La « transition énergétique » ou les nouveaux habits du développement capitaliste (par Miguel Amorós)

Tra­duc­tion de l’article « Los trajes nue­vos del desar­rol­lis­mo capi­ta­lis­ta », de Miguel Amorós, trou­vé ici : https://kaosenlared.net/los-trajes-nuevos-del-desarrollismo-capitalista/


Les nouveaux habits du développementalisme capitaliste

La nouvelle phase « verte » du capitalisme et son avant-garde écologique et citoyenne

Le monde capi­ta­liste s’enfonce dans une crise éco­lo­gique sans pré­cé­dent qui menace sa conti­nui­té en tant que sys­tème basé sur la recherche du pro­fit pri­vé. De la pol­lu­tion de l’air, de l’eau et du sol à l’accumulation de déchets et d’ordures ; de l’épuisement des res­sources natu­relles à l’extinction des espèces ; de l’urbanisation galo­pante au chan­ge­ment cli­ma­tique ; une épée de Damo­clès menace la socié­té de mar­ché. Les diri­geants de tous les domaines indus­triels mani­festent leur inquié­tude face à une dégra­da­tion irré­ver­sible de l’environnement, envi­sa­geant une réor­ga­ni­sa­tion de la pro­duc­tion et de la consom­ma­tion en fonc­tion d’inévitables impé­ra­tifs éco­lo­giques. Beau­coup d’entre eux sont convain­cus que le sys­tème d’exploitation capi­ta­liste ne pour­rait per­du­rer autre­ment. La contra­dic­tion entre la crois­sance (l’accumulation de capi­tal) et ses effets des­truc­teurs (le désastre éco­lo­gique) devra être sur­mon­tée par un com­pro­mis entre indus­trie et nature, ou plu­tôt, entre leurs repré­sen­tants spec­ta­cu­laires res­pec­tifs : d’un côté, les grands diri­geants, et de l’autre, les envi­ron­ne­men­ta­listes auto­ri­sés. Nous entrons dans une nou­velle phase du capi­ta­lisme, une phase « verte », où de nou­veaux gad­gets et sys­tèmes tech­no­lo­giques (éner­gies « renou­ve­lables », voi­tures élec­triques, OGM, Big Data, réseaux 5G, etc.), vont ten­ter de récon­ci­lier le déve­lop­pe­ment éco­no­mique avec la ges­tion du ter­ri­toire et des res­sources qu’il recèle, faci­li­tant ain­si une crois­sance « durable », et ren­dant le mode de vie actuel (moto­ri­sé et consu­mé­riste) com­pa­tible avec la pré­ser­va­tion de l’environnement natu­rel, ou plu­tôt, de ce qu’il en reste. La « tran­si­tion éner­gé­tique » n’est qu’un aspect de la « tran­si­tion éco­no­mique » vers l’écocapitalisme qui, à par­tir de l’incorporation sau­vage (néo­li­bé­rale) de la nature au mar­ché, consti­tue­ra un stade où la mar­chan­di­sa­tion sera régle­men­tée par des méca­nismes d’Entreprise et d’État. Il s’agit d’une immense opé­ra­tion indus­trielle, finan­cière et poli­tique visant à tout chan­ger pour que rien ne change.

