Traduit depuis : http://ritualmag.com/toward-savagery/ Un texte qui nous a semblé intéressant. Nous ne cautionnons ni n'approuvons tout.
Elle fut appelée la guerre de Chichimeca, et elle a commencé aux environs de la mort d’Hernan Cortes (en 1547), qui mettait symboliquement fin à la “première” conquête du Mexique. La nouvelle guerre, qui se déroulait dans les grandes étendues sauvages au Nord du territoire de la victoire Cortésienne, fit couler le sang pendant quatre décennies, entre 1550 et 1590 ; ce fut la plus longue guerre Indienne de l’histoire de l’Amérique du Nord, et la première compétition permanente entre la civilisation et la sauvagerie.
— Philip Wayne Powell, Soldiers, Indians, & Silver : North America’s First Frontier War (Soldats, Indiens & Argent : la première guerre frontalière de l’Amérique du Nord)
Voici l’heure, voici l’instant des sorcelleries nocturnes,
Où baillent les tombeaux, où de l’enfer il monte une contagion
Maintenant, je pourrais boire du sang tout chaud
Et faire une de ces actions amères que le jour tremblerait de regarder.
— William Shakespeare, Hamlet Acte 3, Scène 2
Introduction
En 2011, un groupe s’appelant “Identités Tendant vers le Sauvage” (Individualidades Tendiendo a lo Salvaje—ITS) débuta une série d’attaques écoterroristes au Mexique. Ces attaques allaient de petites bombes envoyées par courrier à diverses institutions de recherche à travers le pays, à l’assassinat d’un chercheur en biotechnologie de Cuernavaca, Morelos. Lors de chaque tentative de posage de bombe ou d’assassinat, ITS publie un communiqué expliquant les raisons de ces attaques, et utilise les attentats comme une « propagande par l’action », afin de propager ses idées. En 2014, après une série de polémiques et d’autocritiques, ITS aurait rejoint d’autres groupes alliés au Mexique, sous l’égide d’une nouvelle appellation : « Réaction Sauvage » (Reacción Salvaje—RS). Ce groupe se décrivait lui-même comme un collectif, entre autres, de « saboteurs nihilistes, nomades incendiaires, délinquants individualistes, anarcho-terroristes, critiques politiquement et moralement incorrects ». Depuis sa renaissance, RS a revendiqué une explosion lors d’un téléthon ainsi que lors d’une récente manifestation contre le gouvernement, à Mexico.
Il n’y a aucun moyen de connaître les effectifs ou la taille d’ITS/RS, leurs origines paraissent obscures, et leurs influences indéfinies. Dans leurs communiqués, on retrouve plusieurs citations de Théodore Kaczynski (également connu sous le nom d’Unabomber, ou du « Freedom Club »), ainsi que plusieurs références à Max Stirner et à d’autres penseurs anarcho-primitivistes. Leur méthode d’action et leur goût pour les communiqués rappellent manifestement Kaczynski. A travers leurs écrits, cependant, les individus d’ITS/RS insistent sur le fait qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes éthiquement et idéologiquement. Comme exprimé dans le premier communiqué d’ITS :
Si nous devions mettre des noms sur la guerre contre la civilisation, comme ceux qui promeuvent la « révolution », les « révolutionnaires », ou « pseudo-révolutionnaires », nous tomberions dans le même piège que ces marxistes qui excluent les gens, parce qu’ils seraient des « contre-révolutionnaires ». Nous tomberions également dans le même dogmatisme religieux des schémas progressistes, où la Nature Sauvage est Dieu, Ted Kaczynski, le messie, le manifeste Unabomber, la bible, où les apôtres sont Zerzan, Feral Faun et Jesús Sepúlveda, entre autres, où le paradis tant attendu est la chute de la Civilisation, où les illuminés et prédicateurs sont les “révolutionnaires” maintenus dans la foi qui serait la confiance aveugle qu’un jour arrivera la “révolution”, où les disciples seraient les “potentiellement révolutionnaires”, les croisades et les missions seraient d’apporter la bonne parole aux cercles impliqués dans les luttes écologistes ou anarchistes (selon où se trouvent les “potentiellement révolutionnaires”) et les athées ou les sectes seraient ceux d’entre nous qui ne croient pas à leur dogme ou qui n’acceptent pas leurs idées comme étant cohérentes avec la réalité.
