Quel est le point commun entre le gros des anarchistes contemporains, Noam Chomsky, l’extrême gauche, la gauche, la droite et l’extrême droite ? Tous sont adeptes du culte de la technologie.
Tout le monde, de l’extrême gauche à l’extrême droite, croit (ou espère) qu’une autre civilisation techno-industrielle, durable, verte, renouvelable ou décarbonée, est possible.
À gauche, on a beau se défendre, parfois, d’adhérer au solutionnisme technologique, on croit néanmoins tous que grâce aux technologies de production d’énergie dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée, au développement d’alternatives dites « vertes » pour toutes les technologies modernes (smartphones verts, voitures vertes, téléviseurs verts, data centers verts, béton vert, etc.), et en faisant preuve d’un peu de sobriété, en réduisant légèrement certains usages technologiques, voire en en supprimant quelques-uns (pour les plus audacieux) il devrait être possible de conserver l’essentiel de la civilisation techno-industrielle, de la rendre propre, verte, durable. À droite, c’est à peu près pareil, mais en mettant moins l’accent sur la sobriété, moins sur les énergies dites vertes type solaire et éolien, et davantage sur le nucléaire, par exemple.
De l’extrême gauche à l’extrême droite, dans l’ensemble, on aime le monde moderne, son prétendu « confort », on aime la technologie, on croit aux thèses racistes, suprématistes, de l’idéologie du « progrès » (la vie sans la technologie moderne n’est qu’arriération, misère, turpitude, sauvagerie, bestialité, bref une sorte de sous-vie). Ce qu’on considère comme un désastre, une catastrophe, c’est moins la destruction du monde, l’anéantissement de la nature, l’asservissement et la dépossession totale des êtres humains, que la possibilité que la civilisation techno-industrielle s’effondre.
C’est ce qui amène Chomsky à se prononcer, en cas d’extrême urgence, au cas où une terrible menace pèserait sur la survie de la civilisation, en faveur d’un régime fasciste :
« Imaginons qu’on découvre que les impacts du réchauffement climatique ont été largement sous-estimés, et que des catastrophes sont à prévoir dans 10 ans et non dans 100 ans ou quelque chose comme ça.
Eh, bien, étant donné les mouvements populaires que nous avons aujourd’hui, nous assisterions probablement à un coup d’État fasciste, que tout le monde approuverait, parce que cela serait le seul moyen plausible d’assurer notre survie. J’approuverais d’ailleurs moi-même, parce qu’il n’y a aucune alternative actuellement. » (Comprendre le pouvoir, 2022)
***
Il y a quelques mois, des « militants pro-climat » (quelle étrange dénomination) du groupe « Dernière rénovation » — un groupe prétendument « écologiste » financé par de richissimes bienfaiteurs — ont perturbé le Tour de France. Une membre du groupe a expliqué son acte sur Twitter :
« Je préférerais ne pas en arriver là. Je préférerais être avec mon grand-père, être tranquille dans mon canapé à regarder le Tour de France, pendant que le gouvernement fait son travail. Mais ce n’est pas la réalité.
La réalité c’est que le monde vers lequel nous envoient les politiques est un monde dans lequel le Tour de France ne pourra plus exister. […] »
Sacrebleu, pitié, pas ça. C’est à pleurer de niaiserie (mais on rappellera que les revendications de « Dernière Rénovation » consistent en un grand chantier national de BTP, de « rénovation énergétique » des bâtiments, afin d’améliorer leur « efficacité énergétique » dans l’optique de parvenir à une civilisation techno-industrielle durable).
Le pire, c’est que partout, mais surtout à gauche, on prétend vouloir des changements « radicaux » dans nos modes de vie, « changer le système, pas le climat », etc., quand en réalité on veut conserver l’essentiel du « système », l’essentiel de la civilisation techno-industrielle, l’essentiel du mode de vie hautement technologique moderne.
Et si, à gauche, on estime que la technologie ne constitue aucunement un problème, c’est aussi parce qu’à l’instar d’un Noam Chomsky, on s’imagine que « la technologie est neutre ». C’est pourquoi Chomsky encense la robotique et soutient qu’une « société libertaire voudrait utiliser les technologies les plus avancées qui soient et voudrait même continuellement faire progresser la technologie. Une technologie contemporaine comme, par exemple, la technologie informatique, elle peut être utilisée pour l’oppression, et elle peut être utilisée pour la libération. » Chomsky affirme même que « la seule chose qui puisse résoudre nos problèmes écologiques, c’est la haute technologie[1] ».
Malheureusement pour Chomsky et tous les autres, malheureusement pour la nature, il n’existe pas de version écologique de la civilisation technologique. Pas plus qu’il n’en existe de version (réellement) démocratique. La technologie, comme l’industrie, est intrinsèquement liée à une organisation sociale antidémocratique, hiérarchique, et à des destructions écologiques. Mais parce qu’on est davantage attachés à la technologie qu’à quoi que ce soit d’autre, c’est avec cette chimère d’une civilisation techno-industrielle verte/durable pour horizon qu’on va continuer de détruire le monde et de déposséder les humains.
Nicolas Casaux
…
Il n’y a plus rien pour les sauver.
Quand l’esprit critique est devenu une chambre d’écho des cata-responsables, alors il est mûr pour apprécier le bruit des bottes fussent-elles vertes.
Paix à son intellect.
Avec Renart (https://chez.renart.info/?Ecologistes-technologistes-sachons-les-distinguer),
Merci Nicolas pour nous éclairer sur nos ennemis potentiels ou avérés.
