Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine (par PMO)

Le texte qui suit a ini­tia­le­ment été publié sur le site de PMO (Pièces et main-d’oeuvre), à l’a­dresse sui­vante.


Alertez les bébés ! 

Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine 

Ce mois d’octobre 2019 ver­ra donc l’enregistrement légal par le par­le­ment fran­çais — sauf chute d’une comète sur le Palais Bour­bon — d’un coup de force élar­gis­sant à toutes les femmes, fer­tiles ou sté­riles, seules ou en couple (ou en « trouple », ou en troupe, etc.), l’accès à la fécon­da­tion in labo, prise en charge par une équipe médi­cale et par la sécu­ri­té sociale.

Ce suc­cès, dû à une conver­gence de mou­ve­ments, ne s’arrêtera pas là.

Nous qui ne sommes ni croyants, ni catho­liques, ni de droite (ce qui n’aurait rien d’infâmant), mais de simples chim­pan­zés du futur, athées, libres pen­seurs, anti-sexistes, éco­lo­gistes radi­caux, lud­dites, etc. — comme la plu­part de nos lec­teurs — expo­sons à cette occa­sion les rai­sons de notre oppo­si­tion, à toute repro­duc­tion et modi­fi­ca­tion arti­fi­cielles de l’humain.

Que ce soit pour les homos ou les hété­ros, seuls ou en couples, avec ou sans père. C’est clair ?

Et pour que ce soit encore plus clair, nous le fai­sons avec des femmes, des fémi­nistes et des les­biennes. Celles du Femi­nist Inter­na­tio­nal Net­work of Resis­tance to Repro­duc­tive and Gene­tic Engi­nee­ring, par exemple, qui, dès les années 1980, com­bat­tait les « tech­no­lo­gies déshu­ma­ni­santes » et le génie géné­tique et repro­duc­tif, « pro­duit de déve­lop­pe­ments scien­ti­fiques qui consi­dèrent le monde comme une machine. »

L’insémination arti­fi­cielle des femmes — arti­sa­nale ou médi­cale — pra­ti­quée depuis le XIXe siècle, pré­ser­vait encore le hasard de l’engendrement. À l’inverse, avec la fécon­da­tion hors corps et le tri­pa­touillage de gamètes dans une boîte de Pétri, la repro­duc­tion bio­lo­gique devient une pro­duc­tion arti­fi­cielle, dont le vivant est la matière première.

Depuis les années 1970, les méde­cins ont de leur propre chef appli­qué ces pro­cé­dés aux femmes sté­riles puis aux fer­tiles. Ils trient les gamètes, sélec­tionnent les embryons. Déjà, ils modi­fient les génomes à l’aide des « ciseaux géné­tiques » CRIS­PR-Cas 9. En clair, ils éla­borent des hommes « aug­men­tés » (trans­hu­mains, post­hu­mains, etc.), ayant béné­fi­cié de leurs trai­te­ments ; et donc des sous-hommes, des « chim­pan­zés du futur », ceux dont les parents auront refu­sé ces trai­te­ments ou n’y auront pas eu accès. Retour de l’« hygiène de la race » et de l’eugénisme décom­plexé. Et vous, aurez-vous des enfants ? « Aug­men­tés » ou ordi­naires ? Post­hu­mains ou chim­pan­zés ? Par les voies natu­relles ou artificielles ?

La loi de bioé­thique votée en 1994, autant vio­lée par les méde­cins, qui repoussent tou­jours plus les limites de leurs prouesses, que par les « parents d’intention », adeptes du « tou­risme pro­créa­tif » afin de contraindre l’État à rati­fier leurs trans­gres­sions, en est à sa troi­sième révi­sion. En atten­dant que la qua­trième ou cin­quième révi­sion de cette loi bio-élas­tique n’étende éga­le­ment l’accès à la repro­duc­tion arti­fi­cielle aux couples d’hommes et aux hommes seuls.

Nous pro­tes­tons donc, en tant qu’humains ordi­naires, membres de l’immense majo­ri­té de l’espèce, dotés depuis nos ori­gines de facul­tés de repro­duc­tion natu­relles (libres, sexuées, gra­tuites — et par­fois défaillantes), contre l’instauration de ces pro­cé­dures arti­fi­cielles (tech­ni­co-mar­chandes), et contre la des­truc­tion et l’appropriation de nos droits repro­duc­tifs, aux mains des bio­crates. Nous pro­tes­tons contre notre sté­ri­li­sa­tion tech­no­lo­gique et sociale au pro­fit de l’espèce supé­rieure des inhu­mains géné­ti­que­ment modifiés.

Nous sommes nos corps. Nous, humains ordi­naires, ani­maux poli­tiques et chim­pan­zés du futur. Nous voi­ci donc en état de légi­time défense. Som­més d’agir ou disparaître.

Que si nous dis­pa­rais­sons, la vic­toire des plus aptes se révé­le­ra sans ave­nir. Le contrat tech­no­so­cial est un mar­ché de dupe. Croyant s’affranchir, l’homme-machine s’asservit. Croyant domi­ner, il obéit. Quand on uti­lise les moyens tech­no­lo­giques, on donne le pou­voir aux tech­no­crates. Quand on uti­lise les moyens bio­tech­no­lo­giques, on donne le pou­voir aux bio­crates. Quand on se repose de soi et de tout sur la Mère-Machine, on donne le pou­voir à la Mère-Machine.

Som­maire : 1- L’hypocrisie sélec­tion­niste. 2- Exten­sion de l’eugénisme. 3- De l’enfant arti­fi­ciel à l’espèce arti­fi­cielle. 4- La fabri­ca­tion plu­tôt que la nais­sance. 5- Droiche-gaute : le faux cli­vage qui masque les vrais. 6- Décou­vrons le com­plot hété­ro. 7- La repro­duc­tion sans homme, une aug­men­ta­tion trans­hu­ma­niste. 8- Éli­mi­ner l’humain pour éli­mi­ner l’erreur. 9- Le fait accom­pli comme contrat social : le droit du plus fort. 10- La liber­té de dis­po­ser d’un corps obso­lète. 11- Au-delà des limites : trans­for­ma­tion du désir en droit (mon désir sera ta loi). 12-Mère-Machine s’occupera de tout (mater­nage et infan­ti­lisme tech­no­lo­giques). Glos­saire : Nov­langue de la repro­duc­tion artificielle.

Si cer­tains pas­sages vous donnent une impres­sion de déjà-lu, c’est nor­mal. Ceci est une ver­sion réduite, aug­men­tée, revue, cor­ri­gée et mise à jour de Repro­duc­tion arti­fi­cielle pour toutes : le stade infan­tile du trans­hu­ma­nisme, publié en juin 2018.

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2019 sera donc l’année de l’accès à la repro­duc­tion arti­fi­cielle sans cri­tère de sté­ri­li­té (mais rem­bour­sée par la sécu­ri­té sociale). L’année où le par­le­ment aura auto­ri­sé la créa­tion d’embryons trans­gé­niques et de gamètes arti­fi­ciels, cepen­dant que les labo­ra­toires et start up fran­çais pour­sui­vaient leurs efforts en matière de séquen­çage géné­tique à haut débit et de big data géné­tique.

Cela s’appelle la bioé­thique : un pro­ces­sus ultra-rapide d’artificialisation de l’espèce humaine vali­dé par la loi. Un sas d’enregistrement légis­la­tif de l’emballement tech­no­lo­gique et du bou­le­ver­se­ment per­pé­tuel de nos condi­tions de vie. En l’occurrence, du mode de pro­duc­tion des enfants à venir et des amé­lio­ra­tions pos­sibles de ces pro­duits, en fonc­tion du pro­grès des mani­pu­la­tions géné­tiques et des desi­de­ra­ta des parents d’intention.

Ni les débats par­le­men­taires, ni les rap­ports des juri­dic­tions admi­nis­tra­tives, ni les consul­ta­tions citoyennes ne peuvent mas­quer la réa­li­té : c’est la tech­no­lo­gie qui déter­mine l’avenir de nos socié­tés et désor­mais, de l’espèce humaine. C’est là le résul­tat d’un putsch des bio­crates, dont l’immunologue Jean-Fran­çois Del­frais­sy, pré­sident du Comi­té consul­ta­tif natio­nal d’éthique, est le porte-parole :

« La science avance, en effet. Je fais par­tie de ces gens qui pensent qu’on ne peut pas l’arrêter, qu’on ne doit pas l’arrêter. […] Il y a des inno­va­tions tech­no­lo­giques qui sont si impor­tantes qu’elles s’imposent à nous[1]. »

Nous refu­sons quant à nous que des inno­va­tions tech­no­lo­giques s’imposent à nous, plus encore si elles sont impor­tantes, et c’est pour­quoi nous nous oppo­sons à toute repro­duc­tion arti­fi­cielle de l’humain, comme à toute bio­lo­gie syn­thé­tique[2].

Avec l’instrumentalisation tac­tique du « désir d’enfant » par les bio­crates, c’est le pro­jet eugé­niste (trans­hu­ma­niste) de machi­na­tion de l’espèce humaine qui se déploie der­rière un rideau de fumée sen­ti­men­tal. Nous par­lons de notre dis­pa­ri­tion en tant qu’humains ordi­naires ins­crits dans l’histoire natu­relle de la « géné­ra­tion conti­nue » (Aris­tote), évin­cés par une espèce auto­ma­chi­née, pro­duite, sélec­tion­née et modi­fiée en labo­ra­toire ; une espèce adap­tée à son tech­no­tope arti­fi­ciel. Si l’effondrement éco­lo­gique et le chaos cli­ma­tique fai­saient dou­ter de la per­sis­tance de géné­ra­tions futures, ces pro­grès de la repro­duc­tion arti­fi­cielle sou­te­nus par la tech­no­cra­tie diri­geante lèvent les der­niers doutes.

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1- L’hypocrisie sélectionniste

Rap­pel. Le mot « euge­nics » (du grec bien engen­drer) est for­gé en 1883 par Gal­ton, le cou­sin de Dar­win, pour dési­gner la « science de l’amélioration de la race ». Comme la plu­part des scien­ti­fiques de l’époque, Gal­ton défend la sélec­tion humaine arti­fi­cielle : le tri de ceux qui peuvent se repro­duire ou non. En fait, nous dit l’historien des sciences André Pichot, au début du XXe siècle, « la qua­si-tota­li­té des géné­ti­ciens et des évo­lu­tion­nistes, et une bonne par­tie des autres bio­lo­gistes et des méde­cins, ont été eugé­nistes[3]. » Le scien­tisme triom­phant affiche sa volon­té de puis­sance : les savants peuvent faire mieux que l’évolution natu­relle, en maî­tri­sant les fac­teurs de la repro­duc­tion humaine. La science amé­lio­re­ra le chep­tel humain, comme elle l’a fait pour le bétail non humain.

Dès 1907 cer­tains États amé­ri­cains, et dans les années 1920–30 la Suède, le Dane­mark, le Cana­da, le can­ton de Vaud, le Japon, l’Allemagne, adoptent des lois eugé­nistes, sté­ri­li­sant malades men­taux, han­di­ca­pés, « dégé­né­rés » sup­po­sés affai­blir l’espèce par trans­mis­sion héré­di­taire de leurs tares. Selon les études citées par A. Pichot, entre 350 et 400 000 Alle­mands sont sté­ri­li­sées entre 1934 et 1945. À par­tir de 1939, Hit­ler ordonne l’extermination (dite « eutha­na­sie ») de dizaines de mil­liers de malades men­taux dans des chambres à gaz puis lors d’opérations d’« eutha­na­sie sau­vage ». En 1941, alors que les crimes alle­mands sont connus — et dénon­cés par l’Église catho­lique — le bio­lo­giste eugé­niste anglais Julian Hux­ley (frère d’Aldous) écrit : « l’eugénique devien­dra inévi­ta­ble­ment une par­tie inté­grante de la reli­gion de l’avenir[4]. »

Après-guerre, la plu­part des méde­cins cou­pables échappent à tout pro­cès, l’eugénisme est nié comme crime contre l’humanité et l’extermination des malades refou­lée dans l’oubli. Julian Hux­ley, deve­nu pre­mier direc­teur de l’Unesco, pour­suit sa pré­di­ca­tion : « Nous, humains, nous sommes les agents de l’évolution à venir […]. L’idée eugé­niste peut deve­nir un motif d’agir et une rai­son d’espérer[5]. »

Le pro­jet d’amélioration de l’espèce humaine par les moyens scien­ti­fiques n’a jamais dis­pa­ru. Il s’est au contraire enri­chi des pro­grès tech­no-scien­ti­fiques. Il porte désor­mais les noms de « trans­hu­ma­nisme », lan­cé en 1957 par Julian Hux­ley et Teil­hard de Char­din[6], de « concep­tion humaine consciente » ou de « choix ger­mi­nal », et jouit des per­cées du génie génétique.

Le tri et la modi­fi­ca­tion des humains à naître sont tou­jours sou­te­nus avec fer­veur par les scien­ti­fiques, du prix Nobel James Wat­son (« Si nous pou­vions créer des êtres humains meilleurs grâce à l’addition de gènes […], pour­quoi s’en pri­ver ? »), au paléoan­thro­po­logue Yves Cop­pens (« L’avenir est superbe. La géné­ra­tion qui arrive va apprendre à pei­gner sa carte géné­tique, à accroître l’efficacité de son sys­tème ner­veux, à faire les enfants de ses rêves […] »), en pas­sant par le géné­ti­cien du Télé­thon Daniel Cohen (« À bas la dic­ta­ture de la sélec­tion natu­relle, vive la maî­trise humaine du vivant ! »), ou son aco­lyte Miro­slav Rad­man qui en appelle à « l’homme trans­gé­nique »[7].

Dans l’histoire des sciences et tech­no­lo­gies et de leur influence sur la socié­té, l’eugénisme pré­cède la repro­duc­tion arti­fi­cielle. La situa­tion n’est pas celle d’un eugé­nisme mena­çant les tech­no­lo­gies repro­duc­tives de « dérive », mais celle d’une tech­no­lo­gie qui dérive de l’eugénisme. Tout pro­grès de la repro­duc­tion arti­fi­cielle fait pro­gres­ser l’eugénisme, d’un point de vue concret, maté­riel, et du point de vue idéo­lo­gique, dans les consciences.

Cela vous choque ? Sans doute seriez-vous cho­qués qu’une socié­té décrète les albi­nos indé­si­rables. Vous par­ta­gez la révolte du chan­teur malien Salif Kei­ta contre les assas­si­nats, en Afrique, de per­sonnes à la peau et aux che­veux dépig­men­tés : « Les albi­nos naissent et gran­dissent comme tout le monde. Ils ont besoin d’être aimés et consi­dé­rées comme des per­sonnes nor­males[8] ».

Rava­lez vos bons sen­ti­ments. En France, le centre de diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire (DPI) de l’hôpital Necker à Paris détecte les gènes de l’albinisme sur des embryons avant leur implan­ta­tion in ute­ro[9], afin de leur évi­ter cette exis­tence de « per­sonnes nor­males » que reven­dique Salif Kei­ta. Les eugé­nistes des années 1930 et 40 débat­taient déjà des « vies dignes d’être vécues ou non ». Le DPI actua­lise les vieilles méthodes de sélec­tion arti­fi­cielle, par le diag­nos­tic géné­tique des parents avant la fécon­da­tion in vitro : on sait ain­si qui risque de mal engen­drer (« caco­gé­nisme »). Essayez de don­ner vos gamètes si vous avez une ano­ma­lie géné­tique. Le par­le­ment fran­çais a léga­li­sé le DPI en 1994 lors de la pre­mière loi de bioé­thique, puis élar­gi son champ d’application en 2004. Ain­si, explique benoî­te­ment la mis­sion d’information sur la révi­sion de cette loi bio-élas­tique en 2019 : « l’issue du DPI est un tri d’embryons, à savoir la sélec­tion par­mi plu­sieurs d’un embryon dépour­vu de l’affection géné­tique recher­chée[10] ».

L’extension de l’eugénisme ne sou­lève plus d’objection ; les sélec­tion­nistes ont gagné.

Le tri sélec­tif par diag­nos­tic pré­na­tal (en début de gros­sesse) éra­dique déjà les tri­so­miques, dont l’espérance de vie atteint pour­tant 60 ans, mais qui demandent de l’atten­tion. Les rares tri­so­miques res­ca­pés du crible tech­no­lo­gique savent qu’ils ne sont pas les bien­ve­nus à Gat­ta­ca, une socié­té qui sélec­tionne ses fœtus. Au temps pour le « droit à la dif­fé­rence » dont se targuent nos mora­listes inclusifs.

Les Ran­tan­plan du « retour aux heures sombres de notre his­toire » ratent ce fait his­to­rique : nos démo­cra­ties pour­suivent l’objectif d’Hitler de sup­pri­mer les « malades men­taux ». De façon moderne, au stade embryon­naire ou fœtal, dans la blan­cheur cli­nique des labo­ra­toires et l’approbation silen­cieuse de la masse vain­cue par le pro­grès. Comme dit le bioé­thi­cien trans­hu­ma­niste Julian Savu­les­cu, l’eugénisme, tout dépend l’usage qu’on en fait :

« L’eugénisme signi­fie juste avoir un meilleur enfant. Cette idée est bien vivante aujourd’hui. Quand les gens dépistent durant la gros­sesse le syn­drome de Down ou un han­di­cap intel­lec­tuel, c’est de l’eugénisme. Le pro­blème de l’eugénisme nazi est qu’il n’était pas volon­taire. Les gens n’avaient pas le choix. Aujourd’hui, ils peuvent choi­sir d’utiliser les fruits de la science pour prendre ces déci­sions de sélec­tion[11]. »

Au moins les trans­hu­ma­nistes assument-ils. À l’inverse de René Fryd­man, opé­ra­teur du pre­mier bébé-éprou­vette fran­çais, et des Tar­tuffe de la repro­duc­tion arti­fi­cielle, selon les­quels il n’y aurait pas d’eugénisme sans contrainte éta­tique. Chuin­te­ment du pro­fes­seur Jean-Louis Tou­raine, rap­por­teur de la loi de bioé­thique 2019 : « L’objet du DPI, comme du DPN [NdA : diag­nos­tic pré­na­tal], est de faire naître des enfants en bonne san­té et non d’améliorer l’espèce humaine[12] ». Et le chœur pro­gres­siste : « Tous ceux qui recourent à la PMA ne sont pas trans­hu­ma­nistes, ils veulent juste un enfant ! »

Ain­si, l’eugénisme se dis­sou­drait dans la mul­ti­tude des choix indi­vi­duels sans consi­dé­ra­tions sur leurs effets quant à l’avenir de l’espèce. On recon­naît la « direc­tion d’intention » des jésuites que raillait Pas­cal dans ses Pro­vin­ciales. Nous n’avons pas trans­gres­sé l’interdit, la trans­gres­sion s’est pro­duite à notre insu ; ce n’était pas notre inten­tion, juste une fâcheuse consé­quence : nous serons donc absous. Pour pla­gier Bos­suet, « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils ché­rissent les causes ». Mais les « parents d’intention » ne les déplorent même pas : ils se fichent des dégâts col­la­té­raux, poli­tiques et anthro­po­lo­giques, de leurs dési­rs indi­vi­duels. D’ailleurs, ceux qui achètent du Nutel­la à l’huile de palme ne veulent pas défo­res­ter la pla­nète, ils veulent juste un bon goûter.

Sup­pri­mer le mot ne sup­prime pas la chose. Au contraire cette cen­sure per­met-elle « à la science de déve­lop­per dans l’ombre ses dimen­sions tota­li­taires[13] ». Comme le dit André Pichot, sup­pri­mer les mots « race » ou « sexe » ne sup­prime ni les races ni le sexe. Et a for­tio­ri ni le racisme, ni le sexisme. On peut s’il vous plaît rem­pla­cer « race » par « groupe eth­nique », « sexe » par « genre » et « eugé­nisme » par « choix indi­vi­duel ». « Ces mes­sieurs croient avoir chan­gé les choses quand ils en ont chan­gé les noms. Voi­là com­ment ces pro­fonds pen­seurs se moquent du monde[14] » (Engels).