Le but de cet article est d’analyser la trajectoire idéologique d’ITS/RS, et de tenter de la relier de manière plus générale à d’autres courants intellectuels et historiques. Dans cette analyse, je compte schématiser le développement de ce groupe au niveau idéologique, en montrant les changements et les continuités au sein de leurs idées, à l’aide de leurs actions militantes. Je crois que l’histoire d’ITS/RS est une histoire d’échappatoire idéologique vis-à-vis des tendances anarchistes progressistes, qui inclut une rhétorique tirée de l’anarchisme insurrectionnel et des luttes pour les libérations animales, à travers l’approfondissement de l’idéologie anti-industrielle de Theodore Kaczynski. Cette séparation a exposé une polémique intense en opposition à l’idée de Kaczynski de révolution contre le « système techno-industriel ». Au lieu de cela, ITS/RS a préféré une critique individualiste égoïste de l’action de masse inspirée des éclairages tirés de leurs propres investigations anthropologiques sur les chasseurs-cueilleurs au Mexique. J’affirme qu’ils en sont arrivés à une approche « post-politique » à travers leurs actes terroristes extrêmes, en cherchant à recouvrer une sauvagerie indigène que l’on trouve dans la longue histoire de la civilisation du Mexique et de ses résistances. Enfin, je comparerai les tendances idéologiques actuelles de RS aux données historiques et anthropologiques disponibles. Selon moi, le développement idéologique d’ITS/RS est une approche innovante de la pensée anti-civilisation, bien qu’ils s’attachent à des vestiges romantiques et à une rhétorique exagérée obscurcissant souvent leur message.
Hors du Progressisme, Vers le sauvage
Dans son septième communiqué, publié le 22 février 2012, ITS écrit ce qui suit :
Suivant les thèmes d’un individu anarchiste, nous reconnaissons publiquement avoir commis des erreurs dans nos précédents communiqués (en particulier le premier, le second et le quatrième) lorsque nous avons mentionné des sujets que nous ne connaissions pas personnellement, mais que nous considérions à ce moment-là comme des alliés potentiels. A ce moment-là, ITS était très influencé par les courants libérationnistes (des animaux et de la Terre) et par les insurrectionnalistes, qui étaient initialement partie intégrante de notre développement idéologique, mais que nous avons aujourd’hui délaissés, comme vous pouvez le lire ci-dessus, en nous changeant en quelque chose de différent.
Une des organisations mexicaines publiant les documents d’ITS/RS est Ediciones Aborigen. Cette organisation a publié de nombreux communiqués d’ITS/RS, ainsi que des études souvent en collaboration avec ITS/RS. Dans une de leurs publications, Palabras Nocivas, Ediciones Aborigen décrit sa propre histoire ; notamment comment leur activité d’édition a émergé de la dissolution d’un journal précédemment intitulé Rabia y Accion. Un ancien journal insurrectionnaliste, qui couvrait les luttes de libérations animales et de la Terre au Mexique et ailleurs. Le 10ème numéro du journal, publié en 2012, annonçait sa dissolution, en expliquant que ses auteurs étaient aujourd’hui opposés à leur précédent penchant envers les actions pour les droits des animaux et de la Terre. Ils en vinrent à considérer ces actions comme « réductionnistes », comme des « fuites psychologiques », « sentimentalistes ». Les auteurs exprimaient aussi leur accord avec la thèse de Kaczynski selon laquelle la lutte contre le « système techno-industriel » est la seule qui compte. Ils ont également republié un essai de 2003 intitulé, « Stirner, l’Unique, l’Egoïste, et le Sauvage », où l’auteur écrit ce qui suit : « le véritable être humain, non pas le civilisé mais le sauvage, a été sacrifié à la gloire de la domination, sur l’autel de la civilisation, aux côtés des autres animaux sauvages et de la planète elle-même ».
De nombreux thèmes abordés par les auteurs de Rabia y Accion faisaient écho à ceux d’ITS/RS, y compris la critique du progressisme, des luttes collectivistes, ainsi que la domestication que l’on retrouve au cœur de la civilisation. Les premiers communiqués d’ITS expriment également un horizon d’action qui s’étendait vers l’activisme de la libération animale et de la Terre. Leurs attaques contre la nanotechnologie et contre les scientifiques travaillant sur divers projets technologiques étaient une tentative pour atteindre une audience plus large que les campagnes contre les fermes-usines et la vivisection, sur lesquelles se concentraient des groupes éco-anarchistes au Mexique. Alors que les attaques s’étaient jusqu’à présent concentrées sur les souffrances concrètes et l’exploitation d’animaux et de morceaux de terre, ITS s’est concentré sur le « système techno-industriel » dans son ensemble, tel que défini par Kaczynski durant sa propre soi-disant campagne contre l’infrastructure scientifique dans les années 80 – 90.
La trajectoire idéologique d’ITS/RS et de ses alliés semble être une intensification, une purification, peut-être même paranoïaque, du message concernant l’assaut contre la technologie et la civilisation. A travers ce processus d’autocritique, le groupe ITS/RS s’est libéré de ses attaches progressistes, anarchistes, et collectivistes, pour se diriger de plus en plus vers un message « plus pur », de guerre absolue contre la civilisation techno-industrielle, ainsi que vers une conversion au « sauvage », autant que possible. Comme ITS l’a écrit dans son premier communiqué :
Laissez-nous voir la vérité. Laissez-nous planter nos pieds sur Terre et arrêter de planer avec les progressistes illuminés. La révolution n’a jamais existé, pas plus que les révolutionnaires. Ceux qui se considèrent comme « potentiellement révolutionnaires » et qui recherchent le « changement radical anti-technologique » sont véritablement irrationnels et idéalistes parce que cela n’existe pas. Tout ce qui existe dans ce monde moribond c’est l’autonomie de l’individu et c’est ce pour quoi nous luttons. Et même si tout cela est inutile et stérile, nous préférons nous soulever dans une guerre contre la domination plutôt que rester inertes, simples observateurs, passifs, ou partie de tout cela.
