« Nous devons être plus courageuses » — la remise en question de « l’identité de genre » et le mutisme imposé au féminisme (par Meghan Murphy)

Tra­duc­tion d’un article ini­tia­le­ment publié, en anglais, sur le site Femi­nist Cur­rent, le 27 sep­tembre 2016, et rédi­gé par sa fon­da­trice, Meghan Mur­phy, une écri­vaine et jour­na­liste indé­pen­dante, dont le tra­vail a déjà été dif­fu­sé dans plu­sieurs revues natio­nales et inter­na­tio­nales (New Sta­tes­man, Vice, Al Jazee­ra, The Globe and Mail, Tru­th­dig, etc.).


Les femmes qui remettent en ques­tion le dis­cours por­tant sur « l’identité de genre » ont beau­coup été iso­lées sur les lignes de front au cours des dix der­nières années. Les fémi­nistes libé­rales et pro­gres­sistes ont sou­vent pré­fé­ré la poli­tique iden­ti­taire à l’analyse fémi­niste, cela n’a donc rien d’étonnant. Ceux qui ne sont pas inves­tis dans le mou­ve­ment de libé­ra­tion des femmes com­prennent bien qu’apporter leur sou­tien au mou­ve­ment fémi­niste indé­pen­dant ne leur per­met­tra pas d’obtenir le pou­voir qu’ils convoitent, et la plu­part d’entre eux n’ont pas pris la peine d’analyser suf­fi­sam­ment les racines du patriar­cat pour com­prendre ce contre quoi nous lut­tons. Mais même plu­sieurs de celles dont la poli­tique est par ailleurs enra­ci­née dans des prin­cipes fémi­nistes radi­caux ont hési­té à remettre en ques­tion publi­que­ment le dis­cours dog­ma­tique sur l’identité de genre. Nous ne sommes que trop conscientes de ce que refu­ser d’accepter et de répé­ter machi­na­le­ment les man­tras com­mu­né­ment admis nous place inévi­ta­ble­ment du mau­vais côté d’une chasse aux sor­cières moderne.

Je ne vous cache­rai pas avoir eu peur, pen­dant de nom­breuses années, de prendre posi­tion en ce qui concerne la ques­tion de l’identité de genre et la poli­tique trans, mal­gré mon opi­nion selon laquelle l’existence d’espaces et d’organisations réser­vés aux femmes est cru­ciale pour le mou­ve­ment fémi­niste, et dans le sou­tien aux femmes qui se remettent de vio­lences masculines.

Pen­dant de nom­breuses années, je n’étais même pas sûre de ce qu’était ma posi­tion. Je crai­gnais que le fait de dénon­cer la natu­ra­li­sa­tion des sté­réo­types de genre sexistes qui accom­pagne le sou­tien de ce que l’on appelle les « droits des trans », nui­rait à ma lutte contre l’industrie du sexe et la vio­lence infli­gée aux femmes. Celles qui osent remettre en ques­tion la poli­tique trans risquent, entre autres choses, de perdre leurs emplois, d’être cen­su­rées, d’être pla­cées sur liste noire, d’être mena­cées de vio­lences phy­siques (et d’autres choses), d’être atta­quées par des tran­sac­ti­vistes, et d’être socia­le­ment ostra­ci­sées – toutes choses qui empêchent les femmes de prendre la parole. (Évi­dem­ment, j’ai déjà connu plu­sieurs de ces puni­tions pour n’avoir pas res­pec­té la ligne du par­ti et m’être alliée à des femmes qua­li­fiées de « TERF[1] » ou de « transphobes ».)

Nous vivons une époque où les idées élé­men­taires du fémi­nisme deviennent taboues, indi­cibles, tan­dis que des insultes et des calom­nies anti­fé­mi­nistes sont lar­ge­ment accep­tées et même célé­brées par de pré­ten­dus pro­gres­sistes et acti­vistes pour la jus­tice sociale.

Mais peu importe les risques, je ne peux pas, en toute bonne foi, accep­ter la notion indi­vi­dua­liste et néo­li­bé­rale d’ « iden­ti­té de genre », pas en tant que fémi­niste com­pre­nant com­ment le patriar­cat est appa­ru et com­ment il conti­nue de s’imposer, ni en tant que mili­tante de gauche com­pre­nant le fonc­tion­ne­ment des sys­tèmes de pou­voir. Je ne veux pas demeu­rer silen­cieuse face à un dis­cours rétro­grade et anti­fé­mi­niste : je sais que mon silence en encou­rage d’autres à res­ter silen­cieuses. Je ne veux pas aban­don­ner mes sœurs qui ont déjà souf­fert énor­mé­ment pour avoir pris la parole.

