« Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira. »
— Alexis de Tocqueville
En mars (2017), Jean-Claude Michéa écrivait que « C’est donc uniquement la victoire inattendue du thatchérien François Fillon (victoire essentiellement due aux effets pervers de ce nouveau système des « primaires » importé de manière irréfléchie des États-Unis) qui a rapidement conduit cette fraction de l’élite dirigeante – et donc, à sa suite, la grande majorité du personnel médiatique – à reporter, par défaut, tous ses espoirs sur cette candidature d’Emmanuel Macron qui ne devait pourtant être définitivement activée, au départ, que quelques années plus tard et dans des conditions politiques beaucoup plus propices et mieux préparées ».
La victoire d’Emmanuel Macron, candidat de l’élite financière, des banques, et donc des médias, n’est pas une surprise, mais une nouvelle preuve de l’efficacité de la propagande, et de l’ingénierie sociale. Dans un récent entretien pour le plus célèbre des quotidiens de France, dont les propriétaires (Niel, Bergé) soutiennent Macron, Julien Coupat et Mathieu Burnel rappelaient, à propos des élections présidentielles, qu’elles « n’ont jamais eu pour fonction de permettre à chacun de s’exprimer politiquement, mais de renouveler l’adhésion de la population à l’appareil de gouvernement, de la faire consentir à sa propre dépossession. Elles ne sont plus désormais qu’un gigantesque mécanisme de procrastination. Elles nous évitent d’avoir à penser les moyens et les formes d’une révolution depuis ce que nous sommes, depuis là où nous sommes, depuis là où nous avons prise sur le monde. S’ajoute à cela, comme à chaque présidentielle dans ce pays, une sorte de résurgence maladive du mythe national, d’autisme collectif qui se figure une France qui n’a jamais existé ».
Pas la peine de s’attarder sur les Macron, Fillon, Le Pen, qui représentent grossièrement la droite, la fraction sociale des zombifiés, pour lesquels on ne peut plus grand-chose. Attardons-nous sur le cas de Jean-Luc Mélenchon, parce qu’il incarnait, lors de cette élection, le principal candidat de la gauche naïve, celle qui fantasme encore. De la gauche qui espère, qui croit toujours aux institutions établies, qui pense qu’il est possible de perturber les plans de la corporatocratie mondiale à l’aide de ce qu’elle perçoit toujours et encore, à tort, comme un outil de contrôle populaire, tandis qu’en réalité c’est elle que cet outil sert à contrôler. Le vote à l’élection présidentielle, en tant qu’illusion de participation et de décision réelle de ceux qui votent vis-à-vis de la politique du pays où ils vivent, en tant qu’alibi faussement démocratique, garantit encore la paix sociale, et permet aux véritables dirigeants de nos sociétés industrielles de continuer à manœuvrer comme bon leur semble.
Dans leur entretien pour Le Monde, Julien Coupat et Mathieu Burnel ajoutaient, à propos du candidat des « insoumis », que : « Jean-Luc Mélenchon n’est rien, ayant tout été, y compris lambertiste. Il n’est que la surface de projection d’une certaine impuissance de gauche face au cours du monde. Le phénomène Mélenchon relève d’un accès de crédulité désespéré. Nous avons les expériences de Syriza en Grèce ou d’Ada Colau à la mairie de Barcelone pour savoir que la « gauche radicale «, une fois installée au pouvoir, ne peut rien. Il n’y a pas de révolution qui puisse être impulsée depuis le sommet de l’État. Moins encore dans cette époque, où les États sont submergés, que dans aucune autre avant nous. Tous les espoirs placés en Mélenchon ont vocation à être déçus. […] La virulence même des mélenchonistes atteste suffisamment de leur besoin de se convaincre de ce qu’ils savent être un mensonge. On ne cherche tant à convertir qu’à ce à quoi l’on n’est pas sûr de croire ».
Mais la gauche qui vote Mélenchon n’est pas simplement naïve parce qu’elle croit encore au vote. Le fait qu’elle croie au vote n’est que la partie émergée de l’iceberg des fantasmes auxquels elle adhère encore — à l’instar du reste de l’électorat —, implicitement et insidieusement colportés par la culture dominante, qui en pétrit chaque enfant depuis l’école primaire.