La critique d’ITS finit par abandonner tout semblant de discours progressiste, y compris son ancienne identité d’écologie radicale. Par conséquent, elle renonce aussi aux catégories idéologiques comme « l’humanisme », « l’égalité », la « pluralité », etc. Dans le processus, ITS/RS a mis de côté une critique acerbe de la révolution, du progressisme, et même de la société elle-même, au profit du seul objectif de la déstabilisation du système technologique moderne. La conclusion définitive d’ITS/RS fut rapidement établie : la véritable communauté et solidarité humaine ne peut exister sous la civilisation techno-industrielle, et par conséquent toutes les idées et valeurs qui l’accompagnent sont obsolètes et pernicieuses. L’action collective est donc bannie ; seule la résistance d’individus s’opposant au système est appropriée pour ceux qui se ré-ensauvagent. A cet égard, aucune action ou tactique n’est exclue.
Les enfants bâtards de Theodore Kaczynski
En Janvier 2012, ITS a publié son sixième communiqué, une autocritique de diverses tendances présentées dans leurs communiqués précédents. Le communiqué commence par critiquer l’ancienne règle d’orthographe de placement d’un « x » à la place d’un « o » ou d’un « a » dans certains noms personnels pour préserver une neutralité de genre. ITS y clarifie également sa position dans sa relation avec le « progressisme », expliquant qu’ils n’enverraient plus de messages de solidarité aux prisonniers anarchistes comme ils l’avaient fait dans les précédents communiqués, et ne sous-entendraient plus faire partie d’un « mouvement » ou d’une « révolution » visant à renverser ou à altérer le « système techno-industriel ». ITS y résume sa critique du progressisme en expliquant :
Quant à notre position, quel rapport avec notre guerre contre le progressisme ? Nous avons réexaminé ce que nous avons dit par le passé, et avons conclu que le progressisme est un facteur méritant à peine le rejet, la critique et la rupture d’avec ceux qui luttent contre le système techno-industriel, et rien de plus.
Leur critique du progressisme n’est pas sans rappeler celle de Theodore Kaczynski. Dans le paragraphe 214 de son fameux livre « la société industrielle et son avenir », Kaczynski explique :
Pour pallier ce danger, un mouvement défendant la nature et combattant la technologie doit prendre une position résolument anti-progressiste et doit éviter toute collaboration avec ces gens-là. Le progressisme est à long terme en contradiction avec la nature sauvage, la liberté humaine et l’élimination de la technologie moderne. Il est collectiviste ; il cherche à faire du monde entier — aussi bien de la nature que de l’espèce humaine — un tout unifié. Cela implique l’administration de la nature et de la vie humaine par des sociétés organisées et cela requiert des technologies avancées. On ne peut avoir un monde unifié sans transports rapides et sans communications, on ne peut faire en sorte que tout le monde aime son prochain sans manipulations psychologiques sophistiquées, on ne peut avoir une « société planifiée » sans l’indispensable infrastructure technologique. Par-dessus tout, le progressiste est mû par son besoin de puissance, et il cherche à le satisfaire sur une base collective, en s’identifiant à un mouvement de masse ou à une organisation. Il ne renoncera probablement jamais à la technologie, arme trop précieuse pour exercer un pouvoir collectif.
Dans son septième communiqué, ITS développe une critique de l’affinité entre anarchisme et sociétés primitives. ITS défend par exemple la discrimination, l’autorité et la hiérarchie familiale dans le contexte de la vie de chasseur-cueilleur. Cela semble aussi lié à la critique de Kaczynski dans son essai « la vérité sur la vie primitive : une critique de l’anarcho-primitivisme » :
Le mythe du progrès n’est peut-être pas encore mort, mais il agonise. A sa place croit un mythe, particulièrement mis en avant par les anarcho-primitivistes, bien qu’il soit également répandu dans d’autres milieux. Selon ce mythe, avant l’avènement de la civilisation, personne ne travaillait, les gens cueillaient simplement leur nourriture sur les arbres, l’avalaient tout rond et passaient leur temps à jouer avec les enfants et les fleurs. Les hommes et les femmes étaient égaux en droits, il n’y avait pas de maladies, pas de compétition, pas de racisme, pas de sexisme ou d’homophobie, les gens vivaient en harmonie avec les animaux et tout était amour, partage et coopération.
Ce qui précède est bien évidemment une caricature de la vision des anarcho-primitivistes. La plupart d’entre eux — je l’espère — ne sont pas aussi déconnectés que cela de la réalité. Ils en sont néanmoins relativement détachés, et il est grand temps que quelqu’un fasse l’exégèse de leur mythe.
