Transphobie, antisémitisme, etc. : réponse au piètre Gelderloos et aux chancres de l’antifascisme (par Nicolas Casaux)

« Je suis frap­pé depuis quelques années par l’opération de médi­ca­li­sa­tion sys­té­ma­tique dont sont l’objet tous ceux qui ne pensent pas dans la juste ligne : on les taxe de pho­bie. Et per­sonne n’ose seule­ment délé­gi­ti­mer cette expres­sion en la pro­blé­ma­ti­sant (c’est-à-dire en disant ce que se devrait de dire à tout pro­pos un intel­lec­tuel : qu’est-ce que, au fait, ça signi­fie ?). Il y a main­te­nant des phobes pour tout, des homo­phobes, des gyno­phobes (encore appe­lés machistes ou sexistes), des euro­phobes, etc. Une pho­bie, c’est une névrose : est-ce qu’on va dis­cu­ter, débattre, avec un névro­sé au der­nier degré ? Non, on va l’envoyer se faire soi­gner, on va le four­rer à l’asile, on va le mettre en cage. Dans la cage aux phobes. »

— Phi­lippe Muray, Exor­cismes spi­ri­tuels III (2002)

« Contre le des­sè­che­ment de la pen­sée par la répé­ti­tion pares­seuse de sem­pi­ter­nels lieux com­muns ou par une fré­né­sie concep­tua­li­sa­trice fai­sant sou­vent fi de toute rigueur, l’exercice scru­pu­leux de l’esprit cri­tique mérite, me semble-t-il, d’être ins­tam­ment réha­bi­li­té. […] J’entends par esprit cri­tique l’attitude consis­tant à ne por­ter des juge­ments que sur ce que l’on s’est d’abord effor­cé de com­prendre ; à recou­rir autant que faire se peut à des sources d’information de pre­mière main plu­tôt qu’à des syn­thèses toutes faites ; à ne rien tenir pour défi­ni­ti­ve­ment acquis et à refu­ser par prin­cipe tout argu­ment d’autorité ; à se méfier de l’admiration sté­ri­li­sante comme des aspi­ra­tions pué­riles à l’originalité ; à tou­jours se deman­der si ce dont on parle existe réel­le­ment, pour­quoi cer­tains dis­cours paraissent sédui­sants alors qu’ils ne résistent pas à un exa­men appro­fon­di, et com­ment faire en sorte qu’une pen­sée soit à la fois logi­que­ment cohé­rente et empi­ri­que­ment véri­fiable, rigou­reu­se­ment argu­men­tée et ouverte à la dis­cus­sion, même lorsque celle-ci prend une tour­nure polémique. »

— Jean-Marc Man­do­sio, D’or et de sable (2008)

Il y a quelques semaines, Peter Gel­der­loos, l’au­teur de Com­ment la non-vio­lence pro­tège l’É­tat, que j’ai tra­duit pour les édi­tions Libre, s’est fen­du d’une viru­lente et incroya­ble­ment men­son­gère attaque à mon encontre, tra­duite de l’anglais par « le Groupe Anti­fas­ciste Lyon et Envi­rons », et publié sur le site Rebellyon.info[1]. Ce texte, truf­fé de men­songes, y com­pris par omis­sion, de calom­nies et d’absurdités en tous genres, appelle une mise au point. Voi­ci donc :

1. Tout d’abord, et contrai­re­ment à ce dont m’accusent Gel­der­loos, le site Rebel­lyon et le groupe tra­duc­teur du texte de Gel­der­loos, je n’ai aucun pro­blème avec les « per­sonnes trans ». Aucun. J’ai un pro­blème avec le concept de « trans », mais je ne pense pas et ne dit aucu­ne­ment que les « per­sonnes trans » posent pro­blème. Je pense, et c’est un mini­mum, que per­sonne ne devrait être déni­gré ou oppri­mé de quelque façon en rai­son d’orientations ou de pré­fé­rences sexuelles, d’une appa­rence phy­sique, d’un âge, d’un sta­tut social, etc. En tant qu’­hommes ou femmes, ceux ou celles qui s’au­to-qua­li­fient de « trans » devraient — évi­dem­ment — béné­fi­cier de la même liber­té, des mêmes droits que tout un cha­cun. Et outre le concept de « trans », ce qui (me) pose pro­blème, ce sont ces mili­tants ou acti­vistes trans ou pro-trans qui cherchent à impo­ser une idéo­lo­gie et des normes, des lois, visant à confé­rer des droits spé­ciaux à cer­tains indi­vi­dus, des droits qui viennent empié­ter sur les droits d’autres groupes sociaux, et notam­ment des femmes. Mais j’y reviendrai.

2. La seconde chose que je tiens à sou­li­gner, c’est que l’ar­ticle sur lequel Gel­der­loos s’ap­puie pour jus­ti­fier ses insultes a été reti­ré de notre site web parce qu’il man­quait de clar­té. On peut se poser des ques­tions sur l’intérêt et la per­ti­nence de cri­ti­quer un texte ayant été sup­pri­mé, mais admet­tons. Sur ce point, et c’est bien le seul, Gel­der­loos a rai­son. J’aurais pu et dû intro­duire davan­tage de détails dans ma pers­pec­tive. Ce que je me pro­pose donc de faire ici.

3. Gel­der­loos me reproche de pré­tendre qu’il y aurait « un seul cou­rant queer homo­gène », ce qui, selon lui, est faux. Seule­ment, si, d’un côté, divers groupes se récla­mant du concept « queer » pro­fessent dif­fé­rentes pers­pec­tives poli­tiques, éco­no­miques, etc., la théo­rie queer, comme l’indique l’article défi­ni « la », est « une » théo­rie. Il existe une seule théo­rie queer, pas plu­sieurs. Les dif­fé­rents groupes queer exis­tants relèvent au final de cette même idéo­lo­gie[2] ou, si vous pré­fé­rez, d’un même cor­pus théo­rique — issu du très oppri­mé et fon­ciè­re­ment révo­lu­tion­naire milieu uni­ver­si­taire états-unien. (Si le mot « queer » ne ren­voyait à stric­te­ment rien de cohé­rent, son usage n’au­rait sim­ple­ment aucun sens.)

4. Gel­der­loos affirme que je « tente de confondre « les per­sonnes trans » avec les « trans­hu­ma­nistes » », que c’est « une mani­pu­la­tion », et que « même si des per­sonnes peuvent être trans­genre et trans­hu­ma­niste, ces deux concepts n’ont pas grand chose en com­mun à part le fait qu’ils par­tagent le même pré­fixe ». La seule mani­pu­la­tion, ici, est dans la manière dont il inter­prète et pré­sente mon pro­pos. Dans le texte en ques­tion, je sou­li­gnais un lien, bien réel, entre l’i­déo­lo­gie trans­gen­riste pro­mue par des mili­tants ou acti­vistes trans, sur laquelle je vais reve­nir, et le trans­hu­ma­nisme. Lien qui est reven­di­qué par cer­taines figures majeures du trans­gen­risme, comme Mar­tine Roth­blatt, qui sont éga­le­ment de fer­vents pro­mo­teurs du trans­hu­ma­nisme, et qui s’ex­plique par une accoin­tance idéo­lo­gique indu­bi­table, sur laquelle je reviendrai.

