’une ré­volution que nous sommes en train de par­ler, mais d’un moyen pour per­pé­tuer ce qui existe déjà. Une amibe reste une amibe après qu’elle s’est repro­duite. Mais, après tout, com­pa­rer la culture euro­péenne à une amibe n’est pas gen­til pour l’amibe ! Les cel­lules can­cé­reuses sont peut-être une com­pa­rai­son plus appro­priée étant don­né que la culture occi­den­tale a historique­ment tout détruit autour d’elle et éven­tuel­le­ment se détrui­ra elle-même.

Des lors que nous, Indiens d’A­mé­rique, épou­se­rions la cause Mar­xiste, cela revien­drait à sous­crire au sacri­fice natio­nal de notre terre ; nous devrions nous sui­ci­der cultu­rel­le­ment, deve­nir indus­tria­li­sés, occi­den­ta­li­sés et pour­quoi pas pas­teu­ri­sés. Nous devrions nous détruire tota­le­ment nous-mêmes. Seul un fou pour­rait consi­dé­rer que cela puisse être souhaitable.

J’en viens à me deman­der si mal­gré tout, je ne suis pas trop sévère. Le mar­xisme a déjà une longue his­toire ; cette his­toire vient-elle confir­mer ou infir­mer mes craintes ? J’ai donc regar­dé le pro­ces­sus d’industrialisation en union Sovié­tique depuis 1920, et je constate que ces mar­xistes y ont fait en 60 ans ce que la « révo­lu­tion indus­trielle » anglaise a fait en 300 ans. Je constate que le ter­ri­toire de l’URSS était habi­té par un grand nombre de popu­la­tions tri­bales, qui ont fina­le­ment toutes été sacri­fiées pour faire place aux usines. Les sovié­tiques parlent de cela sous le nom de « ques­tion natio­nale » : cette ques­tion de savoir si ces tri­bus avaient sim­ple­ment le droit d’exister ; en l’occurrence ils déci­dèrent que ces tri­bus étaient un sacri­fice accep­table pour l’industrialisation. Je regarde en Chine et je constate exac­te­ment la même chose. Je regarde au Viet­nam, et je vois des mar­xistes impo­ser encore ce même ordre indus­triel aux popu­la­tions tri­bales qu’ils délogent de leurs montagnes.

J’entends un scien­ti­fique sovié­tique célèbre dire que lorsque l’uranium sera épui­sé, des alter­na­tives seront alors décou­vertes. Je vois les Viet­na­miens remettre en fonc­tion une cen­trale nucléaire aban­don­née par l’armée amé­ri­caine. Est-ce qu’ils l’ont déman­te­lée et détruite ? Non, ils l’utilisent. Je constate que la Chine pro­cède à des essais ato­miques, déve­loppe des réac­teurs nucléaires, pré­pare un pro­gramme spa­tial pour colo­ni­ser et exploi­ter les pla­nètes de la même manière que les Euro­péens ont colo­ni­sé et exploi­té ce conti­nent. C’est tou­jours la même ren­gaine, mais peut-être avec un rythme plus rapide à présent.

La décla­ra­tion du scien­ti­fique sovié­tique est très inté­res­sante. Est-ce qu’il sait ce que sera cette source d’énergie alter­na­tive ? Non, il a sim­ple­ment confiance, la science trou­ve­ra une solu­tion. J’entends des mar­xistes révo­lu­tion­naires décla­rer que la des­truc­tion de l’environnement, la pol­lu­tion, les radia­tions, tous ces phé­no­mènes seront contrô­lés. Et je les vois agir confor­mé­ment à leurs dires. Est-ce qu’ils savent com­ment ces phé­no­mènes seront contrô­lés ? Non, ils ont sim­ple­ment confiance. Quelle en est leur connais­sance ? Confiance ! La science trou­ve­ra une solu­tion. Cette croyance a tou­jours été une qua­si-reli­gion en Europe. La science est deve­nue la nou­velle reli­gion occi­den­tale pour capi­ta­listes et mar­xistes réunis, ils sont vrai­ment insé­pa­rables, ils ne sont que par­ties et pro­duits de la même culture. Ain­si, les mar­xistes, à la fois en théo­rie et en pra­tique, demandent aux peuples non-euro­péens d’en finir tout à la fois avec leurs valeurs, leurs tra­di­tions, leur exis­tence cultu­relle. Nous serons tous accros à la science indus­trielle dans la socié­té marxiste.