À pro­pos, écou­tons la ministre de la san­té Agnès Buzyn, s’inquiétant qu’un pos­sible dépis­tage de la tri­so­mie 21 par DPI nous entraîne vers « une socié­té qui trie­ra les embryons[15] ». Rap­pe­lons à cette ministre éthique que les tech­ni­ciens trient déjà les embryons, et que 97 % des fœtus por­teurs de tri­so­mie sont éli­mi­nés. Ce qu’elle feint de craindre, c’est ce qu’on fait déjà.

En fait, explique le phi­lo­sophe Jür­gen Haber­mas, choi­sir votre reje­ton fait de vous un eugé­niste libé­ral[16]. Vous sui­vez votre goût per­son­nel pour les bébés de tel ou tel modèle, sur un mar­ché libre et concur­ren­tiel. La dic­ta­ture du mar­ché se sub­sti­tue à la dic­ta­ture de l’État pour pres­crire les normes des pro­duits dési­rables. Et la tech­no­lo­gie com­mande au mar­ché en lui impo­sant sans cesse des pro­duits et des pro­cé­dés nou­veaux et amé­lio­rés. Le dar­wi­nisme social s’actualise au moyen de la tech­no­lo­gie ; il est la ver­sion libé­rale de l’eugénisme. Aus­si, rap­pelle Haber­mas, même fon­dé sur le désir indi­vi­duel, le choix des indi­vi­dus à naître s’appelle l’eugénisme :

« Si l’habitude se prend de recou­rir à la bio­tech­no­lo­gie pour dis­po­ser de la nature humaine au gré de ses pré­fé­rences, il est impos­sible que la com­pré­hen­sion que nous avons de nous-mêmes du point de vue d’une éthique de l’espèce humaine en sorte intacte[17]. »

L’habitude se prend, comme le rap­porte l’Agence fran­çaise de bio­mé­de­cine (bilan 2016) :

« Outre les ano­ma­lies de struc­ture déce­lées en cyto­gé­né­tique, 246 mala­dies géné­tiques dif­fé­rentes ont béné­fi­cié d’une mise au point en vue d’un DPI, dont 25 nou­velles indi­ca­tions de mala­dies géné­tiques. » Par­mi les­quelles, donc, l’albinisme.

Qui a déci­dé de ces indi­ca­tions ? Après quelles déli­bé­ra­tions ? Sur quels cri­tères ? Les experts médi­caux des quatre (désor­mais cinq) centres fran­çais de diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire. Ceux-là mêmes qui depuis plus d’un siècle répandent l’idéologie sélec­tion­niste du haut de leurs com­pé­tences et de leur pou­voir. L’État n’a nul besoin de lois eugé­nistes avec de tels méde­cins, ni avec un Comi­té consul­ta­tif natio­nal d’éthique qui recom­mande l’extension qua­si géné­rale du dépis­tage pré­con­cep­tion­nel des futurs parents, même en l’absence de toute indi­ca­tion préa­lable d’un risque pré­ci­sé­ment iden­ti­fié[18].

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2- Extension de l’eugénisme

L’insémination arti­fi­cielle des femmes (avec assis­tance médi­cale ou non) pré­serve le hasard de l’engendrement. À l’inverse avec la fécon­da­tion hors corps, dans une boîte de Pétri, la repro­duc­tion bio­lo­gique devient une pro­duc­tion arti­fi­cielle, dont le vivant (gamètes, embryons) est la matière pre­mière à trans­for­mer. Qui dit pro­duit dit ana­lyse, contrôle qua­li­té, amé­lio­ra­tion des pro­cé­dés de fabri­ca­tion et, inévi­ta­ble­ment, amé­lio­ra­tion du pro­duit. Il ne s’agit plus de faire un enfant, mais un « bon » enfant. En atten­dant un enfant aux normes ISO[19].

Si les béné­fi­ciaires de la PMA ont droit à un enfant en bonne san­té, pour­quoi pas les autres ? Pour­quoi prendre le risque d’une pro­créa­tion aléa­toire quand la tech­no­lo­gie garan­tit la qua­li­té du pro­duit ? D’autant que l’eugénisme high tech n’élimine plus des per­sonnes mais des embryons consi­dé­rés comme de simples maté­riaux. L’abstraction tech­nique sou­lage la conscience des com­man­di­taires et faci­lite la sélec­tion. Parions que les vigies de l’égalité exi­ge­ront cette liber­té de choix pour tous­sé­toutes. Jean-Fran­çois Del­frais­sy, pré­sident du Comi­té natio­nal d’éthique, confirme : « La tech­no­lo­gie est là, et à par­tir du moment où il y a une offre, il va y avoir des consom­ma­teurs[20]. »

Cela vaut pour l’enfant sur-mesure, déjà dis­po­nible à l’étranger pour les plus riches. Aux États-Unis, en Thaï­lande, dans la par­tie turque de Chypre, on choi­sit le sexe, la cou­leur des yeux, les apti­tudes de ses héri­tiers. Les clients, sauf cer­tains sourds et cer­tains nains, retiennent rare­ment des modèles atteints de han­di­cap, ou ris­quant d’être très petits ou trop gros. Les Euro­péens pré­fèrent des filles, paraît-il. À voir cette ven­deuse cali­for­nienne d’ovocytes sélec­tion­ner ses « don­neuses » (ven­deuses, en fait) comme d’autres choi­sis­saient leurs gagneuses, exa­mi­ner leurs dents, poids et pedi­gree, on sent toute l’humanité — et le fémi­nisme — du baby busi­ness[21].

C’est un lieu com­mun que la plu­part des com­man­di­taires feront de leur mieux pour doter leurs enfants des meilleures armes dans le com­bat de tous contre tous pour la réus­site. Cer­taines inno­va­tions apportent aux plus rapides un avan­tage concur­ren­tiel pro­vi­soire (la résis­tance à cer­tains virus, par exemple). Mais la course aux arme­ments ne peut ces­ser. Les sui­veurs s’alignent au plus vite sur les pré­cur­seurs et leurs normes supé­rieures, entraî­nant une uni­for­mi­sa­tion pro­vi­soire, en atten­dant qu’une énième inno­va­tion redonne le des­sus aux précurseurs.

La pos­si­bi­li­té du choix en elle-même sus­cite le rejet des non conformes. Il faut vrai­ment avoir des parents indignes pour avoir été conçu avec autant de négli­gence. Pour­quoi la socié­té devrait-elle pal­lier l’irresponsabilité paren­tale et prendre en charge les reje­tons défec­tueux. Les asso­cia­tions de han­di­ca­pés déplorent déjà l’indifférence à leurs besoins. Cercle vicieux : si l’insertion des han­di­ca­pés devient plus dif­fi­cile, nul parent ne pren­dra le risque d’avoir un enfant han­di­ca­pé. Ain­si se ren­force l’importance de la sélec­tion artificielle.

Le tech­no-capi­ta­lisme, ayant détruit les condi­tions natu­relles de la repro­duc­tion (libre, sexuée, gra­tuite), lui sub­sti­tue des arti­fices payants. La sélec­tion et la repro­duc­tion arti­fi­cielles sont des mar­chés comme les autres. C’est ain­si que la com­mis­sion spé­ciale bioé­thique de l’Assemblée natio­nale a voté l’ouverture du recueil et de la conser­va­tion des gamètes aux éta­blis­se­ments pri­vés à but lucra­tif. Ce sont des dépu­tés méde­cins (Cyrille Isaac-Sibille, Oli­vier Véran, Bra­him Ham­mouche) ou géné­ti­cien (Phi­lippe Ber­ta) qui ont défen­du cette pri­va­ti­sa­tion[22]. Quoi d’étonnant puisque cette com­mis­sion com­prend un quart de dépu­tés exer­çant une pro­fes­sion médicale.

Si l’ouverture de la PMA à toute femme offre à ces mar­chés un nou­veau champ d’expansion, elle ne les crée pas : ils existent depuis les débuts de la pro­créa­tion tech­no­lo­gique. Ce que la Manif pour tous, qui dis­tingue entre les « bons usages » de la PMA (pour les hété­ros) et les « mau­vais » (« la PMA sans père ») feint d’ignorer. Pour les cathos d’Alliance Vita, « la PMA hors cas d’infertilité » entraî­ne­rait « l’exploitation de la « matière pre­mière repro­duc­tive » » et le risque eugé­niste[23]. Les faits contre­disent leur aveu­gle­ment volon­taire : le tri ne cesse de croître depuis 1994. Au point qu’il a fal­lu ouvrir en mars 2018 un cin­quième centre de DPI fran­çais au CHU de Gre­noble. « Les quatre pre­miers centres sont com­plè­te­ment débor­dés face à une forte demande et des délais d’attente de 18 mois à 2 ans[24]. » Un res­pon­sable gre­no­blois se féli­cite de la ten­dance : « Je n’ai pas d’inquiétude sur le fait que nous allons rece­voir un nombre de demandes crois­sant au fur et à mesure que l’existence du centre sera connue par nos col­lègues géné­ti­ciens et gyné­co­logues. Le nombre de demandes aug­mente déjà très rapi­de­ment[25]. »

L’offre crée la demande, comme le note l’Institut d’éthique bio­mé­di­cale de l’université de Zürich : « Chez les pays ayant auto­ri­sé le tri d’embryon, on observe une ten­dance nette à élar­gir de plus en plus les indi­ca­tions du recours à cette tech­nique. […] Dans le cas du DPI, le risque majeur est de se trou­ver dans une course impa­rable vers une nou­velle forme d’eugénisme[26]. »

C’est en toute connais­sance de cause, et dûment aler­té par les « réac­tion­naires bio­con­ser­va­teurs », que l’État a choi­si l’eugénisme, d’une loi de bioé­thique à l’autre. Dès 1985, l’Américaine Gena Corea, auteur de The Mother Machine[27], membre du réseau inter­na­tio­nal des fémi­nistes contre les tech­no­lo­gies de repro­duc­tion (Finr­rage), dénon­çait la main­mise du pou­voir tech­no­lo­gique sur la pro­créa­tion. La FIV ne risque-t-elle pas de deve­nir la norme pour se repro­duire ?, inter­ro­geait-elle[28].

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3- De l’enfant artificiel à l’espèce artificielle

Tout ce qui est tech­ni­que­ment pos­sible est réa­li­sé. L’heure est au big data géné­tique, aux gamètes arti­fi­ciels, aux bébés trans­gé­niques. En 2016, une équipe états-unienne a mis au point le pre­mier bébé issu de la FIV « à trois parents », por­teur de l’ADN nucléaire de ses parents et de l’ADN mito­chon­drial d’une don­neuse. Le Royaume-Uni a auto­ri­sé ce mode de concep­tion. Le pro­jet de loi bioé­thique fran­çais lève l’interdit de créa­tion d’embryons trans­gé­niques en par­tie pour auto­ri­ser la FIV « à trois parents ».

Après le DPI, voi­ci le séquen­çage géné­tique (scree­ning) des embryons, récla­mé à grands cris en 2016 par 130 méde­cins et bio­lo­gistes fran­çais[29]. Selon Gre­go­ry Stock, ex-direc­teur du pro­gramme de méde­cine, tech­no­lo­gie et socié­té à la facul­té de san­té publique d’UCLA :

« Le scree­ning des embryons par bio­puces arri­ve­ra dans la décen­nie et, au-delà des mala­dies, il per­met­tra en effet de tes­ter des apti­tudes, des tem­pé­ra­ments, des per­son­na­li­tés pour­vu qu’ils com­portent une part géné­tique, ce qui est en géné­ral le cas.[30]»

Le séquen­çage du génome est désor­mais « à haut débit ». Plus on ana­lyse de pro­fils ADN, plus les sta­tis­tiques qu’on en tire disent de choses sur les indi­vi­dus. C’est le rôle des bases de don­nées géné­tiques créées en Angle­terre, en Chine ou aux États-Unis — notam­ment par 23andme, célèbre socié­té de séquen­çage d’Anne Woj­ci­cki (ex-épouse du patron trans­hu­ma­niste de Google Ser­geï Brin), qui exploite deux mil­lions de pro­fils ADN[31]. Au Bei­jing Geno­mics Ins­ti­tute, une équipe ana­lyse le séquen­çage du génome de 2500 « génies » au quo­tient intel­lec­tuel supé­rieur à 160. « Nous sommes sûrs qu’avec assez de matière nous trou­ve­rons au moins une par­tie des gènes qui agissent sur le QI[32] ». Objec­tif : pro­po­ser aux couples ayant recours à la FIV de choi­sir l’embryon le plus intel­li­gent, et aug­men­ter le PIB chi­nois en pro­por­tion du QI de la population.

La France, avec son « Plan méde­cine géno­mique 2025 », déve­loppe son propre big data géné­tique. Pour l’accélérer, le Comi­té consul­ta­tif natio­nal d’éthique vou­drait des diag­nos­tics géné­tiques « en popu­la­tion géné­rale[33] » pour détec­ter les por­teurs sains de patho­lo­gies et consti­tuer des bases de don­nées fran­çaises, exploi­tables par l’intelligence arti­fi­cielle. De façon « enca­drée » cela va de soi — avec l’accord des indi­vi­dus — au moins dans un pre­mier temps.

Le big data géné­tique aurait com­blé Gal­ton, le cou­sin eugé­niste de Dar­win. Obsé­dé par la mesure mathé­ma­tique — des men­su­ra­tions, com­por­te­ments et carac­tères trans­mis — il est le créa­teur de la bio­mé­trie et de la « psy­cho­mé­trie ». C’est en étu­diant les sta­tis­tiques sur les lignées qu’il veut per­fec­tion­ner la sélec­tion arti­fi­cielle, pré­fi­gu­rant ain­si la géné­tique des popu­la­tions. Avec l’eugénisme, il éla­bore une théo­rie bio­lo­gique, mais aus­si une méthode de ges­tion cen­tra­li­sée du chep­tel humain par l’exploitation des don­nées. Après lui en 1904, le bio­lo­giste amé­ri­cain Daven­port, finan­cé par la Car­ne­gie Ins­ti­tu­tion, pour­suit la recherche sur l’eugénisme en dépouillant des mil­lions de fiches sur les Amé­ri­cains sto­ckées dans le labo­ra­toire de Cold Spring Harbor.

Un siècle plus tard, les don­nées sont numé­ri­sées, elles incluent des mil­lions de génomes séquen­cés et leur trai­te­ment s’opère avec les moyens de l’intelligence artificielle.

Un outil per­for­mant, assurent les fon­da­teurs de Geno­mic Pre­dic­tion, pour la sélec­tion d’embryons selon la taille, le poids, la cou­leur de peau, la pré­dis­po­si­tion à cer­taines patho­lo­gies, voire le QI. D’après la revue du Mas­sa­chu­setts Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy, cette start up amé­ri­caine est finan­cée par des magnats trans­hu­ma­nistes de la Sili­con Val­ley et son patron, le bio-infor­ma­ti­cien danois Laurent Tel­lier, s’inspire du film Bien­ve­nue à Gat­ta­ca. Son asso­cié, Ste­phen Hsu, compte sur les « mil­liar­daires et les types de la Sili­con Val­ley » pour uti­li­ser sa tech­no­lo­gie et « faire des FIV même quand ils n’ont pas besoin de FIV[34] ». Ensuite, dit-il, le reste de la socié­té sui­vra. Ceux qui en auront les moyens. De quoi réjouir le phi­lo­sophe Nick Bos­trom, co-fon­da­teur de la World Trans­hu­ma­nist Asso­cia­tion et du Future of Huma­ni­ty Ins­ti­tute à l’université d’Oxford :

« L’ensemble des traits qui peuvent être sélec­tion­nés ou éli­mi­nés va beau­coup s’étendre dans les deux pro­chaines décen­nies. Une ten­dance forte des pro­grès en géné­tique com­por­te­men­tale est la chute rapide du coût du géno­ty­page et du séquen­çage des gènes. […] Tout trait dont l’héritabilité est non négli­geable (y com­pris une capa­ci­té cog­ni­tive) pour­rait alors faire l’objet d’une sélec­tion[35]. »

Mieux que la sélec­tion, l’innovation CRIS­PR-Cas9 pro­met la fabri­ca­tion sur-mesure. Ces ciseaux géné­tiques inven­tés par l’américaine Jen­ni­fer Doud­na et la fran­çaise Emma­nuelle Char­pen­tier per­mettent de modi­fier « faci­le­ment » le génome des êtres vivants et de conce­voir des bébés géné­ti­que­ment modi­fiés (BGM). Cou­per, copier, col­ler, tra­vail à façon. Nous n’imaginions pas en 2014, dans la pre­mière ver­sion de La Repro­duc­tion arti­fi­cielle de l’humain co-rédi­gée avec Alexis Escu­de­ro, que la course à l’humain géné­ti­que­ment modi­fié irait si vite.

En 2016, le Royaume-Uni et la Suède approuvent l’expérimentation de CRIS­PR-Cas9 sur des embryons humains.

En 2017, les aca­dé­mies amé­ri­caines des Sciences et de Méde­cine valident « l’édition ger­mi­nale » (modi­fi­ca­tion géné­tique des gamètes et des embryons) pour éli­mi­ner des mala­dies héré­di­taires graves.

En 2018, les pre­miers bébés géné­ti­que­ment modi­fiés naissent en Chine, pro­vo­quant les habi­tuelles condam­na­tions hypo­crites. Selon la MIT Tech­no­lo­gy Review : « N’importe qui aurait pu prendre cette ini­tia­tive. C’est si facile[36]. » Un cher­cheur russe annonce à l’été 2019 vou­loir repro­duire l’expérience[37] auprès de cinq couples dési­reux de ne pas trans­mettre leur sur­di­té à leurs enfants. On parle ici de modi­fi­ca­tions géné­tiques trans­mis­sibles aux géné­ra­tions sui­vantes. De la créa­tion d’une nou­velle lignée d’humains. Quoi de plus flat­teur pour la volon­té de puis­sance des scien­ti­fiques ? Sicut dei — comme des dieux — enfin.

Autre espoir des bio-mani­pu­la­teurs : les gamètes arti­fi­ciels. À par­tir de cel­lules souches plu­ri­po­tentes induites[38], par exemple pré­le­vées sous la peau (mais aus­si de cel­lules souches embryon­naires pré­le­vées sur des embryons à un stade très pré­coce), les labo­ra­toires déve­loppent indif­fé­rem­ment ovules et sper­ma­to­zoïdes. Finie la dif­fé­ren­cia­tion mâle/femelle, cha­cun peut pro­duire les deux types de gamètes in vitro.

En 2016, une équipe japo­naise obtient des ovo­cytes de sou­ris à par­tir de cel­lules souches, don­nant nais­sance à des souriceaux.

En octobre 2018, des cher­cheurs chi­nois montrent que deux sou­ris mâles peuvent engen­drer à par­tir de cel­lules souches, avec les outils d’édition géné­tique et du clo­nage[39]. Selon des bio­lo­gistes de Mont­pel­lier, « cette nou­velle arme thé­ra­peu­tique tient plus d’une réa­li­té à venir que de la fic­tion[40]. »

La loi de bioé­thique ouvre la pro­duc­tion de gamètes arti­fi­ciels en France. Le texte voté en com­mis­sion spé­ciale auto­rise, sauf oppo­si­tion du direc­teur géné­ral de l’Agence de bio­mé­de­cine, les pro­to­coles de recherche sur des cel­lules souches embryon­naires ou des cel­lules souches plu­ri­po­tentes induites « ayant pour objet la dif­fé­ren­tia­tion de ces cel­lules en gamètes, l’agrégation de ces cel­lules avec des cel­lules pré­cur­seurs de tis­sus extra-embryon­naires ou leur inser­tion dans un embryon ani­mal dans le but de son trans­fert chez la femelle[41]. »

D’une pierre deux coups, nous aurons des embryons trans­gé­niques humains/animaux. Comme les États-Unis et le Japon. Lequel a auto­ri­sé en juillet 2019 le trans­fert de cel­lules souches humaines dans des ovo­cytes fécon­dés de rats et de sou­ris, puis l’implantation de ces embryons chi­mé­riques dans des uté­rus de femelles ani­males géné­ti­que­ment modi­fiées. L’objectif est d’y par­ve­nir ensuite avec des porcs, afin de pro­duire des organes « humains » uti­li­sables comme gref­fons[42].