5. Gel­der­loos éta­blit une asso­cia­tion entre cer­taines pra­tiques de socié­tés autoch­tones, non indus­trielles, par exemple avec « la spi­ri­tua­li­té avec des individu.es à deux esprits » (« bis­pi­rua­li­té » amé­rin­dienne) et le non-bina­risme de la socié­té indus­trielle. Or, de nom­breux autoch­tones ont expli­qué et conti­nuent de faire valoir que cette asso­cia­tion, cette assi­mi­la­tion (appro­pria­tion cultu­relle) n’a pas lieu d’être, s’agissant de concepts bien trop dif­fé­rents[3]. Il est par­ti­cu­liè­re­ment absurde que, dans leur ten­ta­tive de bri­co­ler une généa­lo­gie res­pec­table au trans­gen­risme, les tran­sac­ti­vistes l’assimilent sans ver­gogne à divers arran­ge­ments sociaux propres à diverses cultures du monde, exis­tantes ou dis­pa­rues (ber­daches ou two-spi­rit amé­rin­diens, hij­ras des Indes, katoeys du Siam, muxhes du Mexique, bur­ne­shas d’Albanie, fem­mi­niel­lis napo­li­tains, mahu ou rae rae à Hawaï et Tahi­ti, okules et agules chez les Lug­ba­ra en Ougan­da, isa­nus chez les Xho­sa en Afrique du Sud, ash­time chez les Maale en Éthio­pie, faka­leitī ou faka­fe­fine aux Ton­gas, etc.), s’imaginant, de la sorte, le ratio­na­li­ser, le jus­ti­fier, cepen­dant qu’ils ne font que mettre au jour le lien indis­so­luble entre patriar­cat et trans­gen­risme, étant don­né que la qua­si-tota­li­té de ces arran­ge­ments sociaux aux­quels ils l’associent sont les pro­duits de socié­tés patriar­cales — c’est-à-dire for­te­ment, rigi­de­ment et hié­rar­chi­que­ment gen­rées. En outre, à étu­dier d’un peu plus près ces arran­ge­ments sociaux rela­ti­ve­ment dis­pa­rates, on remarque assez rapi­de­ment qu’ils dif­fèrent du phé­no­mène appe­lé trans­gen­risme sur un cer­tain nombre de points. Cela appa­raît de manière par­ti­cu­liè­re­ment fla­grante dans le cas excep­tion­nel des Bugis d’Indonésie, par­fois pris en exemple par cer­tains tran­sac­ti­vistes, leur culture tra­di­tion­nelle n’ayant essen­tiel­le­ment rien à voir, ni de près, ni de loin, avec la civi­li­sa­tion indus­trielle dont a émer­gé le transgenrisme.

6. Gel­der­loos m’accuse, au motif que je n’abordais pas le sujet dans l’article qu’il cri­tique — au moyen, donc, d’une rhé­to­rique de haut vol —, de sou­te­nir les muti­la­tions médi­cales infli­gées aux per­sonnes dites « inter­sexes ». Je ne sou­tiens évi­dem­ment pas ces opé­ra­tions non néces­saires, ces atro­ci­tés. Mais Gel­der­loos oublie étran­ge­ment de rap­pe­ler que les opé­ra­tions médi­cales que subissent les per­sonnes inter­sexes ne sont pas toutes super­flues : dans un cer­tain nombre de cas, elles visent à remé­dier aux graves pro­blèmes de san­té qui accom­pagnent plu­sieurs types d’in­ter­sexua­tion (aus­si appe­lés troubles du déve­lop­pe­ment sexuel). Il oublie éga­le­ment de noter que, tan­dis que des per­sonnes inter­sexes militent contre d’i­nu­tiles muti­la­tions cor­po­relles, le trans­gen­risme milite, au contraire, en faveur d’i­nu­tiles muti­la­tions corporelles.

7. Gel­der­loos m’accuse de « fri­ser le racisme » au motif que j’idéaliserais les cultures non-occi­den­tales — tout en géné­ra­li­sant sur les­dites cultures quand il s’agit de ratio­na­li­ser ou de jus­ti­fier tout ce qui se rap­porte au concept de « trans » dans la culture tech­no-indus­trielle occi­den­tale. J’ai moi-même quelques pro­blèmes avec le pri­mi­ti­visme pré­ci­sé­ment pour cette rai­son qu’il repose sur une telle idéa­li­sa­tion. Alors je vais essayer d’être aus­si clair que pos­sible : je ne crois pas que les cultures autoch­tones, non indus­trielles, dites « tra­di­tion­nelles », de chas­seurs-cueilleurs ou d’horticulteurs, soient par­faites, ni qu’elles relèvent toutes d’un même modèle. Je crois que la réa­li­té est plus com­plexe, et que si cer­taines d’entre elles par­tagent des carac­té­ris­tiques, et par­fois des carac­té­ris­tiques très inté­res­santes, elles témoignent sur­tout d’une incroyable diver­si­té. Ce qui rend ces cultures si pré­cieuses, c’est qu’elles sont, pour cer­taines, et contrai­re­ment à la nôtre, éco­lo­gi­que­ment sou­te­nables, et/ou socia­le­ment plus équi­tables, qu’elles nous per­mettent d’i­ma­gi­ner et de conce­voir d’autres rap­ports au vivant, d’autres manières de vivre. Apprendre du pas­sé, connaître le pas­sé, pour mieux nous connaître, pour entre­voir d’autres pos­si­bi­li­tés, pour ima­gi­ner des manières de sor­tir du désastre actuel.