Je ne crois pas que ce soit le capi­ta­lisme lui-même qui soit intrin­sè­que­ment res­pon­sable de la situa­tion où les Indiens d’A­mé­rique ont été décla­rés « sacri­fice natio­nal ». Non, il s’a­git de la tra­di­tion euro­péenne ; c’est la culture euro­péenne elle-même qui est res­pon­sable. Le mar­xisme est sim­ple­ment la der­nière conti­nua­tion de cette tra­di­tion, pas la solu­tion. S’allier avec cette idéo­lo­gie, c’est s’allier avec les mêmes forces qui ont dit de nous que nous étions un « coût » acceptable…

Une autre voie est pos­sible. Il y a la voie de la tra­di­tion Lako­ta, et la voie des autres peuples Indiens d’A­mé­rique. La voie qui com­prend que les hommes n’ont pas le droit de dégra­der la terre-mère, qu’il existe des forces bien au-delà de ce que peut conce­voir l’es­prit euro­péen, et que les humains doivent vivre en har­mo­nie avec toutes leurs rela­tions, puisque, le cas échéant, ces rela­tions se char­ge­ront d’é­li­mi­ner la dis­har­mo­nie. Avec une vision empha­tique et dés­équi­li­brée des hommes par les hommes, l’arrogance euro­péenne d’agir comme s’ils étaient au-delà de la nature de toutes choses et de leurs rela­tions entre elles peut seule­ment abou­tir à un dés­équi­libre total et à un réajus­te­ment qui remet­tra ces humains arro­gants à leur place en leur fai­sant appré­cier le vrai goût des choses concrètes, le goût des choses qu’ils ne contrô­le­ront jamais. Alors, l’harmonie revien­dra. Pas besoin de théo­ries révo­lu­tion­naires pour com­prendre ça ; c’est bien au-delà de ce que peuvent maî­tri­ser les hommes. Les socié­tés tra­di­tion­nelles de par le monde le savent bien, et ne viennent pas éla­bo­rer des grandes théo­ries à ce sujet. La théo­rie est abs­traite, notre savoir est réel.

L’essence de la foi euro­péenne y com­pris sa foi en la science se ramène à la croyance ultime que l’homme est dieu. L’Europe s’est d’ailleurs tou­jours cher­chée un mes­sie, que ce soit l’homme Jésus Christ, l’homme Karl Marx ou l’homme Albert Ein­stein. Les Indiens d’A­mé­rique savent que c’est com­plè­te­ment absurde. L’homme est la plus faible des créa­tures, si faible que les autres créa­tures doivent offrir leur chair afin qu’il sur­vive. Les êtres humains ne peuvent sur­vivre qu’en étant ration­nels, puisqu’ils n’ont pas les griffes et les crocs que les autres ani­maux uti­lisent pour obte­nir leur nour­ri­ture. La ratio­na­li­té peut néan­moins deve­nir une malé­dic­tion quand les hommes oublient l’ordre natu­rel des choses à un point qu’aucune autre créa­ture ne pour­rait atteindre. Le loup n’oublie jamais sa place dans l’ordre natu­rel. Les Indiens d’A­mé­rique peuvent l’ou­blier. Les euro­péens l’oublient sys­té­ma­ti­que­ment. Nous adres­sons une prière de remer­cie­ment au cerf et à nos rela­tions, les remer­ciant de nous per­mettre de man­ger leur chair ; les euro­péens se contentent de prendre cette chair comme un dû, et consi­dèrent le cerf comme une créa­ture infé­rieure. Après tout, ils se consi­dèrent d’essence divine, par leur ratio­na­li­té et leur science ; dieu est l’être suprême ; tout le reste doit être infé­rieur. Ain­si la capa­ci­té de l’Eu­rope de créer des dés­équi­libres ne connaît pas de limites.

