Traduction d’un article de Genevieve Gluck paru le 16 août 2023, en anglais, à l’adresse suivante.
Être une femme a été transformé en une marchandise fétichisée.
Impossible d’ignorer le rôle de la pornographie dans l’essor du mouvement pour l’identité de genre. Pornographie et identité de genre ne sont que différents aspects de l’industrie du sexe. L’industrie de l’identité de genre vend le « sexe » en tant que nom — censé permettre à un homme de « devenir » une femme (et vice versa) par le biais d’opérations chirurgicales et d’hormones. L’industrie de la pornographie, elle, vend le « sexe » en tant que verbe.
L’identité de genre réduit conceptuellement les femmes à des stéréotypes sexistes ou à un fantasme dans la tête d’un homme. Selon elle, être une femme — et dans une moindre mesure, un homme — c’est être une incarnation de la pornographie.
Le transgenrisme et la pornographie sont à ce point liés que l’homme à l’origine de l’expression « identité de genre », John Money, soutenait qu’il fallait exposer les jeunes enfants à de la pornographie explicite afin de les aider dans leur « transition » — tout en affirmant, dans le même temps et de manière quelque peu contradictoire, que le sentiment d’être un mâle ou une femelle était inné et fixé dès le plus jeune âge. Pour Money, le concept de « rôle de genre » reposait en grande partie sur ce que les féministes appelaient « stéréotypes de rôles de sexe », mais aussi sur les interactions sexuelles elles-mêmes.
Money était un psychologue, sexologue et professeur à l’université Johns Hopkins, néo-zélandais et américain. Dans son livre de 1975 intitulé Sexual Signatures : On Being a Man or a Woman (Signatures sexuelles : être un homme ou une femme), il affirme que les « images sexuelles explicites » peuvent « et doivent être utilisées dans le cadre de l’éducation sexuelle d’un enfant » et que le meilleur moment pour ce faire, c’est avant le début de la puberté. « Les enfants prépubères sont intellectuellement capables de comprendre la sexualité », note Money. « Ils trouveront sans doute ces images érotiquement stimulantes, mais une fois la nouveauté passée, ils se calmeront rapidement. »
Money a également recommandé que les jeunes enfants regardent des adultes avoir des rapports sexuels et qu’il leur soit expliqué qu’il s’agit d’un « jeu auquel les adultes s’adonnent ». En effet, « avec des conseils, l’expérience peut être intégrée à l’éducation sexuelle de l’enfant et servir à renforcer sa propre identité sexuelle ».
Cette remarque s’avère particulièrement troublante à la lumière des expériences notoires menées par Money sur les jumeaux Reimer, dans le cadre desquelles il a tenté d’élever Bruce Reimer sous les traits d’une fille appelée Brenda. Afin de forcer le jeune garçon à accepter qu’il était en fait une fille et non un garçon, Money a imposé à Bruce et à son frère Brian ce qu’il a appelé des « jeux de copulation ». Il en profitait pour photographier les enfants dans diverses positions sexuelles.
Lorsque Money a écrit Sexual Signatures, la pornographie n’avait pas encore été intégrée dans les médias de masse. Aujourd’hui, bien sûr, de la pornographie représentant presque tous les actes imaginables peut facilement être trouvée en ligne au moyen d’une simple recherche, et est largement disponible, sans restriction d’âge.
Tandis que nous observons la vision de Money se concrétiser en temps réel, il semble de plus en plus évident que la pornographie est liée à la notion de « transition », mais selon des modalités qui tendent à différer entre les femmes transidentifiées et les hommes transidentifiés.
Pour les femmes, et les jeunes femmes en particulier, la tendance à déclarer une identité d’homme ou non binaire peut être motivée par le désir d’échapper à l’objectification. Plusieurs jeunes femmes ayant « détransitionné », ou cessé de s’identifier comme des hommes, ont souligné l’influence de la pornographie dans leur confusion identitaire. [L’image des femmes que véhicule la pornographie, notamment, et la société en général, les avait dégoûtées du fait d’être des femmes. Dans leur cas, l’influence de la pornographie les amène à vouloir fuir la condition de femme. NdT]
Pour les hommes, par contraste, la déclaration d’une identité de femme sert souvent à dissimuler un désir de vivre à plein temps un travestissement sexuel et un fétichisme de la modification corporelle. Dans les communautés en ligne comme Reddit, les hommes s’encouragent mutuellement à « casser des œufs » [crack eggs, on pourrait aussi traduire par « en faire sortir de leurs coquilles », NdT], c’est-à-dire à en convaincre d’autres qu’ils sont et ont toujours été transgenres. Parmi les prétendus indicateurs de la transidentité d’un homme ou d’un adolescent les plus communs, on retrouve : regarder du porno transgenre, être jaloux des femmes ou se masturber en portant des vêtements féminins.