Les nou­velles tech­no­lo­gies intro­duites après 1945, dans l’après-guerre (fabri­ca­tion de ciments, d’engrais, d’additifs et de déter­gents, moteurs de plus grande puis­sance, cen­trales ther­miques, etc.), ont été les fac­teurs déclen­cheurs de la sur­ex­ploi­ta­tion des res­sources, des émis­sions de pol­luants et d’une impor­tante métro­po­li­sa­tion, aug­men­tant de manière expo­nen­tielle le pou­voir des socié­tés trans­na­tio­nales. La crois­sance éco­no­mique est deve­nue un fac­teur de des­truc­tion de pre­mier plan, mais aus­si (dans le cadre plus impor­tant de la sta­bi­li­sa­tion sociale) d’une effi­ca­ci­té beau­coup plus grande que celle des syn­di­cats ou des par­tis ouvriers. En consé­quence, le déve­lop­pe­men­ta­lisme s’est mis à infor­mer les poli­tiques de tous les types de gou­ver­ne­ment. L’emploi étant pour le tra­vailleur le seul moyen d’accéder au sta­tut de consom­ma­teur, auto­mo­bi­liste et habi­tant de la conur­ba­tion, la créa­tion d’emplois est alors deve­nue l’objectif numé­ro un de la « classe poli­tique », à droite comme à gauche. Les inté­rêts immé­diats de la masse sala­riale inté­grée au mar­ché étaient ali­gnés sur ceux des patrons et des par­tis, au point de s’opposer fer­me­ment à toute mesure cor­rec­tive éco­lo­gique met­tant en dan­ger la crois­sance et, in fine, l’emploi. Au bout du compte, comme cer­tains l’ont décla­ré, « mou­rir d’un can­cer vaut mieux que mou­rir de faim ». Mal­heu­reu­se­ment, les tra­vailleurs ont été de fer­vents par­ti­sans de la pour­suite du com­merce et des affaires, de l’urbanisation et du par­le­men­ta­risme, ne se sou­ciant aucu­ne­ment de l’impact néga­tif que tout cela pour­rait avoir sur leur envi­ron­ne­ment, leur liber­té ou leur vie. C’est pour­quoi la conscience éco­lo­gique s’est cris­tal­li­sée presque exclu­si­ve­ment dans des sec­teurs inac­tifs ou qua­si inac­tifs, tels que les uni­ver­si­taires, les néo-ruraux, les pré­caires, les étu­diants ou les retrai­tés. Le com­bat contre les nui­sances aura du mal à pro­gres­ser tant que la défense de l’emploi res­te­ra une prio­ri­té pour la popu­la­tion ; si la contra­dic­tion n’est pas sur­mon­tée, la défense des ins­ti­tu­tions pas­se­ra avant la défense du ter­ri­toire et l’autonomie des luttes.

Face à une situa­tion poli­ti­que­ment et socia­le­ment blo­quée, la classe diri­geante inter­na­tio­nale prend l’initiative en essayant de diri­ger à son avan­tage et sans réelle oppo­si­tion la longue marche de l’économie tech­no-indus­trielle vers une « dura­bi­li­té » ren­table, en éli­mi­nant les anciens emplois ou en en créant de nou­veaux. La des­truc­tion conti­nue, et empire même, étant don­né qu’il s’agit cer­tai­ne­ment de sau­ver le capi­ta­lisme, pas la pla­nète. L’écologie extrac­tive pro­duit des gains, même à court terme. Cepen­dant, les mar­chés ne sont pas en mesure de démar­rer un pro­ces­sus de recon­ver­sion « verte », pas plus que les inno­va­tions tech­no­lo­giques dont les pre­mières étapes dépendent lar­ge­ment de l’État. C’est l’État qui doit cana­li­ser les mani­fes­ta­tions, encou­ra­ger la for­ma­tion d’une élite éco­lo­giste prag­ma­tique, ouvrir la voie au nou­veau capi­ta­lisme vert et, si néces­saire, ins­tau­rer un « état d’urgence cli­ma­tique ». En consé­quence, la crise éco­lo­gique devient tri­via­le­ment poli­tique. Pen­dant ce temps, le mou­ve­ment éco­lo­giste est infil­tré par des agents des mul­ti­na­tio­nales et sou­doyé par des fonds d’origine diverses, se trans­for­mant ain­si en un réseau d’influences poli­tiques au ser­vice d’un nou­veau type de capi­ta­lisme. La même chose est arri­vée aux ONG. À ce stade, la purge des « extré­mistes » est néces­saire pour que le par­ti vert ne soit plus un ins­tru­ment de décom­po­si­tion mais un outil de l’ordre domi­nant. Le mes­sage de modé­ra­tion, repo­sant sur des slo­gans peu offen­sifs, n’atteindrait pas les masses mani­pu­lables si les « fon­da­men­ta­listes » anti­sys­tème n’étaient pas iso­lés — ou, comme le for­mulent les hié­rar­chies infor­melles de l’en­vi­ron­ne­men­ta­lisme-spec­tacle, « contour­nés » — le plus tôt pos­sible. [Voir cet article]

