Le texte qui suit est essenÂtielÂleÂment une traÂducÂtion d’un article de Chris Lang iniÂtiaÂleÂment publié en anglais sur son très bon site de dénonÂciaÂtion d’une parÂtie des menÂsonges verts utiÂliÂsés par l’inÂdusÂtrie pour ratioÂnaÂliÂser et jusÂtiÂfier son exisÂtence et son expanÂsion. TraÂducÂtion que j’ai légèÂreÂment augÂmenÂtée en y inséÂrant des extraits traÂduits du rapÂport de BioÂfuelÂwatch dont il est fait menÂtion, et quelques pasÂsages sur le cas de la France, et d’Air France.
Le pétrole comme alternative au pétrole
Vous l’aÂvez peut-être appris, Air France compte comÂpenÂser toutes les émisÂsions de carÂbone de ses vols intéÂrieurs dès le début de l’anÂnée proÂchaine (2020), ainÂsi que cet article du PariÂsien le rapÂporte. Article dans lequel il est égaÂleÂment rapÂpeÂlé qu’Air France compense(rait) déjà une parÂtie des émisÂsions de ses vols interÂnaÂtioÂnaux grâce au proÂgramme CORSIA. De quoi retourne-t-il ?
Le secÂteur de l’aviation est une des prinÂciÂpales sources d’émissions de gaz à effet de serre d’origine humainÂdusÂtrielle. Sa croisÂsance est une des plus rapides de tous les secÂteurs indusÂtriels. En 2013, les lignes comÂmerÂciales brûÂlaient 280 milÂliards de litres de kéroÂsène, émetÂtant 710 milÂlions de tonnes de CO2. En 2018, elles consomÂmaient 356 milÂliards de litres de kéroÂsène, et émetÂtaient 905 milÂlions de tonnes de CO2 dans l’atmopshère.
Un nouÂveau rapÂport de BioÂfuelÂwatch souÂligne que l’Organisation de l’aÂviaÂtion civile interÂnaÂtioÂnale (OACI) ne compte absoÂluÂment pas réduire cette croisÂsance. Au contraire, elle vise « une croisÂsance des émisÂsions neutre en carÂbone », au moyen de comÂbusÂtibles « alterÂnaÂtifs » et de comÂpenÂsaÂtions.
BioÂfuelÂwatch décrit le « ProÂgramme de comÂpenÂsaÂtion et de réducÂtion de carÂbone pour l’aviation interÂnaÂtioÂnale » (en anglais : CarÂbon OffÂsetÂting and ReducÂtion Scheme for InterÂnaÂtioÂnal AviaÂtion, acroyÂnyme : CORSIA) de l’OACI comme « une danÂgeÂreuse et proÂfonÂdéÂment falÂlaÂcieuse disÂtracÂtion qui résulÂteÂra en davanÂtage d’émissions, et non pas en leur réducÂtion ».
Les émisÂsions liées à l’aviation ne se résument pas aux émisÂsions de CO2. Des interÂacÂtions chiÂmiques se proÂduisent en altiÂtudes. BioÂfuelÂwatch explique qu’en termes de forÂçage radiaÂtif, l’impact cliÂmaÂtique total de l’aviation est entre deux et quatre fois celui ses émisÂsions de CO2, selon le GIEC.
Il n’existe aucune techÂno-soluÂtion perÂmetÂtant à l’industrie de l’aviation de ne pas utiÂliÂser de comÂbusÂtibles fosÂsiles. Réduire le nombre de vols est la seule manière de réduire les émisÂsions du secÂteur.
Mais c’est une persÂpecÂtive que l’OACI n’encouragera sans doute jamais.
La boîte noire de l’aviation
L’OACI est domiÂnée par des indusÂtriels, et est un des moins transÂpaÂrents des organes de l’ONU, ainÂsi que Chloé Farand l’a récemÂment rapÂporÂté pour CliÂmate Home News. L’OACI recours à des clauses de non-divulÂgaÂtion pour empêÂcher la fuite de docuÂments de son comiÂté pour la proÂtecÂtion enviÂronÂneÂmenÂtale. Ses docuÂments sont garÂdés sur un porÂtail sécuÂriÂsé. Les obserÂvaÂteurs accréÂdiÂtés ne peuvent y accéÂder qu’après avoir signé l’accord. Farand explique que :
Selon cet accord, les obserÂvaÂteurs doivent « indemÂniÂser l’OACI pour toute action, perte, réclaÂmaÂtion, domÂmage, pasÂsif, et dépense » qui découÂleÂrait de la divulÂgaÂtion d’information fourÂnies durant les réunions. Et ce, « sans limite ». En théoÂrie, cela signiÂfie que tout lanÂceur d’alerte qui renÂdrait publics des docuÂments risÂqueÂrait de devoir payer d’importantes sommes d’argent réclaÂmées par les comÂpaÂgnies auprès de l’ONU.
Les obserÂvaÂteurs des réunions de l’OACI penchent larÂgeÂment du côté de l’industrie. Farand écrit que :
Six assoÂciaÂtions comÂmerÂciales et groupes de lobÂbyistes sont accréÂdiÂtés en tant qu’observateurs des réunions, selon les listes des parÂtiÂciÂpants datant d’entre 2010 et 2019, obteÂnues par CHN. Des ONG sont autoÂriÂsées à assisÂter aux réunions sous la déléÂgaÂtion d’un seul obserÂvaÂteur, la CoaÂliÂtion interÂnaÂtioÂnale pour une aviaÂtion souÂteÂnable.