À l’avenir, les couples de femmes pour­ront se repro­duire et trans­mettre leur ADN, en appa­riant les ovo­cytes de l’une et les sper­ma­to­zoïdes issus des cel­lules souches de l’autre. Elles ne pour­ront faire que des filles, du moins tant que la tech­no­lo­gie ne leur gref­fe­ra pas de chro­mo­some Y — mais n’est-ce pas enfin la libé­ra­tion de l’oppression patriar­cale ? Le rêve des Ama­zones enfin accom­pli ? Moyen­nant certes la sou­mis­sion au sys­tème tech­no-indus­triel, au mar­ché bio­tech­no­lo­gique et au trans­hu­ma­nisme. Mais pour­quoi vou­loir trans­mettre ses propres gènes, comme dans la repro­duc­tion natu­relle, quand on pré­tend s’affranchir de la biologie ?

Avec les gamètes arti­fi­ciels, la dis­po­ni­bi­li­té d’ovocytes en nombre illi­mi­té per­met­tra la pro­duc­tion d’embryons en série, donc un choix décu­plé et une meilleure sélec­tion. Ce que le direc­teur du Cen­ter for Law and the Bios­ciences de Stan­ford, Hen­ry Gree­ly, nomme « DPI facile » dans un livre expli­cite paru en 2016 : The End of Sex and the Future of Human Repro­duc­tion[43]. Selon cet expert, la repro­duc­tion non sexuée devien­drait la norme d’ici 20 à 40 ans, cha­cun choi­sis­sant sa pro­gé­ni­ture par­mi 100 ou 200 embryons fabri­qués à par­tir de ses gamètes arti­fi­ciels et tes­tés pour évi­ter mala­dies, risque de mala­dies et risque de risque. « Je pense qu’il y a de gros, gros mar­chés, assez pour pous­ser le déve­lop­pe­ment [de la tech­no­lo­gie][44] », pré­dit-il, sans prendre de gros risques.

Mieux, la culture de gamètes in vitro per­met d’envisager la pro­duc­tion accé­lé­rée de géné­ra­tions d’embryons pour obte­nir le bon indi­vi­du, nous apprend le Jour­nal of Medi­cal Ethics :

« […] créer un embryon dont on déri­ve­ra de nou­veaux gamètes à par­tir de cel­lules souches déri­vées elles-mêmes de ces embryons, qui ser­vi­ront ensuite à la créa­tion d’un nou­vel embryon. En répé­tant ce pro­ces­sus, les scien­ti­fiques pour­ront créer de mul­tiples géné­ra­tions d’humains « dans une éprou­vette »[45]. »

C’est ce qu’on nomme une boucle ité­ra­tive. Vous vous y ferez.

Les trans­hu­ma­nistes n’ont pas raté ces annonces dis­rup­tives. Nick Bos­trom et Carl Shul­man : « Si la sélec­tion ité­ra­tive d’embryons devient pos­sible, cela chan­ge­ra com­plè­te­ment le coût et l’efficacité de l’augmentation [NdA : l’« aug­men­ta­tion » cog­ni­tive] par la sélec­tion. Pas­sé l’investissement ini­tial, beau­coup d’embryons pour­raient être pro­duits à par­tir de la der­nière géné­ra­tion, pour être four­nis aux parents à bas prix[46]. »

Même jubi­la­tion devant les gamètes in vitro sur Slate.fr, ver­sion fran­çaise d’un site libé­ral amé­ri­cain, fon­dée par Jean-Marie Colom­ba­ni, ex-direc­teur du Monde, et Jacques Atta­li : « L’État fran­çais sau­ra-t-il se gar­der de pro­hi­ber des tech­niques qui pro­mettent d’offrir d’immenses béné­fices tout en ne créant aucune vic­time[47] ? »

Gree­ly le Cali­for­nien nous aver­tit tout sou­rire : « If you care about the future of our spe­cies, you should care about this[48]. » On peut choi­sir d’ignorer ce qui arrive, ou le noyer sous des flots de jéré­miades siru­peuses, d’appels à « l’ouverture » et à la « bien­veillance ». Les eugé­nistes, eux, pro­mo­teurs d’un sur­homme auto­ma­chi­né ou défen­seurs des droits-à-tous-les-dési­rs-indi­vi­duels, n’auront aucune bien­veillance envers ceux qui, à l’ère du Tech­no­cène, choi­si­ront de res­ter humains. De lais­ser naître au hasard des enfants non conformes. On voit déjà der­rière les masques des fausses vic­times l’éternel mufle de la puis­sance impitoyable.

Assez d’hésitations. Que ceux qui tiennent à leur huma­ni­té errante et faillible, hasar­deuse, impré­vue et si limi­tée, s’opposent à voix haute à toute repro­duc­tion arti­fi­cielle. Qu’ils refusent ce putsch tech­no­lo­gique contre l’espèce humaine ; et pour com­men­cer, tout don, toute vente de leurs gamètes ; tout séquen­çage de leur génome.

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4- La fabrication plutôt que la naissance

Tant qu’à choi­sir, autant tout déci­der, tout maî­tri­ser, tout pro­gram­mer. La volon­té de toute-puis­sance s’enfle du pro­grès des tech­no­lo­gies de repro­duc­tion avec d’autant plus d’avidité qu’il s’agit de fabri­quer des êtres vivants. — Maman, com­ment on fait les bébés ? 

« Don­ner la vie » — enten­dez « trans­mettre la vie » —, pour les ani­maux poli­tiques comme pour les autres mam­mi­fères, consis­tait jusqu’ici à accom­plir à deux les opé­ra­tions néces­saires à l’apparition d’un troi­sième, en lais­sant faire des pro­ces­sus auto­nomes, spon­ta­nés. Insup­por­table pour des aspi­rants-dieux dont le slo­gan est : « Rem­pla­cer le natu­rel par le pla­ni­fié[49] ». La rage tech­ni­cienne de « mise en ordre ration­nelle du monde » (Gorz) n’a plus de rai­son d’épargner la nais­sance. Rap­pe­lez-vous Fran­ken­stein de Mary Shelley.

« Rem­pla­cer le natu­rel par le pla­ni­fié », c’est sub­sti­tuer au mou­ve­ment propre des étants l’artifice et ses méca­nismes pro­gram­més. Une des­truc­tion créa­trice cen­sée répa­rer chez les enne­mis de l’humain la « honte pro­mé­théenne » (Gün­ther Anders)

« […] d’être deve­nu plu­tôt que d’avoir été fabri­qué. Il a honte de devoir son exis­tence — à la dif­fé­rence des pro­duits qui, eux, sont irré­pro­chables parce qu’ils ont été cal­cu­lés dans les moindre détails — au pro­ces­sus aveugle, non cal­cu­lé et ances­tral de la pro­créa­tion et de la nais­sance. Son déshon­neur tient donc au fait d’« être né » […][50]. »

Le verbe « naître » vient du latin nas­ci, qui donne éga­le­ment « croître, pous­ser » pour les végé­taux, mais aus­si « com­men­cer ». Natu­ra signi­fie à la fois « nais­sance » et « nature ». Le natu­rel est ce qui naît, par oppo­si­tion à l’artificiel, qui est fabri­qué. En grec, Aris­tote uti­lise phu­sis (« nature ») pour dési­gner les choses qui contiennent en elles-mêmes leur prin­cipe de déve­lop­pe­ment, à l’inverse des artefacts :

« En effet, les étants par nature ont tous mani­fes­te­ment en eux-mêmes un prin­cipe de mou­ve­ment et de repos, les uns selon le lieu, les autres selon la crois­sance et la décrois­sance, les autres encore selon l’altération[51]. »

C’était avant le pro­grès. Désor­mais, on peut lire sous la plume d’une Madame Spran­zi, maî­tresse de confé­rences en his­toire, phi­lo­so­phie et éthique des sciences, une autre définition :

« La PMA valo­rise au contraire le natu­rel si l’on oppose ce terme non à arti­fi­ciel, mais à conven­tion­nel. […] La méde­cine per­met au désir on ne peut plus natu­rel d’enfanter d’être enfin réa­li­sé […] indé­pen­dam­ment même de la capa­ci­té bio­lo­gique de le faire : l’apport de la science ne change rien au carac­tère « natu­rel » de la PMA[52]. »

Et si on oppose « Mar­ta Spran­zi », non à « phi­lo­sophe » (Simone Weil, Han­nah Arendt) mais à « fumiste concep­tuelle », la confu­sion rhé­to­rique per­met au désir on ne peut plus natu­rel de se rendre inté­res­sante d’être enfin réa­li­sé, indé­pen­dam­ment même de ses capa­ci­tés morales.

Jusqu’ici, les humains de nais­sance com­posent avec du don­né dont une part échappe à toute volon­té. La For­tune imper­son­nelle attri­bue ses lots à l’aveugle. Savoir que nous ne devons à per­sonne la cou­leur de nos yeux, le son de notre voix et nos traits phy­sio­lo­giques, garan­tit notre liber­té indi­vi­duelle (dans cer­taines condi­tions sociales, bien sûr). Nous deve­nons des indi­vi­dus en agis­sant à par­tir de ce don­né. Comme le dit l’historien Mar­cel Gauchet :

« Prendre en charge cette contin­gence et la soli­tude qui s’y attache, c’est ce qui fonde notre capa­ci­té d’indépendance psy­chique, c’est là que se joue la consti­tu­tion de l’identité per­son­nelle[53]. »

« Don­ner vie » à un enfant fabri­qué, à l’inverse de « don­ner la vie », est un abus de pou­voir. Si mon concep­teur choi­sit mes carac­tères géné­tiques selon son propre désir, il déter­mine en par­tie ma per­sonne phy­sique et ma per­son­na­li­té morale et devient pour moi la figure du des­tin. D’autant plus que je suis cen­sé être en dette envers lui pour ses choix, for­cé­ment les meilleurs pour moi. Y com­pris s’il m’a pro­gram­mé sourd (ou nain) pour lui res­sem­bler, à l’image de ce couple de les­biennes cana­diennes qui a uti­li­sé le sperme d’un ami sourd congé­ni­tal pour pro­duire deux enfants éga­le­ment sourds (les banques de sperme refu­sant les gamètes des han­di­ca­pés)[54]. D’où les rela­tions des­po­tiques entre pro­gram­meur et pro­gram­mé : des liens de subor­di­na­tion impla­cables[55].

Certes nous dépen­dons d’autrui pour deve­nir un humain, un ani­mal social, dans un monde façon­né par d’autres avant nous. Mais tout homme reçoit sa liber­té d’action avec sa nais­sance. L’humanité renaît avec chaque homme. Par le seul fait de sa nais­sance, cha­cun peut créer un « com­men­ce­ment » (Arendt), c’est-à-dire agir en étant davan­tage que le pro­duit d’une socia­li­sa­tion.

En éli­mi­nant le hasard, le desi­gn de l’enfant détruit les fon­de­ments de cette liber­té. Mais pour les trans­hu­ma­nistes enne­mis de l’imprévu, la liber­té est un choix de consom­ma­teur entre des modèles plus ou moins inter­chan­geables, en libre-ser­vice, et garan­tis sur facture.

James Hughes, bioé­thi­cien trans­hu­ma­niste, fon­da­teur de l’Institute for Ethics and Emer­ging Technologies :

« Si vous sélec­tion­nez, sur cata­logue, la plu­part des gènes de votre enfant, cette sélec­tion ren­for­ce­rait pro­ba­ble­ment l’importance de vos liens paren­to-sociaux avec vos enfants.[56] »

Nick Bos­trom, co-fon­da­teur de la World Trans­hu­ma­nist Asso­cia­tion et du Future of Huma­ni­ty Ins­ti­tute à l’université d’Oxford :

« Peut-être l’amélioration ger­mi­nale condui­ra à plus d’amour et d’attachement paren­taux. Peut-être cer­tains pères et mères trou­ve­ront plus facile d’aimer un enfant qui, grâce aux amé­lio­ra­tions [géné­tiques], sera brillant, beau et en bonne san­té[57]. »

Au temps pour l’autonomie psy­chique et le droit de choi­sir leur voie des êtres-mar­chan­dises ain­si fabri­qués. On leur sou­haite de cor­res­pondre à la com­mande de leurs acqué­reurs, sinon gare aux liens paren­to-sociaux. Quand on inves­tit dans un spé­ci­men, ce n’est pas pour qu’il vous échappe dès l’âge de 15 ans.

Une psy­cha­na­lyste de notre connais­sance nous écrit que son cabi­net et ceux de ses confrères sont « rem­plis de gens qui ont eu trop de parents ». Nombre d’entre vous, lec­teurs, voient sûre­ment ce qu’elle veut dire. On ne peut qu’y son­ger à la lec­ture des exi­gences consu­mé­ristes des trans­hu­ma­nistes ou des parents d’intention. Ou à l’écoute du dépu­té méde­cin Jean-Louis Tou­raine, rap­por­teur de la loi bioé­thique : « Il y a là une pré­pa­ra­tion pro­lon­gée, un désir d’en­fant. Et cet enfant très atten­du, dési­ré, va bien se déve­lop­per et sera l’ob­jet de beau­coup d’at­ten­tion et de beau­coup d’a­mour[58]. » Vive­ment la liberté.

Quelle stig­ma­ti­sa­tion pour les enfants du hasard, dans ces dis­cours et publi­ci­tés siru­peuses pour les enfants dési­rés, pré­ten­dus plus heu­reux et équi­li­brés que les autres. Les enfants du hasard emmerdent le pro­fes­seur Tou­raine (et ses chouchous).

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5- Droiche / gaute : le faux clivage qui masque les vrais

Qui­conque écoute France Inter ou France Culture, lit Le Monde, Les Inrocks ou Libé, a les idées claires et sait dis­tin­guer le camp du bien du camp du mal, grâce à quelques mots-clés faciles à rete­nir. Le débat sur la repro­duc­tion arti­fi­cielle oppose d’une part la « sainte alliance réac­tion­naire[59] », selon la pré­si­dente du conseil de sur­veillance de Publi­cis, Eli­sa­beth Badin­ter : les catho­liques, les conser­va­teurs de droite et l’extrême-droite (camp du mal), dont les motifs sont reli­gieux, obs­cu­ran­tistes, sexistes, homophobes/lesbophobes et nau­séa­bonds ; d’autre part les pro­gres­sistes et libé­raux, la gauche ouverte, géné­reuse, fémi­niste et vegan (camp du bien), dont les motifs sont la tolé­rance, le vivre-ensemble et la bien­veillance. Vous avez choisi ?

Il se trouve que nous, auteurs de ce texte et la plu­part de nos lec­teurs, ne sommes ni de droite ni catho­liques (ce qui n’aurait rien d’infâmant), mais athées, libres pen­seurs, anti-sexistes, éco­lo­gistes anti-indus­triels, lud­dites, etc.

En cri­ti­quant la repro­duc­tion arti­fi­cielle, nous étions répu­tés insen­sibles à la détresse des bré­haignes. Avec l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples les­biens, nous voi­là sexistes et homo­phobes — c’est-à-dire, cou­pables de délits.

Les ano­ma­lies n’ont pas trou­blé les met­teurs en scène de ce faux duel. 10 à 20 % des dépu­tés de droite pour­raient voter la loi de bioé­thique, tan­dis que la dépu­tée macro­niste Agnès Thill s’y oppose. Des homo­sexuels écrivent : « assu­mer plei­ne­ment son homo­sexua­li­té revient aus­si à accep­ter les limites qui en découlent[60] ». Jean-Marie Le Pen se pro­nonce pour l’extension de la PMA, tan­dis que la phi­lo­sophe de gauche Syl­viane Aga­cins­ki exprime sa réti­cence. Marie-Jo Bon­net, les­bienne, mili­tante fémi­niste de gauche, s’oppose à « la médi­ca­li­sa­tion sans limite de la pro­créa­tion ». Rejoi­gnant les posi­tions du Femi­nist Inter­na­tio­nal Net­work of Resis­tance to Repro­duc­tive and Gene­tic Engi­nee­ring qui, dès les années 1980, sou­te­nait des argu­ments fémi­nistes et anthro­po­lo­giques contre les « tech­no­lo­gies déshu­ma­ni­santes » et le génie géné­tique et repro­duc­tif, « pro­duit de déve­lop­pe­ments scien­ti­fiques qui consi­dèrent le monde comme une machine[61]. »

Puis, il y a ces innom­brables sans-voix, pétri­fiés par les impré­ca­tions du camp du bien mais qui, en leur for inté­rieur, ne sont pas d’accord. Nous, Pièces et main d’œuvre, rece­vons de nom­breux mes­sages : « mer­ci de dire à voix haute ce que nous pen­sions être seuls à pen­ser, que nous n’osons pas dire. Nous aus­si, nous sommes des Chim­pan­zés du futur ».

Tous sont effa­rés de la vitesse à laquelle sont répan­dues la haine de l’humain comme ani­mal poli­tique et la volon­té de puis­sance des­truc­trice, par­mi une mino­ri­té domi­nante : la tech­no­cra­tie et ses alliés post­mo­dernes, décons­truc­tion­nistes, anthro­po­phobes et liber­ta­riens, satu­rés de culture amé­ri­caine. À l’inverse de ceux-ci, ils ne sont pas orga­ni­sés. Ils pensent par eux-mêmes et contre leur temps, quitte à se reti­rer des cercles mili­tants où règnent les mots-clés et le plus petit déno­mi­na­teur commun.

Ces défen­seurs de l’autonomie n’entrent pas dans la réduc­tion binaire de la contro­verse. Ils fra­cassent le faux cli­vage en pro­cla­mant cette évi­dence : le pro­grès tech­no­lo­gique n’est pas syno­nyme de pro­grès social et humain. Aus­si les passe-t-on sous silence. Les seuls oppo­sants à la loi de bioé­thique que l’Assemblée natio­nale met en avant sont les cathos de la Manif pour tous et d’Alliance Vita, par­ti­sans d’une repro­duc­tion arti­fi­cielle mais « avec père ». Trop facile.

Inca­pables de l’emporter par l’argument, les hur­leurs de la bonne socié­té et de la bonne pen­sée usent de l’intimidation ver­bale et intel­lec­tuelle, du (faux) pro­cès en dis­cri­mi­na­tion pour réduire les doutes au silence. Pour inter­dire que soient posées ces ques­tions : acquies­çons-nous, oui ou non, aux pro­grès de l’artificialisation et au nou­vel eugé­nisme des bio­crates ? L’espèce doit-elle abdi­quer son humanité ?

Lâchons les réflexes, réflé­chis­sons. Le fait majeur de l’époque, le putsch tech­no­lo­gique per­ma­nent, périme pour l’essentiel l’axe droite/gauche, désor­mais cou­pé par une trans­ver­sale écologiste/technologiste. Le cercle poli­tique se par­tage en quatre : gauche éco­lo­giste et gauche tech­no­lo­giste, droite éco­lo­giste et droite tech­no­lo­giste. Les cli­vages varient sui­vant les sujets. Contre le nucléaire et la socié­té de consom­ma­tion, par exemple, nous aurons à nos côtés la droite éco­lo­giste et contre nous la gauche technologiste.

Le tech­no­lo­giste Macron (en même temps de droiche et de gaute), après Hol­lande et Sar­ko­zy, et comme l’auraient fait Fillon, Mélen­chon ou Le Pen, inves­tit dans l’innovation et les tech­no­lo­gies de déshu­ma­ni­sa­tion : intel­li­gence arti­fi­cielle, nano­tech­no­lo­gies, génie géné­tique, neu­ro­tech­no­lo­gies — les domaines aux­quels la nou­velle loi de bioé­thique ouvre de nou­velles pers­pec­tives de développement.

