Source : http://anarchieverte.ch40s.net/2014/06/individualites-tendant-vers-le-sauvage/
Introduction
Vers la fin des années 2000, après qu’aux États-Unis des cellules d’ELF et d’ALF se soit fait décimer par une vague de répression, au Mexique, des actions directes et des sabotages se faisaient de plus en plus courants (voir l’extensive chronologie dans Rabia y Acción n.9, Énero 2012, México). Plusieurs restèrent anonymes, mais plusieurs furent aussi revendiquées par l’ALF, l’ELF et des groupes/cellules anarchistes. Ces actions prirent de plus en plus d’ampleur au cours des années, et plus récemment il y a une tendance marquée vers une critique anti-civilisation dans les positionnements et les réflexions de nombreuses revendications d’actions ainsi que dans leurs cibles. Un de ces « groupes » a particulièrement retenu l’attention en plus de créer une certaine controverse, non seulement au Mexique, mais aussi internationalement, de par la consistance, l’envergure et le caractère de leurs actions et revendications…
Depuis 2011, un groupe se dénommant Individualidades tendiendo a lo salvaje (ITS) [Individualités tendant vers le sauvage] a revendiqué plusieurs actions, presque toutes dirigées contre des membres de la « communauté » scientifique mexicaine. La plus notoire fut l’explosion d’un colis piégé le 8 août 2011 au Tec de Monterrey, une des plus prestigieuses universités au Mexique, blessant gravement du coup deux importants scientifiques de l’institution. ITS revendiquèrent aussi l’assassinat d’un biotechnologiste de renommé, Ernesto Méndez Salinas, retrouvé mort d’une balle à la tête dans son auto sur une autoroute, le 8 novembre 2011, ce que les autorités mexicaines ont toujours présenté comme une tentative de vol d’auto ratée.
De par le type d’actions, étant donné qu’ils s’attaquent directement à des individus, ainsi que par plusieurs positions présentées dans leurs communiqués – que j’expose dans la section La Société Techno-industrielle – ITS ont souvent été comparé au Freedom Club / Unabomber / Ted Kaczynski. De nombreuses critiques ont été publiées internationalement à leur endroit dans les milieux de gauche, marxistes, libertaires, anarchistes, écologistes et scientifiques, mais aussi des déclarations de solidarité de la part d’individus, de groupes ou de cellules anarchistes insurrectionnelles, de nihilistes et d’ELF, surtout au Mexique, au Chili et en Grèce.
Puisqu’il n’existe pratiquement rien en langue française à leur sujet, je propose ici une synthèse de leurs textes parus jusqu’à maintenant (huit communiqués, une courte « note » et une entrevue par correspondance) – accompagnée d’une chronologie pour une meilleure compréhension –, où je tente de relier leurs idées par des résumés accompagnés de nombreuses citations et où je m’efforce de reproduire leur façon de s’exprimer pour un plus grand effet (comme l’utilisation de majuscules). Ainsi, j’invite à ce que chacun qui le désire puisse faire sa propre réflexion et critique de leurs actions et positionnements, ou comme le diraient ITS :
« Nous laissons au raisonnement des quelques lecteurs intelligents d’analyser et (pourquoi pas?) critiquer ce texte […] pour pouvoir atteindre des conclusions réellement fortes et avec un vrai sens critique de ce qui se passe dans la Réalité et ne pas se laisser emporter par la marée du conformisme civilisé. »
Le nouveau boom du progrès
Dès le début de leur premier communiqué, ITS mettent en avant une critique de la Civilisation et sa destruction de la Nature Sauvage en se concentrant sur le thème du progrès technologique et particulièrement les avancées de la nanotechnologie au Mexique et ailleurs. Ils dénoncent cette dernière comme étant un nouvel essor dans le progrès anthropocentrique de l’humain, vers son contrôle et sa domination totale sur tout, jusqu’à l’infiniment petit, ce progrès qui a déjà conduit la Terre à sa présente hécatombe décrite dans plusieurs passages, dont celui-ci :
« Jour après jour, nous nous regardons dans les yeux terrorisés par l’attitude irresponsable de l’humanité envers la Nature Sauvage, nous nous rendons compte que nous vivons dans un cauchemar technologique. Nait-consomme-meurt est la roue tortueuse des villes, les derniers vestiges d’environnements sauvages sont convertis en “zones écologiques protégées” et la destruction progresse à chaque instant, comme l’illustrent les déversements de pétrole en Amazonie, en Amérique du Sud, et dans le golfe du Mexique, les eaux usées radioactives de la mer du Japon, la dévastation de forêts entières en Russie, l’hyper-exploitation minière en Afrique, la production à grande échelle de voitures en Europe, la disparition de milliers d’espèces d’animaux par année, la construction de super-autoroutes, des souterrains et des complexes résidentiels qui traversent des forêts ; le progrès technologique est en train d’en finir avec le monde dans lequel nous subsistions jusqu’à maintenant, et qui est déjà en déclin. »
C’est dans ce contexte que la nanotechnologie présente ses aspirations et ses promesses. Les technologues nous déclarent que celle-ci détient le potentiel pour résoudre les problèmes écologiques, comme en purifiant l’eau et l’air à l’aide de nanocatalyseurs et en créant de nouvelles sources d’énergies renouvelables à base de nanoparticules, en plus d’éradiquer des maladies incurables à l’aide de nanovaccins et d’améliorer l’alimentation en la rendant plus nutritive à l’aide d’injection d’anticorps, pour nous rendre plus forts et plus sains, etc.
ITS comparent ces promesses de vie meilleure à celles de la révolution industrielle qui nous a propulsés dans un monde artificiel, de ciment et de métal, et rappellent que ce que les scientifiques évitent de nous dire c’est que « la nanotechnologie a torturé des millions d’animaux, enlevés directement de leurs milieux sauvages pour être séquestrés dans leurs laboratoires afin de tester leurs nouveaux produits. Des expériences tellement aberrantes que nous sommes incapables de les imaginer. »
Prenant l’exemple de la médecine, ITS ajoutent :
« Plusieurs diront peut-être que la Technologie a aidé à ce que la médecine soit plus efficace, et nous accusent d’être inhumains lorsque nous disons que nous nous opposons nettement à un vaccin qui guérit le diabète (par exemple), mais c’est là qu’on tombe dans l’un des nombreux pièges du système.
