Comment les barrages détruisent le monde naturel (et non, le Costa Rica n’est pas un paradis écologique)

Par­mi les nom­breuses illu­sions vertes qu’on nous pré­sente comme une « solu­tion » qui nous per­met­trait de conti­nuer à béné­fi­cier du confort indus­triel tout en ne détrui­sant plus la nature, en la res­pec­tant, ou (et c’est sur­tout ce qui est mis avant) en ne déré­glant plus son cli­mat, on retrouve l’hydroélectricité pro­duite par les barrages.

On dénombre envi­ron 80 000 bar­rages en France. Leur construc­tion, en plus de détra­quer com­plè­te­ment les éco­sys­tèmes, a fait dis­pa­raître, entre autres pois­sons, les mil­lions de sau­mons qui peu­plaient nos cours d’eau.

Il y aurait envi­ron 845 000 bar­rages dans le monde.

En Asie du Sud-Est, la Chine (le prin­ci­pal pays finan­ceur et construc­teur de bar­rages) en construit des dizaines, notam­ment sur le Mékong. Elle par­ti­cipe d’ailleurs à en construire un peu par­tout (en Éthio­pie, par exemple, avec l’im­mense Bar­rage « Grand Renais­sance », mais aus­si au Sou­dan, au Mozam­bique, en Zam­bie, au Nige­ria, au Gha­na, au Congo, au Gabon et au Cameroun).

428 bar­rages sont en pro­jets en Ama­zo­nie. 140 sont construits ou en construc­tion. EDF et Engie sont par­mi les mul­ti­na­tio­nales impli­quées dans ces des­truc­tions. Une catas­trophe inima­gi­nable ; mais d’a­près le dis­cours offi­ciel, un pro­grès immense, puisque ces bar­rages pro­duisent de l’éner­gie « verte ».

Au-delà de l’ab­sur­di­té évi­dente que consti­tue le fait de sim­ple­ment rem­pla­cer la source de l’éner­gie élec­trique néces­saire à nos appa­reils élec­tro­niques tou­jours plus nom­breux, pol­luants et toxiques les uns que les autres, par une source pré­ten­du­ment plus « verte », et de dire qu’a­lors tous nos pro­blèmes sont réglés, il s’a­vère que toutes ces éner­gies dites « renou­ve­lables » ou « vertes » ou « propres » sont autant de chi­mères, ou de men­songes. (En effet, même s’il était pos­sible d’ob­te­nir des sources d’éner­gies propres, tout le reste, que ces éner­gies ser­vi­raient à ali­men­ter, des infra­struc­tures indus­trielles élé­men­taires aux gad­gets élec­tro­niques, en pas­sant par l’au­to­mo­bile, etc., ne le serait cer­tai­ne­ment pas, ce qui devrait suf­fire à inva­li­der leur déve­lop­pe­ment, mais qui ne suf­fit pas, bien évi­dem­ment, puisque le dis­cours offi­ciel raconte autrement).

Pour com­men­cer à ana­ly­ser le cas des bar­rages, voi­ci une tra­duc­tion d’un article écrit par Gary Wock­ner (géo­graphe, éco­logue, acti­viste et écri­vain états-unien) pour Eco­Watch, et publié en octobre 2015 (avant la COP 21 à Paris, donc), sur un des nom­breux pro­blèmes asso­ciés aux bar­rages, les émis­sions de méthane :

I. Les fausses promesses de l’hydroélectrique

par Gary Wockner

Plu­sieurs menaces planent sur les eaux abon­dantes du Cos­ta Rica, dont la plu­part sont liées à l’expansion de l’industrie tou­ris­tique. Le Cos­ta Rica a fait pas­ser des lois envi­ron­ne­men­tales, mais elles sont mal appli­quées. Les res­tau­rants, les hôtels, les construc­tions de mai­sons et de routes génèrent des déchets et des écou­le­ments qui finissent direc­te­ment dans les rivières et dans l’océan.

A San­ta The­re­sa, où vivent les Water­kee­per de la pénin­sule de Nicoya, à 8 km de Mal­pais, l’eau pro­vient des mon­tagnes du centre du pays, où se déploie un réseau mas­sif et en expan­sion de bar­rages, de canaux, de pipe­lines et de digues. Plu­sieurs de ces bar­rages four­nissent éga­le­ment de l’hydroélectricité, à hau­teur de 80% de la consom­ma­tion du Cos­ta Rica. Les cor­po­ra­tistes et les membres du gou­ver­ne­ment en parlent comme d’une « éner­gie propre », « neutre en car­bone ». Rien ne pour­rait être plus éloi­gné de la vérité.

Quelques mois avant de me rendre au Cos­ta Rica j’avais écrit un article pour Eco­Watch, inti­tu­lé « Les bar­rages par­ti­cipent au chan­ge­ment cli­ma­tique : ils ne pro­duisent pas une éner­gie propre ». En basant mes recherches sur des pro­jets de bar­rages mena­çant la rivière près de chez moi, la rivière « Cache la Poudre » [Colo­ra­do, NdT], j’avais fini par com­prendre que l’hydroélectrique est l’un des plus graves pro­blèmes envi­ron­ne­men­taux aux­quels notre pla­nète fait face. La construc­tion de bar­rages hydro­élec­triques autour du monde aug­mente de manière dra­ma­tique, appuyée par la pré­misse fausse selon laquelle ils pro­duisent une éner­gie propre, bien qu’études après études nous démontrent l’inverse.