Pour certains, il y a aussi une forte motivation financière : on estime que les hommes qui « féminisent » leur corps par la chirurgie et les hormones peuvent gagner le double de ce que gagnent les actrices pornographiques dans l’industrie, en raison de la hausse de la demande. En outre, une nouvelle tendance se dessine : des hommes qui prétendent être des femmes vendent de manière indépendante leur pornographie maison sur OnlyFans ou via les réseaux sociaux.
En 2018, Sophie Pezzutto — un homme qui s’identifie comme transgenre —, étudiant à l’université nationale australienne, s’est rendu dans le Nevada et en Californie pour faire des recherches sur la pornographie dans le cadre de son doctorat en anthropologie. L’année suivante, sa recherche, intitulée « From Porn Performer to Porntropreneur » (« Du porno à l’entrepornariat ») a été publiée par l’International Journal of Gender Studies (Revue internationale des études de genre). Pezzutto remarque que les recherches pour de la pornographie transgenre ont quadruplé entre 2014 et 2017, et que « l’écrasante majorité du porno trans tourne autour des femmes trans » (c’est-à-dire des hommes qui « s’identifient comme » des femmes).
Pezzutto souligne également que l’industrie du sexe permet de financer les chirurgies esthétiques, en particulier les implants mammaires pour les hommes. « Un grand nombre d’acteurs interrogés sont entrés dans l’industrie, au moins en partie, pour financer leur transition. Le travail du sexe était pour eux une voie lucrative et, en même temps, un moyen de se réaliser, car il leur permettait de financer des opérations chirurgicales au coût prohibitif », remarque-t-il.
Selon les données de 2022 fournies par le site pornographique Pornhub, la pornographie répertoriée dans la catégorie « transgenre » a vu sa popularité augmenter de 75 % cette année-là, devenant la septième catégorie la plus populaire dans le monde et la troisième aux États-Unis. En 2017, Pornhub avait publié des données spécifiques sur la catégorie « porno transgenre », révélant que l’audience des contenus de cette catégorie avait explosé ces dernières années, avec une augmentation notable à partir de 2015.
Les vidéos pornographiques qui exhibent des hommes qui se « féminisent » sont généralement regardées par des hommes qui se considèrent par ailleurs comme hétérosexuels. Leur contenu peut être présenté comme mettant en scène une femme dotée de la libido d’un homme, prête à s’engager dans des pratiques que les femmes ne pourraient pas entreprendre ou trouveraient physiquement difficiles, voire impossibles.
Andrea Long Chu, né Andrew, universitaire américain de renom, diplômé de l’université Duke depuis 2014, ayant affirmé que la pornographie avait motivé sa décision de commencer à s’identifier comme transgenre, a été nommé critique littéraire par le magazine New York, en 2021. Il y a quelques mois, en 2023, son travail lui a valu de recevoir un prix Pulitzer. Ce qui a suscité de vives réprobations sur les réseaux sociaux de la part des personnes qui critiquent l’idéologie de l’identité de genre
Chu a commencé à écrire sur l’identité de genre en 2018, lorsque le magazine N+1 a publié son essai intitulé « On Liking Women » (« Sur l’amour des femmes »). Dans ce texte, Chu mélange le format très populaire de l’anecdote personnelle, plébiscité par les écrivains transidentitaires, avec des critiques formulées à l’encontre de plusieurs autrices féministes de premier plan. Il décrit comme une expérience formatrice le fait d’avoir eu le béguin au lycée pour une fille qui lui a ultérieurement avoué qu’elle s’était rendu compte qu’elle était lesbienne.
« La vérité, c’est que je n’ai jamais pu faire la différence entre aimer les femmes et vouloir leur ressembler », écrit Chu. « J’ai transitionné pour les ragots et les compliments, le rouge à lèvres et le mascara […] pour les sex toys, pour me sentir sexy, pour me faire draguer par des butch, pour cette connaissance secrète des gouines dont il faut se méfier, pour les Daisy Dukes, les hauts de bikini et toutes les robes, et, mon dieu, pour les seins. » (C’est lui qui souligne.)