Toute la tra­di­tion euro­péenne, mar­xisme inclut, cherche à défier l’ordre natu­rel régis­sant toutes choses. La Terre a été abu­sée, les forces de la nature bafouées, et cela ne peut pas durer éter­nel­le­ment. Aucune théo­rie ne peut remettre en cause cette simple véri­té. Notre Terre Mère se ven­ge­ra, l’environnement tout entier se ven­ge­ra, et les abu­seurs fini­ront par être éli­mi­nés. Les choses suivent le cercle. Elles retournent d’où elles viennent. Voi­là la révo­lu­tion. C’est la pro­phé­tie de mon peuple, du peuple Hopi et de tous les autres peuples sensés.

Les Indiens d’A­mé­rique ont essayé d’expliquer cela aux euro­péens depuis des siècles. Mais, comme je l’ai dit plus tôt, ces der­niers ont prou­vé à maintes reprises qu’ils sont inca­pables d’é­cou­ter. L’ordre natu­rel pré­vau­dra, et les abu­seurs dis­pa­raî­trons, de la même manière que les cerfs meurent quand ils brisent l’é­qui­libre d’une région en la sur­peu­plant. Ce n’est qu’une ques­tion de temps avant que ce que les Euro­péens appellent une « catas­trophe majeure à l’é­chelle glo­bale » ne se pro­duise. Les peuples Indiens d’A­mé­rique, comme tous les êtres natu­rels, devront sur­vivre. Une par­tie de notre lutte pour la sur­vie est de résis­ter. Résis­ter, non pas pour ren­ver­ser un gou­ver­ne­ment ou prendre le pou­voir, mais parce qu’il est nor­mal de résis­ter contre l’ex­ter­mi­na­tion, pour sur­vivre. Nous ne vou­lons prendre le pou­voir sur les ins­ti­tu­tions blanches ; nous vou­lons leur dis­pa­ri­tion. C’est cela la révolution.

Les Indiens d’A­mé­rique sont tou­jours en phase avec ces réa­li­tés, avec les pro­phé­ties et les tra­di­tions de nos ancêtres. Nous tirons notre savoir de nos aînés, de la nature et des forces qui la tra­versent. Et lorsque la catas­trophe sera pas­sée, nous, peuples Indiens d’A­mé­rique, serons tou­jours là pour habi­ter ce conti­nent. Même si seule­ment une poi­gnée d’indiens dans les Andes, le peuple Indien d’A­mé­rique sur­vi­vra et l’harmonie sera réta­blie. Cela est révolution.

J’ai­me­rais main­te­nant être très clair sur un point pré­cis, un point qui devrait déjà être clair en rai­son de ce que j’ai dis ces der­nières minutes. Seule­ment, la confu­sion est aisée ces temps-ci, alors je vais insis­ter lour­de­ment. Lorsque j’u­ti­lise le terme « euro­péen », je ne fais pas par­ti­cu­liè­re­ment réfé­rence à une cou­leur de peau ou à une struc­ture géné­tique par­ti­cu­lière. Je fais réfé­rence à un état d’es­prit, une vision du monde qui est le pro­duit de l’é­vo­lu­tion de la culture euro­péenne. Les gens ne sont pas géné­ti­que­ment codés pour cet état d’es­prit, ils y sont accul­tu­rés. La même chose est vraie pour les Indiens d’Amérique ou pour les membres de n’im­porte quelle culture.

Il est pos­sible pour un Indien d’A­mé­rique de par­ta­ger les valeurs ou la vision du monde euro­péen. Nous avons un mot pour dési­gner ces gens ; nous les appe­lons des « pommes » — rouge à l’ex­té­rieur (la géné­tique), blanc à l’in­té­rieur (leur esprit). D’autres com­mu­nau­tés ont des termes sem­blables : les Noirs ont leurs « oreos », les Lati­nos leurs « noix de coco », etc. Et, comme je l’ai dit en com­men­çant cette inter­ven­tion, il y a des excep­tions à la norme euro­péenne ; des gens qui sont blancs de peau, mais pas « blancs » inté­rieu­re­ment. Je ne suis pas sûr de pou­voir attri­buer à ceux-là d’autres noms qu’êtres humains.