Le Système Techno-industriel a toujours fait croire qu’il invente ce genre de remèdes pour que l’humanité vive mieux, de par son efficacité et sa rapidité dans le domaine de la santé, mais ce dont plusieurs ne se rendent pas compte c’est que le système fait cela pour que les gens lui soient encore plus dépendants, pour que tous aient la santé et continuent de graisser les rouages de la Mégamachine, pour qu’ils continuent de travailler, de produire et de consommer, en autre mot, pour que le Système de Domination reste sur pied. »
Un autre aspect sur lequel les scientifiques mettent rarement l’accent, c’est la récurrence avec laquelle leurs percées ont contribué de facto aux avancements des technologies de guerre, de domestication et de domination. ITS consacrent une partie de leurs revendications à la critique des visées et des risques de l’avancement des hautes technologies ainsi que leurs fusions, comme de la nanotechnologie avec la biotechnologie, l’électronique moléculaire, l’intelligence artificielle, la robotique, etc.
ITS émettent des préoccupations allant de l’intérêt militaire devant un potentiel d’armement (nanomatériaux, nanobactériologie) encore plus dévastateur que l’arsenal nucléaire et biochimique actuel ; aux nanomoteurs, par lesquels on voudrait que puissent se créer, par une basse consommation d’énergie, des nanocyborgs capables de s’autoréparer et de s’autoreproduire ; ainsi que des dangers hypothétiques comme l’explosion de la nanocontamination (par la guerre ou par l’utilisation à grande échelle de nanoparticules); ou encore des accidents scientifiques irréversibles, entre autres la théorie de la « grey goo » de l’ingénieur moléculaire Eric Dexler – théorie qui anticipe une possible catastrophe scientifique de nanoréplicateurs s’autoreproduisant infiniment, détruisant toute vie en l’espace de quelques jours[1].
Aux critiques qui affirment que leur vision catastrophique est le produit d’imaginations paranoïaques exagérées et irréalistes, ITS répondent que ce sont les mêmes critiques qui se firent contre ceux qui mettaient en garde contre l’expansion du nucléaire, avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui dans plusieurs parties du monde ; forêts dévastées, infertiles et mutées, déformations génétiques, nouveaux cancers incurables, ainsi que l’holocauste, résultat du progrès de la Civilisation, de la science et la Technologie. Ils argumentent qu’il y aussi sous-estimation de la capacité économique, de coefficient et d’intentions de ceux qui se proposent d’ « augmenter » ou « améliorer » l’humain et la nature sauvage à travers la science et la technologie. ITS rappellent qu’il y a seulement quelques décennies les scientifiques rêvaient de pouvoir faire des expériences, manipuler et modifier les gènes et les particules à nanoéchelle, un rêve maintenant accompli par la nanotechnologie, de la même façon, les mêmes rêvaient que leurs ordinateurs gigantesques puissent se mettre dans une poche avec, en plus, des milliers d’applications.
Ils reprennent également les mots du prix Nobel de chimie, Harold Kroto[2] :
« Les gouvernements d’Europe et des États-Unis dédient de grandes quantités d’argent à la nanotechnologie, à la recherche, par exemple, de comment rendre leurs avions invisibles. Si nous reculions jusqu’à 1910 nous pourrions éviter d’avoir fait de la recherche en chimie pendant le 20e siècle et nous aurions évité le Napalm et la bombe atomique. »
Par contre, bien qu’elle détienne une place centrale due à son avancement significatif au Mexique et au potentiel de développement technologique qu’elle présente, il n’y a pas que la nanotechnologie qui soit critiquée et ciblée dans les attaques d’ITS, mais les technologies complexes en générale et leurs conséquences, sur l’humain entre autres. Ils précisent leur position :
« La technologie complexe est le problème qui nous indispose comme espèce depuis l’expansion de la Civilisation. Il est ici nécessaire de préciser qu’il existe deux types de technologies : celle qui est complexe et la technologie simple. Des exemples de cette dernière furent (ou sont) les instruments et les outils employés par l’homme primitif durant le paléolithique et une partie du néolithique, qui l’aidèrent à survivre et que, sans aucun doute, certaines cultures utilisent encore pour chasser, cueillir, se réfugier et se défendre. ITS s’est toujours positionné contre la Technologie moderne, celle qui est complexe, celle qui entraine la destruction de la Nature (humaine) Sauvage. »
Par exemple, dans leur troisième communiqué ITS portent aussi leur attention sur la technologie informatique et sa transformation de la vie des individus de par sa constante présence. Ils reprennent les arguments du neurologue Gary Small sur les conséquences dégénératives sur le cerveau et sur l’interaction sociale (face-à-face) de l’utilisation excessive d’internet, tout en rappelant que ce même Gary Small conçoit cela comme une épreuve à surmonter, lui qui poursuit des recherches sur la stimulation neurologique par laser.
Cette critique continue sur le thème des médias sociaux, donnant l’exemple de Facebook comme étant un grand succès dans l’expérience sociale de contrôle du comportement – ce dernier étant un facteur de risque pour l’ordre établi –, éliminant d’une façon très efficace la Nature dans le contact humain et développant à grands pas l’aliénation technologique totale.
« Voilà comment la technologie en finit peu à peu avec l’interaction sociale qui est une impulsion clairement naturelle. Nous ne parlons pas ici de s’engager dans des relations d’amitié avec tout le monde indistinctement (ITS rejette l’amitié hypocrite et la sursocialisation), mais plutôt au sein de petits groupes de personnes proche ou en affinité. La Technologie est en train de séparer cette interconnexion naturelle, la réduisant à des courriels et des commentaires numériques. »
Du même coup ITS rappellent qu’un des dirigeants les plus importants de Facebook, le milliardaire Peter Thiel – qui prône la numérisation du monde – est un grand investisseur dans la recherche sur l’intelligence artificielle – à travers le Singularity Institute for Artificial Intelligence – ainsi qu’un financier personnel du Dr Aubrey de Grey – biogérontologue qui concentre ses recherches sur l’immortalité. Ils dédient aussi quelques passages aux implants de puces électroniques et les recherches de Mark Gasson, un scientifique anglais qui fait la promotion de l’amélioration humaine par implants technologiques et qui dans ses recherches s’est infecté (par exprès) avec un virus informatique.
Dans ces exemples, ITS soulignent l’obsession de remplacer l’humain sauvage par la machine et l’ambition maladive des personnes qui s’y dédient.
La Société Techno-industrielle
Au cours de leurs critiques, ITS se réfèrent continuellement au Système Techno-industriel et à la Société Techno-industrielle, ils les définissent ainsi :
« Par Système Techno-industriel nous nous référons à l’ensemble des éléments autant physiques que conceptuels (valeurs) qui englobent la Technologie complexe, la science, l’industrie, la Civilisation et l’artificialité. Le Système Techno-industriel c’est l’objectif à frapper, parce que de lui (et de sa population [Société Techno-industrielle]) émanent le fonctionnement, l’amélioration et la perpétuation de la mégamachine appelée Civilisation. »
En dénombrant des programmes de recherche qui lient les institutions mexicaines étatiques et académiques (diverses universités et centres de recherches, la CONACYT [le Conseil national de science et technologie] et la compagnie pétrolière étatique Pemex et celle d’électricité, la CFE) ainsi que des multinationales (Glaxo SmithKline, Unilever, Syngenta), ITS évoquent l’étendue de la coopération et la coordination des avancées technologiques en nanotechnologie et ne manque pas de nous rappeler que ce sont les individus qui y participent directement qui sont leurs cibles.