Cet article marque le début de sa carrière de rédacteur d’articles universitaires sur le thème de l’identité de genre. La même année, il a été invité à s’exprimer dans plusieurs universités réputées, comme l’université de Berkeley et l’université de Columbia, où il a présenté un exposé intitulé « Did Sissy Porn Make Me Trans ? » (« Le porno sissy m’a-t-il rendu trans ? »). [Comme on peut le lire sur la page Wikipédia française qui lui est consacrée, le terme « sissy » qui, à la base, était un diminutif du mot anglais sister, signifiant sœur, est aujourd’hui un terme péjoratif, homophobe et misogyne, qui désigne un garçon ou un homme efféminé, un peu comme « fillette ». NdT] Il y affirme avec assurance :
« Se faire baiser fait de vous une femme parce que la baise, voilà ce qu’est une femme. La pénétration fait de vous une femelle […] Dans le porno sissy, le pénis lui-même est un symbole de castration. »
L’année suivante, le premier livre de Chu, intitulé Females, a été publié par Verso Books. La principale thèse de ce petit livre de 94 pages, c’est que n’importe qui peut devenir une femme, et que le fait d’être pénétré lors d’un rapport sexuel est une définition de ce qu’est une femme.
« La pornographie, c’est ce que l’on ressent lorsqu’on pense avoir un objet, mais qu’en réalité c’est l’objet qui nous possède. C’est donc la quintessence de l’expression du fait d’être femelle », écrit Chu. « Le porno sissy m’a rendu transgenre. »
Au cours des années suivantes, Chu a évoqué à plusieurs reprises l’influence de la pornographie sur son désir de prendre des hormones féminisantes et même de subir une intervention chirurgicale. En 2018, il a déclaré au NYC Trans Oral History Project (« Projet d’histoire orale trans de New York ») : « [M]on addiction au porno attendait depuis le début quelque chose comme le porno sissy […] Cela […] vous demande d’imaginer votre expérience du porno comme quelque chose qui vous transforme en femme. Il ne s’agit pas seulement de regarder des gens qui se transforment en femmes, mais d’imaginer que l’acte de regarder vous transforme en femme. »
Le « porno sissy », forme abrégée de l’expression « pornographie de sissification » [que l’on pourrait traduire par « pornographie pour te transformer en fillette », « pornographie de fillettisation », NdT], constitue l’un des nombreux genres qui intègrent des thèmes plus larges de féminisation forcée, dans lesquels un homme est ostensiblement « forcé » à se transformer en femme, que ce soit par l’administration d’hormones ou par l’utilisation de maquillage et de lingerie.
On trouve une quantité stupéfiante de pornographie et de contenus connexes sur des plateformes comme Reddit, Tumblr, 4Chan, des sites pour adultes, et même sur des parties en apparence non pornographiques du web, comme Pinterest, Flickr, Facebook et YouTube. L’écrasante majorité du contenu porte sur le thème de la transformation des hommes en femmes. Des hommes publient des photos d’eux maquillés et vêtus de lingerie et invitent les spectateurs à les réduire à l’état d’objet. Des comptes Facebook personnels appartenant à des hommes qui se qualifient eux-mêmes de « sissies » ou de « trans » ont accumulé des dizaines de milliers d’abonné·es au cours des dernières années.
Dans certains cas, le viol et la traite des êtres humains sont même considérés comme des formes de validation pour les hommes qui rêvent de « devenir » des femmes. Julia Serano [un autre homme qui se dit femme], diplômé de l’université de Columbia et auteur, a décrit ses fantasmes érotiques du fait de devenir une femme dans son livre de 2007 intitulé Whipping Girl (« Fille fouettée », ou « Fille-bouc-émissaire ») : « Je m’imaginais être vendue comme esclave sexuelle et voir des hommes étranges profiter de moi. […] C’est ce qu’on appelle la féminisation forcée […] Il s’agit de transformer l’humiliation que vous ressentez en plaisir, de transformer la perte des privilèges masculins en la meilleure baise qui soit. »
Duke University Press, qui publie la revue Transgender Studies Quarterly (pour laquelle Chu a travaillé), est l’une des principales maisons d’édition universitaires américaines à explorer fréquemment la relation entre la pornographie et le transgenrisme. Malheureusement, elle le fait d’une manière qui promeut le contenu explicite (pornographique) comme un outil permettant de développer une « identité de genre », qui, de manière quelque peu paradoxale, est également présentée comme innée.