Ce que je veux mettre en avant ici, ce n’est pas une pro­po­si­tion raciale, mais une pro­po­si­tion cultu­relle. Ceux qui prônent et défendent les réa­li­tés de la culture euro­péenne et son indus­tria­lisme sont mes enne­mis. Ceux qui y résistent et qui luttent contre sont mes alliés et les alliés des Indiens d’A­mé­rique. Je me fiche dia­ble­ment de la cou­leur de leur peau. Le terme « cau­ca­sien » est uti­li­sé par les blancs pour dési­gner les blancs ; la pers­pec­tive à laquelle je m’op­pose est euro­péenne.

On ne peut pas vrai­ment consi­dé­rer les « com­mu­nistes viet­na­miens » comme des cau­ca­siens, mais leur men­ta­li­té est deve­nue simi­laire à celle d’eu­ro­péens. La même chose est vraie des « com­mu­nistes chi­nois », des « capi­ta­listes japo­nais », ou des « catho­liques ban­tous » ou Peter Mc Dol­lar à Nava­jo, ou Dickie Wil­son ici à Pine Ridge. Ma posi­tion n’est pas raciste, elle n’est qu’une ana­lyse de ce qui fonde et anime l’es­prit d’une culture.

En termes mar­xiste, je sup­pose qu’on me qua­li­fie­rait de « natio­na­liste cultu­rel ». Je tra­vaille d’a­bord avec mon peuple, les Lako­ta, parce que nous avons la même vision du monde, et par­ta­geons les mêmes pré­oc­cu­pa­tions. Au-delà, je tra­vaille avec les popu­la­tions amé­rin­diennes tra­di­tion­nelles, là encore en rai­son de visions et pré­oc­cu­pa­tions com­munes. Au-delà, je tra­vaille avec qui­conque a pu expé­ri­men­ter l’op­pres­sion euro­péenne, et résiste à son tota­li­ta­risme cultu­rel et indus­triel. Mani­fes­te­ment, cela inclut des cau­ca­siens géné­tiques qui luttent contre les normes domi­nantes de la culture euro­péenne ; j’ai à l’es­prit les Irlan­dais ou les Basques, mais il y en a beau­coup d’autres.

Je tra­vaille en pre­mier lieu avec mon propre peuple, avec ma propre com­mu­nau­té. Les autres peuples ayant des pro­jets non-euro­péens devraient en faire autant. Je ne me pré­tend pas capable d’assumer effec­ti­ve­ment les com­bats de la com­mu­nau­té noire à Watts ou à Newark. Et je n’attends pas d’un mili­tant de ces com­mu­nau­tés noires qu’il soit par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace dans les luttes quo­ti­diennes du peuple Lako­ta. Chaque com­mu­nau­té peut et doit construire sur la base de sa propre iden­ti­té cultu­relle. C’est notre force et la source de notre vision du monde, une vision qui nous pousse à résis­ter contre l’industrialisatisme de la culture euro­péen. C’est cette vision du monde qui nous auto­rise à nous ras­sem­bler, à nous allier à d’autres, à mettre en com­mun nos forces et nos res­sources pour résis­ter à la culture euro­péenne mor­ti­fère, tout en gar­dant nos propres iden­ti­tés d’êtres humains.

Je crois au slo­gan « Fais confiance au pro­jet de ton frère », quoique j’aimerais ajou­ter les sœurs dans la balance. J’ai confiance dans la vision du monde fon­dée sur la com­mu­nau­té et les cultures de tous les groupes eth­niques, les nations qui spon­ta­né­ment résistent à l’industrialisation et à l’extinction de l’humanité. Évi­dem­ment, des indi­vi­dus « blancs » peuvent par­ta­ger cela avec nous, à condi­tion qu’ils aient com­pris que la conti­nua­tion des impé­ra­tifs indus­triels de l’Europe n’est pas un pro­jet, mais un sui­cide pour l’espèce humaine. Le blanc est une des cou­leurs sacrées du peuple Lako­ta : rouge, jaune, blanc et noir. Les quatre points car­di­naux. Les quatre sai­sons. Les quatre périodes de la vie et de l’âge. Les quatre races de l’humanité. Mélan­gez du rouge, du jaune, du blanc et du noir, ensemble et vous obte­nez du brun, la cou­leur de la cin­quième race. Cela est dans l’ordre natu­rel des choses. C’est pour­quoi il me semble natu­rel que toutes les races tra­vaillent ensemble, cha­cune conser­vant ses propres signi­fi­ca­tions, iden­ti­té et message.