Au mois de juillet, une confé­rence a été orga­ni­sée par Julia Long à Conway Hall à Londres. Elle avait pour but de contes­ter un dis­cours désor­mais incon­tes­table. Inti­tu­lée Thin­king Dif­fe­rent­ly : Femi­nists Ques­tio­ning Gen­der Poli­tics (« Pen­ser dif­fé­rem­ment : Des fémi­nistes remettent en ques­tion la poli­tique du genre »), elle a réuni des confé­ren­cières fémi­nistes comme Shei­la Jef­freys, Lierre Keith, Julie Bin­del, Ste­pha­nie Davies-Arai, Mary Lou Sin­gle­ton, Jackie Mearns et Made­leine Berns. Elles ont décrit la chape de silence qui règne sur la parole fémi­niste au Royaume-Uni (et ailleurs), ain­si que l’impact du dis­cours trans sur la lutte pour les droits des femmes et pour leur libé­ra­tion du patriar­cat. Les enre­gis­tre­ments vidéo de ces entre­tiens ont été mis en ligne la semaine dernière.

Shei­la Jef­freys affirme, dans son allo­cu­tion, que « le trans­gen­risme est une inven­tion socia­le­ment et poli­ti­que­ment construite » indis­so­ciable des forces qui dominent une socié­té hétéropatriarcale.

Jef­freys relie la notion d’« iden­ti­té de genre » au néo­li­bé­ra­lisme amé­ri­cain en ce qu’il s’agit, évi­dem­ment, d’une notion très indi­vi­dua­liste, mais aus­si parce qu’elle est liée au capi­ta­lisme et à la vache à lait que consti­tue le trans­gen­risme pour l’industrie phar­ma­ceu­tique (Big Phar­ma), les thé­ra­peutes de l’identité de genre et les cli­niques et les chi­rur­giens esthé­tiques. Il semble même bizarre de dis­cu­ter de l’identité de genre en dehors du contexte du capi­ta­lisme, compte tenu de la façon dont l ’« iden­ti­té » et l’« expres­sion » sont à ce point liées, dans la socié­té contem­po­raine, au monde de la consom­ma­tion. La fémi­ni­té elle-même a été ven­due aux femmes depuis des décen­nies d’une façon tota­le­ment sexiste, mais voi­là tout à coup que l’on s’attend à ce que nous accep­tions des choses comme cette idée d’un carac­tère « éman­ci­pa­teur » des pro­duits cos­mé­tiques, sous pré­texte que des hommes les reven­diquent comme élé­ment de leur « expres­sion de genre » féminisée.

Jef­freys sug­gère d’ailleurs aux fémi­nistes d’abandonner entiè­re­ment le terme de « genre ». À la place, explique-t-elle : « Il nous faut par­ler de classe de sexe ou de caste de sexe », puisque (en anglais, mais aus­si en fran­çais, de plus en plus, NdT) le mot « genre » perd son sens et est asso­cié au sexe biologique.

En tant que fémi­nistes, notre tra­vail consiste à abo­lir la notion de genre — inven­tée et impo­sée afin de natu­ra­li­ser la hié­rar­chie des classes de sexe dans laquelle les hommes dominent les femmes. À quel point est-il pro­gres­siste, dans une pers­pec­tive fémi­niste, d’accepter l’idée que le genre est à la fois réel et inné — une iden­ti­té avec laquelle on peut naître, puisqu’il s’agit pré­ci­sé­ment de la tac­tique uti­li­sée his­to­ri­que­ment par les hommes pour défendre l’idée que les femmes ne devraient pas être auto­ri­sées à voter, à tra­vailler à l’extérieur du foyer, ou à déte­nir des postes de pou­voir social ? Les femmes ont été construites comme natu­rel­le­ment « fémi­nines », ce qui signi­fiait que nous étions trop émo­tives, irra­tion­nelles et faibles pour par­ti­ci­per à la sphère publique comme le fai­saient les hommes. Ces der­niers, en revanche, étaient sup­po­sé­ment plus adap­tés aux fonc­tions publiques et aux postes de pou­voir en rai­son de leur asser­ti­vi­té, de leur ratio­na­li­té, de leur impas­si­bi­li­té, et de leur vigueur naturelles.