Dans un article intitulé « Sissy Remixed : Trans Porno Remix and Constructing the Trans Subject » (« Sissy remixé : remix de porno trans et construction du sujet trans »), écrit pour le numéro de mai 2020 de Transgender Studies Quarterly, Aster Gilbert, un homme transidentifié [un homme qui se dit femme] définit la « sissification et la féminisation » comme des « formes de jeu de genre ».
« Dans les pratiques fétichistes, l’homme cis est souvent humilié par une dominatrice qui lui fait vivre un fantasme de féminisation forcée », écrit Gilbert. « Les hommes sont encouragés à s’imaginer avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes, mais en tant que femme plutôt qu’en tant qu’homme, comme dans la pornographie gay traditionnelle. Le spectateur commence en tant qu’homme et se fait transformer en sissy ou en femme […] À travers ce processus, la vidéo construit le sujet sissy en tant que sujet trans. »
Il ne s’agit pas d’une pratique ou d’une perspective marginale dans le monde de l’idéologie du genre. Même un éminent psychologue de la clinique d’identité de genre Tavistock, à Londres, le Dr. Christina Richards (un homme qui se dit femme), a déjà appelé à normaliser non seulement la « sissification », mais aussi l’« ageplay » [« jeu d’âge » ou « jeu de régression », une forme de jeu de rôle, souvent sexuel, dans lequel un individu en traite un autre comme s’il avait un âge différent de celui qu’il a en réalité, en général, l’individu prétend être un enfant ou un bébé], le fétichisme des « furries » (des gens qui trouvent du plaisir sexuel à enfiler des costumes d’animaux) et diverses pratiques sexuelles sadomasochistes. Christina Richards est aussi le coauteur d’un guide professionnel sur la sexualité et le genre, qui place les pratiques sexuelles fétichistes sur le même spectre que l’hétérosexualité, l’homosexualité et la bisexualité.
Richards décrit la manière dont les adultes qui se livrent à des « jeux de régression » (ageplay) accumulent divers objets associés à l’enfance, y compris des vêtements. En général, un adulte joue le rôle d’une personne de n’importe quel âge, entre la petite enfance et l’adolescence, tandis qu’un autre adulte joue un rôle sexuel dominant.
« Les expressions que l’on peut rencontrer dans cet univers comprennent “la petite fille à papa” (daddy’s little girl, DLG), une situation dans laquelle un homme plus âgé dominateur (top) traite une femme plus jeune (bottom) comme un enfant bien élevé », précise Richards. « Le terme “sissification” recoupe le jeu d’âge [ou jeu de régression] lorsqu’un homme adulte est consensuellement “forcé” à revêtir les vêtements d’une jeune fille et à se comporter comme elle dans le cadre d’une scène BDSM. L’humiliation ressentie par l’homme adulte lorsqu’il est habillé comme une jeune fille est la source de l’érotisation. » Richards a siégé au conseil d’administration de l’Association professionnelle européenne pour la santé des personnes transgenres (EPATH) et au conseil d’administration de l’Association professionnelle mondiale pour la santé des transgenres (WPATH) en tant que membre extraordinaire.
Le mois dernier, des chercheurs de l’université de Nottingham Trent ont qualifié le « porno sissy » de « pornographie persuasive autogynéphilique » (Autogynephilic persuasive pornography, AGPP), au motif qu’il encourage le fétichisme sexuel appelé autogynéphilie, c’est-à-dire le plaisir sexuel qu’un homme éprouve en s’imaginant en femme.
La plupart des personnes ayant participé à l’étude ont déclaré que l’AGPP les avait aidées « à exprimer le côté féminin de leur sexualité ». Certaines ont affirmé que l’AGPP les avait incitées à effectuer une transition. Les auteurs de l’étude ont souligné qu’il existait une « association fréquente entre la féminité et la soumission sexuelle ».
Dans les scènes de pornographie sissy, l’acte qui établit qu’un homme a été transformé avec succès en femme, c’est la pénétration. Chu le formule explicitement dans son livre Females [qui a malheureusement été traduit en français, sous le titre Femelles, NdT] en écrivant qu’« au centre du porno sissy se trouve le trou du cul, une sorte de vagin universel par lequel il est toujours possible d’accéder au fait d’être femelle ».
Il est inquiétant de constater que ce sont de telles croyances qui sous-tendent le langage dit « trans-inclusif » aujourd’hui recommandé pour décrire l’anatomie féminine. Parmi les termes proposés ces dernières années pour désigner les organes génitaux féminins, citons « trou de devant » (front hole) et « trou bonus » (bonus hole), qui désignent tous deux la vulve et le vagin comme de simples « trous » destinés à être pénétrés, à côté de l’anus.