Dès leur première action revendiquée, un colis piégé envoyé au chef du Département d’Ingénierie en Nanotechnologie, le professeur Oscar Alberto Camacho Olguín, le 14 avril à l’Universidad Politécnica del Valle de México. Ils annoncent :
« Nous n’hésiterons pas à attaquer ces personnes, qui sont des éléments clés pour l’apogée que la technologie veut atteindre. Nous préférons les voir mortes ou mutilées plutôt qu’elles continuent d’alimenter le Système de Domination. »
Ils affirment que la motivation scientifique est basée dans les besoins psycho-émotionnels, de réalisation personnelle, de prestige et de statut social de ses individus plutôt que quelconque altruisme dédié à l’amélioration de la qualité de vie, concluant que « la plupart des scientifiques fondent leurs recherches sur leurs besoins psychologiques tordus, sur leurs activités de substitution. »
Ils expliquent que plusieurs problèmes psychologiques, dont le besoin d’activités de substitution, proviennent de la frustration émanant de la perte de la liberté causée par l’implantation et la croissance exponentielle de la Technologie dans toutes les facettes de la vie. Dans cette analyse ITS se réfèrent au concept de Processus de pouvoir, repris de La société industrielle et son avenir [3] – texte qu’ils paraphrasent à plusieurs reprises. Ils résument l’essentiel de ce concept comme étant ; l’établissement d’un objectif, l’effort déployé pour y arriver, la réalisation de l’objectif, et l’atteinte de l’Autonomie.
« Voyons un exemple pour mieux expliquer ce terme. Un homme qui obtient tout, seulement en l’exigeant, devient toujours hautement hédoniste et développe de sérieux problèmes psychologiques puisqu’il n’a jamais besoin de faire d’effort. Comme résultat, surgissent la démoralisation et l’ennui, ainsi, quand cet homme tente d’effectuer quelque effort et n’y parvient pas, parce qu’il en est évidemment incapable, survient la frustration dépressive, le défaitisme, les sentiments d’infériorité, etc. Il n’est pas seulement question ici d’un homme bien nanti économiquement, mais plutôt du pusillanime qui alimente l’aliénation du système par son absurde existence.
Face à cette frustration, de nombreuses activités de substitution […], qui ont comme finalité le travail artificiel et non réel, pour combler le vide engendré par la non-vie au sein de la Civilisation, sont inventées.
Dans la vie, cependant, un effort important est naturel et hautement nécessaire pour se sentir bien avec soi-même et ne pas tomber dans les pièges du Système de Domination. Répondre aux besoins physiques et biologiques tels que la recherche et l’obtention de la nourriture, la construction de refuges, les soins entre les membres d’une communauté de personnes liées et l’apprentissage de la survivance sont à la base de la Nature Sauvage Humaine, seulement, dans les villes, de telles activités réelles ne sont pas perçues comme nécessaires ou simplement ne sont même pas prises en compte.
Pour vivre au sein de la Civilisation, il suffit de peu d’effort pour combler les besoins que celle-ci exige et avoir dans la tête sa fausse idée de stabilité […] c’est l’obéissance totale, c’est tout ce qu’il faut pour maintenir l’ordre établi qui prévaut aujourd’hui. »
ITS considèrent que la technologie rend les individus de plus en plus dépendants du système, et qu’ils sont ainsi ancrés par son contrôle dans l’acceptation de ses normes sociales de subsistance, ce qui entraine la perte de l’identité et la nécessité « artificielle-culturelle » de se fondre dans la masse ou d’appartenir à de larges groupes sociaux. C’est ainsi que la plupart des personnes se lient à des mouvements sociaux, par leur frustration et leur incapacité d’en arriver à la liberté et l’autonomie par leurs propres moyens ; en groupe elles se sentent puissantes, mais seules elles se sentent incapables. Ils poursuivent :
« Conséquemment surgissent des personnes qui se sentent tellement vides qu’elles en arrivent à l’extrême de dédier leur vie entière à une cause sociale, à une sous-lutte, qui ne fait que provoquer leur épuisement physique et mental, dans l’attente illusoire, par exemple, d’un monde nouveau où vivre, qu’elles se disent anarchistes, communistes, féministes, citoyennistes, écologistes, végans et nombres d’autres bavardages messianiques connexes.
[…] De cette façon, la plupart de ces personnes qui disent avoir des approches “radicales”, dévient du vrai problème (le Système Technologique Industriel) et fondent leurs luttes sur des aspects réductionnistes qui ne font que perfectionner le système et le rendre plus fort ».
À cet égard, ils citent l’exemple de la lutte contre la ségrégation raciale, qui a mené à la cooptation, à ce que plus de gens s’intègrent au système de domination et adoptent ses valeurs. En conclusion :
« […] les autochtones, les femmes, les homosexuels, les écologistes, et autres. Le système les a accueillis après que ceux-ci furent protagonistes de luttes pour des améliorations “humanitaires”, c’est à dire, ils ont fait en sorte que le système devienne plus “juste” et à simple vue, plus acceptable.
Donc, l’hypothèse selon laquelle le système doit s’ajuster à l’humanité est éliminée, puisqu’au contraire, les personnes, les gens, la société (peu importe comment on veut le nommer) doivent se conformer aux besoins du système. Rien de plus. »
ITS identifient en tant que gauchistes ces tendances idéologiques, ces personnes qui dédient leurs vies à l’amélioration du système de domination. Ils affirment même que c’est la société industrielle dans son ensemble qui est gauchiste, puisque celle-ci, à travers la modernité, nous enseigne que nous devons être amiables, passifs, hautement sociables, solidaires, égalitaires, réformistes, etc., des valeurs reproduites par les médias de masse, le marketing, l’éducation, les programmes d’aide gouvernementaux et autres.
Un des facteurs qui caractérise les gauchistes selon ITS, c’est la recherche du pouvoir pour concrétiser et imposer leurs aspirations. En ce sens ITS dénoncent le relativisme qui caractérise les positions gauchistes, surtout en ce qui a trait au pouvoir et à la technologie. C’est par relativisme que ceux-ci affirment que la technologie est « quelque chose de bien si on la regarde d’un point de vue différent ».