8. Gel­der­loos écrit : « Des apports de l’archéologie démontre[nt] que des socié­tés non-urbaines et non-indus­trielles pra­ti­quaient la chi­rur­gie de réas­si­gna­tion sexuelle comme elles pra­ti­quaient l’odontologie. » L’air de dire : « vu qu’il idéa­lise ces cultures, si je lui dis qu’elles pra­ti­quaient une sorte d’équivalent de la chi­rur­gie de “réas­si­gna­tion sexuelle”, alors il ne pour­ra qu’être en faveur de cette pra­tique. » Autre sophisme. Le seul fait que d’autres cultures, autres que la culture occi­den­tale, aient adop­té, par le pas­sé — ou recourent actuel­le­ment à — cer­taines pra­tiques, ne signi­fie aucu­ne­ment que les­dites pra­tiques soient bonnes, justes, sou­hai­tables. On peut bien, ou non, les juger simi­laires à cer­taines pra­tiques modernes de la socié­té indus­trielle, mais cela ne nous dit rien de leurs dési­ra­bi­li­tés, de leurs jus­tesses, de leurs per­ti­nences, de leurs mora­li­tés — ni de celles de la socié­té indus­trielle, ni des autres. Un tel rai­son­ne­ment — rela­ti­visme moral et cultu­rel — nous amè­ne­rait à sou­te­nir l’excision et toutes sortes d’ignominies. Il n’y a aucune rai­son de croire que tout ce que fai­saient ou que font les « socié­tés non-urbaines et non-indus­trielles » est juste et bon. Aus­si, encore une fois, on rap­pel­le­ra que les nom­breuses asso­cia­tions faites, en vue de le légi­ti­mer, de le ratio­na­li­ser, entre le trans­gen­risme et diverses pra­tiques his­to­riques d’autres cultures ou socié­tés relèvent bien sou­vent de l’ab­surde étant don­né que ces socié­tés ou cultures sont toutes patriar­cales. En employant cet argu­ment, ils ne font qu’in­vo­lon­tai­re­ment mettre en lumière le carac­tère patriar­cal du trans­gen­risme. Par ailleurs, l’ex­pres­sion « chi­rur­gie de réas­si­gna­tion sexuelle » est a mini­ma trom­peuse, sinon men­son­gère, mais j’y revien­drai (point 11, ci-dessous).

9. Gel­der­loos affirme, et encore une fois, sans le moindre élé­ment de preuve, que le recours aux blo­queurs de puber­té est « rela­ti­ve­ment bénin ». C’est plus que dis­cu­table. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous ne savons pas (encore) grand-chose des effets du recours à ces médi­ca­ments, mais que le sujet est très contro­ver­sé[4], et qu’on les soup­çonne d’ores et déjà, entre autres, de pou­voir pro­vo­quer l’infertilité et de per­tur­ber le déve­lop­pe­ment osseux[5].

10. Gel­der­loos m’accuse d’adhérer « aux visions essen­tia­listes de la nature et des corps ». Accu­sa­tion infon­dée, encore une fois. L’es­sen­tia­lisme, en l’occurrence, consis­te­rait à consi­dé­rer que la bio­lo­gie déter­mine inté­gra­le­ment les goûts, le carac­tère, la per­son­na­li­té et la phy­sio­lo­gie de l’in­di­vi­du. Or, à l’instar d’Anne-Emmanuelle Ber­ger, direc­trice de l’Institut du genre au CNRS, pro­fes­seure de lit­té­ra­ture et d’études de genre, je constate que : « Ce qui fait l’humain, c’est l’interaction constante et réci­proque entre des pro­ces­sus bio­lo­giques et des pro­ces­sus de socia­li­sa­tion, de façon­nage par les cultures. » La bio­lo­gie ne fait pas tout, mais la bio­lo­gie ne peut pas être niée, occul­tée. Ce n’est pas parce que l’on pos­sède un uté­rus que l’on est vouée à être domi­née, exploi­tée, oppri­mée et ce n’est pas parce que l’on pos­sède un pénis que l’on est voué à domi­ner, exploi­ter, oppri­mer. Le pro­blème du patriar­cat est cultu­rel, et non bio­lo­gique, mais il repose sur la bio­lo­gie. Gel­der­loos sug­gère en outre, très sub­ti­le­ment, au moyen d’un autre joli sophisme par asso­cia­tion, que ma pré­ten­due adhé­sion « aux visions essen­tia­listes de la nature et des corps » me rap­proche de la rhé­to­rique « du fas­cisme ». Mais peut-être que Gel­der­loos m’ac­cu­sait d’es­sen­tia­lisme parce que je consi­dère que le mot femme est lié à la bio­lo­gie. Ce n’est pas clair. Si tel est le cas, il ne s’a­git pas d’es­sen­tia­lisme, seule­ment de logique. Défi­nir « femme » (ou « homme ») comme un sen­ti­ment pou­vant être res­sen­ti par n’importe qui, séman­ti­que­ment, n’a aucun sens : défi­nir une « femme » comme « une per­sonne ayant le sen­ti­ment d’être une femme » revient à défi­nir un car­ré comme « une chose dont on dit qu’elle est car­rée », ou à défi­nir un pré­sident de la Répu­blique comme « une per­sonne qui se sent pré­sident de la Répu­blique », un neu­ro­chi­rur­gien comme « une per­sonne qui se sent neu­ro­chi­rur­gien », etc. — il s’agit d’une for­mi­dable tau­to­lo­gie, pas d’une défi­ni­tion. Le plus sou­vent, d’ailleurs, ce sen­ti­ment d’être femme repose sur les sté­réo­types qui consti­tuent le genre : un homme aimant le rose et les talons aiguilles, ou bien de façon encore plus pro­blé­ma­tique, asso­ciant son désir d’être sou­mis et un objet sexuel au fait d’être une femme. Où l’on voit encore com­bien cette idée est insul­tante pour les (vraies) femmes et com­ment elle repro­duit, ren­force, le car­can du genre.

11. Si j’ai employé le pro­nom « il » pour par­ler de Roth­blatt, ce n’est pas parce que je suis un salaud irres­pec­tueux des volon­tés de ceux qui sou­haitent qu’on s’adresse à eux en uti­li­sant le pro­nom de leur choix, mais pour faire res­sor­tir un abus lan­ga­gier. Pour deux rai­sons. D’a­bord parce que les pro­noms reflètent le sexe. Ensuite parce qu’il est men­son­ger de par­ler de « chi­rur­gie de réat­tri­bu­tion sexuelle (ou de réas­si­gna­tion sexuelle) ». Comme on peut le lire sur le site transparis.fr : « En règle géné­rale l’intervention chi­rur­gi­cale per­met d’obtenir des organes géni­taux d’apparence exté­rieure natu­relle et très voi­sine de l’anatomie fémi­nine, avec une fonc­tion sexuelle très satis­fai­sante. » La chi­rur­gie dite de réat­tri­bu­tion ou de réas­si­gna­tion sexuelle change « l’apparence » des organes géni­taux. Elle ne change pas le sexe bio­lo­gique du corps d’une per­sonne, le carac­tère sexué de toutes ses cel­lules. Un homme, « mâle adulte de l’es­pèce humaine », « être humain doué de carac­tères sexuels mas­cu­lins », reste un homme, même après une telle opé­ra­tion, à la dif­fé­rence près que ses organes géni­taux auront l’apparence d’organes géni­taux fémi­nins. Cela fait par­tie des rai­sons pour les­quelles cer­taines fémi­nistes radi­cales, dont je par­tage le point de vue sur le sujet, ne consi­dèrent pas qu’une soi-disant « femme trans » est une femme.