Chu est loin d’être le seul à avoir intériorisé l’image totalement pornifiée de la femme, et à la trouver séduisante au point de la célébrer. Il ne s’agit pas d’une anomalie, mais d’un principe fondamental du système de croyance de l’identité de genre, qui réduit les femmes à des pièces et des parties modifiées et transformées en marchandises.
Dans une conférence qu’il a donnée en 2020 à l’université de Princeton (l’une des institutions universitaires les plus élitistes des États-Unis), Río Sofia, qui s’identifie comme une femme transgenre, a discuté de la pornographie de féminisation forcée et a partagé des exemples de contenu de sissification qu’il avait fait de lui-même. Sofia a souligné qu’historiquement, il y avait souvent des publicités pour des hormones « féminisantes » dans les pages de garde des publications portant sur le thème du BDSM :
« Il existe en fait une culture autour de la féminisation forcée et du porno sissy […] Il y a d’autres moyens de transitionner. Lorsque nous parlons de ce genre d’histoires, qu’elles soient fictives ou réelles, certaines d’entre elles vont jusqu’au fait de contraindre leurs maris à porter des implants mammaires, ou de contraindre leurs maris à porter un dispositif de chasteté pendant six mois, ou à prendre des hormones. »
En effet, un marché noir basé sur la vente illicite d’œstrogènes était proposé aux hommes par le biais de magazines pornographiques et fétichistes il y a plusieurs décennies. De même, d’autres aspects de ce que l’on appelle aujourd’hui les « soins d’affirmation genre » ont été développés parallèlement à l’industrie du sexe.
La chirurgie plastique n’a pas toujours été une entreprise à motivation sexuelle. Certaines des premières interventions ont été mises au point pour répondre aux besoins des survivants de la Première Guerre mondiale. Les soldats revenant des tranchées avec des visages cicatrisés et défigurés constituèrent un nombre important de patients pour lesquels on envisagea des traitements esthétiques. Mais après ce premier essor des chirurgies expérimentales sur les hommes blessés, les médecins orientèrent rapidement leurs scalpels vers les corps sains des femmes.
Les chirurgies esthétiques sur les femmes se sont développées sous l’influence de la pornographie et de la traite des êtres humains, afin de satisfaire les désirs sexuels des hommes. Les premiers implants mammaires en silicone ont été réalisés sur des Japonaises réduites en esclavage sexuel pendant l’occupation américaine après la Seconde Guerre mondiale. Le silicone, volé sur les quais d’embarquement, était injecté directement dans leurs seins, ce qui entraînait une gangrène ou « pourriture de silicone » (silicone rot) et, dans certains cas, la mort.
La procédure a ensuite été introduite en Californie. On estime que 50 000 femmes ont reçu des injections directes de silicone aux États-Unis entre les années 1940 et 1960, dont beaucoup travaillaient dans l’industrie du spectacle. L’autorité de réglementation, la Food and Drug Administration, n’a pas exigé de recherche avec suivi à long terme pour la procédure, malgré la nouveauté des injections de silicone. La découverte de la possibilité de modifier le corps d’une femme pour encourager la fétichisation de certaines parties de sa chair allait s’avérer indispensable aux pornographes et aux proxénètes.
Ce n’est donc pas une coïncidence si l’État de Californie, qui a été le premier producteur mondial de pornographie à son apogée et qui comprend la Porn Valley, la Silicon Valley et Hollywood, est aussi le berceau officieux du mouvement pour l’identité de genre.
C’est en Californie que Virginia Prince, l’homme qui a popularisé le terme « transgenre », a fait connaître la pratique du travestissement érotique masculin dans son magazine Transvestia.
Prince, né Arnold Lowman, a déclaré en 1985 : « Vous devez dépasser le stade de l’homme érotiquement excité dans une robe, qui aboutit finalement à un orgasme. » Mais « une fois l’orgasme passé, si vous continuez à porter la robe, vous commencez à découvrir qu’il y a une autre partie de vous-même. Vous cessez d’être un homme érotiquement excité et vous devenez simplement un homme qui se rend compte qu’il y a quelque chose d’agréable dans le fait d’être une fille et que je prends plaisir à en faire l’expérience. »
Le créateur du drapeau de la fierté transgenre (du drapeau trans), un vétéran de l’armée américaine, a commencé à pratiquer le travestissement érotique en fréquentant des clubs de drag en Californie. Plus tard, Monica Helms, alias Robert Hogge, a travaillé dans un magasin de vidéos pour adultes où il se déguisait avec des prothèses mammaires. À l’époque où il a déclaré qu’il pensait être une femme lesbienne, il fréquentait des sex-clubs et des bars lesbiens le week-end.