Le mou­ve­ment contre le chan­ge­ment cli­ma­tique a don­né nais­sance à une « marque » dépo­sée, Extinc­tion Rebel­lion, qui couvre le flanc envi­ron­ne­men­ta­liste du citoyen­nisme de gauche en lui four­nis­sant des argu­ments en faveur de la média­tion de la crise par l’État. Ceux qui font appel à l’État ne peuvent cer­tai­ne­ment pas être qua­li­fiés de « radi­caux » — bien qu’ils soient contre l’extinction, ils ne sont pas contre le capi­tal, ni contre aucun res­pon­sable spé­ci­fique. Un des prin­cipes direc­teurs du mou­ve­ment sti­pule : « nous évi­tons d’accuser et de poin­ter du doigt, nous vivons dans un sys­tème toxique, mais per­sonne n’est à blâ­mer ». Aucun indi­vi­du concret (aucun diri­geant) ne peut être consi­dé­ré cou­pable de quoi que ce soit. Selon cette men­ta­li­té ser­vile, les diri­geants, comme les capi­ta­listes, ne sont pas tous égaux, et les réformes éco­lo­giques peuvent même être béné­fiques pour la majo­ri­té. Ce sont des alliés et des bien­fai­teurs poten­tiels. Ain­si, les objec­tifs décla­rés de l’écocitoyennisme se limitent à faire pres­sion sur les gou­ver­ne­ments pour les ame­ner à « dire la véri­té aux citoyens », les inci­ter à prendre les mesures néces­saires de « décar­bo­ni­sa­tion » pré­vues dans la « tran­si­tion éner­gé­tique », et décrètent la créa­tion d’ « assem­blées citoyennes de contrôle », véri­tables trem­plins poli­tiques pour les car­rié­ristes [Cyril Dion, Isa­belle Delan­noy, etc., NdT]. Leur arme : la mobi­li­sa­tion non vio­lente de 3,5% des « citoyens » [À pro­pos de ce chiffre absurde et de ses ori­gines, voir cet article]. Pas de révo­lu­tions, car elles impliquent la vio­lence et ne res­pectent pas la « démo­cra­tie », c’est-à-dire le sys­tème des par­tis et des hié­rar­chies. Ils ne veulent pas mettre fin au régime capi­ta­liste, seule­ment le trans­for­mer, le rendre « cir­cu­laire » et « neutre en car­bone ». Mal­heu­reu­se­ment, la majo­ri­té des déchets ne sont pas recy­clables, et la pro­duc­tion d’énergie dite « propre » repose sur l’utilisation de com­bus­tibles fos­siles [en outre, et c’est un des points les plus impor­tants, cette éner­gie dite « propre » sert à ali­men­ter les mêmes appa­reils issus du sys­tème tech­no-indus­triel, futurs e‑déchets, que les éner­gies non-propres servent à ali­men­ter ; l’utilisation de l’énergie dite « verte » ou « propre » ne sert pas des fins plus éco­lo­giques que l’utilisation des éner­gies non-propres, NdT]. Les pro­fes­sion­nels de l’écologie citoyenne ne veulent pas non plus abo­lir l’État, le grand arbre dont l’ombre fait pros­pé­rer leurs car­rières per­son­nelles et leurs stra­té­gies de pla­ce­ment. La crise éco­lo­gique est ain­si réduite, par cet éco­lo­gisme cap­tif, à un pro­blème poli­tique ne pou­vant être réso­lu que dans les hautes sphères au moyen de quelque Green New Deal (ain­si nom­mé d’après le New Deal de Roo­se­velt) : un nou­veau pacte pour l’économie mon­diale pas­sé entre la classe diri­geante mon­diale, la bureau­cra­tie poli­tique et ses conseillers éco­lo­gistes, qui impo­se­rait les mesures en faveur de la réduc­tion des émis­sions pol­luantes et du sto­ckage du dioxyde de car­bone atmo­sphé­rique que les mul­tiples confé­rences sur le chan­ge­ment cli­ma­tique n’ont pas réus­si à impo­ser. [Même si la socié­té tech­no­lo­gique et le capi­ta­lisme par­ve­naient réel­le­ment à rendre sou­te­nable leur fonc­tion­ne­ment, ce qui est extrê­me­ment impro­bable, nous conti­nue­rions à vivre dans une socié­té auto­ri­taire, tota­li­taire, anti­dé­mo­cra­tique, pro­fon­dé­ment inéga­li­taire et alié­nante ; cela revien­drait seule­ment à rendre l’en­fer durable, NdT]. Les stra­té­gies citoyen­nistes « duales » sont « sym­bio­tiques » et non dis­rup­tives. Les éco­sys­tèmes seraient ain­si res­tau­rés au moyen d’une har­mo­ni­sa­tion, depuis l’intérieur, d’intérêts contra­dic­toires. La dua­li­té consiste pré­ci­sé­ment à col­la­bo­rer (sym­biose) avec des ins­ti­tu­tions, d’un côté, et de l’autre, à mobi­li­ser les masses sen­sibles à la catas­trophe. Cepen­dant, les mobi­li­sa­tions ne sont rien d’autre qu’une démons­tra­tion spec­ta­cu­laire de sou­tien pure­ment sym­bo­lique. Elles n’aspirent pas à grande chose, car elles ne remettent pas en cause le sta­tu quo, ne disent rien de la sym­biose entre les gou­ver­ne­ments et ceux qui dominent les mar­chés, la crois­sance ou la mondialisation.