Ces positions, ainsi que les citations fréquentes des écrits et des actions de Kaczynski indiquent clairement une influence de celui que l’on appelle « l’Unabomber » sur le groupe mexicain. Cependant, ce qu’ils retirent de leurs lectures de Max Stirner et d’autres théoriciens radicaux les entraîne sur une voie bien différente de celle qui incite à la « révolution » contre la société techno-industrielle telle que la concevait Kaczynski. En effet, cette position était prépondérante dans les premiers communiqués d’ITS, bien qu’édulcorée ou vaguement assumée, comme dans ce passage tiré de leur second communiqué :
Nous n’oublions pas que Kaczynski est en QHS, isolé du reste du monde depuis 1996 ; s’il sortait de prison aujourd’hui, il remarquerait probablement que tout est (bien) pire que ce qu’il a pu observer au siècle dernier, il verrait à quel point la science et la technologie ont progressé dans leur saccage et leur perversion. Il réaliserait à quel point les gens sont aujourd’hui aliénés par l’utilisation de la technologie, qu’ils ont d’ailleurs placée sur un autel, en tant que leur dieu, leur nécessité élémentaire, leur propre vie. A cet égard, le concept de « révolution » est obsolète, stérile et en décalage avec les idées anti-civilisation que nous voudrions exprimer. Un mot qui a lui-même été usé par différents groupes et individus à travers l’histoire, dans leur quête de pouvoir, de domination et de prétention à se placer au centre de l’univers. Un mot qui a servi de rêve à tous les progressistes qui croient qu’un jour celui-ci les libèrera de leurs chaînes.
Après qu’ITS est devenu RS en 2014, une vive polémique a été entamée contre Ediciones Isumatag (EI), un site web espagnol pro-Kaczynski. Dans un communiqué intitulé, « quelques réponses concernant le présent et NON le futur », plusieurs factions de RS répondent aux critiques d’EI concernant le fait qu’ils ne soutiennent aucun mouvement anti-technologique pouvant potentiellement entraîner un renversement révolutionnaire du système techno-industriel. Dans sa réponse, RS explique qu’une telle révolution devrait être soutenue sur une longue période, et à échelle globale, un évènement n’ayant historiquement aucun précédent.
D’ailleurs, selon RS, la seule révolution ayant eu un effet transformateur international fut la révolution industrielle. Attendre une révolution dans un futur indéfini c’est n’espérer « rien de concret, que du vent ». La « révolution » est, en un mot, impossible, et peut-être pas même désirable. RS choisit donc de vivre et lutter au présent contre la domestication et la subjugation :
Lorsqu’ITS (à l’époque), ou les factions de RS, ont déclaré ne rien attendre des attaques que nous entreprenons, nous faisons référence à ce que l’on associe spécifiquement au « révolutionnaire » ou à « ce qui est transcendantal dans la lutte ». Nous n’espérons pas la « révolution », pas la « crise mondiale », pas plus les « conditions idéales ». Nous espérons seulement sortir indemnes et victorieux à chaque attaque, avec toujours plus d’expériences pour les étapes suivantes qui seront toujours plus constantes, destructrices et menaçantes.
Par conséquent, RS considère la révolution anti-technologique de Kaczynski à la fois comme illusoire et comme une entrave à l’action extrémiste immédiate. Le seul mode d’action acceptable aux yeux d’ITS/RS en est un où seul le présent compte, un qui s’attaque à la machine technologique massive sans se soucier des effets à long terme ou des conséquences. ITS/RS abandonne son obligation envers le futur au nom de violentes actions individualistes qui sont un « défoulement » féral contre leur propre domestication. Il est clair qu’ITS/RS n’a jamais considéré que faire autre chose soit possible ou constructif. Ce que je vais tenter de montrer à travers la suite de cet essai, c’est le cheminement qui les a menés à ces conclusions, et comment leur propre étude du passé les a conduits à rejeter le futur au nom d’un présent sauvage.
Jusqu’à ta mort ou la mienne !
La transition d’ITS vers sa nouvelle identité de RS en 2014 est marquée par un tournant décisif vers l’histoire du Mexique. La pensée anti-civilisation, au Mexique, comprend l’étude des siècles de résistance contre la civilisation qui existait déjà avant l’arrivée des Européens. Les tribus de chasseurs-cueilleurs du Nord du Mexique, en particulier, étaient une menace constante pour les civilisations qui prospéraient lors de l’arrivée des Européens. Bien qu’on trouvait dans cette région du monde la domestication de plantes comme le maïs, colonne vertébrale de l’agriculture sédentaire à travers le continent, le mode de vie civilisé échoua à dominer certaines régions environnantes des empires Mésoaméricains pré-conquête. Même après la conquête espagnole de 1521, ces tribus du Nord, appelées les « Gran Chichimeca » (Grands Chichimèques), menèrent une guerre sans merci contre le développement de l’empire. Cette guerre dura presque 40 années. RS s’inspire substantiellement de cet évènement historique, comme ils l’ont récemment expliqué :
Ediciones Isutamag écrit dans son texte que la confrontation directe revient à se suicider tôt ou tard, et ils ont raison. Mais nous avons décidé pour nous-mêmes, nous savons que nous connaîtrons peut-être le même sort d’emprisonnement ou de mort que les guerriers sauvages Chichimèques, Tanamaztli et Maxorro, comme ce qui est arrivé aux Chichihueca indomptés Red Sleeve et Cochise. Nous le savons bien, nous avons choisi de nous engager dans une lutte à mort contre le système plutôt que de nous conformer et d’accepter la condition des humains ultradomestiqués qu’ils essaient de nous imposer. Nous nous souvenons que chaque personne est différente. Il est assez rassurant pour certains de se complaire dans l’illusion qu’un jour une grande crise se produise, et qu’ils œuvreront alors à ce moment-là à faire effondrer le système. Mais pour nous ce n’est PAS le cas. Nous ne sommes pas des idéalistes, nous voyons les choses comme elles sont, ce qui nous pousse à la confrontation directe, ainsi qu’à en assumer les conséquences.