Seules six ONG font parÂtie de cette oxyÂmoÂrique CoaÂliÂtion interÂnaÂtioÂnale pour une aviaÂtion souÂteÂnable :

Aucune de ces ONG ne s’oppose aux comÂpenÂsaÂtions. Aux moins deux d’entre elles (EDF et le WWF) proÂmeuvent au contraire très actiÂveÂment le prinÂcipe de la comÂpenÂsaÂtion.
Les combustibles alternatifs de l’aviation
L’OACI enviÂsage de recouÂrir à des comÂbusÂtibles dits « alterÂnaÂtifs » afin, supÂpoÂséÂment, de réduire les émisÂsions du secÂteur de l’aviation. AinÂsi l’OACI a‑t-elle déciÂdé, en 2018, que le pétrole obteÂnu au moyen des nouÂveaux modes de forage pétroÂlier, qui requièrent moins d’énergie lors de son extracÂtion, peut être consiÂdéÂré comme un comÂbusÂtible « alterÂnaÂtif » pour l’aviation. En outre, si une rafÂfiÂneÂrie foncÂtionne grâce aux énerÂgies dites « renouÂveÂlables », alors le pétrole qui en sort peut ausÂsi être consiÂdéÂré comme un comÂbusÂtible « alterÂnaÂtif » pour l’aviation.
Les moins chers et les plus répanÂdus des comÂbusÂtibles dits alterÂnaÂtifs pour l’aviation sont élaÂboÂrés à parÂtir d’huile de palme ou de soja. Les planÂtaÂtions de palÂmiers à huile et de soja sont resÂponÂsables d’une grande parÂtie de la défoÂresÂtaÂtion monÂdiale. En 2016, une étude proÂduite pour la comÂmisÂsion euroÂpéenne a monÂtré que les bioÂcarÂbuÂrants étaient pires pour le cliÂmat que les comÂbusÂtibles fosÂsiles.
Un rapÂport publié cette semaine par la FonÂdaÂtion norÂvéÂgienne pour la forêt troÂpiÂcale montre que l’augmentation de la demande en huile de soja ou de palme de la part du secÂteur de l’aviation pourÂrait détruire 3,2 milÂlions d’hectares de forêts troÂpiÂcales.
BioÂfuelÂwatch souÂligne donc que « les criÂtères de souÂteÂnaÂbiÂliÂté qu’utilise CORSIA sont flaÂgramment inadéÂquats ».
Les compensations carbones forestières sont instables et peu fiables.
« CORSIA perÂmetÂtrait techÂniÂqueÂment une quanÂtiÂté illiÂmiÂtée de comÂpenÂsaÂtions foresÂtières », écrit BioÂfuelÂwatch.
Nous devons proÂtéÂger les derÂnières forêts du globe, et nous devons égaÂleÂment resÂtauÂrer celles que nous avons détruites, mais nous ne pouÂvons pas utiÂliÂser la croisÂsance et la gesÂtion de la surÂface foresÂtière comme un « perÂmis de polÂluer ». La crise cliÂmaÂtique requiert urgemÂment que nous réduiÂsions les émisÂsions (de l’aviation et des autres secÂteurs » ET que nous proÂtéÂgions et resÂtauÂrions les forêts. Nous ne pouÂvons pas avoir l’un sans l’autre.
Étant donÂné l’augmentation rapide des émisÂsions du secÂteur de l’aviation, la quanÂtiÂté de forêt qui serait nécesÂsaire pour les comÂpenÂser serait bien trop imporÂtante. En outre, lorsque les forêts sont utiÂliÂsées comme des « comÂpenÂsaÂtions », en un sens, elles deviennent la proÂpriéÂté de ces indusÂtries polÂlueuses. Les comÂmuÂnauÂtés et les sociéÂtés indiÂgènes qui y vivent, et qui en sont généÂraÂleÂment les meilleures garÂdiennes, se retrouvent ainÂsi priÂvées de leurs droits fonÂdaÂmenÂtaux, et voient leurs subÂsisÂtances menaÂcées par les proÂjets de « comÂpenÂsaÂtion ».
ImposÂsible de garanÂtir que les surÂfaces boiÂsées intéÂgrées au marÂché du carÂbone sur lequel se basent les comÂpenÂsaÂtions des émisÂsions de l’aviation ne seront pas incenÂdiées, asséÂchées, ou détruites de quelque manière par des malaÂdies, des insectes, par une défoÂresÂtaÂtion illéÂgale [ou légale, NdT], ou d’autres facÂteurs ou dynaÂmiques géoÂpoÂliÂtiques ou écoÂnoÂmiques. Ou encore par les impacts de la crise cliÂmaÂtique.
Les récents incenÂdies en AmaÂzoÂnie [et en IndoÂnéÂsie, et en SibéÂrie, et en Afrique, etc., NdT] l’illustrent trisÂteÂment. Les comÂpenÂsaÂtions carÂbones qui misent tout sur les forêts troÂpiÂcales ou la refoÂresÂtaÂtion ou l’afforestation sont hauÂteÂment douÂteuses.
Le rapÂport de BioÂfuelÂwatch se terÂmine ainÂsi :
Il y a longÂtemps que nous aurions dû cesÂsé de préÂtendre que les forêts des troÂpiques peuvent s’occuper de netÂtoyer les polÂluÂtions des indusÂtries, ou que les bioÂcarÂbuÂrants sont une soluÂtion. L’aviation est incomÂpaÂtible avec l’endiguement (et d’autant plus avec l’inversion) du désastre cliÂmaÂtique en cours.
TraÂducÂtion : NicoÂlas Casaux
P.S. : à proÂpos de l’esbroufe de la comÂpenÂsaÂtion, vous pouÂvez ausÂsi lire cet article récemÂment publié sur ReporÂterre.
Aucun commentaire
Laisser un commentaire Cancel