« Le rejet de la Technologie est contraire aux valeurs des gauchistes, puisqu’ils en ont besoin pour le pouvoir collectif qu’ils veulent atteindre : ils disent que si tout le monde contrôlait les industries et la Technologie au lieu des quelques-uns qui sont au pouvoir, tout serait différent, ce qui est totalement erroné. Cela revient à ne faire que changer la laisse du chien, les conséquences climatiques et l’impact sur l’environnement de la production à grande échelle continueraient d’endommager la Terre et par conséquent la Domination continuerait d’exister. En réalité ça ne changerait rien. Ce que veulent ces gens en prenant le pouvoir, c’est réformer le système pour combler leurs besoins psychologiques de bien-être et de progrès, c’est à dire pour rassasier leurs activités de substitution imprégnées de soif de pouvoir et de totalitarisme exacerbé, même s’ils le nient. »
Ils affirment que c’est ainsi que l’humain moderne aux tendances gauchistes rejette grandement l’individualisme, celui-ci pense qu’il existe pour servir les autres. Pour ITS, aucun individu ne devrait avoir pour unique but de servir la société ou penser que les autres sont plus importants que lui-même. Ils ajoutent :
« Plusieurs de ces personnes confondent l’individualisme avec l’antisocial. L’être humain est sociable par nature, mais cela ne veut pas dire qu’il soit collectiviste dans tous les aspects de son existence sur la Terre. Le social devient quelque chose d’anormal quand les sentiments d’affection et de solidarité réelle se pervertissent en s’étendant au-delà d’un petit groupe de personnes liées. Pour cette raison on peut dire que le collectivisme est un sentiment créé par l’artificialité à laquelle s’est attaché le gauchisme pour attirer plus d’automates au sein de ses gigantesques cercles sociaux. »
En ce sens, la solidarité promiscue, un terme souvent utilisé par ITS, est présentée comme une perversion de l’instinct naturel qui tien ses racines historiques dans la philanthropie renforcée par l’amour du prochain chrétien, perpétuée par le gauchisme dans la société technologique moderne et qui n’a plus rien a voir avec la solidarité naturelle entre un nombre réduit de proches :
« […] quand un petit groupe de personnes partagent leurs vies quotidiennement ou un lien très proche, la solidarité se fait présente, comme l’est aussi la défense (les uns les autres), l’appréciation et l’aide, puisque les membres du groupe mentionné se connaissent bien et partagent une vision commune, c’est là ou se développe la vraie solidarité instinctive et naturelle, éloignée du compromis forcée, sentimentaliste et hypocrite de la société gauchiste.
Voilà la solidarité réelle, celle que partagent les individus faisant partie d’un groupe naturel et immédiat de proches, celle qui n’est pas modifiée par les idéologies et les pratiques victimisantes que l’on connait avec des personnes inconnues à cause de schémas psychoculturels. »
Pour ITS, cette solidarité promiscue de personnes sentant un lien psycho-émotionnel quelconque avec des personnes inconnues affligées par une condition de souffrance étrangère à la leur démontre les valeurs hédonistes antinaturelles de la société de masse qui rejette du revers de la main tout ce qui est incommode et indésirable, même si cela fait partie d’un apprentissage naturel, comme dans le rejet de la souffrance et la mort qui sont essentielles au développement humain, à ses instincts et sa survie.
« À quoi servirait une vie sans douleur ? À quoi nous servirait d’obtenir rapidement et facilement tout ce que nous pourrions souhaiter, sans faire aucun effort sérieux pour y arriver ? Ça n’aurait aucun sens de vivre ainsi, ça ne serait pas vivre, ça ne serait que pulluler et végéter.
[…] nous ne justifions pas pour autant le sadisme ou la sensibilité extrême, qui sont d’autres déviations mentales de la vie civilisée.
La science est celle qui contribue […] à inhiber la douleur et à en arriver à n’être que de simples humanoïdes incapables même de ressentir la douleur, qui est une conséquence d’être vivant.
[…] la vie dans la Nature Sauvage est violente et dure. En fait, le taux de mortalité parmi quelques tribus sauvages était de très bas âge, mais l’important n’est pas la quantité d’années vécues, on peut vivre plus de cent ans et n’avoir fait absolument rien pour atteindre l’Autonomie désirée. D‘un autre côté on peut vivre peu d’années dans la Liberté et ça, c’est déjà une grande victoire.
La mort, l’effort majeur, la souffrance et la douleur ne sont pas des choses “mauvaises” en elles-mêmes, elles sont intrinsèques à la vie de chacun de nous qui habitons la Terre. Ce qui est mauvais, c’est la Domination, la perte de l’Autonomie et de la dignité humaine. »
Viva la Revolución ?
À plusieurs reprises, ITS raillent les idées révolutionnaires, qu’ils considèrent comme des fabulations de la gauche, et aussi plus spécifiquement l’idée d’une quelconque révolution antitechnologique qu’ils qualifient d’ « idéaliste et irrationnel ». Ils avancent la nécessité d’abandonner « les termes gauchistes » véhiculés par certaines tendances anti-civilisation, pour plutôt « donner lieu à une critique radicale et transcender dans nos positionnements contre la Mégamachine ». Ils jugent que le concept de révolution ne concorde pas avec les idées anti-civilisation puisqu’il s’agit toujours d’en arriver à la prise de pouvoir, la réorganisation et la domination systémique. Les divers mouvements armés ou extrémistes qui veulent réformer ou contrôler le système techno-industriel viennent aussi contribuer à sa consolidation et lui permettent d’atteindre un nouveau régime de « paix » qui avec le temps devient plus oppressant que le dernier.
ITS appellent à une autocritique et une revalorisation des idées anti-civilisation, indispensables devant les ajustements du Système de domination et pour ne pas tomber dans un dogmatisme caractéristique du marxisme « Où le dieu c’est la Nature Sauvage, le messie est Ted Kaczynski, la bible est le manifeste Unabomber, les apôtres sont Zerzan, Feral Faun, Jesús Sepúlveda, entre autres, le paradis tant attendu est la chute de la Civilisation, les illuminés ou les prédicateurs sont les “révolutionnaires” maintenus dans la foi qui serait la confiance aveugle qu’un jour arrivera la “révolution”, les disciples seraient les “potentiellement révolutionnaires”, les croisades ou les missions seraient d’apporter la bonne parole aux cercles impliqués dans les luttes écologistes ou anarchistes (selon où se trouvent les “potentiellement révolutionnaires”) et les athées ou les sectes seraient ceux d’entre nous qui ne croient pas à leur dogme ou qui n’acceptent pas leurs idées comme étant cohérentes avec la réalité. »
Ils jugent que le concept de révolution tient pour beaucoup à la nécessité psychologique d’être récompensé pour ceux qui dédient leur vie au changement, de même qu’il ne tient qu’à la foi pour ceux qui rêvent d’être libérés.