Sommes-nous, en tant que fémi­nistes (et en tant que socié­té) vrai­ment d’accord avec un tel recul, sou­hai­tons-nous accep­ter l’idée que les sté­réo­types de genre (qui existent seule­ment pour natu­ra­li­ser et impo­ser le sexisme) sont innés plu­tôt que socia­le­ment construits ?

« Cis » est un autre terme qui a été adop­té par ceux qui se veulent ou se pré­sentent comme pro­gres­sistes, même qui est reje­té par les fémi­nistes radi­cales. Est « cis », nous dit-on, « toute per­sonne dont l’identité per­son­nelle est conforme au genre qui cor­res­pond à leur sexe bio­lo­gique ». Par consé­quent, une « femme cis » serait une femme qui s’identifie à la fémi­ni­té, ce que je ne fais cer­tai­ne­ment pas, à l’instar de beau­coup d’autres femmes. Je rejette la notion de fémi­ni­té et je rejette donc l’idée que les femmes qui se voient impo­ser la fémi­ni­té sont soit pri­vi­lé­giées soit natu­rel­le­ment enclines à leur sta­tut subor­don­né. « Cis » est un terme régres­sif parce qu’il sug­gère que les femmes s’identifient en quelque sorte avec leur oppres­sion. Néan­moins, celles qui le rejettent sont qua­li­fiées de « trans­phobes » — ce qui consti­tue une autre façon d’imposer le silence à l’analyse fémi­niste, d’interdire une remise en cause géné­rale de la poli­tique du genre.

Comme Jef­freys, Lierre Keith relie le concept de l’identité de genre au libé­ra­lisme, en sou­li­gnant, dans sa pré­sen­ta­tion, que les radi­caux com­prennent que « la socié­té est orga­ni­sée par des sys­tèmes de pou­voir concrets, et non par des pen­sées et des idées ». Par consé­quent, explique-t-elle, « la solu­tion à l’oppression consiste à déman­te­ler ces sys­tèmes ». Elle sou­ligne que le racisme a été ren­for­cé par une pro­pa­gande qui affir­mait que les noirs étaient natu­rel­le­ment infé­rieurs, de la même façon qu’on a pré­ten­du que les femmes et les classes infé­rieures avaient tout sim­ple­ment des cer­veaux dif­fé­rents (infé­rieurs), ce qui a eu pour effet de natu­ra­li­ser les inéga­li­tés. Le genre, comme la classe et la race, n’est pas un sys­tème binaire, ajoute Keith, mais une hiérarchie.

Lierre Keith com­prend par­ti­cu­liè­re­ment com­bien il est effrayant d’oser s’exprimer sur ces sujets : « Ma car­rière est ter­mi­née. Je ne pour­rais plus jamais m’exprimer dans une uni­ver­si­té : même lorsque je reçois une invi­ta­tion, elle est annu­lée au cours des deux semaines sui­vantes. » Elle com­pare cette ten­dance au mac­car­thysme : « Le débat public est inter­dit : vous devez vous en tenir à une cer­taine ligne. »

Julie Bin­del, une célèbre et pro­li­fique jour­na­liste fémi­niste, a été offi­ciel­le­ment pla­cée sur liste noire par un syn­di­cat étu­diant bri­tan­nique, la Natio­nal Union of Stu­dents (NUS). Dans son allo­cu­tion, elle explique qu’une motion contre elle, votée lors d’un congrès de la NUS, se rédui­sait à : « Julie Bin­del est vile. » Ses crimes com­pre­naient le fait d’avoir rédi­gé un article pour sou­te­nir la lutte de l’organisation Van­cou­ver Rape Relief qui cher­chait à conser­ver le droit de défi­nir elle-même ses condi­tions d’adhésion, après que Kim­ber­ly Nixon, un homme trans­genre, ait ten­té de pour­suivre ce centre his­to­rique de sou­tien aux vic­times de viol après qu’on lui ait refu­sé une for­ma­tion pour deve­nir conseiller de vic­times de viol. Cet article cri­ti­quait les sté­réo­types sexistes qui semblent défi­nir le trans­gen­risme. Son excom­mu­ni­ca­tion était éga­le­ment fon­dé, a‑t-elle expli­qué, sur un article de 2007 écrit au sujet de per­sonnes trans qui avaient été pous­sées à subir une « chi­rur­gie de réas­si­gna­tion de genre » et qui avaient, par la suite, regret­té cette décision.