Les émissions de méthane lié à l’hydroélectrique

La prin­ci­pale menace envi­ron­ne­men­tale liée aux bar­rages est liée à la matière orga­nique — à la végé­ta­tion, aux sédi­ments et au sol — qui s’écoule depuis les rivières dans les réser­voirs et se décom­pose, émet­tant du méthane et du dioxyde de car­bone dans l’eau et dans l’air au cours des cycles de géné­ra­tion. Des études nous indiquent que dans un envi­ron­ne­ment tro­pi­cal où les sédi­ments sont impor­tants, où il y a beau­coup de matière orga­nique, les bar­rages peuvent géné­rer plus de gaz à effet de serre que des cen­trales au char­bon. Phi­lip Fearn­side, un pro­fes­seur à l’Institut Natio­nal de Recherche sur l’Amazonie, à Manaus, au Bré­sil, ain­si que l’un des scien­ti­fiques les plus cités sur le sujet du chan­ge­ment cli­ma­tique, appellent les bar­rages des « usines à méthane ». Selon l’Institut Natio­nal de Recherche Spa­tiale du Bré­sil, les bar­rages sont « la prin­ci­pale source anthro­pique de méthane, res­pon­sable de 23% des émis­sions [de méthane] liées aux acti­vi­tés humaines ».

Ce nombre de 23% pour­rait bien être une sous-esti­ma­tion ; les émis­sions peuvent être colos­sales, même dans des cli­mats tem­pé­rés. Un article publié en 2014 sur Cli­mate Cen­tral pré­sen­tait une com­pa­rai­son inquié­tante : « ima­gi­nez 6000 vaches lai­tières faire ce qu’elles font, mas­ti­quer et émettre du méthane toute l’année. Elles en émettent autant que le réser­voir de L’Ohio en 2012. Pour­tant les réser­voirs et l’hydroélectrique sont sou­vent consi­dé­rés comme bon pour le cli­mat puisqu’ils ne consomment pas de com­bus­tibles fos­siles pour pro­duire leur élec­tri­ci­té ». Un autre article de 2014 sou­li­gnait que, parce que très peu de bar­rages et de réser­voirs sont étu­diés, leurs émis­sions de méthane ne sont pas comp­tées dans les ana­lyses du chan­ge­ment cli­ma­tique planétaire.

Un article publié dans le livre de 2013 Gou­ver­nance cli­ma­tique dans le monde en déve­lop­pe­ment se concen­trait sur cet échec au Cos­ta Rica :

« Ces émis­sions de méthane, cepen­dant, ne sont ni mesu­rées ni prises en compte dans la balance car­bone du Cos­ta Rica. Étant don­né que la demande en élec­tri­ci­té du pays va aug­men­ter de 6% par an dans le futur proche, et que la majo­ri­té de cette élec­tri­ci­té est pro­duite par la pro­duc­tion hydro­élec­trique, inclure de telles émis­sions dans les cal­culs de neu­tra­li­té ren­drait dif­fi­cile pour le pays de par­ve­nir à ce but ».

Figure : les quatre voies de trans­fert du méthane vers l’atmosphère

Effec­ti­ve­ment, en février et mars de cette année, le sec­teur élec­trique gou­ver­ne­men­tale du Cos­ta Rica publiait un com­mu­nique de presse sti­pu­lant que le pays était en route pour atteindre la « neu­tra­li­té car­bone » d’ici 2021, affir­mant que « 88% de son élec­tri­ci­té pro­vint de sources propres » en 2014, et que durant les 75 pre­miers jours de 2015, 100% de son élec­tri­ci­té avait été four­ni par des éner­gies « renou­ve­lables ». Les agences de presse du monde entier par­ta­gèrent ces dés­in­for­ma­tions sur l’hydroélectrique. CNN méri­ta le prix de l’irresponsabilité jour­na­lis­tique avec son émis­sion de télé­vi­sion « une année sans car­bone pour le Cos­ta Rica ». De manière plus sur­pre­nante encore, cer­tains envi­ron­ne­men­ta­listes amé­ri­cains mor­dirent à l’hameçon. Des groupes envi­ron­ne­men­taux, dont de nom­breuses orga­ni­sa­tions natio­nales, dif­fu­sèrent ces his­toires et cette infor­ma­tion fausse à tra­vers les réseaux sociaux — 350.org publia une image Face­book très popu­laire célé­brant l’accomplissement du Cos­ta Rica.

[NdT : Gary Wock­ner ne semble pas bien sai­sir, ou oublie de sou­li­gner que c’est là le rôle des grandes ONG éco­lo­gistes : sou­te­nir ces fausses solu­tions vertes et ce nou­vel eldo­ra­do pour les industriels.]

La bombe de méthane hydroélectrique menace la COP 21

Pire encore, le mythe de l’hydroélectrique décar­bon­né est inclut dans le « méca­nisme de déve­lop­pe­ment propre » du pro­to­cole de Kyo­to visant à trai­ter le pro­blème du chan­ge­ment cli­ma­tique pla­né­taire, et est de plus en plus uti­li­sé par des pays pré­sents à la COP21 à Paris. Ce pro­gramme encou­rage un inves­tis­se­ment plus impor­tant pour l’hydroélectrique que pour toutes autres sources d’énergies soi-disant « propres ». De telles recom­man­da­tions influencent les déci­sions de finan­ce­ment du gou­ver­ne­ment US et des prê­teurs inter­na­tio­naux comme la Banque Mon­diale et le FMI. D’ailleurs, la Banque Mon­diale affirme, sur son site : « Alors que la demande pour une éner­gie propre, fiable et abor­dable croit, avec l’urgence d’étendre la cou­ver­ture éner­gé­tique à ceux qui n’en béné­fi­cient pas, l’hydroélectrique joue un rôle capital. »

Aux USA, le minis­tère de l’énergie a publié un rap­port en 2014 appe­lant à « un nou­veau déve­lop­pe­ment hydro­élec­trique sur plus de 3 mil­lions de cours d’eau et de fleuves aux États-Unis », et il n’est pas dérai­son­nable de craindre que la confé­rence des Nations Unies sur le chan­ge­ment cli­ma­tique, pré­vue plus tard cette année, à Paris, sera infes­tée par cette pro­pa­gande « hydro­élec­trique = éner­gie propre ».