Mais la plu­part des cau­ca­siens exhibent un com­por­te­ment par­ti­cu­lier. Dès que je com­mence à cri­ti­quer l’Europe et son impact sur les autres cultures, ils se mettent sur la défen­sive. Ils com­mencent à se défendre eux-mêmes. Et pour­tant, je ne suis pas en train de les accu­ser per­son­nel­le­ment. J’attaque l’Europe. En per­son­na­li­sant mes obser­va­tions sur l’Europe, ils per­son­na­lisent la culture euro­péenne, en s’y iden­ti­fiant eux-mêmes ; en se défen­dant de la sorte, ils ne font fina­le­ment que défendre cette culture mor­ti­fère. C’est une confu­sion qui doit être dépas­sée, et vite. Aucun d’entre nous n’a d’énergie à perdre dans de tels faux combats.

Les cau­ca­siens ont une vision plus posi­tive à offrir à l’humanité que la culture euro­péenne, je le crois. Mais pour se réap­pro­prier cette vision du monde, il leur est néces­saire de s’extraire pour un temps de la culture euro­péenne — et de se pla­cer du côté du reste de l’humanité — pour regar­der l’Europe pour ce qu’elle est et ce qu’elle fait. S’ac­cro­cher au capi­ta­lisme, au mar­xisme et autres « ismes » équi­vaut sim­ple­ment à res­ter dans le cadre de la culture euro­péenne. On n’échappe pas à ce fait fon­da­men­tal. En tant que don­née, cela cor­res­pond à un choix. Com­pre­nez que ce choix est cultu­rel, et non racial. Com­pre­nez que choi­sir la culture euro­péenne et l’industrialisme équi­vaut à choi­sir d’être mon enne­mi. Et com­pre­nez que ce choix est le vôtre, pas le mien.

Ce qui me ramène à ces Indiens d’A­mé­rique qui errent dans les uni­ver­si­tés, les tau­dis des villes et autres ins­ti­tu­tions euro­péennes. Si vous y êtes pour apprendre à résis­ter à l’oppresseur en accord avec vos voies tra­di­tion­nelles, ain­si soit-il. Je ne sais pas com­ment vous vous débrouillez pour com­bi­ner les deux fac­teurs, mais vous réus­si­rez peut-être. Mais n’oubliez pas votre per­cep­tion de la réa­li­té. Faites atten­tion à ne pas com­men­cer à pen­ser que le monde blanc offre aujourd’hui des solu­tions aux pro­blèmes aux­quels nous sommes confron­tés. Faites atten­tion aus­si à ce que les mots employés par les peuples autoch­tones ne soient pas tour­nés à l’avantage de nos enne­mis. L’Europe a inven­té la pra­tique du retour­ne­ment du sens des mots. Il suf­fit de regar­der les trai­tés éta­blis entre les peuples des Indiens d’A­mé­rique et les dif­fé­rents gou­ver­ne­ments euro­péens pour savoir ce qu’est la véri­té des faits. Tirez votre force de votre identité.

Le ren­ver­se­ment des mots va bon train aujourd’hui, cela ne s’est jamais arrê­té. C’est pour­quoi lorsque j’ai pris la parole à Genève, en Suisse, au sujet de la colo­ni­sa­tion des peuples autoch­tones dans cette par­tie de l’Amérique de l’hémisphère Nord, j’ai été abu­si­ve­ment pré­sen­té comme un « gau­chiste » par cer­tains mili­tants blancs. C’est pour­quoi cer­tains idiots sont crus par quelques têtes creuses lorsqu’ils dési­gnent les mili­tants indiens comme « mar­xistes-léni­nistes ». C’est pour­quoi cer­tains groupes de « gauche » croient qu’ils par­tagent nos valeurs tout en les reje­tant en pra­tique. Une culture qui confond constam­ment révo­lu­tion et conti­nua­tion, qui confond science et reli­gion, qui confond révolte et résis­tance, n’a rien d’utile à vous apprendre, n’a rien à vous offrir comme mode de vie. Les Euro­péens ont depuis long­temps per­du tout contact avec la réa­li­té, si tant est qu’ils aient un jour été en contact avec elle. Soyez déso­lés pour eux si vous en res­sen­tez le besoin, mais n’ayez pas honte de vous en tant qu’Indiens d’Amérique.