RS et leurs alliés ont également fait imprimer des journaux tels que Regresion et Palabras Nocivas, publiant à la fois leur propagande et des informations sur l’histoire indigène des luttes contre la civilisation. Par exemple, en Octobre 2014, une édition de Regresion fut publiée concernant la résistance Chichimèque contre la colonisation espagnole et la guerre de Mixton du 16ème siècle. La guerre de Mixton fut un soulèvement en 1541 de peuples nouvellement conquis contre la domination espagnole dans le centre du Mexique. Ces indigènes étaient des agriculteurs sédentaires qui étaient « retournés » vers un mode de vie de chasseur-cueilleur dans les collines et les montagnes du centre du Mexique pour combattre les espagnols. L’année suivante, les forces indigènes remportèrent des victoires impressionnantes, mais ils furent vaincus de manière décisive en 1542 par une coalition d’espagnols et leurs alliés indigènes. Comme l’écrit l’auteur de l’article de Regresion :
Cinvestay avait altéré et modifié génétiquement un grand nombre de plantes anciennes et exotiques. Dont le chilague, une de nos plantes ancestrales. De nombreux sauvages furent sauvés de la mort grâce à cette plante, et purent donc continuer à mener leur guerre contre la civilisation. On peut effectivement affirmer que la guerre de Mixton (1540–1541), de Chichimeca (1550–1600), et la rébellion de Guamares (1563–1568) étaient d’authentiques luttes contre la civilisation, la technologie et le progrès. Les sauvages Chichimèques ne voulaient pas de nouveau ni de meilleur gouvernement. Ils ne voulaient ni ne défendaient les villes ou les centres névralgiques des civilisations mésoaméricaines attaquées. Ils ne cherchaient pas la victoire. Ils ne souhaitaient qu’attaquer ceux qui les avaient attaqués et menacés. Ils cherchaient la confrontation, d’où leur cri de guerre “Axkan kema, tehualt, nehuatl!” (Jusqu’à ta mort, ou la mienne!).
Le Chichimèque est l’archétype du “sauvage” dans la pensée actuelle de RS, plus que n’importe quel autre groupe de chasseur-cueilleur. En tant que nomades chasseurs-cueilleurs du Nord de la civilisation Mésoaméricaine, ils avaient été les ennemis féroces des villes agricoles sédentaires du centre du Mexique avant l’arrivée des espagnols. La nouvelle affinité de RS avec l’histoire des Gran Chichimecas est le meilleur indicateur de leur virage idéologique. Il devient alors non seulement nécessaire de rejeter le progressisme et la « révolution » contre le système techno-industriel, mais aussi de retourner vers la « sauvagerie », et d’adopter l’ethos des « sauvages » qui s’étaient battus contre la civilisation. RS cherche alors à passer de la critique à l’abandon total de l’esprit civilisé, en se tournant vers une attitude qu’ils perçoivent comme « sauvage » et plus en harmonie avec la nature, qui est le seul bien.
Le penchant intellectuel de RS vers une nouvelle sauvagerie semble être un résultat d’une étude des sources historiques disponibles. Bien que ces sources tendent à décrire le Gran Chichimeca comme un lieu inhospitalier et violent, il ne fait aucun doute que ces calomnies n’ont fait qu’inspirer RS d’autant plus dans leur adoption d’une identité « férale ». Le caractère brut de la vie de chasseur-cueilleur dans une région aride est toujours lié à la liberté à leurs yeux. Un article de recherche indépendant cité sur le blog El Tlatlol est intitulé « Repenser le Nord : le Gran Chichimeca – un dialogue avec Andres Fabregas ». Un de ses passages cite l’empereur aztèque précolombien Moctezuma Ilhuicamina, qui prononça ce qui suit concernant la réécriture de l’histoire aztèque :
Nous devons reconstruire notre histoire, car nous sommes comme les Chichimèques de la vallée du Mexique, et que cela ne peut être. Nous devrions donc effacer cette histoire Chichimèque passée et en construire une autre : l’histoire de notre peuple civilisé du Mexique, de notre construction de la grande Tenochtitlan.