Un pam­phlet du gou­ver­ne­ment US vante les mérites de l’hydroélectrique. Parce que si peu des bar­rages du monde sont étu­diés, les quan­ti­tés mas­sives de méthane qu’ils émettent ne sont en majeure par­tie pas comp­tées dans les ana­lyses du chan­ge­ment climatique.

Tan­dis que les gou­ver­ne­ments et les usu­riers gra­vitent de plus en plus autour de l’hydroélectrique depuis 10 ans, l’industrie des bar­rages a affu­té son green­wa­shing [expres­sion dési­gnant un pro­cé­dé de mar­ke­ting ou de rela­tions publiques uti­li­sé par une orga­ni­sa­tion (entre­prise, admi­nis­tra­tion publique natio­nale ou ter­ri­to­riale, etc.) dans le but de se don­ner une image éco­lo­gique res­pon­sable, NdT]. Elle pré­tend, comme elle l’a pré­ten­du pen­dant des décen­nies, que ses acti­vi­tés sont bénignes, alors que les bar­rages et les réser­voirs ont noyé et dépla­cé des com­mu­nau­tés entières, détruit des rivières et engen­dré des vio­la­tions des droits humains mas­sifs tout autour du globe, sous la fausse pro­messe d’une « éner­gie propre et renouvelable ».

Aux USA, le long du fleuve Colo­ra­do, les direc­teurs des bar­rages de Glen Canyon et de Hoo­ver, deux des pires pro­jets de des­truc­tions de fleuves de l’histoire de l’humanité, conti­nuent à pré­tendre que ces bar­rages four­nissent une « éner­gie propre » et à cal­cu­ler de manière men­son­gère la « com­pen­sa­tion car­bone » de leur hydro­élec­trique com­pa­rée à l’utilisation du char­bon. En 2013, lors d’une réunion publique de 1200 per­sonnes à Las Vegas, j’ai enten­du des repré­sen­tants du gou­ver­ne­ment avan­cer de telles affir­ma­tions, pour­tant déjà dénon­cées par des conser­va­tion­nistes comme John Wei­sheit et bien d’autres.

Tout comme l’industrie du Tabac avait refu­sé pen­dant des décen­nies d’accepter que ses pro­duits donnent le can­cer, l’industrie des bar­rages, dans des décla­ra­tions publiques et des publi­ci­tés, bafoue la science qui lie les émis­sions de méthane à l’hydroélectrique. Et pire encore, le minis­tère de l’énergie des USA ren­force le mythe de l’hydroélectrique propre.

Ce mythe semble infil­trer les dis­cus­sions du monde entier. Un guide d’eaux-vives du Teno­rio, au Cos­ta Rica, me racon­tait ain­si qu’à d’autres raf­ters com­ment les fleuves de son pays avait été exploi­tés afin de pro­duire « de l’énergie propre » et de pré­pa­rer la voie vers un futur décarboné.

Le Cos­ta Rica finit actuel­le­ment le plus gros bar­rage hydro­élec­trique de toute l’Amérique Cen­trale, un pro­jet qui dévas­te­ra pro­ba­ble­ment le fleuve Reven­ta­zon. La struc­ture de 130 mètres de haut est pré­sen­tée comme un brillant exemple de l’engagement du Cos­ta Rica envers les objec­tifs du pro­to­cole de Kyo­to, et de son « méca­nisme de déve­lop­pe­ment propre », en par­ti­cu­lier. Les émis­sions de méthane que cela va engen­drer ne semblent pas avoir été prises en compte, et pour­raient ne jamais être mesu­rées. Mais aus­si trou­blant que la situa­tion du Cos­ta Rica puisse sem­bler, elle ne repré­sente qu’un frag­ment d’un pro­blème mon­dial bien plus vaste.

Des bar­rages sont construits à une vitesse record dans le monde entier. Le gou­ver­ne­ment chi­nois a récem­ment pro­po­sé de construire le plus gros pro­jet hydro­élec­trique du monde à la fron­tière du Tibet. Un seul des bar­rages qui le com­po­se­raient ferait trois fois la taille du plus gros qui existe actuel­le­ment, le bar­rage des trois gorges, sur le fleuve Yang­zi. De plus, le groupe de conser­va­tion Inter­na­tio­nal Rivers rap­port que, « actuel­le­ment, pas moins de 3700 pro­jets hydro­élec­triques sont en construc­tion ou en pro­jet », à tra­vers la planète.

L’é­co­lo­gie, c’est prendre soin de la pla­nète. Ci-des­sus, une source d’éner­gie dite « propre » et « renou­ve­lable » sou­te­nue par de nom­breux « éco­lo­gistes ». Le bar­rage des trois-gorges en Chine.

L’hydroélectrique est une éner­gie sale, et devrait être consi­dé­rée comme les com­bus­tibles fos­siles. Et les éco­lo­gistes, loin de la sou­te­nir, devraient la com­battre, faire fer­mer les bar­rages, et empê­cher leur construc­tion aus­si vigou­reu­se­ment que pour les cen­trales à charbon.