Beau­coup de femmes ont eu peur de sou­te­nir Bin­del à l’époque, et cer­taines fémi­nistes lui disent encore qu’elles ne peuvent pas l’inscrire au pro­gramme de leurs confé­rences par crainte de voir l’événement annu­lé par les loca­teurs. « Cela n’est pas une manière de mener le com­bat fémi­niste, explique-t-elle. Nous aban­don­nons de jeunes uni­ver­si­taires qui cherchent déses­pé­ré­ment à s’afficher comme fémi­nistes radi­cales et en sont empê­chées. » Contrai­re­ment à ce que beau­coup croient, cette cen­sure ne vise pas à sou­te­nir des per­sonnes mar­gi­na­li­sées ; c’est une façon de détruire le féminisme.

Tout un tra­vail de cri­tique poli­tique est désor­mais reje­té au motif qu’il consti­tue­rait une « pho­bie », tout une ana­lyse fémi­niste de la domi­na­tion mas­cu­line est qua­li­fiée de « sec­ta­risme », afin d’en jus­ti­fier la cen­sure. Et cela arrive spé­ci­fi­que­ment, explique Julie Bin­del, aux fémi­nistes radi­cales qui refusent de « capi­tu­ler face à la poli­tique iden­ti­taire que consti­tue le fémi­nisme libé­ral ou “fémi­nisme fun” ». Pen­dant quoi des miso­gynes et des por­no­graphes sont auto­ri­sés à fan­fa­ron­ner sur les cam­pus sans la moindre protestation.

Iro­ni­que­ment, ce sont les étu­diants uni­ver­si­taires qui semblent mener cette charge, en rédui­sant au silence les étu­diantes fémi­nistes radi­cales et en inter­di­sant les cam­pus aux femmes qui osent contes­ter la doc­trine libé­rale. (Une dyna­mique que décrit Mag­da­len Berns dans sa pré­sen­ta­tion, après avoir été ban­nie, au cours de sa der­nière année d’études, de presque tous les groupes de femmes et de per­sonnes LGTB de sa propre uni­ver­si­té — uni­ver­si­té qui a appa­rem­ment pro­non­cé un « aver­tis­se­ment » à l’encontre du fémi­nisme radi­cal lui-même). « Iro­ni­que­ment » parce que s’il y a bien un endroit où ces débats devraient être encou­ra­gés, c’est bien sur les cam­pus uni­ver­si­taires — l’enseignement supé­rieur, n’est-ce pas là qu’on étu­die les idées et que l’on apprend à penser ?!

Il est temps de mettre nos peurs de côté. Voi­ci ce que m’a appris le fémi­nisme (le vrai fémi­nisme — pas le libé­ra­lisme, pas la poli­tique queer, pas la rhé­to­rique pro­ca­pi­ta­liste cen­trée sur des sen­ti­ments per­son­nels soi-disant « éman­ci­pa­teurs ») : Peu importe ce que nous fai­sons ou disons, nous sommes tou­jours, en tant que fémi­nistes radi­cales, per­sé­cu­tées, dif­fa­mées et cen­su­rées. Et cela parce que nous nous bat­tons pour les femmes, parce que nous accu­sons les hommes, parce que nous cri­ti­quons ver­te­ment le patriar­cat. On nous appelle « SWERF[2] », « TERF », puto­phobes », « fem­me­phobes », « trans­phobes », « anti­sexe », « prudes mora­li­sa­trices », et d’autres choses encore, non pas parce que nous aurions peur des per­sonnes trans, des femmes pros­ti­tuées et de la sexua­li­té, pas non plus parce que notre poli­tique serait cen­trée sur l’« exclu­sion » d’individus spé­ci­fiques (à l’exception, bien sûr, des anti­fé­mi­nistes, qui se sen­ti­ront pro­ba­ble­ment « exclus » par le fémi­nisme), mais parce que ces termes et ces insultes ont pour effet de nous cen­su­rer et de nous exclure. Nous sommes dépro­gram­mées et ostra­ci­sées, dis­cré­di­tées autant que faire se peut, au point que d’autres n’osent pas s’associer avec nous, nous sou­te­nir, ou par­ta­ger le moindre élé­ment de notre tra­vail (quel que soit son conte­nu), de peur d’être mises dans le même panier.