12. Tout en m’accusant d’étranges et insen­sées inten­tions ima­gi­naires, Gel­der­loos par­vient à pas­ser sous silence la prin­ci­pale (la seule) rai­son pour laquelle je men­tionne Mar­tine Roth­blatt, à savoir son livre qui expose — très expli­ci­te­ment, c’est dans le titre — le lien entre trans­gen­risme et trans­hu­ma­nisme. Je me per­mets donc de repro­duire ce que j’avais écrit dans l’article en question :

« Né homme, ce PDG de l’entreprise états-unienne de bio­tech­no­lo­gie Uni­ted The­ra­peu­tics est aus­si l’auteur d’un livre paru en 1995, inti­tu­lé L’Apartheid des sexes : mani­feste pour la liber­té de genre et d’un autre, plus récent, sorte de révi­sion du pre­mier, inti­tu­lé From Trans­gen­der to Trans­hu­man : A Mani­fes­to on the Free­dom of Form (« De trans­genre à trans­hu­main : mani­feste sur la liber­té de forme »). « Futu­riste convain­cue que la tech­no­lo­gie peut libé­rer l’être humain de ses limites bio­lo­giques – l’infertilité, la mala­die, la déchéance, et même la mort », Mar­tine a créé sa propre fon­da­tion trans­hu­ma­niste, Tera­sem (« fon­da­tion dont l’objectif est de par­ve­nir à l’immortalité et à la “cyber­cons­cience” par le biais de la cryo­gé­nie et de l’intelligence arti­fi­cielle »). Et afin de vaincre la mala­die, la déchéance et la mort, Mar­tine finance Revi­vi­cor, une com­pa­gnie qui « pro­duit des cochons géné­ti­que­ment modi­fiés » [sic], comme autant de « réser­voirs d’organes qui pour­raient à l’avenir être trans­plan­tés chez l’homme » (du moins, chez ceux qui en ont les moyens). Sachant qu’afin « de rendre les pou­mons de porcs com­pa­tibles avec les humains, Roth­blatt a esti­mé que 12 modi­fi­ca­tions doivent être appor­tées au génome du porc ». Mar­tine Roth­blatt est éga­le­ment un fervent eugé­niste qui sou­haite « per­mettre aux parents de créer des embryons cus­to­mi­sés » en leur octroyant une « liber­té com­plète de don­ner nais­sance au génome » qui leur plaît. Au pas­sage, sou­li­gnons l’ironie qui veut qu’en 2014 [2013], Mar­tine a été la femme PDG la mieux payée des USA (la femme PDG la mieux payée est [était] donc un homme). »

Mani­fes­te­ment, la ques­tion du salaire n’était pas du tout la rai­son prin­ci­pale de mon inté­rêt pour Mar­tine. Je sou­ligne sim­ple­ment cela « au pas­sage ». « Au pas­sage », c’est pour­tant clair, non ? Or, tout en évi­tant soi­gneu­se­ment de s’intéresser à cette rai­son prin­ci­pale, au livre de Roth­blatt et à son conte­nu idéo­lo­gique (« nous ne devrions pas être sur­pris que le trans­hu­ma­nisme sur­gisse de l’aine du trans­gen­risme », nous dit Roth­blatt), Gel­der­loos m’accuse d’avoir choi­si « une per­sonne trans au hasard » mais « qui gagne beau­coup d’argent » — et puis, si j’avais choi­si en fonc­tion du salaire, ce ne serait pas du hasard, mais pas­sons. Il se perd alors dans une recherche Google insen­sée de salaires et de posi­tions entre­pre­neu­riales. Et vu qu’il m’accuse d’avoir par­lé de Roth­blatt à cause d’une ques­tion finan­cière, à cause de son salaire — ce qui, on l’a vu, est faux — il m’accuse ensuite d’antisémitisme. Vous sui­vez ? Jusque-là : raciste, fas­ciste, et anti­sé­mite. Et ce n’est pas fini. En outre, Gel­der­loos semble n’avoir pas com­pris que si je men­tion­nais, « au pas­sage », son salaire, c’est en rai­son de l’ironie du fait qu’en 2013, « la femme la mieux payée des États-Unis » (dixit Vani­ty Fair) était donc un homme.

13. Gel­der­loos m’accuse de copier « les tac­tiques de l’extrême-droite, en pré­ten­dant qu’un groupe com­plè­te­ment mar­gi­na­li­sé contrô­le­rait les médias ». Autre men­songe. Je n’ai jamais pré­ten­du qu’ « un groupe com­plè­te­ment mar­gi­na­li­sé contrôle[rait] les médias ». En revanche, j’ai men­tion­né un fait. Le film docu­men­taire inti­tu­lé Trans­gen­der Kids : Who Knows Best ? (« Les enfants trans­genres : qui sait mieux ? »), réa­li­sé par la BBC, a bel et bien été dépro­gram­mé par la chaine CBC, au Cana­da, après des plaintes de per­sonnes « qui n’ap­pré­ciaient pas le mes­sage véhi­cu­lé ». J’ai donc sim­ple­ment rap­por­té ce qu’il s’est lit­té­ra­le­ment pas­sé. Sous la pres­sion d’un groupe d’individus défen­dant cer­tains inté­rêts (la défi­ni­tion même d’un « lob­by », terme que j’emploie) liés au cou­rant « trans », le docu­men­taire a été dépro­gram­mé. La chaîne a déci­dé de ne pas le dif­fu­ser. Ce qui signi­fie sim­ple­ment que ce groupe d’intérêt, ces indi­vi­dus dis­posent d’une cer­taine influence sur les médias (on rap­pel­le­ra au pas­sage que ce n’est pas la seule et unique fois qu’un tel évè­ne­ment se pro­duit ; l’influence de ce groupe de pres­sion est telle qu’il par­vient à cen­su­rer la publi­ca­tion de livres[6], à exclure cer­taines per­sonnes de Twit­ter pour les réduire au silence[7], à faire annu­ler confé­rences et inter­ven­tions[8], à faire inter­dire les recherches d’un uni­ver­si­taire cher­chant à étu­dier le sujet de la détran­si­tion[9], c’est-à-dire des per­sonnes trans ayant effec­tué une « tran­si­tion » et le regret­tant, etc.). Et « dis­po­ser d’une cer­taine influence sur », ce n’est pas la même chose que « contrô­ler ». Tout le monde devrait être en mesure de le com­prendre. Pas Gel­der­loos, qui se per­met encore une fois de vicieu­se­ment défor­mer mon pro­pos pour for­mu­ler une autre calom­nie. Car atten­tion ! Le rap­por­ter, énon­cer ce fait que le docu­men­taire a été cen­su­ré suite à la pres­sion d’un groupe d’individus vous place auto­ma­ti­que­ment dans le camp de ceux qui « copient l’extrême-droite », ce qui vous rap­proche du fas­cisme et fait de vous un Hit­ler en puis­sance. Les mul­tiples sophismes par asso­cia­tion qui consti­tuent la rhé­to­rique de bien trop d’inquisiteurs modernes — de droite comme de gauche ou d’extrême-gauche, ou de gauche « radi­cale » — sont une insulte et une attaque contre la pen­sée cri­tique, contre la rai­son et contre la signi­fi­ca­tion, char­gée, de ces mots qu’ils emploient n’importe com­ment, comme d’autres lan­çaient des ana­thèmes afin de ban­nir, d’excommunier « quel­qu’un pour cause d’hé­ré­sie de la com­mu­nau­té des fidèles ». « À chaque époque ses héré­tiques, à chaque époque son inqui­si­tion », remar­quait Traven.