Le stade actuel du pro­grès tech­no­lo­gique et de la crois­sance éco­no­mique, objec­tifs com­muns à droite et à gauche, se nomme l’homme « aug­men­té » — l’eugénisme. Nul besoin d’être trans­hu­ma­niste pour y contri­buer : il suf­fit d’encourager et de contri­buer aux avan­cées tech­nos­cien­ti­fiques. Voi­là en quoi nous pen­sons contre notre temps.

Le choix qu’on nous laisse ? Renon­cer à notre huma­ni­té pour deve­nir post­hu­mains (cyborgs, cyber­nan­thropes, Humains géné­ti­que­ment modi­fiés), ou som­brer dans l’espèce mori­bonde des Chim­pan­zés du futur. Dis­pa­raître ou dis­pa­raître. On voit l’importance du débat sur les « modèles fami­liaux » à côté de cette rup­ture anthropologique.

On voit sur­tout com­ment les idéo­logues et scien­ti­fiques trans­hu­ma­nistes ins­tru­men­ta­lisent les acti­vistes LGBT et cer­tains fémi­nistes, cer­tains hété­ros sté­riles et cer­tains han­di­ca­pés, s’en ser­vant tan­tôt comme bou­cliers humains, tan­tôt comme che­vaux de Troie pour avan­cer leur agen­da. La seule domi­na­tion et la seule norme incon­tes­tées par les détec­teurs d’inégalités et pour­fen­deurs de l’ordre nor­mé, sont celles qui menacent le plus notre vie : celles de la tech­no­lo­gie et des technomaîtres.

L’offensive eugéniste/transhumaniste trace le front prin­ci­pal de notre temps, qui oppose désor­mais les humains d’origine ani­male aux inhu­mains d’avenir machinal.

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6- Découvrons le complot hétéro

Pour­quoi débattre de l’artificialisation, quand le chan­tage à la pseu­do éga­li­té assure une pseu­do supé­rio­ri­té morale ? L’Inter-LGBT, Mar­lène Schiap­pa ou la séna­trice Verte Esther Ben­bas­sa, le dépu­té LREM Jean-Louis Tou­raine, l’avocate Caro­line Méca­ry ou Thier­ry Bau­det, le pré­sident de la Mutua­li­té fran­çaise, dans leur concours de bons sen­ti­ments, nous enjoignent à « mettre fin à une dis­cri­mi­na­tion ». Com­ment hési­ter ? SOS Homo­pho­bie a l’argument défi­ni­tif : « La PMA est auto­ri­sée pour les couples hété­ro­sexuels et inter­dite pour les couples les­biens. Il y a inéga­li­té des droits, il y a donc homo­pho­bie[62]. » Vous voi­là (con)vaincus. Com­ment les Fran­çais, dont l’égalité est la « pas­sion », sup­por­te­raient-ils pareil outrage ? D’après les son­dages, l’impossibilité pour les femmes seules et les couples les­biens de pro­créer relève de l’inégalité. Les jésuites applau­dissent en connais­seurs cette « direc­tion d’intention » : qu’importe le résul­tat (l’eugénisme), c’est l’intention (la pseu­do éga­li­té) qui compte.

Pré­tendre que la repro­duc­tion sexuée est dis­cri­mi­na­toire — rele­vant d’un choix poli­tique contraire à nos valeurs — est une fable si gros­sière qu’on a honte d’avoir à la décons­truire. Mais on le savait déjà : « Plus le men­songe est gros, mieux il passe. »

Pour qu’il y ait dis­cri­mi­na­tion, il fau­drait qu’un couple les­bien ou une femme seule soit natu­rel­le­ment apte à conce­voir et qu’on lui refuse, en cas de sté­ri­li­té, les trai­te­ments offerts aux couples mixtes. Comme le note la les­bienne fémi­niste Marie-Jo Bon­net, « on ne peut pas com­pa­rer les couples hété­ro­sexuels dont un membre est sté­rile avec les couples de femmes qui ne le sont pas. Pour par­ler dis­cri­mi­na­tion il fau­drait que les deux situa­tions soient com­pa­rables, ce qui n’est pas le cas ici[63]. » Sans par­ler des indi­vi­dus seuls.

Nul n’interdit aux les­biennes et aux femmes seules de pro­créer comme toute femme, sinon la repro­duc­tion natu­relle sexuée, qui n’a pas plus de valeur morale ni d’intentionnalité que la gra­vi­té uni­ver­selle. À moins que les tenants du « tout social » ne prêtent quelque pro­jet secret à la nature ? En fait, pour les théo­ri­ciens LGBT les plus auda­cieux, c’est un com­plot hété­ro qui les frappe de « sté­ri­li­té sociale », d’« infer­ti­li­té cultu­relle ». Une conspi­ra­tion homo­phobe des­ti­née, selon l’écrivain gay Erik Rémès, à pré­ser­ver « le mono­pole des hété­ros[64] ». Vous ne voyez pas ? Le « Gali­lée de la sexua­li­té[65] » et rebel­lo­crate queer Beatriz/Paul Pre­cia­do, vous instruit :

« En termes bio­lo­giques, affir­mer que l’agencement sexuel d’un homme et d’une femme est néces­saire pour déclen­cher un pro­ces­sus de repro­duc­tion sexuelle est aus­si peu scien­ti­fique que l’ont été autre­fois les affir­ma­tions selon les­quelles la repro­duc­tion ne pou­vait avoir lieu qu’entre deux sujets par­ta­geant la même reli­gion, la même cou­leur de peau ou le même sta­tut social […]. Homo­sexuels, trans­sexuels, et corps consi­dé­rés comme “han­di­ca­pés”, nous avons été poli­ti­que­ment sté­ri­li­sés ou bien nous avons été for­cés de nous repro­duire avec des tech­niques hété­ro­sexuelles[66]. »

De quel taux d’idéologie (et de tes­to­sté­rone) faut-il être intoxi­qué pour dif­fu­ser avec tant d’aplomb de telles fausses nou­velles ? Trans­hu­ma­nisme et décons­truc­tion­nisme queer se connectent et s’hybrident. Ain­si, pour le bioé­thi­cien trans­hu­ma­niste James Hughes, le clo­nage « rend le mono­pole his­to­rique de l’hétérosexualité sur la repro­duc­tion obso­lète[67] ». Et d’en conclure : « Les homo­sexuels, les les­biennes et les bisexuels sont aus­si des alliés natu­rels du trans­hu­ma­nisme démo­cra­tique ». Les délires queer sont en effet per­for­ma­tifs : les tran­si­den­ti­taires attendent de la tech­no­lo­gie qu’elle leur four­nisse des solu­tions de repro­duc­tion homo­sexuelles. Les gamètes arti­fi­ciels exau­ce­ront bien­tôt leurs vœux.

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L’égalité concerne le champ social et poli­tique. Deman­der à la tech­nos­cience de fabri­quer une éga­li­té bio­lo­gique — de pro­duire en labo­ra­toire des êtres indif­fé­ren­ciés — est un pro­jet tota­li­taire. Ima­gi­nez des humains uni­co­lores, pro­té­gés de tout risque raciste ; des indi­vi­dus de même taille et de même volume, libé­rés de toute agres­sion gros­so­phobe ; aux traits uni­for­mé­ment lisses, sou­la­gés de la dis­cri­mi­na­tion liée à la beau­té phy­sique. Un rêve de natu­ro­phobe. Dotons-les en prime d’un sens de l’humour cer­ti­fié sans second degré ni microa­gres­sions contre votre iden­ti­té res­sen­tie. On rira peu mais cor­rec­te­ment. Quelles tri­bunes pour les défen­seurs du vivren­semble, quels défis pour la créa­ti­vi­té de nos cher­cheurs, quels mar­chés pour l’industrie ! Enfin le pro­grès abo­li­ra la répu­gnante bio­di­ver­si­té humaine. Quel pro­grès poli­tique. C’est à cela aus­si que sert la tech­no­lo­gie : plier le don­né à la volon­té, les faits aux concepts, la réa­li­té à l’idéologie.

La dif­fé­rence n’est pas l’inégalité.

L’égalité n’est pas l’uniformité.

Les humains ne sont pas — pas encore — des pro­duits de série standardisés.

Même le Conseil d’État l’admet : « ni le fait que l’adoption soit déjà ouverte aux couples de femmes et aux per­sonnes seules, ni le droit au res­pect de la vie pri­vée, ni la liber­té de pro­créer, pas plus que l’interdiction des dis­cri­mi­na­tions ou le prin­cipe d’égalité n’imposent l’ouverture de l’AMP[68]. » Donc, concluent les « sages », l’extension de l’accès à la PMA « relève d’un choix politique ».

Quel choix ? Celui des trans­hu­ma­nistes (ouvrir des pro­cé­dures médi­cales à des per­sonnes saines) et celui des fémi­nistes et les­biennes néo-sexistes (éli­mi­ner les mâles de la repro­duc­tion). Mieux valait dis­si­mu­ler ces fon­de­ments réels der­rière le paravent consen­suel de l’égalité.

Cette escro­que­rie juri­di­co-poli­tique est un sous-pro­duit de la tech­no­lo­gie. Celle-ci a d’abord four­ni des bébés aux femmes infer­tiles, puis aux hommes et aux couples sté­riles, puis aux couples fer­tiles sus­cep­tibles de trans­mettre une mala­die grave, puis aux couples sans patho­lo­gie avé­rée mais un peu mous de la concep­tion[69] — « un enfant, tout de suite ». En 2017, 3 % des enfants sont nés d’une PMA, d’après l’agence de bio­mé­de­cine. Selon Agnès Buzyn :

« On n’a pas besoin d’être malade aujourd’hui pour accé­der à la PMA, même quand on est un couple hété­ro­sexuel, on n’a pas à prou­ver qu’on est infer­tile. D’ailleurs, sou­vent on ne trouve pas de cause d’infertilité[70]. »

Voi­là une ministre qui valide des actes illé­gaux. Jusqu’aujourd’hui, seuls les couples hété­ro­sexuels en âge de pro­créer avec « une sté­ri­li­té patho­lo­gique médi­ca­le­ment consta­tée (bilan d’infertilité) » ou un risque de trans­mis­sion de mala­die grave, ont droit à la PMA. Com­ment les méde­cins « fivistes » ont-ils pu, sans cadre légal ni déli­bé­ra­tion, déci­der dans le secret de leurs cabi­nets d’ouvrir la PMA, rem­bour­sée par la sécu­ri­té sociale, à ces couples non sté­riles qui, sou­vent, engendrent natu­rel­le­ment par la suite[71] ?

Agnès Buzyn : « [La future loi] per­met de cla­ri­fier le droit en réa­li­té et donc tout est har­mo­ni­sé[72] ». Qu’à cela ne tienne. Tout le monde peut se garer sur les places réser­vées aux han­di­ca­pés, puis une loi cla­ri­fie le droit en réa­li­té et donc, tout est harmonisé.

Le fait accom­pli l’emporte. Marche après marche, la repro­duc­tion arti­fi­cielle devient la nou­velle norme.

Sous cou­vert d’égalité, la sup­pres­sion du cri­tère patho­lo­gique — glis­se­ment du pal­lia­tif à l’augmentation, suit le pro­gramme trans­hu­ma­niste. C’est-à-dire le pro­jet, inéga­li­taire par essence, d’automachination de cha­cun (et de ses enfants) selon ses moyens et ses dési­rs, grâce au génie géné­tique. Une volon­té de prise en main tech­no­lo­gique de l’évolution. À terme, de séces­sion d’une espèce supé­rieure, contre l’espèce infé­rieure des Chim­pan­zés du futur, humains nés natu­rel­le­ment. Les défen­seurs d’une éga­li­té réelle ne sont pas ceux que l’on croit.

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7- La reproduction sans homme, une augmentation transhumaniste

On nous ques­tionne sou­vent sur le « seuil » : où finit le soin et où com­mence le trans­hu­ma­nisme ? Si la limite est par­fois ténue, ici, aucun doute. La « sté­ri­li­té sociale » est une absur­di­té trans­hu­ma­niste. Elle tra­duit la volon­té, non de pal­lier une carence, mais d’augmenter les facul­tés d’humains natu­rel­le­ment fer­tiles, deve­nant « poli­ti­que­ment fer­tiles ». Daniel Borillo, le juriste gay, se féli­cite ain­si de cette vic­toire tech­ni­co-légale : « La PMA […] cesse d’être un pal­lia­tif à la sté­ri­li­té pour deve­nir une véri­table mani­fes­ta­tion de la liber­té pro­créa­tive[73] ». L’équivalent d’une greffe de membres bio­niques sur un indi­vi­du valide, mani­fes­tant sa liber­té de per­for­mances spor­tives. Comme le mur­mure la jour­na­liste et fémi­niste les­bienne Eli­sa­beth Schem­la, « les homos sont plu­tôt aujourd’hui des « accé­lé­ra­teurs de trans­gres­sion »[74] ».

Dans un pre­mier temps, « l’augmentation » consiste à faire un enfant sans homme. Selon Gwen Fau­chois, ex-vice-pré­si­dente d’Act Up Paris, il est dépas­sé de rap­pe­ler « la par­ti­ci­pa­tion mas­cu­line à tout pro­ces­sus repro­duc­tif[75]. » Pro­vi­soi­re­ment indis­pen­sables comme four­nis­seurs de matière pre­mière repro­duc­tive, les hommes doivent être effa­cés de la généa­lo­gie. Révi­sion­nisme bio­lo­gique qui tra­hit la haine recuite des néo-sexistes. Le père, il faut bien dire que ça nous rap­pelle les heures les plus sombres de l’humanité.

Ayant éli­mi­né l’humain de la sphère de la pro­duc­tion (robots, auto­mates, algo­rithmes), les machines le rem­placent dans sa repro­duc­tion. Comme dans tous les aspects de la vie 4.0, le pro­grès est impla­cable : tou­jours moins d’humain. Ce que la loi de bioé­thique valide en auto­ri­sant les femmes à faire des enfants sans par­te­naire mas­cu­lin. Comme s’en glo­ri­fie Anne, consul­tante en res­sources humaines, à L’Obs : « J’ai fait ma petite fille toute seule, en Bel­gique[76]. » Alice, cinq ans, est sûre­ment fière d’avoir une maman si forte — Toute seule ! mais avec un labo­ra­toire, des méde­cins, un trai­te­ment de sti­mu­la­tion ova­rienne, un dis­po­si­tif de fécon­da­tion in vitro. L’autonomie assis­tée par la tech­no­lo­gie et l’expertise. L’indépendance, c’est la dépendance.

Le plus facile à évin­cer était le père. Son compte est réglé. Alice en réclame un, paraît-il, mais les géné­ra­tions futures auront oublié ce détail. Qui plus est, cette dis­pa­ri­tion s’opère au nom du droit, ce qui ren­force la bonne conscience de ceux que leur stan­ding poli­tique préoccupe.

Puis il faut dire que ces accou­ple­ments à visée repro­duc­trice étaient atro­ce­ment mam­mi­fères. Pen­sons aux reli­gieuses et aux « a‑sexuelles », elles aus­si vic­times de « sté­ri­li­té sociale » et pri­vées de leur « liber­té pro­créa­tive » en rai­son de leur chas­te­té. Grâce à la tech­no­lo­gie, elles pour­ront enfan­ter comme Marie et deve­nir des vierges aug­men­tées.

D’après socio­logues et gyné­co­logues, les écrans éteignent la vie sexuelle. Selon une étude de l’université de Cam­bridge[77], les couples anglais ont 40 % de rap­ports sexuels de moins en 2010 qu’en 1990. À ce rythme, c’est fini en 2030. Aux États-Unis, les couples ont neuf fois moins de rap­ports sexuels dans les années 2010 que vingt ans avant, et les « Mil­le­nials » (nés après 1990) sont les plus tou­chés[78]. La plu­part recon­naissent consa­crer plus de temps à leur smart­phone qu’à leur par­te­naire. On le savait depuis les années soixante, la nata­li­té baisse avec la télé. Avec Inter­net, le por­no est à por­tée de vue per­ma­nente des ado­les­cents. Selon les spé­cia­listes, cela en détourne beau­coup de la sexua­li­té avec des humains en chair et en os. L’écran fait écran. Ain­si se réa­lise le rêve de dés­in­car­na­tion de la cyber-fémi­niste Don­na Haraway :

« La repro­duc­tion cyborg est déta­chée de la repro­duc­tion orga­nique. La pro­duc­tion moderne rem­place la repro­duc­tion et semble pareille aux rêves du tra­vail de colo­ni­sa­tion cyborg. Un rêve qui rend le cau­che­mar du Tay­lo­risme idyl­lique[79]. »

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8- Eliminer l’humain pour éliminer l’erreur

À la pointe de l’innovation, le Conseil de Paris a déci­dé en mars 2018 de sup­pri­mer des docu­ments admi­nis­tra­tifs les mots « père » et « mère », aus­si obso­lètes que le poin­çon­neur des Lilas. On doit désor­mais dire « parent 1, parent 2 ». Avouez que cela sonne plus fami­lier à nos oreilles de tech­no­ci­toyens : « Tapez 1, tapez 2 ». Et c’est facile à décli­ner : « Parent 3, parent 4, parent Étoile ». Réduire les per­sonnes à leur fonc­tion géné­rique, c’est les déper­son­na­li­ser et les rendre inter­chan­geables. D’ailleurs, pour­quoi conser­ver cette notion archaïque de « parents », rési­du d’un modèle fami­lial réac­tion­naire, vali­dant qui plus est une dis­tinc­tion hié­rar­chique avec les « enfants » ? Il serait tel­le­ment libé­ra­teur d’envisager des « asso­cia­tions contrac­tuelles », « éga­li­taires », « mutua­li­sant les rôles et fluc­tuant au gré des dési­rs » de chaque membre dési­gné par un simple numé­ro. Et de confier au robot-pué­ri­cul­teur le soin (caring) du pro­duit paren­tal (ex-enfant).

Aus­si la loca­tion du corps réi­fié de « mères por­teuses » — les cou­veuses humaines — s’impose-t-elle natu­rel­le­ment comme un moyen de satis­faire le désir d’enfant d’hommes sou­hai­tant se pas­ser des femmes, et de femmes ne pou­vant enfan­ter. Avec la mater­ni­té décou­pée en géné­tique, ges­ta­tion­nel et social, il suf­fit d’avoir un pro­jet paren­tal pour être « mère ». Seule compte la volon­té. Selon ce rai­son­ne­ment, les enfants non pro­gram­més n’ont donc pas de parents.

La chro­nique de la GPA révèle qu’au-delà des exemples rebat­tus de Fran­çais par­tis ache­ter des bébés en Inde, en Ukraine ou aux États-Unis, Israël joue un rôle pion­nier. C’est Jean Stern, cofon­da­teur de Gai Pied en 1979, puis jour­na­liste à Libé­ra­tion et à La Tri­bune, qui nous ins­truit dans son livre Mirage gay à Tel Aviv :

« Le “baby-boom gay” en Israël, sans équi­valent dans un autre pays par son ampleur, repré­sente depuis 2010 plus de 10 000 nais­sances pour les les­biennes et 5000 pour les hommes. […] Israël a été un pion­nier de la fécon­da­tion in vitro, légale dès 1981. Le suc­cès et le déve­lop­pe­ment de la FIV sont consi­dé­rés comme une réus­site du savoir-faire israé­lien en matière de bio­lo­gie et de géné­tique, et font l’objet d’une grande fier­té nationale. […] 

Fidèle à son idéo­lo­gie nata­liste, Israël a été le pre­mier pays au monde à se doter en 1996 d’une loi auto­ri­sant la “mater­ni­té de sub­sti­tu­tion”. Mais la loi réserve l’usage de la GPA aux hété­ro­sexuels, sous le contrôle de l’État. Les gays sou­hai­tant y avoir recours se rendent à l’étranger. “Ils louent des ventres, signent un contrat, payent, sou­vent très cher, parlent à peine à la mère por­teuse, sur­tout si elle est asia­tique, et repartent avec l’enfant”, s’indigne le com­mu­niste ten­dance queer Uri Welt­mann. L’achat d’un bébé a en effet un coût : à par­tir de 100 000 dol­lars aux États-Unis, 150 000 au mini­mum si la mère por­teuse est juive, 50 000 dol­lars envi­ron en Inde, aux Phi­lip­pines ou en Thaï­lande. À titre de com­pa­rai­son, la GPA en Israël coûte entre 60 000 et 80 000 dol­lars pour les couples hété­ro­sexuels. Mal­gré ces prix, la demande explose. Des agences d’assistance à la GPA, comme Baby Bloom, pros­pèrent sur ce mar­ché de l’enfant en assis­tant les couples gays pour des démarches com­plexes[80]. »

Au temps pour la GPA « éthique » et acces­sible à tous. En Israël comme ailleurs, la loca­tion d’utérus est réser­vée aux riches, même quand elle s’effectue à domi­cile et de façon « encadrée ».