Pour ITS :
« La lutte contre le système techno-industriel n’est pas un jeu où nous devons gagner ou perdre, vaincre ou être vaincus, c’est quelque chose que plusieurs n’ont pas encore compris et il semble que plusieurs attendent toujours d’être “récompensés” dans le futur pour avoir joué les “révolutionnaires”. On doit accepter que plusieurs choses dans la vie ne sont pas récompensées, que plusieurs tâches et/ou buts ne sont pas atteints (incluant l’Autonomie), et la destruction du technosystème par le travail des “révolutionnaires” est l’une d’elles. Il n’est plus temps maintenant d’espérer l’imminent effondrement, pour ceux qui veulent regarder passer le temps comme si le progrès technologique n’était pas en train de croître à pas gigantesque, dévorant peu à peu la sphère de notre Liberté individuelle. »
Dans le même esprit ITS critiquent certaines positions anti-civilisation sur les idées révolutionnaires et l’éducation des masses qu’ils attribuent entre autres à Ted Kaczynski :
« […] “éduquer” les gens, les masses, une société qui vit du nouveau jeu vidéo et de la musique virtuelle dans ses lecteurs, d’automobiles qui se garent seules et d’ordinateurs portatifs, de téléphones cellulaires avec de nouvelles modalités améliorées et de réseaux sociaux ? Nous ne voyons aucune possibilité de changement structurel à grande échelle sans les masses, pour autant nous ne voyons aucune possibilité qu’une marée humaine, poussée par un raz-le-bol des conséquences de la vie occidentale, du sédentarisme et de l’avancée du Système Techno-industriel, détruise violemment celui-ci. Nous ne croyons pas que ce soit possible. »
Et un peu plus loin :
« Même si par une action coordonnée de sabotage par les “révolutionnaires” […] le système s’effondrait, la domestication continuerait d’exister. Le Système Techno-industriel continuerait latent même avec très peu de personnes le soutenant (si ce n’est que dans un certain futur il soit capable de s’auto-soutenir lui-même). La nature s’épanouira sans doute (dans cet exemple), mais […] ceux qui étaient habitués a la commodité et au bonheur artificiel de l’ancien système tenterons de le reconstruire. »
Certains se demanderont peut-être pourquoi donc ITS transmettent-ils leurs idées en revendiquant des actions par communiqués ?
« ITS ne publient pas ce genre de communiqués pour que les gens se “libèrent” ou “se rendent compte” de la situation vécue par la Terre avec le développement technologique et qu’à partir de cela ils “changent” leurs habitudes ou leur façon de végéter, bien sûr que non (nous serions très stupides si nous pensions ainsi). Nous ne sommes pas, ni ne voulons l’être, intéressés d’être les “sauveurs bien intentionnés”, nous n’avons rien à faire des avant-gardes gauchistes qui pensent vaguement qu’avec une action violente revendiquée par un communiqué public ils changeront la mentalité putréfiée de la société civile. Ce genre de message est dirigé uniquement et exclusivement aux individus, ou groupes d’affinités, ou dans un processus d’idées, pour qu’ils décident de porter la critique envers le Système Technologique Industriel à un autre niveau, bien entendu, avec des bases concrètes et éloignées des symptômes civilisateurs, à partir de leurs propres moyens ; de plus, essayer d’apporter une contribution sincère et importante pour cette lutte qualitative contre la Civilisation et sa pseudo-stabilité. »
« Est-ce que ITS est un groupe anarchiste ? »
Sur ce point ITS répond que bien qu’ils fassent publier leurs communiqués par des espaces de diffusion anarchistes, ils ne s’identifient pas avec cette idéologie qui, expliquent-ils, s’est garnie de tellement d’adjectifs et de sous-courants qu’il devient difficile d’en faire ressortir le caractère unique, ainsi que d’expliquer un positionnement sur chacun de ces aspects prendrait trop de temps à expliquer. Le même constat est fait à propos du primitivisme qui, ajoutent-ils, souffre de déformations et de manipulations. Ils précisent :
« […] nous ne partageons pas la vision des anarchistes à propos de la destruction de ce monde pour en construire un “nouveau”, “autogéré” et à l’intérieur des paramètres de l’appui mutuel (à des inconnus) et de la solidarité (promiscue), ce qui, comme nous l’avons déclaré antérieurement, est antinaturel.
[…] Ce en quoi nous croyons c’est l’unique vrai et chaotique concept de l’Anarchie (qui n’est pas la même chose que l’anarchisme), dans l’illégalité pour atteindre nos objectifs et ne pas endurer ou baiser les pieds des membres et dirigeants de la société techno-industrielle. »
ITS émettent aussi une critique de la « nouvelle guérilla urbaine » impulsée principalement par les prisonniers de Conspiration des Cellules du Feu en Grèce et leurs affinités, comme quoi la seule « nouveauté » serait l’autonomie et la décentralisation de l’action. ITS ajoutent que cette stratégie n’a donné que plus de prisonniers et qu’ils ne s’attendent pas à revoir des procès comme celui de la RAF dans les années 70. Ils font cependant une nuance en parlant de la tendance anarcho-nihiliste :
« ITS pense que parmi ces cellules il existe des gens qui ne sentent pas la nécessité de construire une nouvelle société, mais plutôt de détruire l’existant, un objectif que nous ne considérons pas comme gauchiste. Les États sont réellement préoccupés par la levée de sabotages anarchistes, ce qui démontre qu’ils en sont arrivés à constituer une menace pour le système économique-politique de certains pays, quelque chose qui leur est digne de reconnaître. »
Donc, ITS n’œuvrent clairement pas à « changer le monde » et affirment à quelques reprises qu’ils ne croient pas non plus qu’ils aient bouleversé le cours des choses avec leurs actions, mais maintiennent fermement leur volonté de mener une guerre contre la Civilisation :
« Bien que tout ceci soit inutile et tombe dans la stérilité, nous préférons nous battre dans une guerre contre toute domination plutôt que de rester inertes, dans l’expectative, passifs ou comme faisant partie de tout ça.
Nous préférons nous positionner du côté de la Faune et la Flore Sauvage restantes. Nous préférons retourner vers la Nature, la respecter dans l’absolu et abandonner les villes en maintenant nos revendications en tant que Guerriers Anticivilisation. Nous préférons continuer la Guerre qu’on nous a déclarée depuis des années, en sachant que nous allons perdre, mais en nous promettant à nous-mêmes que nous donnerons notre plus grand effort.