14. Jamais à court de sophismes, Gel­der­loos écrit : « Mon objec­tif est de mon­trer que la posi­tion de Casaux n’a aucune légi­ti­mi­té. Quand quelqu’un.e parle de ce qu’iel ne vivra jamais per­son­nel­le­ment, iel parle en ignorant.e. » Gel­der­loos lui-même parle donc en igno­rant des choses qui concernent les trans et la mou­vance queer. Selon ses propres dires, il n’aurait donc « aucune légi­ti­mi­té » à par­ler de tout ce dont il parle dans son attaque à mon encontre, qui n’aurait donc aucune valeur. Il eut mieux fait de la fer­mer. For­mi­dable, n’est-ce pas. Quelque part, Gel­der­loos sait que cela serait absurde, autre­ment, il n’aurait pas écrit ce texte. Car ce que cette phrase signi­fie en réa­li­té, la manière dont beau­coup vont la com­prendre, c’est : « on ne doit pas par­ler de choses que l’on n’a pas vécues per­son­nel­le­ment, on n’a rien à en dire ». Et là, l’absurdité d’une telle pro­po­si­tion appa­rait clai­re­ment. Quelques exemples l’illus­tre­ront signi­fi­ca­ti­ve­ment. Si je vous disais : « seules les vic­times de viols peuvent par­ler des viols et les dénon­cer » ; ou « seules les vic­times d’ac­ci­dents nucléaires peuvent en par­ler et les dénon­cer » ; etc., vous vous ren­driez immé­dia­te­ment compte de l’absurdité d’une telle logique. Nous pou­vons nous expri­mer sur des choses que nous n’avons pas connues per­son­nel­le­ment. D’abord parce que, comme l’a for­mu­lé Publius Teren­tius Afer, dit Térence, esclave romain rapi­de­ment affran­chi, Homo sum : huma­ni nihil a me alie­num puto, « je suis humain, et rien de ce qui est humain ne m’est étran­ger ». L’empathie, une cer­taine uni­ver­sa­li­té de la condi­tion humaine. Mais aus­si parce qu’ani­maux poli­tiques doués de rai­son, nous dis­po­sons d’un cer­veau et d’une capa­ci­té de rai­son­ne­ment. Nous pou­vons apprendre, recher­cher ou rece­voir des infor­ma­tions, les engran­ger et les trai­ter. Qui est sectaire ?

15. Si je parle de liens entre le trans­gen­risme et le trans­hu­ma­nisme, de même que cer­tains idéo­logues trans et trans­hu­ma­nistes comme Roth­blatt — ce que Gel­der­loos a pris soin de ne pas dis­cu­ter — c’est pour plu­sieurs rai­sons. C’est parce que le trans­gen­risme repose sur une dis­so­cia­tion du corps et de l’être. D’après le cher­cheur et acti­viste trans Zin­nia Jones : « les trans­genres sont un très bon exemple de pré­misses du trans­hu­ma­nisme, étant don­né qu’être trans­genre implique le rejet des croyances et limi­ta­tions habi­tuelles concer­nant ce qu’une per­sonne peut être, et la prise de contrôle — la redé­fi­ni­tion active — de notre iden­ti­té, de nos corps et de leur fonc­tion­ne­ment. […] Étant don­né que les trans­genres sont, qu’ils le veuillent ou non, à l’avant-garde ici, l’idée d’être trans­genre pour­rait aider à faire accep­ter aux gens l’autodétermination et l’autodéfinition visant à répondre à nos dési­rs per­son­nels, en se libé­rant des limi­ta­tions morales arbi­traires sur le genre d’existence à laquelle nous devrions nous limi­ter[10]. » Pour bien sai­sir l’é­ten­due du culot de Gel­der­loos, de sa mal­hon­nê­te­té à m’ac­cu­ser sur­réa­lis­te­ment d’an­ti­sé­mi­tisme en rai­son de ma men­tion de Roth­blatt, il faut lire cet édi­fiant article de Jen­ni­fer Bilek sur Martin‑e Roth­blatt. Toutes les per­sonnes trans ne sont pas trans­hu­ma­nistes, toutes les per­sonnes trans ne militent pas en faveur du trans­hu­ma­nisme, cer­taines peuvent bien le cri­ti­quer. Mais selon l’idéologie trans­gen­riste la plus répan­due (il y en a plu­sieurs, c’est un peu confus), comme selon le trans­hu­ma­nisme, et selon la culture domi­nante plus géné­ra­le­ment, nous ne sommes pas nos corps, celui-ci n’étant per­çu que comme un maté­riau mode­lable, ser­vant à héber­ger notre iden­ti­té ou nos iden­ti­tés fluides ou chan­geantes. Au lieu d’expliquer aux jeunes trou­blés par l’inadéquation entre leur corps, leurs envies et les sté­réo­types sociaux asso­ciés aux sexes dans la culture domi­nante qu’ils n’ont pas à s’en faire, qu’ils n’ont pas à cor­res­pondre aux­dits sté­réo­types, qu’ils peuvent aimer leurs corps, que le pro­blème émane pré­ci­sé­ment de ces sté­réo­types et de cette culture et pas de leur corps, la rhé­to­rique hégé­mo­nique dans le milieu trans leur sug­gère qu’ils sont « nés dans le mau­vais corps », mais qu’ils peuvent rec­ti­fier le tir en le trans­for­mant — d’où dif­fé­rents trai­te­ments médi­caux et/ou chi­rur­gi­caux. Il s’agit de ce qu’exposent, entre autres choses, le docu­men­taire Trans­gen­der Kids : Who Knows Best ? (Les enfants trans­genres : qui sait mieux ?) réa­li­sé par la BBC, pré­cé­dem­ment men­tion­né, que j’ai sous-titré[11], et le docu­men­taire Trans Kids : It’s Time to Talk (Les Enfants trans : il est temps d’en par­ler), réa­li­sé par Stel­la O’Malley pour Chan­nel 4, une autre chaine de télé­vi­sion bri­tan­nique, que j’ai éga­le­ment sous-titré[12]. Contrai­re­ment à ce que pré­tend l’inquisiteur Gel­der­loos, je me sou­cie évi­dem­ment du sort des « enfants trans­genres » : c’est la prin­ci­pale rai­son pour laquelle j’ai sous-titré les­dits docu­men­taires. Cer­taines per­sonnes trans, comme Miquel Mis­sé, qui, comme Gel­der­loos, est Bar­ce­lo­nais, tout en recon­nais­sant qu’il s’agit là du dis­cours domi­nant, hégé­mo­nique, dans le milieu trans, consi­dèrent cela comme une « concep­tion essen­tia­liste des trans ». Mis­sé s’inquiète éga­le­ment du sort des « enfants trans­genres », du fait que « la seule réponse pour les enfants qui ne veulent pas suivre les normes de genre impo­sées par la socié­té est de deve­nir trans » et des consé­quences que cela implique. Mis­sé est en outre « conscient que cri­ti­quer le dis­cours essen­tia­liste ou cri­ti­quer le récit médi­cal peut être vu comme de la “trans­pho­bie”, ce qui coupe court à tout échange sur le sujet – mais, trans lui-même, il se sait moins atta­qué sur ce flanc[13] ». D’autres trans­genres et trans­sexuels émettent des cri­tiques vis-à-vis de l’idéologie trans­gen­riste[14]. Des acti­vistes gays consi­dèrent qu’elle est à la fois miso­gyne et homo­phobe[15]. Mais eux aus­si se voient bien sou­vent qua­li­fiés de « trans­phobes » sans autre forme de pro­cès, excom­mu­niés, tou­jours afin d’empêcher le moindre débat, la moindre remise en question.