Quant aux pres­ta­taires en ges­ta­tion, elles ont si bien ingur­gi­té la bonne parole scien­ti­fi­co-éthique sur le mor­cel­le­ment sans dom­mage de la mater­ni­té, qu’elles récitent les mêmes ren­gaines sur la faci­li­té du ser­vice ren­du. Lequel exige d’ailleurs un contrôle tech­nique encore accru, afin de garan­tir la qua­li­té du produit.

Les tenants de la GPA déplorent pour la forme le sort des Indiennes, des Ukrai­niennes et des femmes des pays pauvres réduites à louer leur ventre à de riches com­man­di­taires. C’est pour mieux pro­mou­voir une GPA pré­ten­du­ment dés­in­té­res­sée, sou­vent incar­née par des Amé­ri­caines avides de prouesses nar­cis­siques, de recon­nais­sance et de puis­sance créa­trice. Comme le note la gyné­co­logue Nicole Athéa, ces femmes ont recours à la « rhé­to­rique de l’altruisme » pour pou­voir « se regar­der dans la glace, voire s’idéaliser en jouant un rôle qui leur per­met une légi­ti­ma­tion sociale[81] ». Ain­si, Julie Lynn Stern, six enfants pour cinq familles différentes :

« Elle tire de ses gros­sesses une immense fier­té […]. Elle se sou­vient encore de la tête des parents quand on leur a ten­du le bébé qu’elle venait de mettre au monde. “C’était gigan­tesque, tel­le­ment émou­vant”, dit-elle[82]. »

Avez-vous remar­qué ? Les débats sur l’éthique du pro­cé­dé se concentrent sur les adultes : s’agit-il d’exploiter le corps d’une femme contre de l’argent ? Même quand celle-ci le fait par « plai­sir » et « altruisme » ? Ne risque-t-elle pas de s’attacher à l’enfant ? Et pour­quoi refu­ser un ser­vice entre adultes consen­tants, la « GPA éthique » pro­mue par Eli­sa­beth Badinter ?

Qu’en pensent les pro­duits de ces contrats entre adultes ? Com­ment vit-on quand on a été dési­ré comme orphe­lin, des­ti­né dès avant sa concep­tion à être (aban)donné par celle à qui l’on doit la vie ? Acces­soi­re­ment, que res­sentent les enfants de la mère por­teuse lors de ces gros­sesses sans frères ni sœurs — de ces dons/abandons d’enfants ? Leur pose-t-on seule­ment la question ?

Rares sont les témoi­gnages et les études appro­fon­dies, sur le long terme et sur des cohortes suf­fi­santes d’enfants nés de mères por­teuses et deve­nus adultes. « On a quand même pas mal échan­gé de choses en neuf mois ! », lâche une de ces enfants fran­çais, à la recherche de sa « bien­fai­trice » : « C’est deve­nu une obses­sion[83] ». Il paraît — mais ne le dites pas à Valen­ti­na Men­nes­son, héber­gée pen­dant neuf mois par une « ges­ta­trice » amé­ri­caine et pour qui « le mot mère n’a rien à voir dans tout cela[84] » — que l’enfant et les deux parents com­mu­niquent pen­dant la gros­sesse. Que les voix de la mère et du père créent des émo­tions chez le fœtus. Que les Chi­nois, forts en méta­phores, nomment le péri­née « la porte des ancêtres » — mais ne ver­sons pas dans l’obscurantisme généalogique.

Laurent Salo­mon, gyné­co­logue obs­té­tri­cien à l’hôpital Necker :

« “Le fœtus modèle et déve­loppe son cer­veau (…) avec l’environnement qu’il a durant la gros­sesse.” Il peut s’agir des voix, des sons, des langues qu’il entend dans le ventre. D’ailleurs, pour­suit le méde­cin, dès sa nais­sance, l’enfant répond de manière dif­fé­rente à la langue enten­due durant la gros­sesse. (…) Cela va même plus loin. Le fœtus sent si ces sons, odeurs, ou autres, déclenchent du plai­sir — ou de la peur — chez la femme qui le porte (en fonc­tion des endor­phines qu’elle pro­duit). Résul­tat : “Le fœtus se sen­ti­ra lui-même bien — ou mal — dans ces mêmes situa­tions.” Il fabri­que­ra les mêmes asso­cia­tions, au moins durant un cer­tain temps.[85] »

Déjà, la repro­duc­tion arti­fi­cielle prive les enfants des récits, réels ou fan­tas­més, des cir­cons­tances de leur concep­tion. Quel enfant n’y a son­gé plus ou moins consciem­ment ? La concep­tion en bocal, quel sym­bole pour l’imaginaire. Que dire de ces fra­tries pro­duites en série dans la même éprou­vette, et décon­ge­lées au gré des pro­jets paren­taux. Aînés et cadets fabri­qués le même jour, parais­sant sur la scène fami­liale à des années d’écart. Et mûris bien­tôt dans des uté­rus de location.

Cas inté­res­sant : des femmes enceintes suite à un don d’ovocytes expriment leur trouble quant à leurs liens avec l’enfant issu d’un ovule « étran­ger ». Elles se sentent « mères por­teuses », rap­porte la psy­cha­na­lyste Gene­viève Delai­si de Par­se­val, mili­tante de la repro­duc­tion arti­fi­cielle (et membre du lob­by des époux Men­nes­son, en pro­cès contre l’État pour impo­ser à l’état civil leurs enfants nées par GPA[86]). Afin de ras­su­rer ces futures mères, l’experte use d’un argu­ment bio­lo­gique : les liens mère/enfant s’établissent par la gros­sesse. « Même dans les col­loques médi­caux, la gros­sesse n’est plus consi­dé­rée comme un simple por­tage[87] », sou­tient-elle. Si vous avez por­té l’enfant, vous êtes sa mère.

À moins d’être une simple por­teuse, évi­dem­ment. Et Gene­viève Delai­si de Par­se­val d’inverser alors son dis­cours pour van­ter la GPA :

« C’est donc un pos­tu­lat sim­pliste de pen­ser que la phy­sio­lo­gie consti­tue­rait l’alpha et l’omega de la mater­ni­té : une femme ne devient pas mère, comme par magie, le jour où elle accouche ! (…) Quant à la ques­tion du vécu des enfants nés dans ces condi­tions (…) un bébé por­té par quelqu’un d’autre que sa mère est capable, par dépla­ce­ment, de faire un trans­fert sur d’autres adultes (…) Le fait que ce ne sont pas les gamètes de la ges­ta­trice qui ont par­ti­ci­pé à la créa­tion de l’embryon consti­tue, à l’évidence, un fac­teur favo­rable à ce dépla­ce­ment d’affects[88]. »

Face je gagne, pile tu perds. C’est comme ça les arrange. Gene­viève Delai­si de Par­se­val peut sou­te­nir une chose et son contraire sui­vant les moments et les inter­lo­cu­teurs. Aux uns, elle garan­tit que la PMA avec « tiers pro­créa­teurs » (don de gamètes) est sans « risque psy­chique[89] ». Aux autres, elle explique : « L’autoconservation ovo­cy­taire est bien moins trans­gres­sive que les tech­niques d’AMP avec don de gamètes, puisqu’elle n’engendre aucune “dis­jonc­tion” géné­tique[90]. » De quoi ce double dis­cours est-il le symp­tôme, Gene­viève Delai­si de Parseval ?

Si l’humain est une pâte à mode­ler et à remo­de­ler par la socié­té, a for­tio­ri le petit d’homme doit s’adapter à tout. Et il le fait, tant bien que mal — a‑t-il le choix. Il rem­plit sa mis­sion d’enfant, il pro­tège ses parents. Quant aux effets sur l’individu et la socié­té de ces com­bi­nai­sons de trans­ferts et d’affects dépla­cés, comme ceux des sub­stances toxiques et de la pol­lu­tion sur nos orga­nismes, ils sont d’autant plus dif­fi­ciles à prou­ver qu’on ne les cherche pas. Comme disait le patron des indus­tries chi­miques fran­çaises : « Les géné­ra­tions futures feront comme tout le monde, elles se démerderont ».

Cepen­dant, qua­rante ans après les débuts de la repro­duc­tion arti­fi­cielle, du réel se mani­feste. Telle cette reven­di­ca­tion insis­tante d’une géné­ra­tion arri­vée à l’âge d’enfanter, et qui veut connaître l’identité de ses « don­neurs de gamètes » au nom d’un « besoin d’humanité ». Un point que la nou­velle loi bioé­thique leur accorde, afin de faire la part du feu, sui­vant le conseil cyni­que­ment pro­di­gué par la socio­logue mili­tante Irène Théry :

« Si nous nous accor­dons sur cette belle ambi­tion, alors tout un ensemble de reven­di­ca­tions qui paraissent aujourd’hui dis­pa­rates — ouver­ture de la PMA à toutes les femmes, accès aux ori­gines, droits des enfants nés de GPÀ à l’étranger, auto­con­ser­va­tion des ovo­cytes… — pren­dront tout leur sens et pour­ront être dis­cu­tées de façon beau­coup plus apai­sée[91]. »

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9- Le fait accompli comme contrat social : le droit du plus fort

Il faut, selon les pro­mo­teurs de la repro­duc­tion arti­fi­cielle, élar­gir l’accès à la PMA à toutes les femmes, parce que cer­taines d’entre elles y ont recours à l’étranger afin de contour­ner la loi. D’après cette morale poli­tique mode­lée sur la loi du mar­ché, main­te­nir une loi quand des indi­vi­dus la trans­gressent relève de « l’hypocrisie ».

Trans­met­trez-vous cet exemple de civisme à vos enfants, quand vous les aurez obte­nus ? N’oubliez pas de leur ensei­gner aus­si l’exil fis­cal en Suisse, comme révolte contre un impôt fran­çais éter­nel­le­ment en retard sur les autres légis­la­tions. Puisque le fait accom­pli est la forme moderne du contrat social, pen­sez à reven­di­quer la fin de l’hypocrite code de la route, au motif que des mil­lions de conduc­teurs l’enfreignent sans frein, de même que l’abolition de l’hypocrite droit du tra­vail, compte tenu de l’ampleur du tra­vail au noir dans « ce pays ».

Le même fait accom­pli per­met­tra la bana­li­sa­tion de la GPA. « Ne faut-il pas la léga­li­ser aujourd’hui, à l’instar de nom­breux pays étran­gers[92] ? », feint de s’interroger la fon­da­tion Ter­ra Nova. « La GPA existe ailleurs et ne va pas s’arrêter parce qu’on la refuse[93] », plaide Stop Homo­pho­bie. Argu­ment vali­dé par les pro­mo­teurs de la peine de mort, des armes en vente libre, des pes­ti­cides, OGM et autres nécrotechnologies.

Les parents d’intention dont les-dési­rs-sont-des-droits ins­tru­men­ta­lisent déjà l’intérêt de l’enfant pour enté­ri­ner juri­di­que­ment ces pauvres « fan­tômes de la Répu­blique », et donc, le recours aux mères por­teuses à l’étranger. Le couple Men­nes­son, son for­fait accom­pli aux États-Unis, n’a de cesse de faire ins­crire ses jumelles à l’état civil fran­çais, api­toyant les télé­spec­ta­teurs sur les mau­vais trai­te­ments que son désir illé­gal inflige à ses enfants. Ce n’est pas « la France » qui est cou­pable, mais ces consom­ma­teurs sans ver­gogne, qui ne seront pour­tant pas condamnés.

Ain­si, ceux qui ont les moyens de se louer un uté­rus amé­ri­cain ou ukrai­nien par­viennent à leurs fins, écrivent des livres sur leur mer­veilleuse his­toire[94] et dis­posent l’opinion à la machi­na­tion du corps des femmes. Quand suf­fi­sam­ment de rebelles média­tiques auront ain­si fait, la socio­logue Irène Thé­ry, les avo­cats Caro­line Méca­ry et Daniel Borillo n’auront plus qu’à dénon­cer la « stig­ma­ti­sa­tion de familles déjà là » pour for­cer la révi­sion des lois de bioéthique.

C’est encore ce fait accom­pli qui ouvri­ra la voie au bébé sur-mesure dans l’Hexagone, d’abord ache­té ailleurs, puis made in France. Quant aux indi­gna­tions sur­jouées — « Vous exa­gé­rez ! On n’en est pas là ! La France n’est pas les États-Unis, on ne tolère pas ça, la loi empêche les dérives ! » — cha­cun sait désor­mais à quoi s’en tenir.

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10- La liberté de disposer d’un corps obsolète

« PMA : mon corps, mon choix, ma famille, ta gueule[95] ! » La ban­de­role est expli­cite : pour les acti­vistes LGBT et néo-sexistes, la repro­duc­tion arti­fi­cielle relève du choix indi­vi­duel. La repro­duc­tion, sans doute — quoiqu’elle ait tou­jours été liée à la culture et à l’organisation sociale — mais son arti­fi­cia­li­sa­tion, sûre­ment pas. Grande décou­verte pour les com­man­di­taires de bébés-éprou­vettes : délé­guer une fonc­tion natu­relle, libre et gra­tuite au sys­tème tech­no-indus­triel, avec une prise en charge col­lec­tive (« ta gueule » certes, mais « ton fric », soit 300 mil­lions par an), se paie en auto­no­mie et en liber­té. Il fal­lait y pen­ser avant — ou écou­ter les « obs­cu­ran­tistes » technocritiques.

En deve­nant tech­no­lo­gique, la pro­créa­tion est pas­sée de la sphère pri­vée à la sphère publique, sou­mise à la déli­bé­ra­tion et au regard de tous. Il n’y a pas de « premier(e)s concerné(e)s » dans le débat sur le mode de repro­duc­tion. Celui-ci regarde la socié­té des humains dans son ensemble, en ce qu’il déter­mine la pour­suite de la vie natu­relle, spon­ta­née, et col­lec­tive, ou la prise en main de l’évolution par les biocrates.

Mais il est plus facile de cou­vrir ses contra­dic­teurs d’infamie, comme ces asso­cia­tions « fémi­nistes » et LGBT, ulcé­rées qu’on ose débattre de leur choix :

« Comme tou­jours lorsqu’il est ques­tion des droits des femmes, de leur liber­té à dis­po­ser de leur corps et de leur choix de fon­der ou non une famille, la réforme de la pro­cé­dure d’accès à la PMA est à nou­veau l’occasion pour tout un cha­cun de se per­mettre de com­men­ter et cri­ti­quer des choix per­son­nels, qui ne devraient rele­ver que de la liber­té indi­vi­duelle[96]. »

« La liber­té de dis­po­ser de son corps », ou com­ment retour­ner un prin­cipe contre lui-même.

Nous, Chim­pan­zés du futur, défen­dons la liber­té pour cha­cun de faire la bête à deux dos avec qui lui plaît ; nous défen­dons la contra­cep­tion non chi­mique et le droit de ne pas faire d’enfants[97] ; nous défen­dons la liber­té pour le patient de choi­sir son trai­te­ment ou de refu­ser l’acharnement thé­ra­peu­tique ; nous recon­nais­sons le droit à l’avortement et au sui­cide. À l’inverse des bien­pen­sants qui nous ser­monnent, nous reven­di­quons la liber­té de bala­der libre­ment notre corps sans géo­lo­ca­li­sa­tion ni lais­sez-pas­ser bio­mé­trique. Nous n’exigeons pas pour autant que la loi nous auto­rise à nous vendre comme esclaves, à nous louer pour un concours de lan­cer de nains si nous l’étions, à vendre nos organes, notre sang et nos gamètes, ou à léguer notre dépouille aux Amis de l’anthropophagie.

Nous recon­nais­sons une limite à cette libre dis­po­si­tion de notre corps, au nom des droits supé­rieurs de l’humanité. Le droit des par­ti­cu­liers à s’aliéner ne peut pas l’emporter sur le prin­cipe géné­ral de la non dis­po­ni­bi­li­té des corps. Qui s’aliène rend poten­tiel­le­ment licite l’aliénation d’autrui. Dans un monde qui se divise entre ceux qui peuvent et ceux qui subissent, ce ne sont pas les moyens de contrainte et de mani­pu­la­tion qui manquent pour sur­prendre le consen­te­ment des corps et des esprits à l’auto-aliénation. Le but des droits de l’homme est de pro­té­ger cha­cun contre cette licéi­té d’aliénation, et non pas de la per­mettre à la faveur de leur retour­ne­ment. Voi­là pour­quoi la repro­duc­tion arti­fi­cielle de l’humain nous concerne tous et non pas seule­ment quelques uns, homo­sexuels ou hété­ros stériles.

« Le logi­cien et phi­lo­sophe Alfred N. Whi­te­head notait avec humour : “Per­sonne ne dit : j’arrive ! Et j’apporte mon corps avec moi.” Mau­rice Mer­leau-Pon­ty ajou­tait : “Je n’ai pas un corps, je suis mon corps. Dans l’ouvrage de 1970, Our Bodies, Our­selves, des fémi­nistes bos­to­niennes reven­di­quaient la liber­té de leur vie sexuelle, de leur inti­mi­té et de leur fécon­di­té. Elles disaient elles aus­si : “Nos corps, nous-mêmes”.

Cette for­mule a été mal­heu­reu­se­ment trans­po­sée dans un slo­gan ambi­gu : “Mon corps m’appartient”. Ce n’est pas la même chose[98]. »

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Quelle est cette pré­ten­due liber­té dépen­dante d’un mar­ché qui impose sa loi et d’un appa­reil tech­no-indus­triel qui dicte ses pro­cé­dures ? Déjà la gros­sesse est pas­sée sous la coupe du pou­voir tech­no-médi­cal : consul­ta­tions et diag­nos­tics pré­con­cep­tion­nels, écho­gra­phies « de contrôle », amnio­cen­tèse, césa­riennes non jus­ti­fiées, etc. Le pro­ces­sus de dépos­ses­sion, de la fécon­da­tion à la nais­sance, est ache­vé. Le corps est un simple moyen au ser­vice du « pro­jet paren­tal », se réjouit la juriste uti­li­ta­riste Mar­ce­la Iacub :

« Ima­gi­nons qu’on ins­ti­tue la filia­tion en fonc­tion de la volon­té, (…) le corps devien­dra seule­ment le moyen de la repro­duc­tion et non plus la source du lien de filia­tion lui-même. L’ac­cou­che­ment doit demeu­rer un moyen, comme tous les évé­ne­ments natu­rels doivent être subor­don­nés à la volon­té et à la liber­té[99]. »

Ces accents trans­hu­ma­nistes ne sont pas for­tuits. La juriste, qui tient chro­nique dans Libé­ra­tion, ne cache pas sa fas­ci­na­tion pour la « mort de la mort ».