Tra­duc­tion : Nico­las Casaux

II. A propos de l’importance du méthane et des barrages

Ajou­tons éga­le­ment qu’une nou­velle étude diri­gée par l’Université de Rea­ding en Angle­terre démontre que les émis­sions d’origine anthro­pique de méthane sont, à ce jour, res­pon­sables d’environ un tiers du réchauf­fe­ment cli­ma­tique lié aux émis­sions de dioxyde de car­bone – cette contri­bu­tion du méthane est de 25% supé­rieure aux esti­ma­tions pré­cé­dentes. Ain­si, selon cette étude, les bar­rages sont res­pon­sables d’en­vi­ron 1,3% de toutes les émis­sions de gaz à effet de serre d’o­ri­gine anthro­pique. Une autre étude menée par l’Ins­ti­tut natio­nal de recherche spa­tiale bré­si­lien (INPE) a esti­mé que les bar­rages étaient res­pon­sables d’au moins 4% du réchauf­fe­ment cli­ma­tique d’o­ri­gine anthropique.

Selon une autre étude récem­ment publiée, la capa­ci­té du méthane (CH4) à réchauf­fer l’atmosphère est plus impor­tante que les scien­ti­fiques ne le pen­saient jusqu’alors. Depuis le rap­port du Groupe d’experts inter­gou­ver­ne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (GIEC) de 1995, le poten­tiel de réchauf­fe­ment glo­bal (PRG) à 100 ans du CH4 est pas­sé de 21 fois à 32 fois celui du CO2. Une esti­ma­tion en pro­gres­sion de 50% donc. Ce qui risque d’en­traî­ner une nou­velle révi­sion à la hausse de la res­pon­sa­bi­li­té des bar­rages dans le réchauf­fe­ment global.



III. L’empoisonnement au mercure, l’effet caché des barrages

Ce n’est pas tout, ajou­tons éga­le­ment une autre pol­lu­tion impor­tante liée aux bar­rages, qui n’est pas évo­quée ici, et que le quo­ti­dien suisse Le Temps expo­sait le 5 décembre 2016 dans un article inti­tu­lé : « L’empoisonnement au mer­cure, l’effet caché des bar­rages ».

L’ar­ticle décrit un « effet mécon­nu de l’inondation des terres : la pro­duc­tion de méthyl­mer­cure par des bac­té­ries natu­rel­le­ment pré­sentes dans les sédi­ments des lacs et rivières. Neu­ro­toxique, notam­ment chez le fœtus, cette molé­cule peut entraî­ner une alté­ra­tion de l’audition ou du champ visuel, voire des troubles men­taux ou des para­ly­sies. Sa pré­sence dans l’eau peut, sous cer­taines condi­tions, favo­ri­ser sa dis­sé­mi­na­tion dans la chaîne ali­men­taire et, au final, sa pré­sence chez l’être humain ».

Le site de l’al­liance romaine, pour la pro­tec­tion de la rivière Romaine, au Qué­bec, le for­mule ainsi :

« Les bar­rages créent une conta­mi­na­tion au mer­cure. Le mer­cure inor­ga­nique est pré­sent dans nos sols. Ce mer­cure est pré­sent depuis des mil­liers d’années en rai­son de l’activité vol­ca­nique et son niveau a aug­men­té plus récem­ment en rai­son de l’activité humaine. Conser­vé dans le sol, ce type de mer­cure pose rela­ti­ve­ment peu de dan­gers. Mal­heu­reu­se­ment, lorsque des por­tions du sol où il se concentre sont inon­dées et que les bac­té­ries com­mencent à digé­rer les sols ain­si inon­dés, le mer­cure inor­ga­nique se change en méthyle mer­cure. Le méthyle mer­cure est une neu­ro­toxine puis­sante. En consé­quence de la créa­tion des réser­voirs, le mer­cure se retrouve dans la chaîne ali­men­taire, conta­mi­nant le zoo planc­ton, les pois­sons, les oiseaux, les mam­mi­fères et les humains qui dépendent de l’écosystème des rivières. Après la construc­tion d’un bar­rage, les pois­sons de ces rivières ne peuvent plus être consom­més pen­dant une période pou­vant aller jusqu’à 30 ans. Mal­gré les allé­ga­tions selon les­quelles le méthyle mer­cure dans les réser­voirs retour­ne­rait à un niveau nor­mal après 30 ans, il devient évident que cela peut prendre plus long­temps et que la concen­tra­tion de méthyle mer­cure ne sera jamais aus­si basse qu’elle n’était avant la créa­tion d’un réservoir. »

Plus d’in­for­ma­tions dans cette vidéo :



IV. Les barrages détruisent les rivières

Dans son article « Le mythe des éner­gies renou­ve­lables », Der­rick Jen­sen aborde le sujet des bar­rages et rap­pelle que :

« De la même façon, peu importe à quel point les acti­vistes cli­ma­tiques, les poli­ti­ciens et les « envi­ron­ne­men­ta­listes » pré­tendent que les bar­rages sont « verts » et « renou­ve­lable », il devrait être évident qu’ils tuent les rivières. Ils tuent les zones lacustres qu’ils inondent. Ils privent les rivières situées en amont des nutri­ments appor­tés par les pois­sons ana­dromes. Ils privent les plaines d’inondation en aval des nutri­ments qui cir­culent dans les rivières. Ils privent les plages de sédi­ments. Ils détruisent les habi­tats des pois­sons et des autres espèces qui vivent dans les rivières sau­vages, et pas dans des réser­voirs tièdes à l’écoulement alenti. »

Les bar­rages frag­mentent, détraquent ou éli­minent des habi­tats natu­rels, en amont comme en aval. Le site de la FAO (l’Or­ga­ni­sa­tion des Nations unies pour l’a­li­men­ta­tion et l’a­gri­cul­ture) le recon­nait lui aussi :

« Les bar­rages altèrent l’écologie aqua­tique et l’hydrologie des rivières en amont et en aval, affec­tant la qua­li­té de l’eau, son volume, ain­si que les zones de reproductions. »