Mais l’aspect le plus troublant de la sexualisation de la chirurgie, c’est peut-être l’inclusion d’enfants dans l’univers adulte du fétichisme de la modification corporelle. Corey Maison, un jeune garçon qui a fait sensation en 2016 à l’âge de 14 ans en déclarant qu’il était en fait une fille, produit désormais des images pornographiques de lui-même. Fait troublant, les bloqueurs de puberté qui lui ont été administrés à l’adolescence ont produit une sorte d’infantilisme [on pourrait aussi parler de néoténie, NdT] qui s’est poursuivi jusqu’à l’âge adulte.
Des enquêtes ont également été menées avec la participation anonyme d’hommes impliqués dans un forum pédophile fétichiste de la castration, où ils écrivent et hébergent des fictions pornographiques sur la castration chimique et chirurgicale. Près de la moitié des histoires impliquent des enfants, et les histoires les plus populaires décrivent la castration forcée de mineurs.
Le site The Eunuch Archive est cité par l’Association professionnelle mondiale pour la santé des transgenres (WPATH) dans la dernière mouture de ses « Standards de soins ». L’année dernière, la WPATH a supprimé les restrictions d’âge spécifiques pour les interventions médicales concernant le « genre » effectuées sur des enfants.
Avec la pornographie, ce n’est pas seulement l’acte sexuel qui devient un produit : le corps sexué lui-même devient à la fois un spectacle et une marchandise. Tandis que les interactions humaines se dissolvent dans les écrans et que la pornographie remplace de plus en plus les relations réelles, le fétichisme émerge comme une contagion sociale puissante que ses praticiens célèbrent comme un facteur d’autodétermination : une fin, plutôt qu’un moyen.
La philosophie de l’identité de genre, comme l’a écrit Martha Nussbaum dans sa critique de Judith Butler intitulée « Le professeur de parodie », est un système de croyances qui « collabore avec le mal » — il supplante un moi authentique par une version fabriquée. Il s’agit en effet de « casser des œufs », en faisant de nos corps une ressource, un produit et une publicité, tout à la fois.
Les idéologues du genre expliquent aux individus égarés que cette identité externe et achetable leur conférera la liberté. Entre autres choses, ils omettent de mentionner l’impact de ce processus pornographique sur notre humanité collective et sur les femmes et les enfants en particulier. Par le biais du transgenrisme, l’identité, la dignité et la sécurité des femmes sont fragmentées — et vendues comme de la ferraille au plus offrant.
Genevieve Gluck
Genevieve Gluck est autrice et défenseuse des droits des femmes. Elle est cofondatrice de Reduxx et animatrice du podcast Women’s Voices.
Traduction : Nicolas Casaux
Pour aller plus loin : Genevieve a déjà écrit un article sur la relation entre transgenrisme et transidentité, c’est par ici :
Pour illustrer le propos de Genevieve, on peut mentionner un article tout récemment paru (le 14 août 2023) sur le site demotivateur.fr, intitulé « Un homme hétéro dévoile les 5 raisons de sortir avec une femme transgenre, les internautes l’applaudissent ». L’homme en question, Adam Kubatzke, qui tient le compte TikTok « Successful Degenerates » (« Les dégénérés qui ont du succès »), a tourné et publié une vidéo avec « la star du porno Emma Rose, une femme transgenre absolument canon », vidéo qui a déjà récolté près de 1,3 million de vues.
Et aussi : Nikita Dragun.
Et aussi : JADE CVE.
Et aussi : Mia Costello.
Et aussi : dans une émission de télévision diffusée en août 2019 sur la chaîne de la National Academy of Television Arts and Sciences, et coproduite par Walt Disney Television, Lilly (ex-« Andy ») Wachowski répond, à la question de savoir quelle image l’a amené à « s’intéresser à la communauté transgenre » : « Honnêtement, les premières images qui ont vraiment résonné en moi, ce sont celles des “femmes trans” dans la pornographie. Quelque chose s’est débloqué dans mon cerveau en voyant ces merveilleuses et intrépides actrices devenir désirables. Dans ma tête, j’ai pu franchir le pas. Je me suis dit que si je pouvais devenir désirable, alors peut-être que je pourrais être aimé. »