« Dis­po­ser de son corps », en matière de repro­duc­tion arti­fi­cielle, consiste à s’en remettre aux labo­ra­toires four­nis­seurs d’hormones, aux méde­cins pres­crip­teurs de pro­to­coles, aux tech­ni­ciens réa­li­sant les ponc­tions, la congélation/décongélation et l’implantation d’embryons, au prix d’humiliations que refusent des indi­vi­dus réel­le­ment atta­chés à leur liber­té[100]. Un pro­jet paren­tal réclame une prise en charge de la Sécu, des infra­struc­tures tech­no-scien­ti­fiques, une exper­tise juri­dique et la col­la­bo­ra­tion d’un nombre crois­sant de par­te­naires (les parents d’intention, les don­neurs de gamètes, la mère por­teuse), plus les équipes tech­niques. On fait mieux en matière d’autonomie.

Nous pren­drons au sérieux ces reven­di­ca­tions de libre dis­po­si­tion de son corps quand leurs par­ti­sans dénon­ce­ront avec nous l’emprise tech­no­lo­gique qui atro­phie nos capa­ci­tés phy­siques et nos sens, rédui­sant les corps à de simples sup­ports assis­tés par des pro­thèses numé­riques. À l’heure de la réa­li­té vir­tuelle, du cyborg, du « réduc­tion­nisme infor­ma­tion­nel[101] » (Céline Lafon­taine) qui réduit le vivant à du code géné­tique, c’est bien plu­tôt l’affaissement des corps qui nous menace, leur rejet dans le lien au monde et aux autres[102] et la déper­son­na­li­sa­tion de l’existence. Si je suis mon corps, il n’y a de liber­té qu’incorporée.

À nou­veau la conver­gence idéo­lo­gique des acti­vistes queer « tran­si­den­ti­taires » et des trans­hu­ma­nistes éclate. Cette rage de décons­truire et recons­truire leur corps tra­duit le désir d’en finir avec cette gue­nille impar­faite et péris­sable, dont ils ne maî­trisent pas tous les pro­ces­sus et dont les limites s’imposent à leur volon­té. Ils bradent leur liber­té per­son­nelle pour une puis­sance exté­rieure. D’où cette confu­sion entre décor­po­ra­tion et maî­trise du corps opé­rée par Marc Roux, pré­sident de l’Association fran­çaise trans­hu­ma­niste, à pro­pos de la GPA :

« Elle par­ti­cipe com­plè­te­ment de cette même logique qui peut nous per­mettre de nous rendre le plus indé­pen­dant pos­sible, si ce n’est le plus maître pos­sible de nos corps[103]. » Marc Roux n’est pas son corps. C’est un pur esprit, sinon le sys­tème vocal d’une intel­li­gence arti­fi­cielle. Sa per­cep­tion sen­sible du monde doit être rem­pla­cée par une média­tion tech­no­lo­gique — un smar­tien sur son smart­phone. « The Senses have no futur », écrit le trans­hu­ma­niste Hans Mora­vec. Pour le cyber artiste aus­tra­lien Ste­larc : « Il n’est plus ques­tion de per­pé­tuer l’espèce humaine par la repro­duc­tion, mais d’élever les rela­tions sexuelles grâce à l’interface être humain-machine. Le corps est obso­lète[104]. »

De la nais­sance à la mort, il n’est ques­tion que d’éliminer cet encom­brant obs­tacle à la toute-puis­sance. Qu’est-ce que la repro­duc­tion arti­fi­cielle, sinon l’effacement du corps dans l’engendrement ? L’immaculée concep­tion tech­no­lo­gique. Mais pour­quoi fabri­quer un enfant quand on hait la chair à ce point ; nul ne vous y oblige.

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11- Au-delà des limites : transformation du désir en droit (mon désir sera ta loi)

Mal­gré les pos­tures faus­se­ment sub­ver­sives des acti­vistes LGBT contre « le modèle fami­lial tra­di­tion­nel », leur exi­gence d’accès à la PMA, comme celle des couples hété­ros sté­riles, n’aspire qu’à repro­duire ledit modèle : des parents et des enfants comme tout le monde. Les fana­tiques du « tout social », en guerre contre « la révé­rence totale à l’égard de la nature[105] » (Eli­sa­beth Badin­ter), veulent des contre­fa­çons de la nature (bio­tech­no­lo­giques). Un enfant fabri­qué en labo­ra­toire plu­tôt qu’une famille sans enfant. Soit dit en pas­sant, si le désir d’enfant est « on ne peut plus natu­rel », comme le déclare Mar­ta Spran­zi, alors il y a une nature humaine. On n’avait pas cou­tume d’entendre les décons­truc­tion­nistes sou­te­nir pareille héré­sie essen­tia­liste. C’est comme ça les arrange.

La sté­ri­li­té, natu­relle ou pro­vo­quée par le mode de vie indus­triel (pol­lu­tion, séden­ta­ri­té, obé­si­té, etc.), n’altère pas la san­té. Elle relève plu­tôt du han­di­cap[106], ou de la carence. La concep­tion arti­fi­cielle d’un enfant ne soigne pas l’infertilité, mais la com­pense. Elle est rem­bour­sée par la Sécu, à la dif­fé­rence des chiens d’aveugles — mais Libé­ra­tion ne milite pas contre cette inéga­li­té-là[107].

Han­di­ca­pés, nombre de sourds refusent une greffe d’implants cochléaires. Ils ne veulent pas être des hommes-machines dotés d’ouïe arti­fi­cielle, mais enri­chir la culture humaine de leur par­ti­cu­la­ri­té et trans­mettre le lan­gage des signes. Une solu­tion humaine et auto­nome plu­tôt que l’automachination et la sou­mis­sion à des dis­po­si­tifs hété­ro­nomes, qu’il leur est de plus en plus dif­fi­cile à défendre puisque la tech­no­lo­gie existe.

Comme eux, les couples infer­tiles et les céli­ba­taires qui acceptent leurs limites sus­citent incom­pré­hen­sion et défiance. Pour­quoi refu­ser un enfant puisque la tech­no­lo­gie le per­met ? C’est ain­si que la repro­duc­tion arti­fi­cielle, même mino­ri­taire, s’impose comme la réfé­rence, ses pos­si­bi­li­tés influen­çant dési­rs et com­por­te­ments de tous­sé­toutes. Atten­dez qu’on puisse choi­sir les carac­té­ris­tiques de ses héri­tiers. Cha­cun sait que, pas­sé un cer­tain seuil, l’exception devient la norme. Le phé­no­mène se répète à chaque saut tech­no­lo­gique. La dili­gence n’a pas coha­bi­té long­temps avec l’automobile et le train. Engen­drer soi-même, gra­tui­te­ment et au hasard, sem­ble­ra bien­tôt aus­si incon­gru que faire de l’auto-stop sans pla­te­forme web.

La socio­logue Maria De Koninck, pro­fes­seur à la facul­té de méde­cine de l’Université Laval (Qué­bec), mesure les effets de ce consumérisme :

« [La] construc­tion sociale du désir d’enfant à tout prix — de son enfant à tout prix — […] s’accompagne d’une détresse. […] J’appelle ça la “patho­lo­gi­sa­tion” et la médi­ca­li­sa­tion du désir d’enfant[108] ».

Natu­rel­le­ment, jurent les pro­mo­teurs de la repro­duc­tion arti­fi­cielle, ce « désir d’enfant à tout prix » n’induit nul « droit à l’enfant ». Pour­tant, qui crie à la dis­cri­mi­na­tion dénonce une atteinte à ses droits. Droit à quoi ? Il n’est pas ques­tion de droit à l’enfant — c’est inter­dit — mais du « droit de fon­der une famille » — avec son ham­ster ? Ou du « droit de se repro­duire » — sous forme d’hologrammes en 3D ?

Bien­ve­nue dans le labo­ra­toire de l’homme en pièces déta­chées, où la tech­no­lo­gie pro­duit l’escroquerie juri­dique. De même que les start up de bio­tech­no­lo­gie « ne bre­vètent pas le vivant », selon elles, mais seule­ment des gènes[109], les plain­tifs ne réclament pas un enfant, mais des gamètes sto­ckés dans une banque et une pro­cé­dure tech­nique… pro­dui­sant un enfant. Non pas du lard, mais du cochon. Retour au Pays du men­songe décon­cer­tant (Cili­ga) et illus­tra­tion avec nos jésuites de l’Assemblée nationale :

« De façon una­nime, les tra­vaux pré­pa­ra­toires à la révi­sion bioé­thique ont écar­té ou condam­né cette notion de droit à l’enfant et confir­mé que l’ouverture de l’assistance médi­cale à la pro­créa­tion à toutes les femmes ne repose ni sur l’idée d’un droit à l’enfant, ni sur celle de créer ou de consa­crer un tel droit. Il appa­raît plu­tôt que la seule reven­di­ca­tion est celle du droit au désir d’enfant[110]. »

Vous avez bien lu. S’il ne s’agit que du « droit au désir », quels obs­tacles la nou­velle loi doit-elle lever ? Rien n’empêche le désir d’enfant de s’épanouir dans le cœur de qui­conque. Et quelle révi­sion des lois de bioé­thique consa­cre­ra notre droit au désir de modi­fi­ca­tion géné­tique, notre droit au désir de man­ger notre voi­sin, d’épouser notre chien comme la cyber-fémi­niste Don­na Hara­way, ou de gifler les têtes-à-claques du corps législatif ?

Pour les tech­no-pro­gres­sistes de gauche et de droite, l’enfant est un droit conquis par les femmes (les hommes l’obtiendront dans une pro­chaine loi bioé­thique, ne piaf­fez pas). Voi­là qui donne un sens aug­men­té au slo­gan fémi­niste des années 1970 : Un enfant si je veux, quand je veux.

René Fryd­man rap­porte com­ment, expli­quant aux femmes qu’à 42 ans, la PMA est vouée à l’échec, il s’entend répondre : « Puisque la sécu la rem­bourse jusqu’à 43 ans, j’y ai droit. » Et d’admettre : « c’est vrai que ça ren­force cette notion de droit à l’enfant[111]. » Un droit qu’il a lui-même contri­bué à créer en 1981 avec Emile Papier­nik et Jacques Tes­tard. Du haut de leur exper­tise tech­nique et de leur hubris médi­cale, ils ont pro­duit Aman­dine, le pre­mier bébé-éprou­vette fran­çais, hors de toute déli­bé­ra­tion poli­tique (la pre­mière loi bioé­thique date de 1994). Un droit à l’enfant que Fryd­man conti­nue à pro­mou­voir, en deman­dant à l’Assemblée natio­nale et dans les innom­brables médias qui lui donnent la parole, le rem­bour­se­ment de la congé­la­tion des ovo­cytes pour toutes.

Faut-il s’ébahir du cynisme avec lequel l’ex-camp de l’émancipation renie ses valeurs. Ce « droit à l’enfant » bafoue les droits inalié­nables de l’individu. Dans un État de droit, on ne donne, ne vend ni ne pro­cure nulle per­sonne humaine. Nul n’a le droit à qui­conque — ni esclave, ni épouse, ni enfant — à l’exception des orphe­lins à qui l’on donne des parents d’adoption (et non l’inverse), en ver­tu des droits de l’enfant. L’Agence de bio­mé­de­cine pousse l’hypocrisie jusqu’à rem­pla­cer « don » par « accueil », pour les embryons sur­nu­mé­raires mis à dis­po­si­tion d’autres couples. Certes, l’embryon n’est que de la viande, mais il faut ména­ger la sen­si­bi­li­té des parents d’intention en visite au congé­lo. À quand une loi et une branche de la Sécu pour faire valoir le droit des cœurs soli­taires à un conjoint ? Ou plu­tôt, leur « droit à vivre en couple » ?

Pour conclure, le libé­ral pré­sident du Comi­té consul­ta­tif natio­nal d’éthique n’a plus qu’à décla­rer : « le CCNE n’a pas le droit de juger de cette trans­for­ma­tion du désir en droit[112] », et le tour est joué. Le fait accompli.

N’étant pas un comi­té d’éthique, encore moins consul­ta­tif, nous avons le devoir de juger cette trans­for­ma­tion, qui enté­rine le pri­mat d’un indi­vi­dua­lisme mor­ti­fère sur le bien com­mun de l’humaine condi­tion. « Pour­quoi pro­tes­ter, puisque nous accor­der ce droit ne retire rien à vos propres droits ? », s’indignent les acti­vistes LGBT, tra­his­sant un indi­vi­dua­lisme qu’ils croient uni­ver­sel. N’imaginent même pas qu’on défende des idées supé­rieures à ses inté­rêts. Le désir de par­ti­cu­liers en mal d’enfant ne peut l’emporter sur le prin­cipe col­lec­tif de l’indisponibilité des personnes.

***

Les Chim­pan­zés du futur engendrent comme ils peuvent, avec leurs limites natu­relles ; les Machins du futur fabriquent leurs suc­ces­seurs comme ils veulent, dans les limites de la tech­no­lo­gie et de son pro­grès per­pé­tuel. Ils troquent la contrainte natu­relle, objec­tive et imper­son­nelle, pour l’asservissement au sys­tème tech­ni­cien et à ses pilotes. Ils croient ain­si s’émanciper, sans voir que l’emballement tech­no­lo­gique et l’imposition de nou­veaux pro­duits et nou­velles normes pro­voquent les dési­rs tou­jours renou­ve­lés de consom­ma­teurs envieux et plain­tifs. On entend déjà les lamen­ta­tions sur la pénu­rie de sperme — retour du réel et de cette fameuse « par­ti­ci­pa­tion mas­cu­line à tout pro­ces­sus repro­duc­tif » qu’il fau­drait taire. Les banques de gamètes ont du mal à four­nir la demande. La Bel­gique achète 90 % de son sperme au Dane­mark et le Cana­da se four­nit aux États-Unis. Voi­là qui pro­met de riches débats inter­sec­tion­nels sur la pro­ve­nance eth­nique du maté­riel repro­duc­tif. Pour­quoi pas le Congo ou le Mexique ? En France, les sté­riles, les les­biennes et les soli­taires redoutent la concur­rence ou la dis­cri­mi­na­tion. Tous attendent de l’État qu’il garan­tisse la dis­po­ni­bi­li­té du maté­riel, ou que la main invi­sible du mar­ché trouve la solu­tion : rému­né­ra­tion des don­neurs, cam­pagnes d’incitation à la soli­da­ri­té, import-export. Le pro­fes­seur Fréour, chef du ser­vice PMA du CHU de Nantes, aime­rait qu’on vise mieux la « cible de 20 mil­lions de can­di­dats poten­tiels[113] », c’est-à-dire d’hommes de 18 à 45 ans en bonne san­té, avec de meilleures cam­pagnes de pub. Fau­dra-t-il impo­ser le par­tage de nos gamètes ? (Équi­table, bien­veillant, res­pec­tueux, inclu­sif, etc.) Si l’on conti­nue de faire aux hommes ce que l’on fait aux ani­maux, quelques sources géné­tiques mâles sélec­tion­nées pour leur qua­li­té excep­tion­nelle ser­vi­ront à la fécon­da­tion de toutes les femelles. Mais bien sûr, la tech­no­lo­gie et les gamètes arti­fi­ciels résou­dront le problème.

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Vivre sans temps mort, jouir sans entrave. Ce fut le mot d’ordre de la grande Fête des hor­mones pour les enfants gâtés des Trente glo­rieuses. Cette géné­ra­tion d’héritiers libé­raux-liber­taires ne s’est rien refu­sé, ni la consom­ma­tion, ni la cri­tique de la consom­ma­tion[114]. Elle n’a d’ailleurs rien trans­mis à ses déshé­ri­tés, sinon l’intime convic­tion que tout leur était dû — et tout de suite. « L’at­tente — quel qu’en soit l’ob­jet — est tou­jours insup­por­table[115] », geint la séna­trice EELV Esther Ben­bas­sa. Les baby-boo­mers, ayant bruyam­ment rom­pu avec la géné­ra­tion pré­cé­dente, ont rom­pu avec l’idée même de géné­ra­tion. On savait déjà que chaque géné­ra­tion est un peuple nou­veau (Toc­que­ville). La trans­mis­sion des anciens aux novices est deve­nue into­lé­rable car « auto­ri­taire » et « ver­ti­cale ». En 1963, Shei­la fait l’un des tubes de la géné­ra­tion des copains en chantant :

Papa papa, papa, t’es plus dans l’coup papa 

Tu devrais ma parole, 

Retour­ner bien vite à l’école 

Révi­ser ton jugement 

Crois-moi ce serait plus prudent 

Les novices aujourd’hui « s’éduquent » entre eux (trans­mis­sion « hori­zon­tale ») et éduquent les anciens (retrans­mis­sion ver­ti­cale). Le lien géné­ra­tion­nel tis­sé par l’engendrement (la géné­ra­tion inin­ter­rom­pue du genre humain) perd son sens. L’avenir, ce sont des enfants sans nom­bril, dont nulle généa­lo­gie ne vient trou­bler l’autodétermination. Dom­mage que la géné­ra­tion spon­ta­née soit impossible.

L’exigence de léga­li­sa­tion du désir d’enfant tra­hit la volon­té de puis­sance pué­rile et des­truc­trice de l’individu-consommateur (alias « client roi », « enfant roi »). Le refus de toute règle, toute limite autre que « mon bon plai­sir », abo­lit toute vie en socié­té au pro­fit de négo­cia­tions inter­per­son­nelles où cha­cun défend au mieux son inté­rêt. Ce retour à la bar­ba­rie, c’est ce que la phi­lo­so­phie poli­tique nomme liber­ta­risme. On voit que le « com­bat d’avant-garde » des parents d’intention et de leurs alliés tech­no­crates macro­niens ne risque pas de per­tur­ber le tech­no­ca­pi­ta­lisme, ni la marche des choses.

Si l’éthique change au gré des dési­rs et si les dési­rs sont des droits, il n’y a nulle rai­son de refu­ser l’hybridation avec des dis­po­si­tifs « d’augmentation », ni cette « large marge de manœuvre dans le choix des moda­li­tés liées à leur épa­nouis­se­ment per­son­nel » que réclament les transhumanistes.

« Ce sont les tech­no­crates, enfin, à l’ère tech­no­lo­gique du capi­ta­lisme pla­né­taire uni­fié, qui construisent la machine à tout faire, évin­çant l’humain de sa propre repro­duc­tion après l’avoir évin­cé de toute pro­duc­tion. Eh quoi ! La paresse n’est-elle plus le moteur du pro­grès ? Tout le sens de l’histoire n’était-il pas d’aboutir à la toute-puis­sance ? À l’état d’heureux et génial fai­néant ser­vi par les machines et doté d’une rente per­pé­tuelle ? Devons-nous pleu­rer d’atteindre aux fins de l’homme ? Fi des jéré­miades judéo-chré­tiennes, de la rédemp­tion par la souf­france et le tra­vail, de la mora­line de l’effort et du devoir — au nom de quelle trans­cen­dance, je vous prie ? De quelle nos­tal­gie rance et réac­tion­naire ? Comme le disent les “anar­chistes galac­tiques”, nous qui dési­rons sans fin, nous n’avons que des droits et nous les avons tous. L’activité humaine ayant réa­li­sé l’utopie de l’abondance et de l’oisiveté assis­tée par ordi­na­teur se livre­ra tout entière à la créa­tion et à l’invention de dési­rs nou­veaux. L’émancipation est une galaxie en expan­sion accé­lé­rée, illi­mi­tée. Elle s’impose à la vitesse des accé­lé­ra­tions tech­no­lo­giques qu’elle ins­pire et qui la réa­lisent en retour. Les obs­cu­ran­tistes peuvent bien s’opposer au pro­grès, ils ne peuvent l’arrêter quand le fait accom­pli bou­le­verse sans phrase l’ordre éta­bli, abo­lis­sant du même coup les normes oppres­sives et les pos­si­bi­li­tés d’opposition. Eux-mêmes, alors, doivent chan­ger ou dis­pa­raître. Nous serons bien­tôt des machines à vivre supé­rieures, inté­grées à la machine uni­ver­selle, au fonc­tion­ne­ment opti­mal et per­pé­tuel, et dotées de ces pou­voirs que les reli­gions attri­buaient aux dieux. Il nous faut cepen­dant, fran­chir d’abord le dur détroit des cir­cons­tances[116]. »

Seule la pen­sée des limites et de la mesure peut nous pré­ser­ver des ravages de la volon­té de puis­sance. Une pen­sée capable de trans­muer la vio­lence des dési­rs, non en pou­voir de produire/détruire le monde et nous-mêmes, mais en subli­ma­tion sym­bo­lique (art, récits, mythes) : l’autre spé­ci­fi­ci­té des humains. Nous avons le choix. Tra­ver­ser les océans d’un coup d’avion low cost et télé­char­ger les cata­logues de labo­ra­toires de bébés d’un clic, ou pen­ser et vivre contre notre temps et « se satis­faire du néces­saire » comme l’ours Baloo[117]. L’appel à l’auto-limitation relève d’abord de l’instinct de conservation.