Dans un article publié le 9 jan­vier 2017 sur le site du Guar­dian, inti­tu­lé « Mau­dits soient les bar­rages, lais­sez les rivières cou­ler libre­ment », Kate Hor­ner, qui dirige l’organisation de pro­tec­tion des fleuves et des rivières Inter­na­tio­nal Rivers, écrit :

« Au cours des 60 der­nières années, les grands bar­rages ont eu des impacts dévas­ta­teurs sur les gens et sur l’environnement. Ils altèrent les éco­sys­tèmes des rivières en les fai­sant pas­ser de frais, fluides et connec­tés à chauds, stag­nants et frag­men­tés – avec des consé­quences dévas­ta­trices pour la vie sau­vage. Les bar­rages sont l’une des prin­ci­pales rai­sons pour les­quelles les popu­la­tions de pois­sons d’eau douce se sont effon­drées – le monde a per­du plus de 80% de ces popu­la­tions depuis 1970. »

Dans le pro­logue d’un livre cru­cial inti­tu­lé La guerre des bar­rages (2005), Jacques Les­lie (un jour­na­liste, diplô­mé de l’U­ni­ver­si­té de Yale, aux USA, cor­res­pon­dant de guerre au Viet­nam et au Cam­bodge pour le Los Angeles Times, qui a éga­le­ment tra­vaillé, entre autres, pour le New York Times, le Washing­ton Post et le Bos­ton Globe) écrit que :

« En l’espace de soixante-dix ans, nous avons appris que si l’on sup­prime le bar­rage Hoo­ver, on libère aus­si les mil­lions de tonnes de sel que le Colo­ra­do char­riait autre­fois vers la mer mais qui se sont depuis répan­dus dans les champs irri­gués, empoi­son­nant len­te­ment les sols. Faites sau­ter les bar­rages sur le Colo­ra­do et vous ren­drez le limon qui s’accumule der­rière eux à un fleuve libé­ré qui ira de nou­veau enri­chir les terres en aval, et le del­ta autre­fois d’une richesse excep­tion­nelle, mais aujourd’hui brû­lé, aride et jon­ché de déchets. Faites sau­ter les bar­rages, et les Indiens Coco­pa, dont les ancêtres ont péché dans le del­ta et ont culti­vé ses rives pen­dant plus d’un mil­lé­naire, auront peut-être une chance d’éviter l’extinction. Faites sau­ter les bar­rages, et le Colo­ra­do recom­men­ce­ra à char­rier ses nutri­ments vers le golfe de Cali­for­nie, y recons­ti­tuant ain­si une aire de repro­duc­tion des pois­sons aujourd’hui sur­pê­chée, qui rede­vien­dra ce qu’elle était voi­ci un demi-siècle : un sanc­tuaire marin d’une excep­tion­nelle richesse. »

Plus tard, dans le livre, il explique que :

« La dimen­sion, les varia­tions sai­son­nières et le conte­nu d’un fleuve déter­minent le carac­tère de son éco­sys­tème. Modi­fiez l’une de ces variables, et l’écosystème est contraint de s’adapter ; modi­fiez-les toutes de façon sub­stan­tielle, comme le fait un bar­rage, et l’écosystème décline. Les petites crues déclenchent les migra­tions des pois­sons et des insectes ; les grosses crues créent des habi­tats pour les pois­sons en creu­sant le lit des fleuves et trans­portent les nutri­ments dans les plaines flu­viales. Les chan­ge­ments de tem­pé­ra­ture de l’eau d’un fleuve donnent le signal de la repro­duc­tion des pois­sons, tan­dis que la com­po­si­tion chi­mique de l’eau nour­rit les ani­maux déjà adap­tés à l’environnement du fleuve. C’est tout cet ensemble qu’un bar­rage per­turbe de façon désas­treuse. […] Les espèces rares et spé­cia­li­sées qui ont évo­lué sur des mil­lions d’années s’éteignent. […] Les consé­quences de l’altération du débit s’étendent jusqu’à l’embouchure du fleuve, où l’intrusion d’eau salée tend à s’accélérer, détrui­sant des zones humides ou des zones de pêche. »

Ces pro­blèmes cru­ciaux, vitaux pour la san­té des éco­sys­tèmes flu­viaux, a éga­le­ment été sou­li­gné plus récem­ment, le 20 juin 2017, dans un article inti­tu­lé « Pour­quoi les rivières du monde perdent des sédi­ments, et pour­quoi c’est impor­tant », publié sur le site Yale Envi­ron­ment 360, la plate-forme web de l’u­ni­ver­si­té de Yale dédiée à « la fores­te­rie et aux études envi­ron­ne­men­tales » où on peut lire :

« D’immenses quan­ti­tés de sédi­ments sont pié­gées der­rière les grands bar­rages du monde, pri­vant les zones en aval de maté­riaux cru­ciaux pour le déve­lop­pe­ment des marais et des zones humides qui servent de tam­pon contre la mon­tée du niveau des eaux. »



VI. Les barrages contre les peuples

Voi­ci ce qu’é­crit l’au­teure et acti­viste Arund­ha­ti Roy dans son magni­fique essai publié en France sous le titre Le coût de la vie :