Une bonne partie de la gauche qui vote Mélenchon croit, comme lui, encore dur comme fer au « progrès », au bien-fondé du délire technologique et expansionniste de nos sociétés industrielles. Mélenchon, rappelons-le, souhaite que l’industrie du jeu vidéo « devienne une industrie de pointe de la patrie », il soutient cette catastrophe programmée qu’est l’école numérique (« Il faut que nos jeunes à l’école apprennent le vocabulaire de la technique du numérique comme on a appris la grammaire hier, parce que c’est la langue de demain. Il faut qu’ils apprennent les techniques qui permettent au numérique de fonctionner »), il célèbre la conquête spatiale (« si nous voulons continuer à occuper les orbites basses autour de la Terre… ») et son « économie de l’espace », et se félicite du fait que la France possède le deuxième territoire maritime du monde (« Nous avons de l’or bleu entre les mains »), par lequel sera possible « l’expansion des Français », puisque « nous pourrons être les premiers, par notre science, notre technique à la fois » à découvrir, à « mettre au point les machines qui produisent de l’énergie grâce au mouvement de la mer, qui est gratuit et infini aussi longtemps que la lune sera là ». Le plus insensé et le plus ridicule, c’est qu’ainsi Mélenchon se permet, en plus de promouvoir un industrialisme vert oxymorique, et afin de surfer sur la nouvelle vague des préoccupations écologiques désormais officielles, d’associer l’idée de « décroissance » avec des velléités expansionnistes et développementistes.
Les promesses de Mélenchon d’un avenir écologique ET industriel, hautement technologique ET démocratique, sont à rapprocher de celles d’Al Gore, ou encore de la propagande que l’on retrouve dans le dernier film documentaire de Leonardo DiCaprio (« Avant le déluge »). Tous sont les fervents promoteurs d’un concept absurde, celui du « développement durable » — rebaptisé « règle verte » dans le camp de Mélenchon, par souci d’originalité — dont on sait depuis déjà 40 ans qu’il n’est qu’une mascarade rhétorique permettant à la société industrielle de justifier sa fuite en avant, à l’aide d’une garantie selon laquelle ça ira mieux demain (grâce au progrès technologique, à la science, grâce aux éoliennes, aux hydroliennes, aux panneaux solaires, aux incinérateurs de biomasse — qui sont étonnamment moins mis en avant, bien que constituant la première source d’énergie renouvelable en Europe —, aux voitures électriques, et aux ampoules basse consommation).
Des foutaises, bien évidemment. Il y a plus d’un siècle, des discours similaires étaient déjà tenus, qui promettaient les mêmes stupidités — qui vantaient pareillement les mérites de l’innovation technologique, des machines, et du progrès, présenté comme le salut de l’humanité —, dont on a pu, ou dont on aurait dû, depuis longtemps, constater qu’elles n’étaient que mensonges. Yves Guyot, journaliste, économiste et partisan du libre-échange, en 1867 : « L’invention détruira l’effort et donnera la satisfaction ; les intérêts opposés deviendront harmoniques ; à l’utilité onéreuse succédera l’utilité gratuite. C’est la machine qui a détruit l’esclavage ; ce sera elle qui détruira le prolétariat. Là est la loi du progrès ». 150 ans après, le fantôme de Pepper de Mélenchon (le soi-disant hologramme qui n’en est pas un) profère toujours les mêmes balivernes. Et pourtant, 150 ans après, l’état de la planète, pire que jamais, ne cesse d’empirer, à l’image des inégalités sociales. D’ailleurs, les campagnes électorales virtuelles à coups « d’hologrammes », de vidéos YouTube et de Tweets en masse feraient presque oublier les impacts écologiques désastreux des « nouvelles technologies » et l’exploitation de dizaines de millions de prolétaires chinoises qui pourraient vous en dire un bout sur la soi-disant « nouvelle économie immatérielle ».
Il n’est pas possible de tout avoir. Le « développement durable » détruit la planète aussi sûrement que le développement tout court. Les seuls « progrès » observables sont ceux de l’aliénation du monde naturel et de sa dégradation, toujours plus poussés, ainsi que de la dépendance toujours accrue à la machine industrielle et à ses infrastructures. Non, il n’est pas possible d’allier industrialisme et écologie, pas plus qu’une société qui dépasse une certaine taille, humaine, et donc relativement petite, ne peut être démocratique.