Bon, je sup­pose que pour conclure, je vou­drais dire clai­re­ment qu’entraîner qui­conque vers le mar­xisme est la der­nière chose qui vienne à l’esprit. Le mar­xisme est aus­si étran­ger à ma culture que le capi­ta­lisme et la chré­tien­té. D’ailleurs, je peux dire que je ne pense pas essayer d’at­ti­rer qui­conque vers quoi que ce soit. D’une cer­taine façon, j’ai essayé d’être un « lea­der », dans le sens où les médias grand public aiment à uti­li­ser ce terme, lorsque le Mou­ve­ment des Indiens d’Amérique — AIM — était une jeune orga­ni­sa­tion. Ce fut la consé­quence d’une confu­sion dont je ne souffre plus désor­mais. Vous ne pou­vez pas être tout pour qui que ce soit. Je ne sou­haite pas être trai­té de cette façon par mes enne­mis ; je ne suis pas un « lea­der ». Je suis un patriote Lako­ta Ogla­la. C’est tout ce que je sou­haite et ai besoin d’être. Et je suis très à l’aise avec qui je suis.

 

Rus­sell Means


Tra­duc­tion : Sébas­tien Debande

Édi­tion & révi­sion : Nico­las Casaux

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18 comments
  1. Cet homme pos­sède une répar­tie rare ! Une grande luci­di­té se res­sent dans son discours.
    Ses paroles se boivent… que dire de plus ? Un grand homme ce R.Means.

  2. Rus­sell Means sou­tient qu’il est un « Patriote Ogla­la Lako­ta » alors que ses racines ne sont ni Ogla­la, ni Lako­ta. Qu’il eut choi­si une iden­tite cultu­relle en tant qu’O­gla­la, soit. Tou­te­fois, une etude genea­lo­gique de sa famille demontre ample­ment qu’il etait plus Fran­cais qu’In­dien, plus « Euro­peen » qu’A­me­ri­dien. J’ai ecrit a ce sujet dans mon livre, publie en Sep­tembre 2017 inti­tule : « Rus­sell C. Means : The Euro­pean Ances­try of a Mili­tant Indian (1939–2012).

    1. Tu n’as visi­ble­ment rien com­pris à l’af­faire. L’es­prit qui l’a­nime n’est pas fran­çais, ni euro­péen. Il y a mani­fes­te­ment, chez vous une inca­pa­ci­té fon­da­men­tale à com­prendre le monde non-blanc.

  3. Rus­sell Means est pre­sente ici en tant que « cofon­da­teur » du move­ment indien avec Den­nis J. Banks. Faux. Il a joint le move­ment Indien fonde a Min­nea­po­lis par Den­nis Banks et Clyde Bel­le­court, apres sa foundation.

    En ce qui concerne ses remarques sur la pen­see Euro­peenne, vos lec­teurs devraient savoir que Rus­sell Means etait plus Euro­peen qu’In­dien lui-meme, ce que j’ai bien docu­mente dans mon livre paru recem­ment en anglais : « Rus­sell C. Means : The Euro­pean Ances­try of a Mili­tant Indian (1939–2012) dis­po­nible sur amazon.

  4. L’au­teur a — t — il seule­ment lu K.Marx ?
    Le manque de dis­cer­ne­ment sur Marx et les cou­rants mar­xistes qui s’en suivent semble le prou­ver. Votre N.B n’est pas la pour rien…

    En atten­dant, vu que la majo­rite de l’ar­ticle est axe sur le mar­xisme, ce manque de pre­ci­sion (Marx = « Les Marxismes/tes » = « Le com­mu­nisme sovie­tique » = … = Indus­trie = Capi­ta­lisme = Tout ce qui est « euro­peen ») rend le conte­nu pauvre. 

    En atten­dant, mer­ci pour le tra­vail sur ce site, presque tou­jours enrichissant.

