Lycéen : ne passe pas ton bac !
Étudiant : ne passe pas tes exams !
A l’heure des gilets jaunes il y a des choses bien plus imporÂtantes à faire et cela vaut le coup de laisÂser tomÂber son curÂsus scoÂlaire ou uniÂverÂsiÂtaire : comme pour le film « L’An 01 », on fait une pause, un pas de côté, on réfléÂchit et ce n’est pas triste !
Avertissement à l’adresse des lycéennes et lycéens
N’attendez pas d’être sous contrat pour refuser d’être employés à votre enfermement !
Nous, qui sommes de la généÂraÂtion qui vous préÂcède, vouÂdrions vous averÂtir de ce que nous avons mis bien du temps à réaÂliÂser : presque rien de ce qui compte réelÂleÂment — PARCE QUE DÉTERMINANT CE QUI ARRIVE À NOS VIES — n’est plus déciÂdé par des humains et encore moins souÂmis à leur sufÂfrage. Ce qui s’appelait « citoyen » (un indiÂviÂdu qui prend part aux orienÂtaÂtions de la Cité) a cesÂsé d’exister.
Tant est proÂfonde la déposÂsesÂsion des êtres sur l’organisation de leur vie que déjà il n’y a presque plus d’histoires mais le dérouÂleÂment du fil d’un proÂcesÂsus autoÂmaÂtique. Presque tout ce qui est essenÂtiel est confisÂqué par les pouÂvoirs domiÂnants. L’usage de la terre pour bâtir un lieu habiÂtable et y faire pousÂser ce que bon nous semble, est chaque jour plus proÂbléÂmaÂtique ; l’eau, les semences, l’énergie, se trouvent capÂtées par une poiÂgnée d’institutions mulÂtiÂnaÂtioÂnales puis disÂtriÂbuées à ceux qui peuvent se les offrir ; les mécaÂnismes vivants deviennent proÂpriéÂtés des indusÂtriels qui les dénaÂturent pour en faire des proÂduits stanÂdards et comÂmerÂciaÂliÂsables. L’homme dans son corps et son esprit est chaque jour plus façonÂné et contrôÂlé par des disÂpoÂsiÂtifs machiÂnaux.
Comme à vos parents, il vous sera proÂpoÂsé de prosÂpéÂrer en proÂduiÂsant la dégraÂdaÂtion de ce qui vit encore et en pousÂsant encore plus loin la diviÂsion du traÂvail qui en même temps qu’elle fait disÂpaÂraître le sens de ce que nous fabriÂquons, éloigne la vie indiÂviÂduelle de toute posÂsiÂbiÂliÂté d’autonomie.
L’ordre social vous proÂpoÂseÂra d’abord de tenir un poste de traÂvail dans son orgaÂniÂsaÂtion. Vous êtes à l’école pour vous préÂpaÂrer à ce rôle et à en accepÂter les exiÂgences. Il est difÂfiÂcile de dire en quoi ceci consisÂteÂra exacÂteÂment car il s’agira avant tout de faire foncÂtionÂner cerÂtaines techÂniques et outils en cours de déveÂlopÂpeÂment. TechÂniques et outils que perÂsonne ne connaît tout à fait ni n’a vraiÂment vouÂlu, mais dont le but est d’accroître le contrôle des insÂtiÂtuÂtions sociales diriÂgeantes sur le monde et ses resÂsources. Très peu d’activités échapÂpeÂront à ce deveÂnir, et en tout cas pas celles qui nous nourÂrissent (l’alimentation l’éducation, l’information) ou sont cenÂsées parÂtiÂciÂper à notre bien-être (la sanÂté, la recherche de connaisÂsances).
IL SERA EXIGÉ DE VOUS DE COLLABORER AVEC SOUMISSION À CE QUI EST TRAIN D’ADVENIR. Toute votre intelÂliÂgence et votre connaisÂsance des techÂniques modernes perÂmetÂtront le proÂgrès de la ratioÂnaÂliÂsaÂtion de l’organisation sociale de la catasÂtrophe. Les plus brillants et les plus zélés prenÂdront place parÂmi ceux qu’on nomme « diriÂgeants » parce qu’ils sont charÂgés de ratiÂfier dans les postes qu’ils tiennent dans la haute admiÂnisÂtraÂtion du sysÂtème, les déciÂsions que l’ordre en place réclame.