« Les grands bar­rages sont au déve­lop­pe­ment d’une nation ce que des bombes nucléaires sont à son arse­nal mili­taire : des armes de des­truc­tion mas­sive. Ils sont tous deux des armes que les gou­ver­ne­ments uti­lisent pour contrô­ler leurs propres peuples. Tous deux des emblèmes du 20ème siècle qui marquent un point du temps où l’in­tel­li­gence humaine a dépas­sé son propre ins­tinct de sur­vie. Ils sont tous deux des indi­ca­tions malignes d’une civi­li­sa­tion qui s’est retour­née contre elle-même. Ils repré­sentent la cou­pure du lien — et pas seule­ment du lien, mais aus­si de la com­pré­hen­sion — entre les êtres humains et la pla­nète sur laquelle ils vivent. Ils brouillent l’in­tel­li­gence qui relie les œufs aux poules, le lait aux vaches, la nour­ri­ture aux forêts, l’eau aux rivières, l’air à la vie, et la terre à l’exis­tence humaine. »

Par ailleurs, dans une tra­duc­tion d’un de ses textes publiée sur le site de Cour­rier Inter­na­tio­nal, elle écrit :

« Le résul­tat de tant d’efforts, c’est que l’Inde peut aujourd’hui se glo­ri­fier d’être le troi­sième plus grand construc­teur de bar­rages au monde. Si l’on en croit la Com­mis­sion cen­trale hydrau­lique, nous avons à notre actif 3 600 bar­rages que l’on peut qua­li­fier de grands. Dont 3 300 ont été construits après l’Indépendance. Un mil­lier de plus sont en cours. Et pour­tant un cin­quième de notre popu­la­tion (soit 200 mil­lions d’habitants) est pri­vé d’eau potable, et deux tiers (soit 600 mil­lions) manquent des ins­tal­la­tions sani­taires les plus élémentaires.

D’après une étude détaillée de 54 Grands Bar­rages réa­li­sée par l’Institut indien d’Administration publique, le nombre de per­sonnes dépla­cées par un Grand Bar­rage en Inde serait en moyenne de 44 182. Je conviens que 54 bar­rages sur un total de 3 300 ne consti­tuent pas un échan­tillon­nage suf­fi­sam­ment repré­sen­ta­tif. Mais étant don­né que c’est tout ce dont nous dis­po­sons, essayons de faire un peu d’arithmétique élé­men­taire avec ces chiffres.

Pour ne pas être accu­sée de par­tia­li­té, je divi­se­rai par deux le chiffre des popu­la­tions dépla­cées. Je des­cen­drai même, par pru­dence, jusqu’à une moyenne de 10 000 per­sonnes par Grand Bar­rage. Le chiffre est vrai­sem­bla­ble­ment beau­coup trop bas. Je sais, mais… peu importe. A vos cal­cu­lettes ! 3 300 par 10 000 = 33 000 000.

Voi­là le chiffre auquel on arrive : 33 mil­lions de per­sonnes. Dépla­cées par les Grands Bar­rages au cours des cin­quante der­nières années. Qu’en est-il des autres, de toutes celles qui ont été dépla­cées à la suite des innom­brables autres grands tra­vaux entre­pris ? Lors d’une confé­rence pri­vée, N.C. Saxe­na, Com­mis­saire au plan, a décla­ré que ce chiffre avoi­si­nait les 50 mil­lions (dont 40 dus aux bar­rages**). Per­sonne n’ose l’ébruiter, parce que ce n’est pas offi­ciel. Mais si ce n’est pas offi­ciel, c’est parce que per­sonne n’ose l’ébruiter. Vous êtes condam­né à mur­mu­rer ce chiffre, par crainte d’être taxé d’exagération.

[…] L’Industrie inter­na­tio­nale du Bar­rage vaut 20 mil­liards de dol­lars par an. Sui­vez la piste des Grands Bar­rages dans le monde, que ce soit en Chine, au Japon, en Malai­sie, en Thaï­lande, au Bré­sil ou au Gua­te­ma­la, et vous retrou­vez le même scé­na­rio d’un pays à l’autre, et les mêmes acteurs : le Tri­angle de Fer (expres­sion qui, chez les ini­tiés, désigne la col­lu­sion entre hommes poli­tiques, bureau­cra­tie et com­pa­gnies de construc­tion), les char­la­tans qui pré­fèrent se voir appe­ler Consul­tants en Envi­ron­ne­ment inter­na­tio­nal (et sont en règle géné­rale direc­te­ment employés par les construc­teurs de bar­rages ou leurs sous-trai­tants) et, plus sou­vent qu’à son tour, la gen­tille et com­pré­hen­sive Banque mon­diale d’à côté. »

On peut vivre sans élec­tri­ci­té / Mais on ne peut pas vivre sans Terre / Ne détrui­sez pas notre base de savoir cultu­rel (Mani­fes­ta­tion à New Del­hi, en 2006, contre le bar­rage de Tipaimukh)


VI. Autres impacts environnementaux des barrages

Enfin, en avant-der­nier point, voi­ci un exemple de l’im­pact de la construc­tion d’un bar­rage au Cos­ta Rica, décrit par The Jaguar Pro­ject (en fran­çais, Le pro­jet jaguar), une orga­ni­sa­tion qui milite pour la pré­ser­va­tion de l’ha­bi­tat du jaguar :

Le bar­rage de Reventazon

Le pro­jet hydro­élec­trique de Reven­ta­zon est le plus impor­tant pro­jet d’énergie renou­ve­lable de toute l’Amérique Cen­trale. Ce bar­rage de 130 mètres de haut inon­de­ra une zone de 6.9 km² et crée­ra un lac arti­fi­ciel long de 8km une fois opé­ra­tion­nel en 2016.

La lon­gueur et la posi­tion géo­gra­phique du réser­voir sont telles qu’il entra­ve­ra la migra­tion des jaguars et de plu­sieurs autres espèces mena­cées à tra­vers le cor­ri­dor bio­lo­gique Bar­billa-Des­tier­ro qui relie la cor­dillère vol­ca­nique cen­trale à la cor­dillère de Tala­man­ca. De mul­tiples études ont révé­lé qu’il s’agissait d’un des plus impor­tants cor­ri­dors bio­lo­giques du Cos­ta Rica, et qu’il jouait un rôle clé dans la migra­tion libre des jaguars entre le Nica­ra­gua, le Cos­ta Rica et Panama.