Fabregas, dans cette interview, résume également les comportements des aztèques et d’autres indiens civilisés :
Et effectivement, les Mexicas, pour renoncer au passé, se détourner de ce passé Chichimèque, ont inventé le terme, et le concept même selon lequel les peuples du Nord, du Nord du centre du monde – étant donné que Mexico est au centre du monde – sont des incivilisés. Ils utilisèrent un argument qui nous semblerait anecdotique, mais qui était crucial à ce moment-là, à savoir : les Chichimèques ne savaient pas comment faire des Tamales, et donc encore moins comment les manger. Nous trouvons cela anecdotique, mais le fait est que faire des Tamales était une transformation complète de la nature. Un savoir impressionnant concernant la nature. Comme un résumé de l’histoire culturelle. Ce qui revient à dire que les Chichimèques étaient incapables d’avoir une culture.
D’autres Mexicas ont annoncé le biais européen contre la vie « primitive » des chasseurs-cueilleurs, décrivant le territoire des Chichimèques aux premiers chroniqueurs espagnols de façon très négative : « C’est un territoire de pénurie, de peine, de souffrance, de fatigue, de pauvreté et de tourment, de rochers arides, un lieu d’échec, de lamentation ; un lieu de mort, de soif, de malnutrition. Un lieu de faim, un lieu de mort ».
Le rejet de RS de la mortalité semble à un certain égard inspiré par ce qu’ils estiment être les attitudes des Chichimèques à l’encontre de la société occidentale chrétienne. Par exemple, dans un communiqué revendiquant la responsabilité d’une attaque récente sur le téléthon national, en novembre 2014, la « faction des chasseurs nocturnes » de RS explique : « Sans recourir à plus d’explications, nous ne sommes pas chrétiens, et la noblesse ne peut nous être attribuée ! Nous sommes des sauvages ! Nous ne cherchons pas ni ne défendons la charité des autres ou pour les autres ! ». L’immortalité apparente et la férocité de la lutte est une caractéristique commune connue des Chichimèques dans leur guerre contre les espagnols, et leurs alliés indiens chrétiens. L’universitaire US, Philip Wayne Powell, dans son livre crucial sur la guerre du Chichimeca, Soldiers, Indians, & Silver (en français : Soldats, Indiens et Argent), explique ce qui suit concernant le traitement des ennemis capturés par les Chichimèques, lors des affrontements :
Les tortures que les Chichimèques faisaient subir à leurs ennemis capturés étaient de plusieurs sortes. Parfois, la poitrine de la victime était ouverte, le cœur retiré tandis qu’il battait encore, à la manière des sacrifices Aztèques ; cette pratique était caractéristique des tribus proches des peuples sédentaires du Sud. La pratique du Scalp était également répandue au sein des Gran Chichimecas, souvent alors que la victime était encore vivante. Les guerriers découpaient aussi les parties génitales et les plaçaient dans la bouche de leur victime. Ils empalaient leurs victimes, « à la manière des turcs ». Ils retiraient diverses parties du corps, des os des jambes, des bras et des côtes, jusqu’à la mort de leurs captifs ; les os étaient souvent portés en tant que trophées. Certaines victimes étaient jetées du haut de falaises ; d’autres étaient pendues. Ils leurs ouvraient parfois le dos, en arrachant leurs tendons, qu’ils utilisaient pour lier le bout de leurs flèches. Les petits enfants, qui ne marchaient pas encore, étaient attrapés par les pieds, leurs têtes fracassées contre des rochers jusqu’à ce que leur cerveau en sorte.
Malgré, et peut-être à cause de leur barbarie, les Chichimèques ne furent pas vaincus militairement, dans l’ensemble, par les espagnols et leurs alliés indiens asservis. Ils étaient des guerriers féroces avec « l’avantage du terrain », et la guerre espagnole contre eux a duré des décennies, au cours du 16ème siècle. Du point de vue de Réaction Sauvage, ils sont l’archétype des opposants contre la civilisation, dans le contexte du Mexique. Dans un communiqué récent, certains membres admettent s’être rendus dans les régions où ces batailles eurent lieu, afin d’interroger les locaux pour avoir plus de détails et confirmer ce qu’ils avaient lu dans les livres d’histoire des « civilisés ».
Des membres de RS, ainsi que du journal Regresión et Ediciones Aborigen, résument l’importance des Chichimèques pour leur idéologie éco-extrémiste dans une compilation anthropologique, « le lieu des sept caves » :
Chez Réaction Sauvage, nous considérons Chicomoztok [Le Lieu Des Sept Caves] comme un endroit isolé de la civilisation, un site de convergence de diverses tribus nomades sauvages, qui représente la vie pleine et sauvage que nos ancêtres connaissaient avant qu’on les persuade d’adopter une vie sédentaire. C’est une vision d’un passé de régression, un souvenir de ce que nous avons peu à peu perdu. Il symbolise à nos yeux le clivage d’avec notre passé primitif et donc la défense extrême de la nature sauvage ; le feu originel qui stimule le conflit des individus et des groupes contre ce qui représente l’artificiel et le progrès.