Les élections présidentielles de 2017 nous rappellent simplement ce qu’on savait déjà, à savoir que l’immense majorité des Français — les mélenchonistes, comme les autres — demeure hypnotisée par les illusions progressistes d’une civilisation destructrice (et suicidaire) mondialisée, qui « n’est plus qu’un véhicule gigantesque, lancé sur une voie à sens unique, à une vitesse sans cesse accélérée. Ce véhicule ne possède malheureusement ni volant, ni frein, et le conducteur n’a d’autres ressources que d’appuyer sans cesse sur la pédale d’accélération, tandis que, grisé par la vitesse et fasciné par la machine, il a totalement oublié quel peut être le but du voyage », pour reprendre Lewis Mumford. Et effectivement, depuis la perspective anti-industrielle, anti-civilisation, qui est là nôtre, et pour paraphraser Mumford, nous nous trouvons face à un léviathan-machine en expansion continue depuis des siècles, enserrant désormais la planète entière de ses tentacules corrosives, n’ayant aucunement (ou si peu) conscience de son caractère destructeur, incapable de changer de trajectoire, et même de freiner. Mumford encore : « Assez curieusement on appelle progrès, liberté, victoire de l’homme sur la nature, cette soumission totale et sans espoir de l’humanité aux rouages économiques et techniques dont elle s’est dotée ».
Bien sûr, la réalisation de ce que toutes ces prétentions de progrès et ces promesses d’embellies sont autant de mensonges et d’illusions est particulièrement dérangeante. Ce qu’elle implique requiert infiniment plus que de simples ajustements techniques, que de simples réformes sociales. Elle nous enseigne que la majeure partie de l’humanité fait fausse route depuis un certain temps. Il y a plus de 120 ans, Gustave Le Bon constatait déjà lucidement, dans son livre « La psychologie des foules », que
« Depuis l’aurore des civilisations les foules ont toujours subi l’influence des illusions. C’est aux créateurs d’illusions qu’elles ont élevé le plus de temples, de statues et d’autels. Illusions religieuses jadis, illusions philosophiques et sociales aujourd’hui, on retrouve toujours ces formidables souveraines à la tête de toutes les civilisations qui ont successivement fleuri sur notre planète. C’est en leur nom que se sont édifiés les temples de la Chaldée et de l’Égypte, les édifices religieux du moyen âge, que l’Europe entière a été bouleversée il y a un siècle, et il n’est pas une seule de nos conceptions artistiques, politiques ou sociales qui ne porte leur puissante empreinte. […] L’illusion sociale règne aujourd’hui sur toutes les ruines amoncelées du passé, et l’avenir lui appartient. Les foules n’ont jamais eu soif de vérités. Devant les évidences qui leur déplaisent, elles se détournent, préférant déifier l’erreur, si l’erreur les séduit. Qui sait les illusionner est aisément leur maître ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime. »
La civilisation (industrielle) est incapable de se corriger. Elle ne changera pas, d’elle-même, de trajectoire. Elle ne cessera de nuire qu’une fois entièrement effondrée. Et cela dépend de nous, et de vous.
Nico
Bon, c’est bien tout ça, je suis d’accord avec votre analyse. Mais concrètement aucun parti politique ne viendra la soutenir, aucun ne préviendra les catastrophe à venir, aucun n’apportera les changements civilisationnels nécessaires. Alors, en attendant que l’effondrement vienne nous forcer la main, vaut il mieux vivre avec Mélenchon ou avec Macron/Fillon/LePen ? Je pense qu’avec le premier, la falaise d’où nous tomberons sera un peu moins haute, nous serons un poil mieux préparés.
Eh bien, si vous pensez qu’avec Mélenchon, « la falaise d’où nous tomberons sera un peu moins haute, nous serons un poil mieux préparés », alors vous n’êtes pas d’accord avec notre analyse. On s’échine à faire remarquer que son programme vise aussi à continuer tout ce qui pose problème, avez-vous remarqué ?