Il s’agit d’une stra­té­gie uti­li­sée pour main­te­nir les autres femmes dans la peur et le silence, et cela fonctionne.

Nous per­dons le droit de par­ler de notre corps, comme le sou­ligne Berns. Si les femmes ont aujourd’hui des droits, c’est parce que cer­taines d’entre nous ont com­pris que l’oppression que nous subis­sons et que nous avons subie, à tra­vers l’histoire, découle direc­te­ment de notre appar­te­nance au sexe fémi­nin. Le patriar­cat existe uni­que­ment parce qu’il y a envi­ron 6000 ans, les hommes ont cher­ché un moyen de contrô­ler la capa­ci­té de repro­duc­tion des femmes. Le « genre » a pris forme pour que les hommes puissent reven­di­quer la pro­prié­té du corps des femmes et pré­sen­ter leur domi­na­tion comme natu­relle. Les fémi­nistes ont dû se battre pour les droits des femmes, au nom du fait que les femmes n’étaient pas infé­rieures et qu’elles avaient besoin d’une pro­tec­tion spé­ciale — non pas à cause de leurs sen­ti­ments ou de quelque « iden­ti­té de genre », mais en rai­son de leur bio­lo­gie et de la dis­cri­mi­na­tion qu’elle impli­quait. « Vous vous sou­ciez peut-être de perdre votre tra­vail ou vos amies, conclut Berns, mais vos droits importent davantage. »

J’en suis arri­vée à la conclu­sion qu’il n’y a rien à gagner à vivre dans la peur d’être qua­li­fiée ain­si — par ces acro­nymes hai­neux ou par diverses allé­ga­tions de « pho­bies ». Cela per­met sim­ple­ment de nous divi­ser pour mieux nous domi­ner. Nous n’échapperons pas à cette chasse aux sor­cières, à moins d’être prêtes à men­tir ou à nous taire — ce qui, à mes yeux, est bien pire que d’être dif­fa­mée, ciblée, et qua­li­fiée de noms absurdes par des antiféministes.

Je ne veux plus perdre mon éner­gie à ten­ter d’éviter ces insultes parce que je ne veux pas qu’ils par­viennent à leur fin. Je suis soli­daire de mes sœurs qui prennent la parole et conti­nuent à le faire mal­gré les attaques et les cen­sures diri­gées qu’elles subissent.

Appe­lez-nous comme vous vou­lez. Nous savons ce que vous dites en réa­li­té. Et nous l’assumons. Oui, « nous sommes fémi­nistes, et pas du genre fun. »

Les anti­fé­mi­nistes gagnent et conti­nue­ront à gagner tant que nous demeu­re­rons silen­cieuses. Ils conti­nue­ront à se dire « fémi­nistes » tout en dif­fa­mant et calom­niant des femmes du mou­ve­ment. Des hommes de gauche conti­nue­ront à fiè­re­ment nous qua­li­fier d’antiféministes et à cen­su­rer notre tra­vail, récon­for­tés par le sou­tien et le silence de ces « acti­vistes queer », de ces « acti­vistes en faveurs des droits des tra­vailleurs du sexe » et de ces fémi­nistes libé­rales —qui se sont révé­lés des traîtres à la cause des femmes et dont la poli­tique consiste à inven­ter de nou­veaux mots pour dégui­ser la domi­na­tion mas­cu­line et la vio­lence contre les femmes. À nous de prendre la parole et d’être soli­daires de nos sœurs, coûte que coûte.

Bin­del conclut :

« Nous devons être plus cou­ra­geuses… Celles d’entre nous qui sont un peu plus âgées et qui par­ti­cipent à la lutte fémi­niste depuis plus long­temps ont une dette à l’égard des plus jeunes et des nou­velles fémi­nistes. Com­ment diable pou­vons-nous espé­rer qu’elles s’impliquent dans un mou­ve­ment dyna­mique et cohé­rent si elles sont ter­ri­fiées à l’idée d’être exclues de leurs groupes d’amies et de leurs propres communautés ?

… S’il vous plaît, ne capi­tu­lons plus. Je sais bien que c’est effrayant.

Il y a encore des fémi­nistes qui me disent : “Je ne peux pas vous inté­grer à notre pro­gramme, je ne peux pas vous deman­der de prendre la parole à ce sujet, je ne peux pas inclure votre nom parce qu’ils vont nous tom­ber dessus.