Car, bien que certains facteurs à l’intérieur de la Civilisation nous indiquent que nous sommes domestiqués biologiquement depuis longtemps, nous continuons d’avoir les Instincts Sauvages qui nous poussent à défendre tout ce dont nous faisons partie, la Terre. »
Critiquer par la raison et agir par instinct
« Nous critiquons par la raison et nous agissons par instinct, les deux vont main dans la main. Une nous sert pour analyser et critiquer en profondeur ce qui se passe maintenant et l’autre nous sert pour l’attaquer de manière frontale, sans aucune compassion et en rejetant quelconque considération pseudo-morale de la Civilisation. »
À ceux qui cherchent à déchiffrer leurs motivations et qui les critiquent de décharger leurs frustrations avec des attentats contre les scientifiques, ITS répondent que leurs sentiments et leur émotivité, ils les gardent pour d’autres aspects de la vie, que ces attaques proviennent de leur instinct de survie et que de renoncer à cet instinct c’est tomber dans le piège de la Domination. Plus explicitement :
« Attaquer le Système Techno-industriel est un instinct naturel de survie (de même que de mener un style de vie anti-industriel en petite communauté), en tant qu’entités rationnelles nous comprenons que cette réalité que le système a créée est contraire à la Nature, et sa défense sauvage est ce qui nous motive comme individus acivilisés, pour cela ITS utilise la confrontation directe pour arriver à ses dites fins, il n’y a rien de plus répugnant et répréhensible pour la société, les autorités et le système même que l’utilisation de la violence.
Le système est toujours celui qui appelle au dialogue, à l’utilisation de la parole, à régler les problèmes comme des “gens civilisés”, parce qu’il craint la déstabilisation et le possible effondrement de sa paix sociale par l’utilisation excessive de la confrontation de la part d’individus éveillés.
L’espèce humaine est conflictuelle par nature, et rejeter cette valeur intrinsèque est un antagonisme de ce que nous sommes réellement ou que nous étions (pour les civilisés modernes).
ITS ne met certainement pas la violence sur un autel, nous la voyons simplement comme un moyen. »
Pour ce qui est de leur conception de la Réalité, ils affirment qu’ils la centrent dans la perception de leurs sens par lesquels ils acquièrent des connaissances cognitives en utilisant la Raison pour décortiquer par une critique radicale la fausse réalité artificielle imposée par le Système Techno-industriel.
ITS rappellent que l’imagination et la créativité (en autre mot, la fiction) jouent aussi des rôles importants pour l’espèce humaine dans l’adaptation de ses habiletés et la survie dans son environnement. Un problème surgit toutefois de ces mêmes dispositions lorsqu’elles se retrouvent à l’intérieur d’une réalité imposée par la Civilisation où la fiction occupe la majeure partie du temps :
« Volpi l’a dit : “Nous y sommes tous les jours à vouloir être confrontés à la fiction, nous regardons la télévision, nous jouons à des jeux vidéos, nous allons au théâtre, nous écrivons [4]” indiquant une sévère déviation de la réalisation des besoins biologiques qui par nature doivent être comblés grâce à un effort sérieux (processus de pouvoir).
L’espèce humaine déformée se crée toujours plus d’activités de substitutions et se laisse embrumer la pensée par une “surdose” de fictions, laissant de côté ce qui est important, tombant ainsi dans un des pièges du Système de Domination : la distraction. »
Devant cette réalité artificielle, ainsi que le relativisme de la société techno-industrielle et les valeurs émanant de la Civilisation[5] qu’ils nomment pseudo-morale, il est essentiel pour ITS de pouvoir se centrer dans une réalité irréfutable. De ce fait, ils annoncent qu’ « ITS n’est pas un groupe amoral » et expliquent que leur conception de la moralité est basée dans le monde physique où la Nature Sauvage et la Civilisation s’opposent : « La Nature c’est le bien, la Civilisation c’est le mal ».
L’humain s’est développé pendant des millions d’années dans la Nature Sauvage, et ceux qui défendent la Civilisation et ses valeurs (progrès, science, technologie, culture civilisée, etc.) défendent la déviation de ce développement par la Domination, sont incapables de voir la Réalité et s’enfoncent dans leur propre destruction.
Loin de toute dualité métaphysique (esprit-corps, foi-raison, etc.) ou théologique (dieu-diable, bénit-maudit, etc.) ils argumentent que la dichotomie Nature Sauvage / Civilisation est ancrée dans la Réalité, que nous sommes des entités physiques avec des besoins physiques à l’intérieur d’un monde irréfutablement physique, que la métaphysique est une reproduction mentale des schémas psychoculturels imposés par la Domination :
« Pour ITS la Nature n’est pas une déesse, elle n’est pas notre mère, ni rien du genre. La Nature est ce qu’elle est, c’est une objectivité absolue, point ; l’adorer ou l’idéaliser serait tomber dans la sacralité irrationnelle, contre laquelle nous sommes entièrement opposés. »
Un duel à mort
Ces dernières années, certains membres de la société techno-industrielle et particulièrement les milieux scientifiques, ont prêté attention aux attaques par lesquelles ils sont ciblés, ont peut le voir par plusieurs articles qui sont récemment parus dans la revue Nature [6], par exemple, et qui se préoccupent de cette tendance, surtout depuis l’attentat réussi d’ITS contre le Dr Armando Herrera Corral, coordinateur du CEDETEC (Centre de Développement Entrepreneurial et de Transfert de Technologie), blessant celui-ci et son collègue, le scientifique en robotique Alejandro Aceves López, au Tec de Monterrey le 8 août 2011, ainsi que l’enlèvement et la jambisation de l’entrepreneur nucléaire Roberto Adinolfi (directeur d’Ansaldo Nucleare) par Nicola Gai et Alfredo Cospito le 7 mai 2012 à Genève [7]. Le problème est de plus préoccupant pour ceux-ci puisqu’il ne s’agit pas d’une confrontation traditionnelle, dans le sens où il n’y a pas de demandes auxquels on puisse répondre ou de négociation possible avec une quelconque opposition ni un ennemi clairement défini sur lequel se concentrer.