Depuis le som­met de Johan­nes­burg en 2002, sinon avant, nous savons que le monde capi­ta­liste com­prend que son fonc­tion­ne­ment incon­trô­lé pro­duit un tel niveau de des­truc­tion qu’il risque de s’effondrer. Il est plus qu’évident que, mal­gré la résis­tance à la régle­men­ta­tion des pays dont la sta­bi­li­té et l’influence dépendent d’un extrac­ti­visme dur ou d’un déve­lop­pe­ment sans entraves, le capi­ta­lisme dans son ensemble est entré dans une phase de déve­lop­pe­ment vert, dont il tente d’établir les méca­nismes (Agen­da 21, créa­tion du Fonds vert pour le cli­mat, cin­quième rap­port du GIEC, Accord de Paris, les 24 dif­fé­rentes COP). On com­prend ain­si la coop­ta­tion de lea­ders « verts » par le pou­voir, et l’épidémie de réa­lisme et d’opportunisme qui a sai­si les médias envi­ron­ne­men­taux « en action » au point de pro­vo­quer une ava­lanche de demandes d’emplois dans le ter­rain poli­ti­co-admi­nis­tra­tif. Les mili­tants ne veulent pas se fer­mer des portes, encore moins quand il y a une bonne rému­né­ra­tion à la clé, rai­son pour laquelle ils gardent tous leurs idéaux dans leur poche. En véri­té, ce ne sont pas seule­ment les capi­ta­listes qui seraient gagnants avec cet état d’urgence. Le nou­vel éco­lo­gisme sub­ven­tion­né suit le che­min du déve­lop­pe­men­ta­lisme « vert » basé sur les éner­gies indus­trielles « renou­ve­lables », et sou­tient les diri­geants les plus catas­tro­phistes du capi­ta­lisme contre les cli­ma­to-scep­tiques. Tous leurs efforts visent à conci­lier le mode de vie indus­triel et consu­mé­riste avec la pré­ser­va­tion de l’environnement natu­rel, même si, jusqu’à aujourd’hui, les résul­tats ne sont pas encou­ra­geants : les émis­sions de gaz à effet de serre, loin d’être réduites comme le pré­voyaient les accords inter­na­tio­naux, ont atteint des records. Avec l’optimisme d’un novice récem­ment illu­mi­né, ils sou­haitent que la crois­sance éco­no­mique (néces­saire à la sur­vie du capi­ta­lisme), et la pré­ser­va­tion du ter­ri­toire (néces­saire à la conser­va­tion de la bio­di­ver­si­té, du moins en appa­rence), soient de bons amis, peu importe que la tem­pé­ra­ture mon­diale conti­nue d’augmenter et le cli­mat de se dégra­der. Avan­tages incom­pa­rables de la méthode sym­bio­tique et du récit réformiste !