Les Chichimèques sont le symbole de l’intransigeance de RS qui va jusqu’à mourir dans la lutte contre une force qui détruit la nature à travers la technologie et la vie civilisée. Il faut signaler que le symbole que représente le sigle RS, d’une personne indigène déguisée avec une peau de coyote et allumant un feu, est tiré d’un codex de Chicomoztok présentant un guerrier Chichimèque. La simple idée de temps est considérée comme « trop civilisée » par RS et ses alliés, et l’objectif se conçoit donc seulement de manière à être compris par un véritable « sauvage » :
Nous ne croyons pas en la possibilité de « révolutions anti-industrielles », ni en des mouvements futuristes qui pourraient (selon certains penseurs) entraîner la chute du système artificiel. Dans la nature sauvage, « possiblement » ne compte pas, pas plus que « peut-être ». Il n’y a pas de points intermédiaires, ni de points neutres. Seul existe le concret : ce qui est ou ce qui n’est pas. Il en a toujours été ainsi de la survie, et nous sommes également régis par ces lois naturelles. Le présent est tout ce qu’il y a, l’ici et maintenant. Tenter de prédire le futur ou travailler à atteindre des objectifs que l’on place dans le futur, est une perte de temps. Voilà la véritable erreur des révolutionnaires.
Conclusion : L’orgue du capitaine Vancouver, ou Comment le Nord fut conquis
Ayant parcouru la trajectoire idéologique d’ITS/RS, il me faut maintenant évaluer leur « sauvagerie » retrouvée. L’aspect suscitant le plus de questionnement demeure leur « anti-hagiographie » des Chichimèques. Bien qu’il soit clair que la guerre prit fin avec la domination espagnole, celle-ci reste trouble dans la narration idéologique de RS. S’agissait-il vraiment d’un « combat à mort » ? Les Chichimèques furent-ils tous massacrés ? Et si non, pourquoi se rendirent-ils ? Pouvons-nous même appeler cela une reddition ?
Ce que RS et ses alliés semblent ignorer, c’est que – au moins d’après le livre novateur de Philip Wayne Powell sur le sujet – la fin de la guerre des Chichimèques fut relativement pacifique et peu dramatique. Bien que certains guerriers luttèrent effectivement « jusqu’à la mort », il en fut autrement de la majorité. Il faut savoir qu’ils étaient au même niveau, voire supérieurs à leurs adversaires espagnols (même aidés de leurs alliés indiens « sédentaires »). Et bien que de nombreux Chichimèques furent capturés durant la phase de la guerre que Powell appelle « la guerra a fuego y a sangre » (la guerre à feu et à sang, ou plus succinctement, la guerre totale), l’impasse qui s’ensuivit obligea les espagnols à changer de stratégie pour mettre fin aux hostilités. Au lieu d’utiliser une méthode de pacification encourageant l’esclavagisme des Indiens comme un moyen de paiement pour les mercenaires, la Couronne décida d’utiliser l’argent de la guerre pour acheter la loyauté de divers chefs Chichimèques. En d’autres termes, ils les soudoyèrent :
La diplomatie de la paix devint moins compliquée durant la dernière décennie du 16ème siècle, lorsque les tribus Chichimèques réalisèrent qu’elles pourraient tirer profit des traités de paix, sans être attaquées par les espagnols. Au fur et à mesure, les indiens eux-mêmes initièrent des négociations de paix, faisant ainsi montre d’une volonté d’abandonner leur vie nomade et de se sédentariser.
Il nous suffit simplement d’avancer de deux siècles pour observer ce même processus plus au Nord, cette fois-ci durant la fin de la période coloniale de la Californie. Bien que ce dernier exemple soit entaché d’une tragédie encore plus importante et de violences et morts en masses à cause des maladies et de la barbarie des colons, globalement, l’asservissement des Indiens de Californie au système des missions fut presque volontaire. Comme Randall Milliken l’explique dans son livre A Time of Little Choice : The Disintegration of Tribal Culture in the San Francisco Bay Area 1769–1810 (en français : « Une époque de peu de choix : la désintégration des cultures tribales dans la baie de San Francisco entre 1769 et 1810″) :
Les villageois de la Baie furent alléchés par les produits matériels et leurs pratiques traditionnelles ridiculisées par les agents occidentaux de la complexité technologique et organisationnelle. Des morts en masse et la menace permanente d’une violence militaire écrasante contre tout groupe tentant de s’attaquer aux Missions augmentaient également la pression. Est-il surprenant que les peuples tribaux finirent par douter de la valeur de leur culture native et par accepter l’image et la redéfinition d’eux-mêmes — comme ignorants, peu-qualifiés, et méritants cette vie de subordination imposée par de nouvelles structures sociales fondées sur la caste — que cela impliquait ?
Dans certains cas, peu de contacts furent nécessaires pour convaincre les tribus indigènes de s’asservir d’elles-mêmes au joug chrétien espagnol. Dans les archives de la Mission de San Juan Bautista en Californie, on raconte l’histoire d’un orgue appartenant autrefois au capitaine George Vancouver :
A un moment, on raconte que l’orgue aurait sauvé la Mission, l’empêchant d’être détruite par les belliqueux Indiens Tulare qui descendirent sur San Juan Bautista, massacrant des néophytes et chassant les chevaux. Les Indiens chrétiens récupèrent les chevaux, et les Tulare, hurlant des cris de guerre, réapparurent. Le père De La Cuesta sortit précipitamment l’orgue, et commença à furieusement actionner la manivelle. Le vacarme de la musique déstabilisa d’abord les indiens, puis les ravit pleinement, au point qu’ils finirent par entrer dans la Mission qu’ils comptaient auparavant détruire.