  5. Il faut être très pru­dent avec les mar­xistes car ce sont en grande majo­ri­té d’in­dé­crot­tables pro­duc­ti­vistes, donc d’in­dé­crot­tables col­la­bos de la civi­li­sa­tion indus­trielle. Leurs pro­lé­taires sont tel­le­ment peu révo­lu­tion­naires qu’ils fabriquent bombes, mis­siles et portes-avions et qu’ils partent en chan­tant faire des guerres dont ils ne veulent pas. De plus autant les révo­lu­tions russes que d’autres ont prou­vé que ce sont des enne­mis achar­nés des anar­chistes qui sont prêt à tout pour cela, même à se faire finan­cer, comme au Mexique lors de la révo­lu­tion zapa­tiste d’ins­pi­ra­tion anar­chiste, par des capitalistes.

    Ce qui fait que je donne entiè­re­ment rai­son à Rus­sel Means quand il dit qu’une révo­lu­tion mar­xiste ne ferait qu’empirer les choses. Une bonne rai­son de plus donc de pré­fé­rer la résistance.

  6. Pour indi­quer une réfé­rence, deve­nue incon­tour­nable (je n’ai lu que le début du livre, je ne peut donc pas en dire grand chose) : 

    Kevin B. Ander­son, « Marx aux anti­podes. Nations, eth­ni­ci­té et socié­tés non occidentales. »

    Comme sou­vent, le titre fran­çais ne cor­res­pond pas exac­te­ment au titre anglais, qui est plu­tôt : ‘Marx dans les marges, dans les recoins, dans les plis…’ C’est là qu’il faut regar­der souvent…

  7. Ce com­men­taire pour invi­ter l’é­ven­tuel lec­teur, s’il en reste, à se ren­sei­gner sur l’en­ga­ge­ment poli­tique liber­ta­rien de l’au­teur (et autres fari­boles : cf. la ver­sion anglaise du lien ci-des­sous pour plus d’in­fos sur ses rela­tions avec la socié­té du spec­tacle) ; c’est pas bien difficile :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Russell_Means
    ça peut aus­si nous ren­sei­gner, éven­tuel­le­ment, sur les enga­ge­ments poli­tiques non avoués de ceux qui publient cet auteur, qui ne peuvent pas igno­rer ini­tia­le­ment son enga­ge­ment poli­tique liber­ta­rien (et autres fariboles).

  8. Un dis­cours bien liber­ta­rien que Means a du aaaaaa­do­rer : « Main­te­nant, je ne vais pas prendre au sérieux les pré­ten­dues plaintes des Indiens d’A­mé­rique contre ce pays. Je crois, avec rai­son, à la repré­sen­ta­tion hol­ly­woo­dienne la plus anti­pa­thique des Indiens et de ce qu’ils ont fait à l’homme blanc. Ils n’a­vaient pas de droits sur des ter­ri­toires sim­ple­ment parce qu’ils y étaient nés et qu’ils avaient vécu là de manière natu­relle. L’homme blanc n’a pas colo­ni­sé ce pays…

    Étant don­né que les Indiens n’a­vaient pas le concept de pro­prié­té ou de droits de pro­prié­té — ils n’a­vaient pas de socié­té séden­taire, ils avaient des « cultures » tri­bales à pré­do­mi­nance nomade — ils n’a­vaient pas de droits sur la terre, et il n’y avait aucune rai­son pour que qui­conque leur accor­da des droits qu’ils n’a­vaient pas ima­gi­nés et qu’ils n’u­ti­li­saient pas…

    Pour quoi se bat­taient-ils, en s’op­po­sant à l’homme blanc sur ce conti­nent ? Pour leur désir de conti­nuer une exis­tence pri­mi­tive ; pour leur « droit » de gar­der une par­tie de la terre intacte — d’ex­clure les autres afin qu’ils puissent vivre comme des ani­maux ou des hommes des cavernes. Tout Euro­péen qui appor­tait avec lui un élé­ment de civi­li­sa­tion avait le droit de s’emparer de ce conti­nent, et c’est for­mi­dable que cer­tains d’entre eux l’aient fait. Les Indiens racistes d’au­jourd’­hui, ceux qui condamnent l’A­mé­rique, ne res­pectent pas les droits individuels. »

    Ayn Rand, Dis­cours à la pro­mo­tion de l’A­ca­dé­mie mili­taire des États-Unis à West Point, 1974.

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