Eh bien qu’ils essaient de nous tom­ber des­sus — nous les atten­dons de pied ferme.” »

Je suis à tes côtés, ma sœur.

Meghan Mur­phy


Tra­duc­tion : TRADFEM
Révi­sion : Nico­las Casaux

  1. TERF : Trans Exclu­sio­na­ry Radi­cal Femi­nist, « Fémi­niste radi­cale qui exclut les trans »
  2. SWERF : Sex Wor­ker Exclu­sive Radi­cal Femi­nist, « Fémi­niste radi­cale qui exclut les tra­vailleuses du sexe »

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  1. De même que le qua­li­fi­ca­tif d’  »anti­sé­mite » est sys­té­ma­ti­que­ment uti­li­sé pour faire taire les débats, de même qu’  »anti-pro­grès » etc etc etc. Tout ça est ultra répan­du et la plu­part tombe dans le panneau !

  2. Refu­ser de dis­cu­ter est effec­ti­ve­ment un pro­blème. Tou­te­fois, une femme cis n’est pas une femme qui s’i­den­ti­fie à « la fémi­ni­té »…c’est une femme qui est née femme (i.e. de sexe fémi­nin à la nais­sance) tout au plus et cela quelque soit son expres­sion de genre, son iden­ti­fi­ca­tion quo­ti­dienne etc.…en cela la « poli­tique trans » ou la défense des droits des trans ne consti­tue pas néces­sai­re­ment une natu­ra­li­sa­tion des sté­réo­types de genre sexistes…si bcp de choses sont dites dans cet article pour dénon­cer l’os­tra­cisme dont font l’ob­jet les fémi­nistes dites TERF, peu de choses viennent étayer le fait que les droits des trans véhi­culent une natu­ra­li­sa­tion des sté­réo­types de genre sexistes et que trans rime avec antiféminisme…oserai-je sup­po­ser que c’est parce qu’il existe un cer­tain nombre de pré­ju­gés concer­nant les trans elleux-mêmes…que l’on pré­sup­pose donc les trans comme des êtres véhi­cu­lant en per­sonne les sté­réo­types de genre…ce qui méri­te­rait pour le moins d’être confron­té à la réalité…quant à consi­dé­rer que les trans sont des apôtres du libé­ra­lisme / du capi­ta­lisme et oeuvrent contre les droits des femmes.…c’est aller un peu vite en besogne encore une fois…
    Il est regret­table que le débat ne puisse avoir lieu dans les enceintes pré­vues à cette effet, mais peut-être est-ce parce qu’il ne peut pas avoir lieu en ces termes…
    Qu’une femme trans (i.e. née homme) soit reje­tée d’un refuge parce qu’elle est née homme et qu’elle serait un dan­ger pour ses congé­nères cis c’est aller très très vite en besogne et ce n’est pas anti­fé­mi­niste que de le dire…cette femme n’est pas là pour mettre en oeuvre diverses ruses afin d’op­pri­mer ses congé­nères, elle est là pour survivre…et elle n’est pas un homme trans­genre soit dit en passant…
    Qu’est-ce qui véhi­cule des sté­réo­types de genre entre dénon­cer la sexe de nais­sance d’une per­sonne comme dan­ge­reux pour la non mixi­té ou recon­naître que cette per­sonne est une per­sonne que l’on ne peut réduire à son sexe biologique ?
    Dis­cu­ter c’est aus­si aller au delà de l’as­si­mi­la­tion qui est faite entre les trans et les libé­raux-pro­gres­sistes qui se flattent de les défendre le cas échéant et par­tant de là de l’op­po­si­tion entre trans et fémi­nistes radi­cales (c’est à dire anti-libé­rales pour faire simple)…

    1. Bon­soir,

      Je récuse le genre femme car je cri­tique les genres et ne le reven­dique certes pas.
      Je suis née femme, assi­gnée femme, et c’est tout.
      Donc, je suis contre le terme cis appli­qué à moi et à toute per­sonne qui ne le sou­haite pas d’elle-même.
      Le débat n’a pas lieu non parce qu’il ne peut avoir lieu en ces termes mais car il se passe avec injure, voire agres­sion phy­sique, et d’hommes envers des femmes, étrange non ?
      Bizarre que quand des femmes disent non, elles sont vili­pen­dées, de même pour l’his­toire du refuge. C’est tou­jours la même his­toire, une femme n’a pas le droit de dire non.

      Bonne nuit,

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