16. Enfin, concer­nant les pro­blèmes que posent l’idéologie de l’identité de genre que les tran­sac­ti­vistes cherchent à impo­ser, vis-à-vis, en par­ti­cu­lier, des femmes, j’ai tra­duit plu­sieurs textes de fémi­nistes anglo­phones dont je par­tage les vues sur le sujet, et qui les expriment mieux que moi. Alors autant leur lais­ser la parole. Je vous ren­voie donc vers ce dis­cours de Meghan Mur­phy[16], ce texte d’Hannah Har­ri­son[17], ou encore vers ce texte d’un col­lec­tif de fémi­nistes[18], tra­duit par Ana Minski.

Voi­là. Ceux qui veulent aller plus loin ou ne com­prennent pas bien cer­tains points sont invi­tés à faire l’effort de lire les textes en hyper­liens, à consul­ter les notes. Il y aurait d’autres choses à dire, encore, mais ce texte est déjà long, et puis il y a de grandes chances pour que mes détrac­teurs ne cherchent en réa­li­té pas à com­prendre quoi que ce soit. Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. La sot­tise de l’attaque de Gel­der­loos devrait sau­ter aux yeux. Il est pour le moins conster­nant que de soi-disant radi­caux tra­duisent — mal — et publient une telle chose. Conster­nant, mais pas éton­nant. Ils sont cou­tu­miers du fait. Nous pou­vons ne pas être d’accord, nous pou­vons confron­ter des points de vue sur la base d’arguments logiques, de rai­son­ne­ments. Mais quelle inver­sion de réa­li­té lorsque celui qui m’accuse de ne dire « que de la merde » ne recourt qu’à une longue lita­nie de sophismes et de men­songes. Et que cela nous dit-il sur le « milieu radi­cal » ou la « com­mu­nau­té » qui accueille un tel texte avec la plus grande joie (« ça fait tel­le­ment plai­sir, haha­ha, on boit tes larmes », m’a dit l’un d’eux, sup­po­sant sans doute qu’un argu­men­taire aus­si solide m’aurait tou­ché en plein cœur, tout en recon­nais­sant par ailleurs tran­quille­ment que Gel­der­loos « est par­ti grave loin, mais je le com­prends, il veut pas être asso­cié à tes idées donc il en rajoute », car tout est bon pour par­ve­nir à qua­li­fier quelqu’un de trans­phobe, y com­pris men­tir, calom­nier, bref, « par­tir grave loin ») ? Que leur radi­ca­li­té, comme l’a très bien noté le Lil­lois Tom­jo[19], n’est qu’une pré­ten­tion ridi­cule : leur affaire relève plu­tôt de l’extrémisme. Au Gel­der­loos et à ses condis­ciples : vous n’êtes pas de ver­tueux défen­seurs de la veuve, du « trans » et de l’orphelin, de l’opprimé et du domi­né, seule­ment des idiots qui refusent de lais­ser s’ouvrir un dia­logue qui per­met­trait à des femmes, des enfants et des hommes d’améliorer leurs conditions.

Nico­las Casaux


  1. https://rebellyon.info/Nicolas-Casaux-et-la-transphobie-par-21327
  2. Pour une cri­tique four­nie de ladite « théo­rie queer », lire : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Ceci_n_est_pas_une_femme.pdf
  3. Voir : https://culturallyboundgender.wordpress.com/2013/03/09/toward-an-end-to-appropriation-of-indigenous-two-spirit-people-in-trans-politics-the-relationship-between-third-gender-roles-and-patriarchy/ ou : http://ourlivesmadison.com/article/dear-queer-white-people-cultural-appropriation/
  4. Voir : https://www.telegraph.co.uk/news/2019/03/07/nhs-transgender-clinic-accused-covering-negative-impacts-puberty/ et https://www.theaustralian.com.au/nation/drugs-for-trans-kids-a-health-risk-say-doctors/news-story/847a7e9314bb010011ebda07918237e7 ou encore :
  5. https://www.hormone.org/your-health-and-hormones/transgender-health/gender-nonconformity-in-children-and-adolescents
  6. Der­rick Jen­sen en a par exemple fait les frais, aux États-Unis : son livre Anar­chism and the poli­tics of vio­la­tion qui devait être publié par Seven Sto­ries Press a fina­le­ment été refu­sé par la mai­son d’édition.
  7. https://www.feministcurrent.com/2018/11/26/whats-current-meghan-murphy-suspended-twitter-referring-trans-identified-pedophile/
  8. https://www.telegraph.co.uk/education/2019/04/13/conference-cancelled-amid-speakers-fears-fallout-transgender/ et https://www.liberation.fr/checknews/2019/10/27/pma-pourquoi-la-conference-de-sylviane-agacinski-a-t-elle-ete-annulee-a-l-universite-de-bordeaux_1759987
  9. https://www.telegraph.co.uk/news/2019/02/19/proposal-research-trans-regret-rejected-university-fear-backlash/, sur la détran­si­tion, voir aus­si : https://ici.radio-canada.ca/info/2019/05/transgenre-sexe-detransitionneurs-transition-identite-genre-orientation/
  10. https://www.patheos.com/blogs/camelswithhammers/2012/06/interview-with-zinnia-jones/
  11. https://www.dailymotion.com/video/x6bs0v6
  12. https://www.dailymotion.com/video/x6xv5cs
  13. https://laviedesidees.fr/Le-mythe-du-mauvais-corps.html
  14. https://tradfem.wordpress.com/2018/12/09/appel-au-lobby-trans/
  15. https://tradfem.wordpress.com/2019/08/27/misogynie-et-homophobie-%e2%80%89tendance%e2%80%89-un-gay-prend-a-partie-lideologie-transgenriste/
  16. https://www.partage-le.com/2019/11/lidentite-de-genre-ses-implications-pour-la-societe-la-loi-et-les-femmes-par-meghan-murphy/
  17. https://partage-le.com/2018/11/les-principes-de-jogjakarta-une-menace-internationale-contre-les-droits-des-femmes-par-hannah-harrison/
  18. https://tradfem.wordpress.com/2019/10/05/ameliorons-les-debats-sur-le-genre-le-sexe-et-les-droits-des-transgenres/
  19. https://www.partage-le.com/2019/10/du-nouveau-maccarthysme-en-milieu-radical-par-tomjo/

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  1. Gel­der­loos dont tu as pro­mu les livres ?
    Quelle décep­tion de voir un esprit si limi­té der­rière cet homme qui déve­loppe pour­tant des thé­ma­tiques inté­res­santes (vio­len­ce/­non-vio­lence).