Bonjour, sans entrer dans une logique de type liste noire, mais par souci d’information, il me semble bon de citer George Monbiot, compte tenu de son influence chez les brittons, qui ont (ou avaient) une tradition rationaliste ; d’autre part, on a un nouveau joyeux luron, made in Chicago, le nouveau héros du greenwashing (et donc, bien entendu, publié en grandes pompes par Galllimard), c’est Dipesh Chakrabarty, un grand heideggerien (ou latourien) devant l’éternel et, là aussi, on a un influenceur de choc, qui est d’origine indienne (Calcutta) et ça pose aussi pas mal de questions sur le rôle d’intellectuels qui ont des origines ‘non occidentales’ et se mettent à singer le ‘blanc’, pour finalement faire pire que lui, écrire des trucs encore plus consternants, en rajouter, même si ça semble a priori impossible (peut-être qu’il fait ça en suivant l’exemple de l’inénarrable ‘prix Nobel’ Amartya Sen, qui lui aussi est du Bengale… on a une filière de penseurs indiens bidons là ou quoi ?).
Des idées sur ça ? Un commentaire du commentaire ?
Prend toujours un « s »
@ EnColère : suite à un tour sur le site ‘Chez Renard’, on trouve donc deux listes qui opposent pro et anti technologie, on est dans la logique de la liste noire ; c’est signé PMO en particulier ; on se demande bien où ils vont placer Heidegger (un jour ou l’autre) et, si le document n’est pas inutile (pour des néophytes qui risquent de se laisser happer par des discours qui se présentent ‘de gauche’), il est assez naïf, ou simpliste, comme tout ce qui sort de l’anarchisme en général à mon avis.
Illich dans la ‘bonne’ liste, oui… mais Illich n’était pas fondamentalement technophobe : technocritique plus que technophobe, il voyait dans la/des technique(s) — naïvement peut-être — un potentiel de convivialité (c’est sur ça qu’il a été attaqué par Bookchin en particulier et Morozov ensuite) ; je pense qu’il y a un malentendu ; que l’on puisse comparer la pensée de Illich à celle d’un Heidegger, même si sur ça il y a des similitudes évidentes sur ça, relève aussi pour moi aussi d’un malentendu et c’est idem avec Ellul, qui adorait son tracteur comme Gorz adorait sa bagnole.
De manière évidente, l’élément le plus problématique, c’est Marx dans la liste technophile, la liste de droite (!) et à nouveau, il y a une confusion entre Marx, Engels et le marxisme de tout poils ; ici, il faut s’embarquer dans un travail pénible de lecture précise pour démêler le vrai du faux (j’ai des bases, il suffit de demander et lire, mais il faut s’accrocher) ; et il faut ‘mettre en contexte’ à la mode Foucault, mais en évitant de tout réduire au contexte.
Si Marx admirait Saint-Simon, comme prophète d’un monde nouveau (ce que, paradoxalement, Engels avait du mal à comprendre), il admirait aussi, et bien plus, Pierre Leroux qui était déjà plus critique, il me semble (cf. le travail des Viard).
Bonjour Joffrin,
Dans ce royaume du tout et n’importe quoi et pourvu qu’ça dure, que chacun chausse ses lunettes ou pas.
C’est le côté « tendance » entre, effectivement : soit plus vers le technosolutionisme, l’autoritarisme, l’anthropocentrisme (de préférence hétéro blanc occidental moderne) ou bien vers l’écologie plus profonde, les naturiens, que cette liste permet d’allumer quelques voyant d’alerte ou d’orienter ses propre lectures.
La vulgarité est très souvent libératrice, mais aujourd’hui je me fous totalement des biais, la raison est que je cherche des protections et des armes simple d’utilisation pour ne plus quitter mon chemin et défoncer élégamment ceux qui m’emmerdent. Surtout au quotidien puisque l’avenir semble nous être confisqué depuis bien trop longtemps. Je suppose ne pas être le seul à réagir aussi misérablement.
Et oui, moi aussi « j’aime » encore mon ordinateur, bien pratique, pour remplir cette tâche et quelques autres dans un monde ultra-transformé et vorace. Une de mes anciennes activités était de forcer son utilisation pour tout, partout, pour tous et de ne pas pouvoir revenir en arrière ; système technicien. Dès que je saurais ou devrais m’en passer totalement… la dissonance, ça fait mal.
PS : j’espère retenir bien plus de choses du travail de Gilles Clément que des pensées de Karl Marx avant mon trépas. 🙂
A choisir entre les facistes, je prefere millle fois aux technofacistes, l’ecofacsite pentti Linkola, qui a le merite d’avoir compris que l’humain n’est que l’expression de son biotope, une simple ecume.
Mettre l’humain au centre de tout et colmme seul reference, comme le font Chomsky et les autres gauchistes (liberaux ou droitards) est l’expression la plus abouti du nihilisme.
Vivement que la crise se denoue, que l’on commence enfin a exister.
Pour illustrer le message du 28 ; vous avez ici le tas de connards de chez Libé, qui va chercher à vous vendre l’escroc, avec comme support du papier (toilettes) Gallimard (on a une collusion entre le capital publicitaire Libé et le capital idéologique Gallimard donc) :
https://www.liberation.fr/idees-et-debats/dipesh-chakrabarty-la-transition-ecologique-dun-historien-20230201_AE6ASZJBJFFRLG5FJUNBBVAY6M/
C’est écrit noir sur blanc : « ne pas se focaliser sur la critique du capitalisme », ne pas penser donc… ça va bientôt devenir illégal probablement.
Le système Chakrabarty est donc immédiatement en place (visez donc la vitesse de propagation, stupéfiante !) :
https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-la-vie-s-est-relevee-apres-son-plus-grand-cataclysme-20230210
La résilience ! Rien ne se perd, même pas les idioties et les beignes…