***

12- Mère-Machine s’occupera de tout (maternage et infantilisme technologiques)

Ayant réduit la ges­ta­tion à un dis­po­si­tif sépa­ré et tech­ni­fié, il est logique de la confier aux machines. Tant qu’on nous rédui­ra à l’état de robots, les robots nous rédui­ront à néant. Les cou­veuses arti­fi­cielles rem­pla­ce­ront bien­tôt les cou­veuses humaines, ache­vant la volon­té tech­ni­cienne d’extérioriser le pro­ces­sus de ges­ta­tion, déjà à l’œuvre avec les écho­gra­phies « de contrôle » et le moni­to­ring élec­tro­nique du fœtus.

Le post­hu­main pous­se­ra en bocal, à l’image de cet agneau grand pré­ma­tu­ré dont une équipe de Phi­la­del­phie a réus­si, fin avril 2017, à assu­rer la ges­ta­tion en uté­rus arti­fi­ciel (un « bio­bag »), appa­rem­ment sans séquelles[118]. La même équipe annonce des dis­cus­sions avec les auto­ri­tés amé­ri­caines pour com­men­cer à tes­ter des uté­rus arti­fi­ciels avec des embryons humains d’ici deux ans[119]. Les tra­vaux de Helen Hung-Ching Liu à l’Université Cor­nell à New York, montrent la pos­si­bi­li­té d’implanter un embryon dans une cavi­té arti­fi­cielle cou­verte de cel­lules endo­mé­triales (qui tapissent la paroi de l’utérus). Il ne reste qu’à relier les deux phases de la ges­ta­tion — le début et la fin.

VRP de l’homme-machine à la mau­vaise joie la plus gros­sière, le jour­na­liste de Libé­ra­tion Luc Le Vaillant en braille d’extase :

« Tout ce qui est scien­ti­fi­que­ment pos­sible sera réa­li­sé. Il ne sert à rien d’interdire, cela crée de la fric­tion et de la délin­quance là où il n’y a que désir d’imitation nor­ma­li­sée. Et puis, ce trans­hu­ma­nisme en ges­ta­tion me fas­cine plus qu’il ne m’affole. Cela m’exalte, ce monde faus­tien qui invente de nou­veaux corps. Les anti-GPA font sou­vent le paral­lèle avec le tra­fic d’organes. Qu’ils cessent de dra­ma­ti­ser ! Infer­ti­li­té ou soins, la meilleure réponse sera tech­no­lo­gique. Demain, les répliques façon cœur Car­mat seront plus per­for­mantes que les trans­plan­ta­tions du vivant. Et l’utérus arti­fi­ciel fini­ra par rem­pla­cer les pres­ta­tions humaines[120]. »

C’est bien ce qu’espèrent eugé­nistes et tech­no-fémi­nistes, en rai­son de leur haine du corps, cette gue­nille répu­gnante. Comme le dit Joseph Flet­cher, expert en éthique bio­mé­di­cale d’Harvard : « Nous réa­li­sons que l’utérus est un endroit obs­cur et dan­ge­reux, un milieu plein de périls. Nous devons sou­hai­ter que nos enfants poten­tiels se trouvent là où ils peuvent être sur­veillés et pro­té­gés autant que pos­sible[121]. »

Voi­là qui rap­pelle le dégoût miso­gyne de la nais­sance : « Inter faeces et uri­nam nas­ci­mur[122] » (nous nais­sons par­mi les fèces et l’urine). Dégoût par­ta­gé par la fémi­niste amé­ri­caine Shu­la­mith Fires­tone dans The Dia­lec­tic of Sex (1970) : « Child­birth is like shit­ting a pump­kin » (accou­cher est comme chier une citrouille), écrit-elle gracieusement.

Les tech­no-fémi­nistes reven­diquent l’ectogenèse au nom de l’égalité, bien sûr. Dans la lignée de Fires­tone, Mar­ce­la Iacub affiche sa haine du charnel :

« Le père et la mère auront la même dis­tance à l’égard de l’enfant, qui aura sûre­ment plus de faci­li­té à deve­nir auto­nome. Il y a actuel­le­ment une sacra­li­sa­tion du ventre et de l’accouchement, à mon avis très pré­ju­di­ciable aux femmes[123]. »

Autre dis­ciple de Fires­tone, la « Mutante » Peg­gy Sastre renchérit :

« Les femmes ne feront rien dans la vie tant qu’elles auront un uté­rus (…) La marche vers l’é­ga­li­sa­tion des sexes est un phé­no­mène récent, ouvert par la dé-phy­si­ca­tion des modes de pro­duc­tion ren­tables et effi­caces. Cepen­dant, tant que la femme conti­nue­ra à por­ter dans son corps la repro­duc­tion humaine, les termes seront en déca­lage. Les Mutantes entendent donc par la désu­té­ri­ni­sa­tion de la femme, rendre pos­sible le rat­tra­page[124]. »

Peg­gy Sastre s’exprime aujourd’hui sous son nom dans la presse pour pro­mou­voir l’ectogenèse : « Les femmes ne pour­ront pas connaître de véri­table auto­no­mie tant qu’elles n’auront pas la pos­si­bi­li­té de s’en débar­ras­ser (NdA : « de la gros­sesse et de l’élevage des enfants »)[125] », dit-elle à Cau­seur, dans un dos­sier sur le trans­hu­ma­nisme. La même par­ti­cipe au site des scien­tistes de l’Association fran­çaise pour l’information scien­ti­fique[126] (Afis), qui défend les inté­rêts de la techno-industrie.

On entend la même reven­di­ca­tion dans la bouche de Chloé, « fémi­niste » liber­taire ou assi­mi­lée, qui mange bio, reven­dique le droit d’avoir des enfants et de « dis­po­ser de son corps » sans souf­frir les contraintes de la gros­sesse : « Je veux pou­voir sor­tir le soir, boire et ne pas avoir mal au dos ». Elle est sou­te­nue dans ce com­bat éman­ci­pa­teur par le bio­lo­giste Hen­ri Atlan, défen­seur de l’ectogenèse :

« Très vite, la ges­ta­tion extracor­po­relle devien­dra la norme. Les pra­tiques de « mères por­teuses » et de PMA en-dehors des struc­tures fami­liales recon­nues par la socié­té ont déjà rom­pu le lien immé­mo­rial entre un bébé et la femme qui l’a por­té. […] L’ectogenèse […] fran­chi­ra un nou­veau seuil. […] L’utérus arti­fi­ciel achè­ve­ra la libé­ra­tion sociale des femmes en les ren­dant égales aux hommes devant les contraintes phy­sio­lo­giques inhé­rentes à la pro­créa­tion[127]. »

Je dirais même plus, l’utérus arti­fi­ciel ren­dra les hommes égaux aux femmes en leur per­met­tant de pro­créer sans elles. Nous serions tel­le­ment plus égaux si les autres n’existaient pas. Les sexistes, fémi­nistes et machistes, tirent avan­tage de cette pro­créa­tique pour se repro­duire sans l’autre sexe, réa­li­sant ain­si leurs aspi­ra­tions mythiques et archaïques (Ama­zones, rites de cou­vade, etc).

Hen­ri Atlan :

« La mater­ni­té dans les condi­tions d’une ecto­ge­nèse devien­drait très proche de la pater­ni­té […] La dif­fé­rence des sexes dans la pro­créa­tion et la filia­tion aura dis­pa­ru en tant que don­née de la nature immé­dia­te­ment perçue. »

Der­rière les pro­cla­ma­tions éga­li­taires, l’ectogenèse sert d’abord la volon­té de maî­trise des pro­ces­sus spon­ta­nés d’engendrement. L’idée est ancienne. Elle a été for­mu­lée dès le XVIe siècle par le méde­cin suisse Para­celse, qui se pré­ten­dait capable de fabri­quer « un homme arti­fi­ciel sans âme, dans un uté­rus arti­fi­ciel[128] ». Le mot fut créé par le géné­ti­cien anglais John B.S Hal­dane dans un ouvrage de 1924 où il décri­vait les « test tube babies[129] » (bébés-éprou­vettes) qui ins­pi­rèrent Le Meilleur des Mondes huit ans plus tard.

Ce mater­nage machi­niste vite trans­mué en matriar­cat machi­niste, entraîne la régres­sion infan­tile, la cas­tra­tion des humains (hommes et femmes) réduits ad vitam à l’état d’avortons. En fait d’« aug­men­ta­tion » et d’amélioration, la machi­na­tion dégrade et dimi­nue l’humain, muti­lé de ses déci­sions et facul­tés. Le mater­nage machi­niste gra­ti­fie ses pièces, membres et par­ties, d’une prise en charge totale et les sou­lage du far­deau de la vie auto­nome. Déli­vrés de la fatigue d’être soi, ils sont, de leur mise en ser­vice à leur mise hors ser­vice, fonc­tion­nel­le­ment inté­grés à la machine à fonc­tion­ner, dont la fonc­tion ultime, sinon unique, est de s’auto-perpétuer.

Le machin dans la machine, membre de l’eusociété, du super­or­ga­nisme cyber­né­tique, maillon d’un filet inex­tri­cable, retrouve ce que Romain Rol­land nom­mait « le sen­ti­ment océa­nique » de la fusion avec le Grand Tout. Déli­vré du Père, ce monstre archaïque qui le sépa­rait de sa mère, l’infantile ne quitte plus son grand Tout mater­nel afin de deve­nir lui-même, sa propre per­sonne, et d’affronter le monde extérieur.

Le contrat tech­no-social est un mar­ché de dupe. Croyant s’affranchir, l’individu s’asservit. Croyant domi­ner, il obéit. Quand on uti­lise les moyens tech­no­lo­giques, on donne le pou­voir aux tech­no­crates. Quand on uti­lise les moyens bio­tech­no­lo­giques, on donne le pou­voir aux bio­crates. Quand on se repose de soi et de tout sur la Mère-Machine, on donne le pou­voir à la Mère-Machine[130].

***

En conclu­sion, lais­sons la parole à Alexandre Via­latte, qui voi­ci un demi-siècle, en juin 1968 et à l’aube d’un âge nou­veau dans le pro­grès des mœurs et des tech­niques, évo­quait les anciennes et nou­velles manières d’enfanter :

« Résu­mons-nous. La femme a joué de tout temps un rôle très impor­tant dans la sur­vie de l’espèce humaine. Tout homme, sans elle, serait un orphe­lin. Par son ins­tinct, par son génie par­ti­cu­lier, pen­dant de longs siècles d’ignorance et de tâton­ne­ment, où l’information fai­sait défaut, elle a su pro­lon­ger la race jusqu’à nos jours où “l’éducation sexuelle”, deve­nue enfin scien­ti­fique et pro­pa­gée par des moyens “audio­vi­suels”, assure l’homme d’une pos­té­ri­té. Il est facile aujourd’hui de se moquer. Mais qu’on songe à l’époque, récente, où sans radio et sans télé­vi­sion, l’homme devait assu­rer par ses propres moyens l’avenir de toute la race humaine. Sans la femme il n’eut jamais pu[131]. »

Pièces et main d’œuvre

Gre­noble, 23 sep­tembre 2019


Lire aus­si :

  • Mani­feste des Chim­pan­zés du futur contre le trans­hu­ma­nisme, Pièces et main d’œuvre (Edi­tions Ser­vice com­pris, 2017)
  • De la popul­lu­la­tion, Pièces et main d’œuvre (2004). Pièce déta­chée n°8 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • La sté­ri­li­té pour tous et toutes ! Alexis Escu­de­ro (2014). Pièce déta­chée n°63 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Au bazar du beau bébé, Alexis Escu­de­ro (2014), sui­vi de L’Homme d’aujourd’hui, Pierre Gérard et Hen­ri Mora (2001). Pièce déta­chée n°64 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • De la repro­duc­tion du bétail humain, Alexis Escu­de­ro (2014), sui­vi de La repro­duc­tion arti­fi­cielle des ani­maux non-humains, par Un auteur de Mou­ton 2.0, (2014) et Pour­quoi ? Erwin Char­gaff (2001). Pièce déta­chée n°65 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Les crimes de l’égalité, Alexis Escu­de­ro (2014), sui­vi de Contre La Manif pour Tous, contre le Col­lec­tif pour le res­pect de la per­sonne, contre la repro­duc­tion arti­fi­cielle de l’humain, A. Escu­de­ro & Pièces et main d’œuvre (2014). Pièce déta­chée n°66 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Ceci n’est pas une femme. À pro­pos des tor­dus « queer », Pièces et main d’œuvre (2015), Pièce déta­chée n°67 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Ecra­sons l’infâme. Le culte de la Mère Machine et la matrice reli­gieuse du trans­hu­ma­nisme, Pièces et main d’œuvre, 2017. Pièces déta­chées n°82/82’ et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • La fabri­ca­tion des humains, Fran­çoise Col­lin, 1987, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Le pro­jet Man­hat­tan de repro­duc­tion, Gena Corea, 1987, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  • Le fil rouge, des théo­ries de Gal­ton aux sondes d’ADN, Nadine Fres­co, 1987, sur www.piecesetmaindoeuvre.com

Glossaire

Nov­langue de la repro­duc­tion artificielle 

Auto­con­ser­va­tion des ovocytes

Pra­tique des­ti­née à repous­ser l’âge de la gros­sesse en gar­dant ses œufs au frais. Au congé­la­teur, ne pas confondre « le pois­son pané et les enfants pas nés » (Blanche Gardin).

Bioé­thique, bioéthicien

Domaine d’expertise des­ti­né à rendre légaux les bou­le­ver­se­ments impo­sés par les cher­cheurs tech­no-scien­ti­fiques. Exige une bonne condi­tion phy­sique (course rapide) et une solide impu­dence. Voir les per­for­mances du pré­sident du Comi­té consul­ta­tif natio­nal d’éthique, Jean-Fran­çois Del­frais­sy. Les trans­hu­ma­nistes comptent nombre de bioé­thi­ciens, par­mi les­quels James Hughes, Julian Savu­les­cu, Joseph Fletcher.

Désu­té­ri­ni­sa­tion

Pro­jet d’émancipation fémi­nine par la sup­pres­sion des organes fémi­nins. Conçu sur le modèle de l’émancipation des peuples par la sup­pres­sion des peuples. Les uns et les autres étant rem­pla­cés par des machines.

Don­neurs de gamètes

Objets de toutes les atten­tions, four­nissent leur sperme, leurs ovules et leur ADN aux néces­si­teux pour des motifs par­fois obs­curs. Selon les pays, rému­né­rés ou non, ano­nymes ou non. Le don de sperme se fait à la main, il est sans dou­leur, durable, sou­te­nable et renou­ve­lable plus de 120 fois comme le prouve le « don­neur pri­vé » néer­lan­dais Ed Hou­ben[132]. Le don d’ovocytes à l’inverse néces­site une inter­ven­tion médi­cale lourde et dou­lou­reuse. Scan­da­leuse discrimination.

Droit à se reproduire

Ne pas confondre avec droit à l’enfant, contraire à la digni­té et à l’inaliénabilité de la per­sonne humaine. Le droit à se repro­duire est natu­rel, légi­time et pris en charge par la socié­té par le tru­che­ment de pro­cé­dures tech­no­lo­giques garan­ties à tous­sé­toutes par la loi. Cepen­dant, des pro­grès res­tent à faire, la pédo­pho­bie domi­nante dans nos socié­tés empê­chant tou­jours les pré­pu­bères de se repro­duire. Variantes : droit de fon­der une famille ; droit au désir d’enfant.

Embryons sur­nu­mé­raires

Embryons obte­nus par fécon­da­tion in vitro et non implan­tés. Sto­ckés au congé­la­teur (voir « Vitri­fi­ca­tion ») en attente de pro­jet paren­tal, de don, d’expériences pour la recherche ou de des­truc­tion. Exemples : Eddy et Nel­son, 6 ans, les jumeaux de Céline Dion, pro­duits le même jour que leur grand frère et décon­ge­lés après huit ans de gla­cière. Leur maman les aime tel­le­ment qu’elle dort avec eux.

Fan­tômes de la république

Enfants issus de la loca­tion illé­gale d’un uté­rus à l’étranger et otages de parents délin­quants. Exemple : les jumelles Men­nes­son, com­man­dées aux États-Unis. Valen­ti­na, 18 ans, a publié ses mémoires de bébé pro­dige por­té par une « ges­ta­trice » amé­ri­caine. Le refus de son ins­crip­tion à l’état civil fran­çais est un pro­blème : « Je ne pour­rai pas héri­ter[133] », pro­teste-t-elle. Elle étu­die l’économie et le mana­ge­ment à Londres, ce qui prouve que les fan­tômes aus­si, peuvent deve­nir de bons mana­gers. Ses parents ont d’ailleurs fon­dé le Comi­té de sou­tien pour la léga­li­sa­tion de la GPA et l’aide à la repro­duc­tion assis­tée (Cla­ra) avec le spon­so­ring de « Extra­or­di­na­ry Concep­tions[134] », une agence cali­for­nienne de devi­nez-quoi. Le sens du busi­ness, ce n’est pas génétique.

Gamètes arti­fi­ciels

Sper­ma­to­zoïdes et ovo­cytes pro­duits in vitro à par­tir de cel­lules souches plu­ri­po­tentes induites ou de cel­lules souches embryon­naires. Moyens de repro­duc­tion asexuée, per­met­tant de se pas­ser de don­neurs, de pro­duire des embryons en nombre illi­mi­té, et de pro­duire à la chaîne des géné­ra­tions suc­ces­sives d’embryons en évi­tant le stade « indi­vi­du » et tous les frais affé­rents (édu­ca­tion, san­té, chômage).

GPA éthique

Oxy­more (comme « déve­lop­pe­ment durable », « entre­prise citoyenne », « com­merce équi­table », « obs­cure clar­té », « roue car­rée ») pré­ten­dant que la loca­tion de son uté­rus aux fins de four­nir un enfant à d’autres serait pos­sible gra­tui­te­ment (moyen­nant défraie­ment) et sans lien de subor­di­na­tion. Si votre mère insiste pour por­ter votre enfant, pré­voir les frais de psy­cha­na­lyse pour l’enfant. Le père de la GPÀ éthique est ce bour­geois gen­til­homme qui n’était point mar­chand mais don­nait de l’étoffe à ses amis pour de l’argent.

Mater­ni­té de substitution

Ten­ta­tive d’euphémisme pour « ges­ta­tion pour autrui ». Encore un effort : on sug­gère « Mater­ni­té pour autrui », insur­pas­sable de sen­ti­men­ta­lisme sirupeux.

Parents d’intention

Soyez concen­trés. Ne pas confondre « parents », « parents sociaux », « géni­teurs » et « parents d’intention ». Les parents d’intention qui dési­rent éle­ver l’enfant sépa­ré­ment ou en plu­ri­pa­ren­ta­li­té — en coopé­ra­tive d’élevage mais non en coha­bi­ta­tion — sont nom­més « copa­pas » et « coma­mans ». Enfin, ils co-workent.