« Nous ne voulons pas d’un nouveau régime “alternatif” ou plus “vert” dirigé par des intellectuels, des militaires ou des politiciens ; nous voulons que tous les régimes qu’englobe la Civilisation soient détruits. »
De plus ces attaques venant d’initiatives individuelles et totalement décentralisées sortent de l’habituelle action symbolique ou d’un dommage matériel facilement remplaçable et vont directement contre l’intégrité physique de ses personnes. ITS ne peuvent pas êtres plus clair quand ils répondent aux condamnations de leurs gestes :
« Les condamnations ne se sont pas faites attendre, ils nous appellent terroristes, ces inutiles membres de la société industrielle, qu’ils sachent que nous le prendrons comme un compliment. Nous le répétons, nous ne sommes pas de simples saboteurs, poseurs de bombes, nous sommes plus que ça, et s’ils nous cataloguent en tant que terroristes, ils ont raison, bref, notre objectif est de mutiler ainsi que de tuer ces scientifiques, chercheurs, professeurs et autres racailles qui sont en train de réduire la Terre à un simple déchet urbanisé. »
ITS savent bien que le progrès ne s’arrête devant rien et que les scientifiques continueront leurs recherches au Mexique et ailleurs, mais ils avertissent toutefois qu’en même temps que le Système techno-industriel avancera, ses défauts seront de plus en plus évidents et catastrophiques et les attaques augmenterons, qu’il y aura des répercussions à détruire la Terre.
Ils affirment plus d’une fois qu’eux-mêmes ne cherchent pas à arrêter le système, bien que cela soit désirable, ils préfèrent viser « ce qui est tangible, palpable et immédiat, et cet immédiat c’est l’attaque avec toutes les ressources, tout le temps et toute l’intelligence nécessaires contre ce système. Nous sommes des individualités en processus d’accomplissement de notre Liberté et notre Autonomie, à l’intérieur d’un environnement optimal, et de pair nous attaquons le système qui nous veut clairement dans des cages, répondant à nos instincts humains sauvages. Avec cela nous nous efforçons en tant qu’individus en affinités à nous maintenir le plus loin possible des concepts, pratiques et idéologies gauchistes et civilisés. »
C’est justement ce processus d’accomplissement de la Liberté et l’Autonomie comme le conçoivent ITS qui est irréconciliable avec la Civilisation. La vraie Liberté selon ITS c’est « le développement autosuffisant des capacités, tendances et besoins biologiques, physiques, psychologiques et émotionnels, à la fois individuellement comme en compagnie d’un cercle social immédiat et réduit de personnes proches. Le développement intégral et sans aucune médiation ou limitation imposées par la Civilisation et le progrès humain. Tout cela, dans un environnement naturel comme déterminé par des individus évolutivement adaptés. C’est la vraie liberté, comme en jouissait l’homme primitif, sans agriculture, sans production à grande échelle et sans technologie complexe. »
Comme ils le soulignent, leur nom le dit, ils sont une convergence d’individus en chemin vers un état primaire et sauvage qu’ils définissent comme étant le style de vie des premiers homo sapiens de l’ère paléolithique qui se développaient dans un environnement sans technologie complexe, sans agriculture, sans sédentarisme et par conséquent sans Civilisation. Ils acquiescent cependant que la Terre a bien changé depuis et qu’elle est maintenant excessivement peuplée [8] :
« Ce sont des choses très différentes de dire que ce mode de vie semble adéquat, et de dire qu’il est facile de retourner vivre de cette façon. S’il est clair que certaines cultures dans le monde persistent encore à vivre comme leurs ancêtres il y a des milliers d’années, (exemples : Aborigènes australiens, Yanomami, Mentawai, Danis, Boshimans, Inuits, Waorani, certains Raramuris, etc), il existe certaines limitations sévères (physiques, psychologiques et environnementales, sans doute) auxquelles comme humains modernes, nous devons faire face et que nous devons surmonter si nous voulons adopter à nouveau ce mode de vie avec la nature. Bien que chaque jour il y ait moins de zones sauvages en Amérique (en parlant de “notre” territoire) dans lesquelles le mode de vie chasseur-cueilleur-nomade puissent être employé, ça ne nous apparait pas complètement impossible.
Il serait naïf de dire que c’est facile. Logiquement il doit y avoir un processus.»
Quoiqu’on pense de leurs postures et de leurs méthodes, ITS incarne clairement une expression humaine d’une confrontation irréductible, un duel jusqu’à la mort (et peut-être perdu d’avance), entre la Nature Sauvage et le Système Techno-industriel. Sur ce, je leur laisse le mot de la fin :
« Pour terminer, nous l’avions déjà dit dans nos communiqués précédents, avec ces attaques nous n’essayons pas de gagner ou de perdre (celui qui pense qu’il gagnera a déjà perdu), ce dont il est question c’est de faire face au système et à ceux qui le soutiennent, démontrer avec des actions qu’il ne nous a pas domestiqués, que nous n’avons pas accepté ses valeurs, que nous continuons d’être des humains avant d’être des robots, qu’ils n’ont pas totalement domestiqué notre conduite, que nous résistons à faire partie de leurs menteries et de leurs négociations, que nous ne voulons d’aucun pacte, que nous ne voulons pas quelque chose de mieux ou moins nocif, nous voulons l’affrontement, la guerre à mort contre ce sale système. »
notes :
[1] Voir Engines of Creation par Eric Dexler. L’importance de cette théorie aux yeux d’ITS fut rejetée par ceux-ci après qu’elle fut présentée comme l’essentiel de leurs motivations dans l’article de Chris Toumey, Anti-nanotech violence, revue Nature, octobre 2013.
[2] À propos des nombreuses citations utilisées par ITS au cours de leurs communiqués (de Nietzsche, Einstein, Ayn Rand, Orwell, Bill Joy etc.), ceux-ci prennent la peine de préciser qu’ils ne sont pas en accord avec ce que disent en général ces personnes, mais qu’ils citent des passages spécifiques quand cela leur convient.
[3] Sur plusieurs termes comme sursocialisation, activités de substitution et processus de pouvoir, ainsi qu’une grande partie des idées dans cette section, voir La société industrielle et son avenir par Freedom Club/Theodore Kaczynski.
[4] Jorge Volpi, La mente : El cerebro y el arte de la ficción.
[5] Présentés dans la section La Société Techno-industrielle
[6] Stand up against the anti-technology terrorists, Gerardo Herrera Corral (frère d’Armando Herrera Corral victime d’un attenta d’ITS), Nature N° 476 ; Anarchists attack science, Leigh Phillips, Nature N° 485 ; Nanotechnology : Armed resistance, Leigh Phillips, Nature N° 488, Anti-nanotech violence, Chris Toumey, Nature, octobre 2013, pour en dénombrer quelques-uns
[7] Le 12 novembre à Genève, Nicola Gai et Alfredo Cospito ont été sentenciés à 9 ans et 4 mois et 10 ans et 8 mois respectivement, sous accusation « d’attaque ayant pour but le terrorisme » pour l’enlèvement de Roberto Adinolfi, patron de la firme nucléaire Ansaldo Nucleare. et lui avoir tiré une balle dans le genou.
[8] Il vaut la peine de préciser que dans leur septième communiqué ITS rejette explicitement toute forme de génocide, de stérilisation et de contrôle de la population caractéristique du courant écofasciste (largement représenté par Pentti Linkola) et qui sous-entend le maintien de la Civilisation et de la Technologie à ces fins.