Article très intéressant mais pas vraiment agréable, du moins en ce qui me concerne. Il n’est pas agréable car il me projette inévitablement dans une zone d’inconfort(matériel et immatériel). Le fait d’imaginer une société désindustrialisée vient en confrontation directe de l’idée qu’on nous met dans la crane depuis la naissance qui est que notre confort actuel est dut aux innovations technologiques qui sont elles-mêmes dépendantes des innovations technologiques passées et produites à grande échelle afin de les rentabiliser. Donc il me semble que si l’on arrête l’industrie, on arrête le progrès et de facto on réduit le confort et son accessibilité aux plus grand nombre, ce qui n’engagera probablement pas grand monde vers une réflexion en ce sens. Je suis en train de me rendre compte que j’ai beaucoup de mal à imaginer une société ne fonctionnant pas sur un modèle industriel, on peut dire qu’ils ont bien fait le boulot.
Au moins, avec le pire du pire, on aura peut-être moins à attendre.
Un « grand soir », ça peut être tellement pénible avant une douce et tendre nuit. La drogue extrème ou l’extrème drogue, depuis quelques années d’échantillons gratuits, y a que ça de vrai : on sait ou on va, pas de suprises, ça cogne (et ce sera de la salubrité) ou ça nous laissera toujours du temps et de l’énergie pour nous préparer au déclin.
😉
Vos articles sont intéressants et défendent un point de vue atypique et radical. Je ne vais pas défendre Mélenchon ici, votre critique est juste.
Cependant, n’est-ce pas un peu catégorique de disqualifier toute société industrielle ? Soyons clairs, la société industrielle dans laquelle nous vivons nous mène tout droit à l’abîme comme en témoignent toutes les catastrophes écologiques en cours, je ne conteste pas ce point évidemment.
Mais n’est-il pas possible d’imaginer une société industrielle raisonnée, je veux dire débarrassée de la pulsion consumériste propre au capitalisme ? Admettons que l’on mette en place une telle société hors du cadre capitaliste, il serait tout de même bienvenu de disposer d’une industrie (locale et à petite échelle) pour par exemple assembler des vélos ? Fabriquer des verres ?
Oui. Mais, dans ce cas, vous redonnez à « industrie » son sens ancien, qui se rapproche de l’artisanat. Ce qui est complètement passé sous silence aujourd’hui, dans le mainstream, et dans les discussions sur la démocratie (et sur l’écologie) c’est la critique de la technique. Une société « high-tech » démocratique, très franchement, par définition, par essence, c’est très difficilement concevable. Impossible. Une contradiction dans les termes. Les hautes technologies requièrent une spécialisation poussée, une hiérarchie sociale importante, etc. Donc, pour en revenir à l’idée d’une petite industrie, locale et à petite échelle, oui, et donc low-tech. Et donc appelons-la artisanat pour faire la distinction d’avec le sens moderne d’industrie (qui sous-entend et implique grande échelle, spécialisation, division, etc.).
Oui, une industrie « low-tech » qu’on appellerait alors artisanat est une vision convaincante. Effectivement, la critique de la technique, pourtant fondamentale lorsqu’on parle d’écologie est la grande absente des débats.
Je également suis d’accord pour dire qu’une société « High-tech » est forcément inégalitaire du fait des spécialisations poussées qu’elle implique. Pour autant, elle ne serait pas forcément antidémocratique il me semble : on pourrait imaginer des collectifs de productions où chacun effectue une tâche spécialisé avec un salaire différent tout en disposant d’un doit de regard / vote sur toutes les décisions stratégiques ou économique à prendre. Je ne dis pas que ce soit souhaitable, je préfère sans hésitation l’idée d’une société « low-tech », c’est juste une remarque.
En tous points d’accord avec votre analyse. Le 26 avril dernier, j’envoyais ce texte en commentaire sur le site de Fabrice Nicolino, Planète sans visa :
Le grand vainqueur de ces élections porte un nom : l’illusion. Il faut croire qu’elle est tenace. Nous nous y accrochons comme le naufragé se tient à l’ancre de son navire en perdition, et finit par être emporté avec elle dans le fond des abîmes.
Cette fois, ça va changer, une nouvelle tête à l’Elysée et vous allez voir, en attendant, place au spectacle, divertissement garanti, esclandres et suspenses assurés, le meilleur en boucle, en hologrammes autant de fois qu’il est possible.
On pourrait en rire, d’ailleurs cela arrive, même si ce rire étrangle, parce que très vite, la catastrophe revient hanter la conscience, parce que ce qui se dit est d’une telle insignifiance face aux enjeux, que la sidération laisse sans voix – et, pour ma part, sans voix à donner à auncun(e) prétendant(e) au pouvoir d’Etat.