C’est pourquoi RS commet une rare mais une grave erreur en considérant certains peuples comme “d’ignobles sauvages”, complètement immunisés contre l’attitude et les considérations des “civilisés”. Ce ne fut manifestement pas le cas, d’après les archives historiques. Bien que les Chichimèques luttèrent effectivement férocement pour défendre leur mode de vie, une fois qu’ils comprirent que les espagnols leur donneraient des choses et ne les asserviraient pas, ils choisirent volontairement, pour la plupart, de s’associer à leurs anciens ennemis Indiens sédentaires et de faire la paix avec l’ordre colonial. Finalement, Les Chichimèques et d’autres Indiens de la région frontalière ne menèrent pas une « lutte à mort » contre la civilisation. On ne peut donc pas leur attribuer un discours anti-civilisation, dont ils n’auraient pas compris le sens. Les peuples indigènes ne furent pas homogènes, ni ne s’allièrent entre eux de manière cohérente. Ils ne s’unirent pas contre une force que nous appellerions « civilisation ». Lorsqu’ils avaient la possibilité d’un compromis, au moins en ce qui concerne les Chichimèques et la Californie coloniale, les natifs acceptaient la fin de leur mode de vie sans trop de résistance.
L’intérêt d’ITS/RS pour leur histoire locale, leur quête pour ancrer leur lutte dans des guerres anciennes contre la civilisation, sur le sol mexicain, est hautement admirable et rafraichissant dans un contexte de concepts de gauche souvent abstraits. Cependant, leur attitude concernant la nécessité d’un « retour à la sauvagerie », une sorte de table rase de la pollution liée à la modernité et à la gauche, est un cadre intellectuel mal conçu. La seule raison pour laquelle nous savons que la civilisation est un problème, c’est parce que nous l’avons vécue, et avons compris sa volonté Prométhéenne de contrôle de la nature. « Faire table rase » est donc bien plus difficile que ce qu’ITS/RS prétend.
Néanmoins, même si nos ancêtres ont échoué dans leur lutte contre le Léviathan civilisé, j’estime, avec et à l’instar d’autres, qu’un tel combat doit continuer. La rhétorique quasi-suicidaire d’ITS/RS concernant l’affrontement de la civilisation techno-industrielle peut parfois sembler exagérée, mais étant donné la cooptation de toutes les luttes précédentes, et l’impasse que constitue la gauche, il est difficile d’argumenter contre la pertinence et la convenance d’un tel militantisme. Un animal sauvage peut fuir, mais lorsqu’il est acculé, il ne se couche pas servilement ; il attaque ; même si les chances sont contre lui, même face à une mort certaine. Un animal sauvage ne peut être tué par la civilisation que s’il ne lui est d’aucune utilité. Les animaux qui obéissent et s’arrangent avec leur maîtres illustrent l’histoire de la domestication, et son succès. Ces animaux qui craignent pour leur propre survie, c’est ce dont la civilisation a besoin. Les plans et les révolutions « pour un avenir meilleur » peuvent très bien être des pièges dans lesquels nous tombons à chaque fois. Des pièges menant à la domestication et à la servilité, une mort durant la vie, entraînant rapidement de véritables morts en masse sur toute la planète.
Nous pouvons critiquer les tactiques d’ITS/RS, leur manque d’empathie pour leurs victimes qui sont des “dommages collatéraux” lors de leurs attaques, leur prose théâtrale, leur romantisme sadique, et ainsi de suite. Mais, au final, face au cercueil de la planète, nous pourrons lire, gravé sur sa pierre tombale, qu’elle périt à cause d’un mode de vie cherchant à apporter la paix et la prospérité au prix de l’asservissement de Tout. Comparés à ce type de violence, insidieux et discret, les actes d’ITS/RS sont dérisoires, anecdotiques. Peut-être devrions-nous, nous aussi, invoquer cette « sauvagerie », cette vie insoumise, à l’intérieur, ce non serviam affirmé contre un système qui promet la paix au prix d’une lente agonie. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il est écrit : « Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s’en emparent. » (Matthieu 11 :12)
Traduction : Nicolas Casaux
A noter que Reaccion Salvaje a cessé d’exister en août 2015, bien que certains de ses membres et groupuscules affirment vouloir continuer leurs actions.
Il me semble qu’en 2015 RS est redevenu ITS. Ils continuent à exister. Voir : http://maldicionecoextremista.espivblogs.net/
Une critique en plusieurs langues (française inclue) :
https://web.archive.org/web/20190213034727/https://325.nostate.net/2017/07/21/eco-extremism-and-the-indiscriminate-attack-the-church-of-its-mexico-by-l-uk/