Vous le savez déjà , on vous l’a sufÂfiÂsamÂment dit, DANS LA SOCIÉTÉ MODERNE UN POSTE DE TRAVAIL EST LA CHOSE LA PLUS PRÉCIEUSE CAR D’UNE PART IL N’Y EN AURA PAS POUR TOUT LE MONDE, MAIS SURTOUT, EN ÉCHANGE DE LA PART DU DÉSASTRE QUE VOUS SEREZ EMPLOYÉ À PRODUIRE, VOUS AUREZ ACCÈS À L’ULTIME PRIVILÈGE OFFERT AUX HUMAINS : DISPOSER D’UNE LIGNE DE CRÉDIT POUR CONSOMMER SANS RESTRICTION TOUT CE QU’IL RESTE À CONSOMMER. Pour cela vous serez donc conduits à resÂserÂrer un peu plus le contrôle qui s’exerce sur tout ce qui vit et qui conduit à l’éradication de la diverÂsiÂté du vivant et son remÂplaÂceÂment par une vie artiÂfiÂcielle, autoÂmaÂtique et stanÂdarÂdiÂsée.
La science domiÂnante a le mérite de nous renÂseiÂgner du désastre qu’elle engendre : les spéÂciaÂlistes de la bioÂsphère nous disent qu’au rythme actuel de dégraÂdaÂtion de la bioÂdiÂverÂsiÂté, d’ici le milieu du siècle, la pourÂsuite des actiÂviÂtés indusÂtrielles aura cauÂsé la disÂpaÂriÂtion de la moiÂtié des espèces vivantes.
Il faut vous dire qu’en dépit des efforts faits par les humains pour criÂtiÂquer la techÂnoÂmarÂchanÂdiÂsaÂtion du monde, rien pour l’instant n’a ralenÂti ce proÂcesÂsus. Si l’évidence de la déraiÂson de notre monde n’affaiblit en rien sa marche, c’est que les humains ont été convainÂcus qu’ils ne pouÂvaient être les acteurs de leur deveÂnir. NOUS VIVONS DANS UN MONDE OÙ L’INSATISFACTION EST PRESQUE UNANIME MAIS DANS LEQUEL TRÈS PEU PENSENT À REMETTRE EN QUESTION LEUR PARTICIPATION À LA LOGIQUE DU SYSTÈME SOCIAL.
Les moyens d’échapper au contrôle social s’épuisent à mesure que les disÂpoÂsiÂtifs de surÂveillance se mulÂtiÂplient pour proÂtéÂger la priÂvaÂtiÂsaÂtion du monde. Les fronÂtières ne laissent filÂtrer que les serÂviÂteurs du sysÂtème, l’accès aux difÂféÂrents réseaux straÂtéÂgiques fait l’objet d’un contrôle perÂmaÂnent, le fichage du bétail humain et aniÂmal s’impose comme une condiÂtion d’existence, le bioÂconÂtrôle prenÂdra bienÂtôt soin de nous de la naisÂsance à la mort.
AinÂsi devient-il de plus en plus incerÂtain de pouÂvoir résisÂter à cet enferÂmeÂment ; une fois signée votre lettre d’engagement avec la sociéÂté moderne vous aurez moins le loiÂsir de penÂser et agir. Nous vouÂdrions vous sugÂgéÂrer d’utiliser votre temps libre pour d’abord senÂtir et penÂser par vous-mêmes, pour vous docuÂmenÂter et débattre et pour déterÂmiÂner par avance quel type d’existence vous semble valoir la peine d’être vécue. Et de vous préÂpaÂrer ensuite aux efforts nécesÂsaires pour la faire adveÂnir. Inutile d’attendre votre carte d’électeur pour dire NON À LA MISÈRE PRÉVISIBLE DES VIES À VENIR.
Si l’expérience hisÂtoÂrique peut encore exisÂter, elle doit d’abord révéÂler dans quelle mesure une généÂraÂtion nouÂvelle pourÂrait se mobiÂliÂser au-delà de toutes les sépaÂraÂtions, réconÂciÂlier les difÂféÂrentes formes d’intelligences qui ont surÂgi ici ou là , et libéÂrer le vivant de son enferÂmeÂment préÂsent.
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Texte rédiÂgé en comÂpléÂment du film de Jean DRUON (95 mn, 2005) : ALERTE À BABYLONE =16 témoiÂgnages sur l’horreur absoÂlue et défiÂniÂtive de notre monde esclave de la proÂliÂféÂraÂtion techÂnoÂloÂgique.
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