Ndt : Du premier au cinquième communiqué ITS utilise le « x » présents dans plusieurs écrits anarchistes de langue espagnole pour éliminer le genre dans la grammaire, ce qui est impossible de reproduire en français, étant donné que la féminisation équivaut à une tentative d’égaliser ou confondre les genres plutôt que de les éliminer. À partir du sixième communiqué, ITS rejette cette façon d’écrire la qualifiant de « sous-culture grammaticale » émanant du gauchisme et du réductionnisme.
Chronologie d’événements entourant ITS
14 avril 2011 : Un colis piégé dirigé au chef du Département d’Ingénierie Nanotechnologique est laissé par ITS à l’Université Polytechnique de Valle de México. État de México. L’explosion blesse gravement un gardien de sécurité du campus qui ouvre le colis.
27 avril 2011 : Premier communiqué d’ITS ; une critique de la nanotechnologie.
9 mai 2011 : Une bombe est placée au campus de l’Université Polytechnique de Valle de México et une menace à la bombe est envoyée à l’institution. L’intention, révélée par la suite par ITS, est d’atteindre les policiers répondant à la menace. La bombe est retrouvée et désamorcée par la police.
22 mai 2011 : Deuxième communiqué d’ITS ; une critique de l’impact de la technologie sur l’environnement et du concept de révolution.
8 août 2011 : Un colis piégé dirigé au Dr Armando Herrera Corral, coordinateur du Centre de Développement Technologique (CEDETEC), est laissé par ITS au Tec de Monterrey – campus de l’État de México. Le colis est retrouvé et remis à celui-ci. Il explose blessant sérieusement sa cible ainsi que son collègue, le scientifique en robotique Alejandro Aceves López.
9 août 2011 : Troisième communiqué d’ITS ; une critique des scientifiques, de la nanotechnologie et de la technologie de l’information.
28 août 2011 : Un attentat à la bombe d’ITS contre les recherchistes et biotechnologistes du Centre de Recherche et d’Études Avancées de l’Institut Polytechnique National à Irapuato, Guanajuato, échoue grâce à l’intervention de l’armée mexicaine.
6 septembre 2011 : Un colis piégé dirigé à Dr Flora Adriana Ganem Rondero, tête du département de Technologie Pharmaceutique de l’UNAM, est laissée par ITS sur le campus à México, DF, le colis est désamorcé par la police.
mi septembre 2011 : Un colis piégé dirigé à Pedro Brajcich Gallegos, le directeur général de l’Institut National de Recherche en Foresterie, Pêche et Agriculture, investit dans l’ingénierie génétique, est laissé sur les lieux de cette institution à México, DF. Revendiquée par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée, ni par les autorités ni par les médias.
21 septembre 2011 : Quatrième communiqué d’ITS ; une extensive analyse des thèmes présentés dans les précédents communiqués, ainsi que des clarifications sur plusieurs positionnements.
8 novembre 2011 : Le proéminent biotechnologiste Ernesto Méndez Salinas, de l’Institut de Biotechnologie de l’UNAM à Cuernavaca, est retrouvé mort dans son auto, assassiné d’une balle à la tête. Revendiqué par ITS, les autorités mexicaines ont toujours présenté cet événement comme une tentative de vol raté.
novembre 2011 : Un colis piégé est dirigé au Dr Pedro Luis Grasa Soler, directeur général du campus du Tec de Monterrey dans l’État de México. Revendiqué par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
novembre 2011 : Dr Manuel Torres Labansat, directeur de l’Institut de Physique de l’UNAM, et Carlos Aramburo de HOZ à Mexico, reçoivent un colis contenant une balle de calibre 308 et une lettre de menaces de la part d’ITS.
novembre 2011 : Un colis piégé est envoyé à Francisco D. González, directeur du quotidien Milenio à México, DF. Revendiquée par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
25 novembre 2011 : Un colis piégé d’ITS est intercepté et désactivé aux bureaux de Greenpeace Mexico, dirigé à l’activiste Alejandro Olivera.
8 décembre 2011 : Un colis piégé est envoyé par ITS à la directrice en recherche de l’Université Polytechnique de Pachuca à Zempoala, Marcela Villafaña. Un académicien est blessé lorsqu’il ouvre le colis.
19 décembre 2011 : Cinquième communiqué d’ITS ; une critique et une déclaration de guerre contre la gauche.
décembre 2011 : Un colis piégé est envoyé par ITS à Pablo Cesar Carrillo, directeur du quotidien Milenio à León, Guanajuato. Revendiqué par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
28 janvier 2012 : Sixième communiqué d’ITS ; une autocritique.
août 2012 : Un colis piégé est envoyé aux neurologues de l’Institut Technologique Autonome du Mexique, à México, DF. Revendiqué par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
11 février 2013 : Une lettre piégée est envoyée par ITS au recherchiste en nanotechnologie, Sergio Andrés Águila, à l’Institut de Biotechnologie de l’UNAM à Cuernavaca, Morelos. Au moment d’ouvrir la lettre, celui-ci se rend compte d’une poudre noire et de fils et alerte les autorités. La lettre fut désactivée par des spécialistes de l’armée et les autorités accusèrent les cartels de l’État de Morelos.
18 février 2013 : Septième communiqué d’ITS ; une critique de la gauche radicale, de l’anarchisme, de l’écofascisme et d’articles parus dans la revue Nature à propos d’actions antitechnologiques.
21 février 2013 : Une lettre piégée blesse un travailleur du service postier à Mexico lorsqu’il décide de la soustraire et de l’ouvrir dans son auto. Plus tard durant la journée, ITS revendique la lettre en publiant une note à propos de l’incident. La cible ne fut jamais divulguée.
septembre 2013 : Un colis piégé est dirigé à Alejandra Lagunes Soto, ex-gérante de Google México et actuelle chef coordinatrice de la Stratégie Numérique Nationale de la Présidence du Mexique. Revendiqué par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
septembre 2013 : Un colis piégé est dirigé à Guillermo Turrent Schnas, directeur de Modernisation et Administration de la Commission Fédérale de l’Électricité. Revendiqué par ITS, l’information à ce sujet ne fut jamais dévoilée ni par les autorités ni par les médias.
fin janvier 2014 : Une entrevue d’ITS réalisée le 28 avril 2012 pour une publication anarchiste, Que la nuit soit illuminé, genèse, développement et essor de la tendance anarchiste informelle, est publiée avec quelques modifications de leur part.
février 2014 : Huitième communiqué d’ITS ; réponse à un article à propos d’eux dans la revue Nature et à la censure de leurs actions, ainsi que quelques clarifications sur leurs motivations.