Pro­jet parental

Syno­nyme d’« enfant à venir ». Éla­bo­rer un pro­jet paren­tal néces­site un plan d’action et de finan­ce­ment, une étude de mar­ché, une vali­da­tion juri­dique, des col­la­bo­ra­teurs, un dis­po­si­tif tech­no­lo­gique. Sans pro­jet paren­tal, l’embryon conge­lé est une « matière vivante » dis­po­nible, par exemple, pour la recherche. Avec pro­jet paren­tal, il porte les attentes de ses concep­teurs et doit four­nir des garan­ties de qua­li­té. Un enfant né par inad­ver­tance ne peut se pré­va­loir d’un pro­jet parental.

Sté­ri­li­té sociale

Désigne le com­plot hété­ro­sexuel des­ti­né à empê­cher deux indi­vi­dus de même sexe de se repro­duire, afin de pré­ser­ver les inté­rêts et le mono­pole repro­duc­tif du pou­voir hété­ro­nor­mé. Se dit aus­si à pro­pos des per­sonnes dési­reuses de se repro­duire sans rela­tions sexuelles, vic­times de la socié­té coï­to­nor­mée. Syno­nyme : infer­ti­li­té culturelle.

Tech­nique de repro­duc­tion hétérosexuelle

Intro­duc­tion d’un sexe mâle dans un sexe femelle per­met­tant la fécon­da­tion d’un ovule par un sper­ma­to­zoïde et la for­ma­tion d’un embryon. Tech­nique remon­tant à la plus haute Anti­qui­té, conçue pour empê­cher les indi­vi­dus de même sexe de se repro­duire. Il fau­dra attendre le XXIe siècle pour que le com­plot soit révé­lé. (Voir « sté­ri­li­té sociale »)

Vitri­fi­ca­tion

Tech­nique moderne de conser­va­tion des embryons obte­nus par fécon­da­tion in vitro. À l’inverse de la congé­la­tion, lente et favo­ri­sant la for­ma­tion de cris­taux de glace intra et extra-cel­lu­laires, la vitri­fi­ca­tion est ultra-rapide et sans cris­taux. On déshy­drate l’embryon et on rem­place l’eau de ses cel­lules par des sub­stances cryo­pro­tec­trices à concen­tra­tion éle­vée, avant de l’immerger dans l’azote liquide à ‑196°.

Ne pas confondre avec la cryo­gé­ni­sa­tion, des­ti­née à conser­ver les trans­hu­ma­nistes morts jusqu’à leur résur­rec­tion technologique.


Notes et références

  1. Jean-Fran­çois Del­frais­sy, entre­tien avec Valeurs actuelles, 3/03/18
  2. Cf. « Inno­va­tion scien­ti­freak : la bio­lo­gie de syn­thèse », F. Gaillard, in Sous le soleil de l’innovation, rien de nou­veau ! Pièces et main d’œuvre, L’Echappée, 2013
  3. A. Pichot, La socié­té pure. De Dar­win à Hit­ler (Flam­ma­rion, 2000)
  4. J. Hux­ley, L’Homme, cet être unique [1941], trad. fr. Oreste Zeluck (éd.), 1948
  5. J.Huxley, L’Évolution en action (1951 — PUF, 1956)
  6. Idem
  7. Cf. Pièces et main d’œuvre, Mani­feste des Chim­pan­zés du futur contre le trans­hu­ma­nisme (Ser­vice com­pris, 2017)
  8. www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/salif-keita-denonce-le-sort-tragique-des-albinosvendus-en-pieces-detachees_3056963.html
  9. Cf. Bilan annuel 2017 de l’Agence fran­çaise de bio­mé­de­cine
  10. J.-L Tou­raine, jan­vier 2019
  11. J. Savu­les­cu, « The phi­lo­so­pher who says we should play God », Nau­ti­lus, 3/09/15. Notre tra­duc­tion.
  12. Rap­port de la mis­sion d’information sur la révi­sion de la loi bioé­thique, JL Tou­raine, jan­vier 2019
  13. F. Col­lin, « La fabri­ca­tion des humains », 1987, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  14. F. Engels, De l’autorité, 1872
  15. Agnès Buzyn, audi­tion devant la com­mis­sion spé­ciale bioé­thique, Assem­blée natio­nale, 9/09/19
  16. Cf. J. Haber­mas, L’avenir de la nature humaine. Vers un eugé­nisme libé­ral ? (Gal­li­mard, 2001)
  17. J. Haber­mas, op. cité
  18. Avis n°129 du CCNE rela­tif à la révi­sion de la loi de bioé­thique 2019. Nous sou­li­gnons.
  19. Cer­ti­fi­ca­tions de qua­li­té déli­vrées par des orga­nismes spé­cia­li­sés, en France, l’AFNOR
  20. Audi­tion devant la com­mis­sion « loi de bioé­thique », 30/08/19, www.lcp.fr
  21. Cf. « GPA, PMA : le busi­ness des ovo­cytes », repor­tage de Zone inter­dite, M6
  22. Vote en com­mis­sion dans la nuit du 11 au 12 sep­tembre 2019
  23. Tract « Ensemble, disons NON au mar­ché de la pro­créa­tion », dis­tri­bué à Gre­noble, juin 2018. L’appel à mani­fes­ter contre la loi de bioé­thique le 6 octobre 2019 est signé par Les Familles plu­mées, Trace la Route, Col­lec­tif pour le Res­pect de la méde­cine, les Asso­cia­tions fami­liales catho­liques, l’Institut Famille et Répu­blique, Sen­ti­nelles, Comi­té pro­tes­tant évan­gé­lique pour la digni­té humaine, la Fédé­ra­tion natio­nale de la médaille de la famille fran­çaise, Les Veilleurs Géné­ra­tions à venir, Les Éveilleurs, La Manif pour Tous, Maires pour l’enfance, Agence euro­péenne des adop­tés, Vigie Gen­der, Alliance Vita, La voix des sans père
  24. Le Dau­bé, 20/03/18
  25. P. Ray, cité dans le rap­port annuel 2017 de l’Agence fran­çaise de bio­mé­de­cine
  26. Ins­ti­tut d’éthique bio­mé­di­cale de l’université de Zürich, « Le diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire dans les légis­la­tions des pays euro­péens : sommes-nous sur une pente glis­sante ? », in Bioe­thi­ca Forum, 2008, vol. 1, n° 2
  27. G. Corea, The Mother Machine. Repro­duc­tive Tech­no­lo­gies from Arti­fi­cial Inse­mi­na­tion to Arti­fi­cial Wombs, Har­per & Row Publi­shers, 1985
  28. G. Corea, Confé­rence inter­na­tio­nale FINNRET, Lund, Suède, juillet 1985
  29. Tri­bune parue dans Le Monde, 17/03/16
  30. G. Stock, « Le choix ger­mi­nal est iné­luc­table ! », entre­tien avec lesmutants.com.
  31. Elle a notam­ment ven­du 60 mil­lions de dol­lars l’accès à sa base de don­nées à Genen­tech, filiale de Roche, en 2015, pour une étude sur la mala­die de Par­kin­son.
  32. www.nouvelobs.com/monde/20140110.OBS1978/comment-la-chine-fabrique-ses-futurs-genies.html
  33. Audi­tion devant la com­mis­sion « loi de bioé­thique », 30/08/19, www.lcp.fr
  34. « Euge­nics 2.0 : We’re at the Dawn of Choo­sing Embryos by Health, Height, and More », MIT Tech­no­lo­gy Review, nov. 2017. Notre tra­duc­tion.
  35. Nick Bos­trom, Super intel­li­gence, Dunod 2017
  36. « Dans la fabrique des bébés OGM », Cour­rier Inter­na­tio­nal, hors-série mai-juillet 2019
  37. www.sciencesetavenir.fr/sante/genetique-un-biologiste-voudrait-lui-aussi-creer-des-bebes-crispr_134478
  38. Cel­lules qui ne pro­viennent pas d’un embryon et qui sont capables de se mul­ti­plier indé­fi­ni­ment ain­si que de se dif­fé­ren­cier en tous les types de cel­lules qui com­posent l’organisme.
  39. Idem
  40. « Géné­rer le gamète mâle et femelle à par­tir de cel­lules souches plu­ri­po­tentes humaines : est-ce pos­sible ? », revue Méde­cine de la Repro­duc­tion, Gyné­co­lo­gie Endo­cri­no­lo­gie, 2011 41 Rap­port du 14/09/19, http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r2243-a0.asp
  41. Rap­port du 14/09/19, http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r2243-a0.asp
  42. Cf. https://www.nature.com/articles/d41586-019–02275‑3 et sur www.piecesetmaindoeuvre.com
  43. The End of Sex and the Future of Human Repro­duc­tion, H. Gree­ly, Har­vard Uni­ver­si­ty Press, 2016
  44. Cf. « The next sexual revo­lu­tion will hap­pen in a lab, not a bed », 9/04/18, entre­tien sur www.macleans.ca
  45. « In vitro Euge­nics », Jour­nal of Medi­cal Ethics, 2014, cité par le trans­hu­ma­niste Ber­nard Baert­schi, membre du comi­té d’éthique de l’Inserm, in De l’humain aug­men­té au post­hu­main. Une approche bioé­thique, Vrin, 2019
  46. N. Bos­trom & C. Shul­man, « Embryo Selec­tion for Cog­ni­tive Enhan­ce­ment : Curio­si­ty or Game­chan­ger ? », Future of Huma­ni­ty Ins­ti­tute, Oxford, www.nickbostrom.com
  47. www.slate.fr/story/169437/gametes-in-vitro-procreation-medicalement-assistee-pma-parents-meme-sexe
  48. « Si vous vous sou­ciez de l’avenir de notre espèce, vous devriez vous sou­cier de ça » :https://law.stanford.edu/directory/henry-t-greely/#slsnav-featured-video
  49. J. Hughes, transhumanistes.com/archives/800
  50. G. Anders, L’Obsolescence de l’homme, Ency­clo­pé­die des nui­sances, 2002
  51. Aris­tote, La Phy­sique
  52. Mar­ta Spran­zi, « La PMA pour tous ou le triomphe de la nature », Libé­ra­tion, 15/10/17
  53. M. Gau­chet, « L’individu pri­va­ti­sé », 2007, http://gauchet.blogspot.fr
  54. Cf. Revue médi­cale suisse, https://www.revmed.ch/RMS/2002/RMS-2391/701
  55. J. Haber­mas, L’avenir de la nature humaine, op. cité.
  56. J. Hughes « Embra­cing change with all four arms : A post-huma­nist defense of gene­tic engi­nee­ring », inEubios Jour­nal of Asian and Inter­na­tio­nal Bioe­thics (1996), p. 94–101
  57. Nick Bos­trom, « A Trans­hu­ma­nist Pers­pec­tive on Human Gene­tic Enhan­ce­ments »
  58. Europe 1, 27/08/19
  59. Le Monde, 13/04/18
  60. http://www.lefigaro.fr, 26/01/18
  61. Réseau fémi­niste inter­na­tio­nal de résis­tance aux tech­niques de repro­duc­tion et à l’in­gé­nie­rie géné­tique, Décla­ra­tion de Comil­la, Ben­gla­desh (1989), www.finrrage.org. Voir le Mani­feste des Chim­pan­zés du futur contre le trans­hu­ma­nisme, Pièces et main d’œuvre (Edi­tions Ser­vice com­pris, 2017)
  62. www.sos-homophobie.org
  63. « Je ne vois pas en quoi la PMA serait un “pro­grès” », entre­tien avec Le Figa­ro, 08/07/16
  64. Libé­ra­tion 26/10/15
  65. Selon Le Monde, 29 juillet 2017. B. Pre­cia­do, Tes­to Jun­kie. Sexe, drogue et bio­po­li­tique, Gras­set, 2008
  66. Libé­ra­tion, 23/09/13
  67. J. Hugues, « Citi­zen Cyborg ou Le trans­hu­ma­nisme démo­cra­tique 2.0 », sur http://transhumanistes.com/quest-ce-que-le-transhumanisme-democratique/
  68. Conseil d’État, Avis sur le pro­jet de loi rela­tif à la bioé­thique, 18/07/19. C’est nous qui sou­li­gnons.
  69. Par­mi les couples qui ont recours à la PMA, 15 % ne souffrent d’aucune patho­lo­gie, selon l’Étude d’impact du pro­jet de loi rela­tif à la bioé­thique, Assem­blée natio­nale, juillet 2019
  70. Le Dau­bé, 27/08/19
  71. Cf. Un bébé, mais pas à tout prix. Les des­sous de la méde­cine de repro­duc­tion, Bri­gitte-Fan­ny Cohen (Lat­tès, 2001)
  72. www.gouvernement.fr/partage/11107-facebook-live-du-24-juillet-2019-sur-le-projet-de-loi-bioethique
  73. « PMA pour toutes : le consen­sus existe déjà ! », D. Borillo, Libé­ra­tion, 6/06/18
  74. Eli­sa­beth Schem­la, Les homos sont-ils des hété­ros comme les autres ? L’Observatoire, 2017
  75. Libé­ra­tion, 1/08/19
  76. L’Obs, 15/03/18
  77. www.telegraph.co.uk/science/2016/06/05/britons-are-having-less-sex-and-game-of-thrones-could-be-toblam/
  78. « Declines in Sexual Fre­quen­cy among Ame­ri­can Adults, 1989–2014 », Archives of Sexual Beha­vior, nov. 2017, https://link.springer.com/article/10.1007/s10508-017‑0953‑1
  79. Citée in « L’utopie cyborg. Réin­ven­tion de l’humain dans un futur sur-tech­no­lo­gique », M. Gru­gier, revue Qua­si­mo­do, n°7, 2003
  80. Cf. Mirage gay à Tel Aviv, J. Stern, Liber­ta­lia, 2017
  81. https://collectif-corp.com/2019/09/20/reponse-a-m-fogiel-suite-a-son-livre-quest-ce-quelle-a-ma-famille/
  82. L’Obs, 15/03/18
  83. L’Obs, 15/03/18
  84. Le Dau­bé, 20/09/19
  85. https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-sante/20130703.RUE7450/ce-que-transmet-une-femme-a-unembryon-qui-n-est-pas-le-sien.html
  86. Cf. http://claradoc.gpa.free.fr/index.php?page=experts
  87. Idem
  88. L’Obs, 15/03/18
  89. « PMA : pas de père, pas d’inquiétude », Libé­ra­tion, 5/07/17
  90. Cf. « Pro­créa­tion : beau­coup de bruit pour rien », art. cité
  91. L’Obs, 15/03/18
  92. Ter­ra Nova, « Accès à la paren­té : assis­tance médi­cale à la pro­créa­tion et adop­tion », 2010
  93. http://www.stophomophobie.com
  94. Cf. Marc-Oli­vier Fogiel, Qu’est-ce qu’elle a ma famille ? Gras­set, 2018
  95. Pho­to, Libé­ra­tion, 1/08/19
  96. Act-Up, Aides, Bi’Cause, le CAELIF, le Col­lec­tif Fémi­nistes Révo­lu­tion­naires, les efFRONTé-e‑s,FièrEs, du GLUP, l’Inter-LGBT, le MAG Jeunes LGBT, le Plan­ning Fami­lial et SOS homo­pho­bie
  97. Mais nous payons pour les vôtres
  98. Syl­viane Aga­cins­ki, L’homme dés­in­car­né. Du corps char­nel au corps fabri­qué, Gal­li­mard, juin 2019
  99. Mar­ce­la Iacub « L’Em­pire du ventre », http://www.lesmutants.com/iacubentretien.htm
  100. Cf. Un bébé, mais pas à tout prix, op. cité
  101. L’empire cyber­né­tique. De la machine à pen­ser à la pen­sée-machine, C. Lafon­taine, Seuil, 2004
  102. Cf. David Le Bre­ton, L’adieu au corps, Métai­lié, 1999
  103. https://ieet.org/index.php/IEET2/more/roux20131024
  104. « Obso­lete Body », http://www.stelarc.va.com
  105. Le Monde, 13/04/18
  106. Au sens juri­dique : « limi­ta­tion des pos­si­bi­li­tés d’interaction avec l’environnement et de par­ti­ci­pa­tion à la vie de la socié­té, en rai­son de l’altération d’une fonc­tion »
  107. A l’attention des mal­com­pre­nants : inutile de gla­pir, ceci n’est pas un amal­game entre enfants et chiens, mais la com­pa­rai­son entre la prise en charge de deux types de han­di­caps.
  108. Qué­bec Science, 18/05/17
  109. Cf. La guerre au vivant, Jean-Pierre Ber­lan & alii. Agone, 2001
  110. Etude d’impact du pro­jet de loi rela­tif à la bioé­thique, Assem­blée natio­nale, juillet 2019. Nous sou­li­gnons.
  111. Audi­tion devant la com­mis­sion « loi de bioé­thique », 30/08/19, www.lcp.fr
  112. Entre­tien avec Valeurs actuelles, 3/03/18
  113. Libé­ra­tion, 21–22/09/19
  114. Cf. Michel Clous­card, Le Capi­ta­lisme de la séduc­tion, 1981, Jean Bau­drillard, La Socié­té de consom­ma­tion, 1970
  115. E. Ben­bas­sa, « PMA : non, les éco­lo­gistes ne renon­ce­ront pas ! », Huf­fing­ton Post, 05/05/14
  116. Y. Blanc, Dans l’homme tout est bon (Homo homi­ni por­cus), Sens & Ton­ka, 2016
  117. Cf. Le livre de la jungle, Walt Dis­ney, 1967
  118. Nature Com­mu­ni­ca­tions, 25/04/17, www.nature.com/articles/ncomms15112
  119. https://metro.co.uk/2019/05/14/human-babies-born-using-an-artificial-womb-possible-in-a-decade8156458/
  120. L. Le Vaillant, « Ges­ta­tion pour soi-même », Libé­ra­tion, 13/10/14
  121. J. Flet­cher, The Ethics of Gene­tic Control : Ending Repro­duc­tion Rou­lette, Buf­fa­lo (NY), Pro­me­theus­Books, 1988, cité in A. Gorz, L’Immatériel (Gali­lée, 2003)
  122. Attri­bué à Saint-Augus­tin, mais cer­tains penchent pour Ber­nard de Clair­vaux, au Moyen-Age
  123. http://www.marieclaire.fr/,cheri-mon-bocal-a-accouche,20161,323.asp
  124. « Tota mulier ex ute­ro », Les Mutantes, http://www.lesmutants.com/totamulier.htm
  125. Cf. « L’utérus arti­fi­ciel est l’avenir de la femme », entre­tien avec Cau­seur, juin 2017
  126. Cf. http://pseudo-sciences.org/
  127. H. Atlan, L’utérus arti­fi­ciel (Seuil, 2005)
  128. « Concer­ning the Nature of Things », Para­celse, cité dans Ecto­ge­ne­sis. Arti­fi­cial Womb Tech­no­lo­gy and the Future of Human Repro­duc­tion, S. Gel­fand et J.R. Shook, Rodo­pi, 2006
  129. Cf. J.B.S Hal­dane, Dae­da­lus, or Science and the Future
  130. Cf. Ecra­sons l’infâme. Le culte de la Mère Machine et la matrice reli­gieuse du trans­hu­ma­nisme, Pièces et main d’œuvre, 2017 (Pièces déta­chées n°82/82’)
  131. Cf. A. Via­latte, « His­toire des femmes », in Spec­tacle du Monde, juin 1968
  132. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/07/30/01016–20130730ARTFIG00401-ed-neerlandais-de43ans-et-pere-de-peut-etre-plus-de-cent-vingt-enfants.php
  133. Le Dau­bé, 20/09/19
  134. Cf. Syl­viane Aga­cins­ki, L’homme dés­in­car­né, op. cité

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DGR encourage la fin de l'industrialisme et le passage à des sociétés à taille humaine, d'échelle locale, et de faible intensité énergétique. Qu’en est-il des réacteurs nucléaires ? Si la vision de DGR était mise en pratique et que le réseau électrique était démantelé, cela risquerait-il de causer des fusions de cœurs de réacteurs nucléaires ? [...]