Impact envi­ron­ne­men­tal

En plus de frag­men­ter l’un des prin­ci­paux cor­ri­dors de vie sau­vage d’Amérique Cen­trale, le bar­rage menace de dégra­der la qua­li­té de l’eau et de sub­stan­tiel­le­ment réduire la capa­ci­té du fleuve Reven­ta­zon à sou­te­nir diverses espèces d’oiseaux migra­teurs. La menace envers le fleuve est tel que l’Institut cos­ta­ri­cain d’élec­tri­ci­té (ICE) est obli­gé par son finan­ceur, la Banque Inter­amé­ri­caine de Déve­lop­pe­ment (IDB) de com­pen­ser les dom­mages éco­lo­giques en pro­té­geant le fleuve Paris­mi­na adjacent.

Emma­nuel Bou­let de l’IDB affirme qu’avec la mise en place des pro­grammes de l’ICE il y aura un « gain net pour l’environnement » du fait de ce pro­jet. A nos yeux, la conser­va­tion du fleuve Paris­mi­na est une pathé­tique ten­ta­tive de green­wa­shing de l’impact envi­ron­ne­men­tal du bar­rage visant à « sau­ver » un fleuve déjà pré­ser­vé afin de sacri­fier l’écosystème du Reventazon.

En réa­li­té, des dom­mages envi­ron­ne­men­taux se pro­duisent déjà du fait de la construc­tion du bar­rage. Contrai­re­ment aux affir­ma­tions du site de l’IDB selon lequel les « mesures de pro­tec­tions gagnantes-gagnantes du pro­jet ont reçu l’appui de la majo­ri­té des habi­tants du cor­ri­dor bio­lo­gique de Bar­billa Des­tier­ro », nous avons obser­vé l’inverse. Mal­gré les béné­fices infra­struc­tu­rels poten­tiels, la grande majo­ri­té des habi­tants de la val­lée que nous avons inter­viewés n’étaient pas en faveur du pro­jet hydro­élec­trique, prin­ci­pa­le­ment en rai­son d’inquiétudes environnementales.

Depuis 2013, nous avons reçu de mul­tiples rap­ports de com­por­te­ments ani­ma­liers inha­bi­tuels dans la val­lée de Reven­ta­zon. Plu­sieurs espèces ont été aper­çues en train de fuir les bruits et les des­truc­tions d’habitats cau­sés par la construc­tion, ce qui a entrai­né une aug­men­ta­tion des conflits avec les humains. La situa­tion est encore exa­cer­bée du fait de la construc­tion de plu­sieurs routes pavées à tra­vers la val­lée qui ouvri­ront ces zones rurales à plus de tra­fic et de développement.

Durant la construc­tion. Aujourd’­hui, en 2017, le bar­rage est opérationnel.

VII. Comment la construction de barrages menace de détruire la dernière rivière sauvage d’Europe

L’en­tre­prise amé­ri­caine Pata­go­nia a pro­duit un bon docu­men­taire, inti­tu­lé Blue Heart, expo­sant d’une part les impacts des bar­rages et d’autre part com­ment la construc­tion de bar­rages menace un des der­niers fleuves sau­vages d’Europe :

Un site web accom­pagne la sor­tie de ce docu­men­taire sur lequel on peut par exemple lire que :

« Les bar­rages tout comme les détour­ne­ments des bas­sins ver­sants des rivières sont dévas­ta­teurs pour les éco­sys­tèmes et les per­sonnes qui vivent à proxi­mi­té. Sur les plus de 3000 pro­jets de bar­rages envi­sa­gés dans les Bal­kans, 91 % pré­voient la construc­tion de petits bar­rages de déri­va­tion hydro­élec­trique, qui ser­vi­ront à détour­ner les eaux des rivières et même à drai­ner et assé­cher des tron­çons de rivière. Des études ont mon­tré que les effets cumu­lés de mul­tiples petits détour­ne­ments dépassent bien sou­vent ceux cau­sés par un seul grand barrage. […] 

Les bar­rages et les détour­ne­ments de rivières modi­fient consi­dé­ra­ble­ment l’en­vi­ron­ne­ment et contri­buent au réchauf­fe­ment pla­né­taire, avec des effets dévas­ta­teurs sur les cours d’eau, les habi­tats natu­rels, les pay­sages envi­ron­nants et les com­mu­nau­tés entières. »


***

Ce tour d’ho­ri­zon devrait suf­fire — même si nous n’a­vons même pas dis­cu­té des maté­riaux néces­saires à la construc­tion des­dits bar­rages, et du pro­blème lié, donc, de l’ex­trac­ti­visme — à faire com­prendre en quoi les bar­rages n’ont rien de « verts » ou de « propres ». En quoi ils sont une catas­trophe éco­lo­gique et sociale de plus, un nou­vel apport en éner­gie pour la machine indus­trielle qui n’en finit pas de s’é­tendre au détri­ment de la diver­si­té du vivant et des com­mu­nau­tés natu­relles, qui laissent place à des zones arti­fi­cielles et toxiques.

L’exemple du Cos­ta Rica en paran­gon de l’é­co­lo­gie n’en finit pas de cir­cu­ler sur inter­net. Pour celui qui s’y est ren­du avec les yeux ouverts, le men­songe est gro­tesque. Comme dans la plu­part des pays en déve­lop­pe­ment, la consom­ma­tion de pro­duits indus­triels plas­tiques a pol­lué le pays de long en large. Pire encore, cette consom­ma­tion aug­mente régu­liè­re­ment, tout comme la consom­ma­tion de pro­duits high-tech pol­luants, toxiques, et alié­nants (des télé­vi­sions aux télé­phones mobiles). Et avec ça, bien sûr, la consom­ma­tion d’éner­gie par per­sonne n’y fait que croître, comme dans bien des pays en déve­lop­pe­ment, et comme dans le monde entier.