Dans ces débats tronqués, ce qui fait de nous des vivants sur une terre habitable, devient accessoire. La beauté, les êtres sensibles, le miracle qu’est la vie, plus rien n’a vraiment d’importance. Priorité à la relance, à la science et à la technique, aux innovations numériques, à l’industrialisation du monde, à sa marchandisation, à la croissance, à la conquête de nouveaux espaces : le ciel, la mer, la réalité et l’humanité augmentées… Le transhumanisme rebaptisé « L’humain d’abord » par certains, il fallait oser !
Surtout, ne jamais parler de limites. Ne pas mettre en question notre mode de vie. Il n’est pas négociable. Mais pas d’inquiétude, le grand défi écologique sera relevé, grâce à la transition, la planification, peu importe le nom qu’on lui donne. Il sera remporté grâce à ce qui, précisément, détruit le monde : l’imaginaire prométhéen, la fuite en avant technologique, industrielle, consumériste, technocratique… On peut toujours appeler à la rescousse les énergies dites renouvelables pour assouvir cette croissance sans limite et se payer une image d’écolo. C’est vraiment se payer la tête du monde, pour rester poli. Le numérique, pour ne prendre que cet exemple, demande des terres rares qui finiront par manquer. Sans parler des ressources énergétiques exponentielles consommées par ces technologies, des déchets toxiques, des mines empoisonnant les sols et les nappes, des ondes nocives, des esclaves des bagnes industriels, des matériaux nécessaires à la fabrication des éoliennes, des panneaux photovoltaïques…
A ce stade, ce n’est plus de la contradiction, mais de la schizophrénie. Le déni est en passe de devenir de la forclusion.
Non seulement, l’impuissance du politique est devenue massive, mais en plus, aux maux qui rongent nos sociétés, il en ajoute un autre : le leurre. Les élections ne sont rien d’autre qu’un jeu de dupes, un troc tacite : notre consentement contre une dose d’illusions.
En ce sens, le politique ne fait guère que suivre – tout en la précédant aussi, hélas – la grande masse que nous sommes, et qui n’a pas vraiment envie de prendre la mesure du désastre, et encore moins des changements qui nous incombent pour y faire face. Autant déléguer à d’autres le soin de faire – ou plutôt de ne pas faire – à notre place et, quand l’heure du désenchantement aura sonné, les remplacer par de nouveaux illusionnistes. Et comme il faut donner envie d’y croire, le spectacle de cirque nous sera offert, dissimulant bien mal les batailles d’égos, les calculs misérables, les enjeux futiles. Et, s’il le faut, nous faire peur, pour mieux nous faire adhérer et pour faire diversion.
Pendant ce temps, le saccage en règle peut continuer, les espèces peuvent s’éteindre une à une, les plus pauvres succomber la faim au ventre, le chaos climatique rendre inhabitable des régions entières, l’eau des rivières et de la mer mourir tout comme les terres agricoles.
Je sens venir la question : Et toi, tu proposes quoi ? Concrètement ? Quelles mesures, quels moyens, quelles échéances ?
Je n’ai pas de programme, et encore moins de groupies et d’hologramme. Je n’ai qu’une modeste intuition. Ce qui nous incombe, c’est de reprendre possession de nos imaginaires, sans calculs, sans attente. La bataille à mener est avant tout celle des idées et de la langue. D’elle seule pourra venir un soulèvement des cœurs et des actes en conscience. Nous avons à conquérir quelque chose de beaucoup plus vaste que l’espace, les océans ou la technologie : l’autonomie de notre pensée, de nos savoirs et de nos vies.
Excellent, merci.
Bonsoir votre analyse est très intéressante ! Avez-vous un blog ou un compte facebook ?
Bien amicalement
Françoise condamin lhermet
Françoise,
Merci pour votre mot.
Je n’ai ni blog, ni compte Facebook, ni smartphone… J’entretiens avec la technologie un rapport litigieux. J’essaie de m’en passer, sans y parvenir entièrement. Je sais pourtant les destructions massives auxquelles elle participe, ainsi que les dépendances qu’elle entretient. J’ai passé l’âge de la tenir pour neutre. Elle s’insère dans un système technicien nuisible à mes yeux, quels que soient nos « bons usages » inséparables du pire. Mais bon, c’est un sujet qui mériterait de nombreux développements dont ce site s’est largement fait l’écho, du reste.