Les res­pon­sables du réchauf­fe­ment cli­ma­tique et de la pol­lu­tion, et les res­pon­sables de la pré­ca­ri­té et de l’exclusion sont les mêmes, mais ceux qui les com­battent ne le sont pas. La ques­tion du désastre éco­lo­gique et celle du désastre social sont deux champs de bataille dif­fé­rents, qui ne se rejoignent jamais, et pas seule­ment à cause d’une cohorte de bureau­crates sou­hai­tant bâtir son ave­nir en agis­sant en tant qu’intermédiaire. Les jours des aspi­rants diri­geants sont comp­tés, car les gens ordi­naires perdent leur dou­ceur lorsque leurs moyens de sub­sis­tance sont affec­tés. Ils ne se laissent plus domes­ti­quer avec la faci­li­té des jours d’a­bon­dance. Le point faible du capi­tal mon­dial ne réside pas dans le cli­mat, pas même dans la san­té, mais dans les appro­vi­sion­ne­ments, la logis­tique. Le jour où le sys­tème tech­no-indus­triel — géré par les mar­chés ou par l’État —, ces­se­ra de répondre aux besoins d’une par­tie impor­tante de la popu­la­tion ou, en d’autres termes, lorsque les condi­tions météo­ro­lo­giques ou quelque autre fac­teur enraye­ra l’approvisionnement, vien­dra le temps des insur­rec­tions. Un sys­tème défaillant, qui entrave la mobi­li­té de ses sujets et les menace de mort par ina­ni­tion n’a pas d’avenir. Il est pro­bable que, dans le feu de l’action, des struc­tures com­mu­nau­taires — fon­da­men­tales pour assu­rer l’autonomie des révoltes — seront recons­truites. Si la socié­té civile par­vient à s’organiser en dehors des ins­ti­tu­tions et des bureau­cra­ties, les luttes envi­ron­ne­men­tales conver­ge­ront avec les luttes sala­riales, comme le reflet d’une conscience sociale uni­fiée. Et ce slo­gan, enten­du pen­dant les rébel­lions des « gilets jaunes », révè­le­ra tout son sens : « fin du mois, fin du monde, même combat ».

Miguel Amorós

Entre­tiens du 12 mai 2019 à la foire d’échange des livres de L’Orxa (Ali­cante) et du 18 mai à la biblio­thèque sociale El Rebrot Bord d’Albaida (Valence), publié par kaosenlared.net


Tra­duc­tion : Pablo Lopez et Nico­las Casaux

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  1. Vous pou­vez éga­le­ment lire des articles sur le même sujet dans le livre de Miguel Amo­ros « Pré­li­mi­naires » paru aux Édi­tions de La Roue.

  2. Le désastre poli­tique de la gauche est plus ancien que cela. Dés la pre­mière inter­na­tio­nale qui vit la scis­sion entre anar­chistes et com­mu­nistes, ces der­niers n’ont jamais été rien de plus que la gauche du Capi­tal qu’ils pré­tendent com­battre et les pires enne­mis des anar­chistes. Dés ce moment, l’his­toire des com­mu­nistes est l’his­toire de leurs divisions.

    Les com­mu­nistes ne nous ont jamais expli­qué com­ment sans le Capi­tal, ils pour­ront construire leur ver­sion de la socié­té indus­trielle où cha­cun et cha­cune pour­ront pro­fi­ter de tous le confort moderne pen­dant que des machines assu­re­ront la pro­duc­tion. Ce qui de plus pose un pro­blème bien plus fon­da­men­tal que leur simple incom­pré­hen­sion du fait que sans Capi­tal, il n’y a pas d’in­dus­tria­li­sa­tion, car avec leur vision socié­tale et comme avec les Verts, leur majus­cule et la droite, la nature est une variable externe qui doit s’a­dap­ter à l’économie.