D’ailleurs, la consom­ma­tion de com­bus­tibles fos­siles au Cos­ta Rica, qui a récem­ment explo­sé du fait de l’essor de la voi­ture indi­vi­duelle, ne fait qu’augmenter. Avec 287 voi­tures pour 1000 habi­tants (dont moins de 2% de véhi­cules hybrides/électriques), sa moyenne dépasse celle du monde, et de l’Amérique Latine. La consom­ma­tion d’essence y a aug­men­té de 11% en 2016, ain­si que l’explique un article récem­ment publié dans le Guar­dian.

Enfin, ajou­tez à cela de plus en plus de tou­risme, de construc­tions, de cultures de pal­miers à huile — et le fait que ce pays est le pre­mier consom­ma­teur au monde de pro­duits agro­chi­miques par hec­tare de terre culti­vé — et le Cos­ta Rica appa­raît comme un bon exemple d’une catas­trophe éco­lo­gique en cours, qui ne fait qu’empirer.

Nico­las Casaux

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  1. Mer­ci pour cet article et votre ana­lyse pertinente.
    Les risques pour notre envi­ron­ne­ment des GHG ont été tel­le­ment foca­li­sés sur le CO2, que tous les autres gaz sont à tord oubliés.
    L’u­ti­li­sa­tion du CO2 comme vec­teur de sen­si­bi­li­sa­tion est néan­moins judi­cieuse car elle a per­mis une réelle prise de conscience des pro­blèmes envi­ron­ne­men­taux au niveau inter­na­tio­nal et qu’elle est pré­sen­tée comme étant direc­te­ment liée (à tord ou à rai­son) à nos consom­ma­tions de maté­riaux fos­sile, ce qui per­met à tout un cha­cun de faire un lien direct entre son com­por­te­ment et des impacts au niveau de la planète.
    Je vous remer­cie de m’a­voir fait prendre conscience des effets néfastes de l’hy­dro­élec­trique aux­quels je n’a­vais jamais pen­sé avant la lec­ture de votre article. Une ques­tion tout de même, cette métha­ni­sa­tion n’au­rait-elle pas lieu, de toute façon, même sans ces incu­ba­teurs que sont ces lacs de retenue ?

    Je suis éga­le­ment mal à l’aise avec les effets du réchauf­fe­ment cli­ma­tique consta­té quand à la libé­ra­tion du CH4 des hydrates de méthane en quan­ti­té énorme sur la planète.

    Si je ne devais rete­nir qu’un chiffre per­cu­tant à éven­tuel­le­ment citer comme amorce de dis­cus­sion avec des néo­phytes quel devrait-il être d’a­près vous ?

    Mer­ci encore de m’a­voir éclai­ré ce matin !

    Eric Vil­le­preux.

    1. Non, cette métha­ni­sa­tion n’au­rait abso­lu­ment pas lieu si les rivières cou­laient librement.
      La métha­ni­sa­tion n’est pas le seul pro­blème. Le plus grave, mais le moins per­çu comme tel, c’est que l’élec­tri­ci­té pro­duite par les bar­rages sert à ali­men­ter le reste d’une éco­no­mie indus­trielle entiè­re­ment nui­sible, pol­luante, etc. Si vous vou­lez, dans une optique de dés­in­dus­tria­li­sa­tion, de décrois­sance, nous n’a­vons aucu­ne­ment besoin de ces éner­gies faus­se­ment « vertes », il faut sim­ple­ment déman­te­ler des usines, ces­ser de pro­duire des objets toxiques et inutiles, et ain­si de suite. Voi­là ce qui devrait être l’u­nique prio­ri­té. Mais qui passe à la trappe.

  2. as t’ on une idée du débit de méthane que cela repré­sente com­pa­ré à la puis­sance géné­rée par le bar­rage ? Pour rap­pel une usine élec­trique au char­bon d’en­vi­ron 630 MWe émet 500 Nm3.s‑1 de fumée com­po­sée de 14% volu­mique de CO2. je n’ar­rive pas à trou­ver une infor­ma­tion sur ce débit de méthane réel. Même si le méthane est un impact plus impor­tant sur l’ef­fet de serre que le CO2 (envi­ron 25 fois plus), il faut com­pa­rer les émis­sions de ces gaz en terme de débit.

  3. Cet article très inté­res­sant dont je vous remer­cie éclaire effec­ti­ve­ment les bar­rages hydro­élec­triques sous d’autres angles qui les rendent fina­le­ment beau­coup moins ver­tueux, le seul reproche qui leur était fait jus­qu’à pré­sent était l’en­trave à la remon­tée des pois­sons migra­teurs, pro­blème ayant géné­ré la construc­tion d’as­cen­seur à pois­sons, l’homme ayant tou­jours une réponse tech­nique pour résoudre les pro­blèmes qu’il crée. Jusqu’où ?
    La ques­tion que me sug­gère cet article, c’est de savoir si cette émis­sion de méthane se retouve éga­le­ment dans les bas­sines que les agri­cul­teurs indus­triels veulent construire un peu par­tout pour ali­men­ter leurs besoins d’ir­ri­ga­tion de maïs ? Cela sem­ble­rait logique, vu que le pro­ce­sus est le même : noyade de la végé­ta­tion ‚sans par­ler des autres méfaits environnementaux. .

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