    Ta réponse est super claire, sans équi­voque. Dans le mille.

    Bien­tôt, pour recon­naître un esprit libre, il suf­fi­ra de regar­der les plus calomniés…

    1. Ouais, celui-là même. Ses livres ne sont pas trop mau­vais. Il sou­ligne des choses justes. Sa prose requé­rait cela dit un cer­tain tra­vail de trans­crip­tion pour par­ve­nir à une lec­ture plus fluide, plus agréable. Les argu­ments qu’il avance pour cri­ti­quer la non-vio­lence, beau­coup d’autres les ont for­mu­lés, et par­fois mieux que lui (de Gün­ther Anders à Arund­ha­ti Roy), mais leurs écrits ne sont pas tou­jours traduits.

  2. Un sou­tien total pour vous Nico­las, voi­là quelques années que je vous suis sur le par­tage et vos articles sont et ont tou­jours été de grande qua­li­té, et m’ont tou­jours fait me sen­tir moins seul au milieu de toute cette merde.

    Je suis extrê­me­ment déçu par l’at­ti­tude de Gel­der­loos et par une par­tie du bloc « radi­cal » lan­cée dans une chasse aux sor­cières digne de McCarthy. 

    Après Tom­jo (autre pen­seur véri­ta­ble­ment radi­cal que j’ap­pré­cie tout autant) cela ne m’é­tonne pas trop que vous subis­siez les attaques de ce bloc qui dénonce la domi­na­tion en domi­nant, prône la libé­ra­tion en enfer­mant et qui cen­sure et menace à tour de bras. Bien la peine de dénon­cer le capi­ta­lisme pour en arri­ver à ça, c’est à en vomir. 

    Du vent, des outres pleines de vent pour reprendre le bon vieux Orwell. 

    Ne lâchez rien, vos textes sont vrais et puis­sants et n’im­porte lequel de vos lec­teurs pour­ra le dire. 

    Je vous lis avec plai­sir, et conti­nue­rai à le faire, depuis le Paci­fique Sud qui lui aus­si est mas­sa­cré tous les jours par la civi­li­sa­tion industrielle.

    Salu­ta­tions fraternelles.

    The front­line is everywhere.

  3. Mais qui, de nos jours, ne subit pas la cri­tique dès le pre­mier énon­cé ? Et quand bien même elle n’est pas adres­sée, elle reste pen­sée… Qu’elle soit fon­dée, injuste, déli­rante ou mal for­mu­lée, de par sa spon­ta­néi­té et son omni­pré­sence elle signi­fie avant toute autre chose le confi­ne­ment intel­lec­tuel du sujet, une espèce d’im­per­méa­bi­li­té, de cara­pace culturelle.
    Et répondre à la cri­tique, serait-ce… un manque d’al­truisme ? quel para­doxe pour un écri­vain qui a choi­si un si beau nom de site…
    Tu me rétor­que­ras qu’il faut lais­ser pleine liber­té à l’ex­pres­sion, oui mais répondre à des fou­taises c’est aus­si perdre du temps. Te jus­ti­fier, je crois que tu n’en as pas besoin, au regard de nom­breux lec­teurs qui pré­fèrent savou­rer les ana­lyses d’ob­jet poin­tues que tu leur offres.

    Un peu de visi­bi­li­té média­tique, et hop ! c’est la tête de turc. C’est comme ça (lala­la), c’est le jeu ma p’tite Lucienne. Un jeu qu’il serait sain d’ignorer

    Moi et d’autres je sup­pose, on s’en fout de ces que­relles intes­tines — et obli­ga­toi­re­ment fal­la­cieuses. Les pro­pos de mon­sieur Geder­truuk je m’en contre-balance, vrai­ment. Nous venons ici pour appro­fon­dir notre réflexion sur cer­tains sujets, cher­chant un éclai­rage exté­rieur et une prose agréable.

    Et dans l’en­semble je suis satisfait 😉

  4. Quand le tra­duc­teur devrait en fait être celui qui est lu et pas l’auteur…
    Déso­lant de bêtise, et sur­tout d’une médio­cri­té intel­lec­tuelle qui tranche avec le peu que j’a­vais lu ou enten­du de Gelderloos…

    J’a­dore aus­si le coup du « vous avez pas vécu vous pou­vez pas par­ler »…Ce fas­cisme intel­lec­tuel doit cesser !

  5. Ce qui me saute au yeux en vous lisant, ce sont les similitudes :

    Gel­der­loos : « ll y a des per­sonnes trans qui approuvent ces inter­ven­tions, d’autres qui sont favo­rables à cer­taines et réti­centes vis à vis d’autres, et il y a cel­leux qui vivent celles-ci comme une vio­lence. Beau­coup de per­sonnes trans subissent des chi­rur­gies pour évi­ter une encore plus grande vio­lence à savoir que les per­sonnes cis se déchainent sur elleux dans les lieux publics, pour pou­voir avoir un « pas­sing » en accord avec leurs genres, pour obte­nir des pers­pec­tives d’emploi, pour évi­ter le harcèlement. »

    Casaux : « Au lieu d’expliquer aux jeunes trou­blés par l’inadéquation entre leur corps, leurs envies et les sté­réo­types sociaux asso­ciés aux sexes dans la culture domi­nante qu’ils n’ont pas à s’en faire, qu’ils n’ont pas à cor­res­pondre aux­dits sté­réo­types, qu’ils peuvent aimer leurs corps, que le pro­blème émane pré­ci­sé­ment de ces sté­réo­types et de cette culture et pas de leur corps […] »

    ==> simi­li­tude sur la volon­té de se défaire des sté­réo­types impo­sés par la société. 