    Donc les com­mu­nistes ne sortent pas du supré­ma­tisme sys­té­mique de la civi­li­sa­tion qui dés Gil­ga­mesh, est que la nature doit s’a­dap­ter à la civilisation.

    Quand aux Verts, ce ne sont dés le début qu’une bande d’op­por­tu­nistes, en moins braillard juste des clones de Con Ban­dit, et ça dés leur créa­tion. On les a vu en Suisse débar­quer avec leurs gros sou­liers dans le mou­ve­ment anti­nu­cléaire des années 70 qui avait pour but de stop­per la construc­tion des cen­trales nucléaires qui étaient en cours de construc­tion. Avec la com­pli­ci­té active des médias, ils ont réus­sit à pha­go­cy­ter et paci­fier un mou­ve­ment avec lequel ils n’a­vaient rien en com­mun, ceci pour fêter 15 ans plus tard comme une grande vic­toire un mora­toire sur la construc­tion de cen­trales déjà construites. L’é­co­lo­gie pour les masses était née. Bref, les Verts avec une majus­cules sont des tra­ve­los qui se torchent le cul avec les idéaux qu’ils pré­tendent défendre.

    Depuis ils se sont lan­cés dans la poli­tique par­le­men­taire avec suc­cès. Au début ils fai­saient rigo­ler les autres par­tis mais ceux-ci ont vite com­pris qu’ils étaient des leurs. Les com­mu­nistes eux l’a­vaient com­pris dés Mai 68, eux qui s’é­taient alliés avec Con Ban­dit pour trans­for­mer les « Non à la guerre » et « Non en la socié­té de consom­ma­tion » en aug­men­ta­tions de salaire, c’est à dire en « Busi­ness as Usual » et « Ren­trez bien chez vous ». Les punk ont été, après les mili­tants des pre­miers jours de Mai 68, les pre­miers à la com­prendre et c’est bien pour­quoi ils ont rem­pla­cé « Ren­trez bien chez vous » par « No Future ».

    Un mou­ve­ment comme XR n’est donc pas tom­bé du ciel, il est le résul­tat d’un siècle de tra­ves­tis­se­ment des idéaux de la gauche par la gauche ins­ti­tu­tion­nelle et d’un demi siècle de tra­ves­tis­se­ment de l’é­co­lo­gie poli­tique par les Verts. Contrai­re­ment à Mai 68 où l’en­semble des forces poli­tiques avaient été dépas­sée par la rue avant que les syn­di­cats ne rentrent dans la danse et s’al­lient avec les oppor­tu­nistes qui allaient don­ner les Verts, aujourd’­hui ce sont clai­re­ment une par­tie des élites capi­ta­listes, les­quels financent l’é­co­lo­gie Verte depuis des décen­nies, qui sont à la manoeuvre pour favo­ri­ser l’é­mer­gence de mou­ve­ments comme XR. Tout ce que veulent ces élites est se faire sub­ven­tion­ner par l’é­tat et ils y arrivent déjà fort bien dans cer­tains pays qui accordent des sub­ven­tions pour les pan­neaux solaires et les véhi­cules élec­triques des riches.

    Quand à l’é­co­lo­gie poli­tique, les médias ont rete­nu la leçon de Mai 68 à leur façon, ils lui ont don­né de moins en moins la parole et aujourd’­hui c’est le désert abso­lu. La droite s’a­dresse à l’o­pi­nion publique dans ses médias, tan­dis que la gauche a aban­don­né les quar­tiers et les ban­lieues pour ne s’a­dres­ser le plus sou­vent qu’à une petite élite intel­lec­tuelle. Quand à nous, nous ne pou­vons comp­ter que sur nous mêmes pour faire nos propres médias, ce qui pose la ques­tion de com­ment faire pour qu’ils touchent le plus grand nombre dans une socié­té où les élites poli­tiques et média­tiques sont réfrac­taires à tout chan­ge­ment de para­digme mais où de plus en plus de gens réa­lisent qu’elles n’ont rien à par­ta­ger sauf un échec final retentissant.

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