    Deux autres extraits : 

    Gel­der­loos :  » Je me rap­pelle ce que c’était d’être ado­les­cent. A cet âge, per­sonne n’était plus qua­li­fié pour prendre des déci­sions quant à mon corps ou mon iden­ti­té de genre. Seul un auto­ri­taire peut dénier l’autonomie phy­sique des adolescent.es. La vie ne com­mence pas à 18 ans, quand l’État nous accorde la majo­ri­té. Nous devons prendre des déci­sions concer­nant notre corps avant cela, et per­sonne ne devrait pou­voir nous enle­ver ces choix. »

    Ana Mins­ki (article publié chez vous) : « Dans le monde entier, des jeunes luttent en per­ma­nence contre leur sta­tut social et contre ses consé­quences en termes de mise sous tutelle, d’enfermement, de dis­ci­pline, d’éducation, de « pro­tec­tion », de mar­gi­na­li­sa­tion, de pau­vre­té et de clandestinité. »

    ==> réflexion simi­laire sur l’âge auquel les enfants ne devraient plus être consi­dé­rés comme des mineurs, mais capables de prendre leurs propres décisions. 

    En fait, en lisant vos articles aus­si bien que ceux de vos détrac­teurs (pareil pour Tom­jo et Mawy dont j’ai lu article et BD), je suis tou­jours d’ac­cord avec une par­tie de ce que cha­cun écrit. Et je res­sens une forte frus­tra­tion car les articles portent sur les diver­gences, sur  » qui a rai­son  » et entrent dans un règle­ment de compte qui relèvent bien sou­vent de l’e­go et de l’hon­neur bafoués, allant aux insultes ( Casaux :  » des idiots  » / Gel­der­loos  » de la merde  » ==> simi­li­tude dans l’u­sage de l’in­sulte) plus qu’au débat. 

    Pour ter­mi­ner, juste un point sur qui a le droit de par­ler de quoi. Il est évident que ce débat devrait être mené éga­le­ment en inter­ro­geant les per­sonnes concer­nées, ce qui manque cruel­le­ment dans tous vos articles (idem pour Gel­der­loos d’ailleurs). Je parle d’une vraie inter­view, d’un article quoi, pas d’un docu­men­taire ou d’une citation. 

    Ou bien d’un beau débat genre Mawy / Meghan Murphy 😀

    Bref, je trouve que les conflits inter-indi­vi­du prennent le pas sur le débat d’i­dée. Mais peut-être que je suis difficile. 

    Mer­ci de m’a­voir lue !

    1. Et les pro­cé­dés clai­re­ment mal­hon­nêtes, dif­fa­ma­toires, aux­quels recourt Gel­der­loos, vous les igno­rez sim­ple­ment ? Si vous en trou­vez dans mon texte, n’hé­si­tez pas. Oui, il y a des simi­li­tudes, des points d’ac­cord, bien évi­dem­ment, j’ai tra­duit son livre, je suis d’ac­cord avec lui sur de nom­breux points. Pas sur tous. Nos points de désac­cord sont éga­le­ment signi­fi­ca­tifs. Je m’ef­force de débattre avec le plus de clar­té pos­sible, et sans recou­rir à aucun sophisme, à aucun men­songe. Il me semble assez évident que ce n’est pas le cas de Gel­der­loos. Si cela, vous ne le per­ce­vez pas, il y a un problème.

  6. Vous êtes trop gen­til et lui accor­dez trop.

    Selon le mythe d’A­ris­to­phane dans le Ban­quet de Pla­ton les dieux ont déci­dés de cou­per l’être andro­gyne ori­gi­nel en 2, mâle et femelle, afin qu’ils cherchent leur moi­tié et se repro­duise en s’ac­cou­plant — et ne pense plus à gra­vir l’Olympe.
    Autre­ment dit le sexe est dès l’o­ri­gine pen­sé comme (ou par défi­ni­tion) en rela­tion avec la repro­duc­tion. La recherche du plai­sir en est le moyen.
    Réduire le sexe au genre (ce que fait la Theo­rie Queer dans toutes ses variantes) ne peut donc se faire de manière effi­ciente (*) que par l’ex­ter­na­li­sa­tion de la repro­duc­tion et de la ges­ta­tion : Ute­rus arti­fi­ciel, ou Mother Machine. Femme et homme seront alors enfin inter­chan­geable, sexe et genre auront fusion­nés, sexe et genre auront disparus. 

    Et bien­tôt les formes de sexua­li­té puisque le plai­sir ne sera plus néces­saire et que l’or­gasme pour­ra être atteint Ad libi­tum par des sti­mu­la­tions neuronales.
    C’est la situa­tion décrite dans le film Matrix : des machines cultivent des corps et leurs donne vie et plai­sirs vir­tuelles dans une matrice. 

    Selon moi « trans » est bien dis­tri­bué. Les trans­genres (tout ceux qui ne sont pas cis­genres) trans­gressent la bina­ri­té du sexe et du genre, et les trans­hu­ma­nisme, une fois la pre­mière ache­vée trans­gresse l’u­ni­té et l’u­ni­ci­té humaine. Car le trans­hu­ma­nisme conduit inévi­ta­ble­ment vers le posthumanisme.
    La sub­ver­sion du genre humain est dans la droite ligne de la sub­ver­sion des sexes et des genres même si elle n’est pas conscien­ti­sée par ceux ou celles qui la professe. 

    (*) Sinon cela reste un mythe à venir. La Théo­rie Queer res­te­ra de la « Genre-fic­tion » jus­qu’à l’a­vè­ne­ment de l’u­té­rus artificielle.

    1. Cor­rec­tion des der­niers para­graphes du mes­sage précédent.
      « Selon moi “trans” est bien dis­tri­bué. Les trans­genres (tout ceux qui ne sont pas cis­genres) trans­gressent la bina­ri­té du sexe et du genre, et les trans­hu­ma­nistes, une fois la pre­mière trans­gres­sion ache­vée, trans­gressent l’unité et l’unicité humaine. Car le trans­hu­ma­nisme conduit inévi­ta­ble­ment vers le posthumanisme.
      La sub­ver­sion du genre humain est dans la droite ligne de la sub­ver­sion des sexes et des genres même si ceux qui pro­fessent cette der­nière n’en sont pas conscient ». 

      Pour­quoi ceux qui défendent la théo­rie queer ont autant de mal à accep­ter la critique ?

      Peut-être parce que la pen­sée queer n’est pas une pen­sée ration­nelle (le refus du débat et les insultes en sont les signes). L’i­den­ti­té per­son­nelle est qua­si réduite à l’i­den­ti­té de genre. Toute cri­tique de la non bina­ri­té sera alors consi­dé­rée comme une remise en cause non seule­ment de leur iden­ti­té de genre mais aus­si de leur iden­ti­té propre si ce n’est de leur exis­tence même. Ce qui est un non sens pour ceux qui ne font pas cette « réduc­tio ad gen­der » et qui veulent seule­ment avoir un débat d’i­dée. (Une per­sonne est d’a­bord humaine avant d’être sexuée et gen­rée, et, en tant que telle, pos­sède stric­te­ment les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’une autre. Et ce, même si leur pro­pos sont fantasques).

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