Bien à vous.
Si je puis me permettre, s’en passer, à part être très fier de soi, ça apporte moins que l’utiliser à des fins militantes. L’injonction de l’ermite qui doit être pur et ne pas utiliser les hautes technologies pour légitimement les critiquer est une absurdité enfantine. Et impossible. J’aime beaucoup les quelques textes de votre plume que j’ai lus sur le site de Nicolino. Continuez.
Je suis d’accord avec vous mais il y a tout de même une chose positive dans le programme de Mélenchon c’est la conversion de l’agriculture pour une agriculture biologique locale . L’agriculture et l’industrie agroalimentaire représentent une tres grande part des émissions de CO2 , et manger est tout de même notre besoins de base . Si on revenait à une agriculture paysanne bio , on aurait déjà bien progressé . Pour l’industrie , il me semble que le manque de pétrole provoquera la fin de l’industrie telle que nous la connaissons . La fin du pétrole provoquera aussi la fin des engrais chimiques et pesticides et il faut s’y préparer longtemps avant .
Nathalie Peters, le mieux est l’ennemi du bien. C’est l’agriculture bio et locales des âges passés qui nous a fait déforester 80% de la France. Ne pas remettre en question l’agriculture toute entière, c’est ne pas affronter le fait qu’elle est un modèle suicidaire (qui a d’ailleurs poussé plusieurs civilisations à disparaitre) : un groupe vivant d’agriculture a un taux de natalité élevé, ce qui induit que tôt ou tard, il fera face à deux problèmes : des famines et une expansion nécessaire de son territoire pour nourrir toutes les bouches, ce qui ne fera que repousser et aggraver le problème, sans compter la destruction des territoires sauvages que ça induit.
L’article ainsi que les commentaires sont des plus intéressants… mais, aboutissent à une impasse. Chacun prend le problème selon ses propres sensibilités, c’est normal et il en est tjr ainsi : l’un explicite très bien l’insensé de nos « progrès » divers qui n’ont fait que nous amener à un monde devenu invivable ; l’autre nous explique tout aussi bien l’absurdité d’une économie « high-tech » au profit d’une économie « low-tech » ; et la question de l’agriculture dévastatrice est tout aussi bien exposée…
on pourrait ainsi continuer à pointer les dysfonctionnements multiples qui nous ont menés à l’inéluctable où nous sommes auj’hui… et d’une certaine manière, continuer (pour certains en tt cas) à tourner en rond psq chaque approche paraît perspicace, justifiée et correcte…
sauf à nous poser la seule question qui me semble oubliée ou non abordée (consciemment ou non?) à travers ces propos, et qui n’est autre que : le sens de la vie…
passer son temps à énumérer les multiples raisons qui font que l’issue de ce que l’on voit se mettre en place sous nos yeux ne peut être que fatale, n’est à mes yeux que le premier pas qui devrait nous mener à poursuivre la réflexion et avoir le courage de regarder les choses bien en face… pour parvenir à une analyse froide et détachée, mais lucide de tout ce qui a mené l’espèce humaine là où elle est… et qui devrait dès lors nous éclairer définitivement quant à la réponse à donner à cette question fondamentale d’entre toutes…
pour ma part, j’en suis arrivé à la conclusion suivante : la vie (en elle-même) n’a aucun sens… et probablement que de manière svt inconsciente, nous le percevons, mais avons bcp de difficulté à l’admettre… raison pour laquelle chacun d’entre nous tente désespérément de lui en donner un, en fonction de ses propres intérêts (ou sensibilités si le mot « intérêts » est tendancieux pour certains)…
et il y a matière à lui en donner… que ce soit à travers l’amour, l’art, l’imagination, la création, l’entraide, la solidarité, l’observation de la nature, bref… il ne manque pas de cause ou de raison de donner du sens à la vie qui nous est tombée dessus (ou dans laquelle nous sommes tombés) sans qu’on lui demande rien… mais, fondamentalement, partir du non-sens de la vie permettrait sans doute de ne pas nous tromper sur les voies à emprunter pour tenter d’en corriger les dérives actuelles…
à l’inverse, penser qu’elle aurait un sens (ce que l’on nous assure depuis le berceau, et quelles que soient les cultures dans lesquelles nous grandissons) ne peut mener qu’aux catastrophes auxquelles nous assistons et qui vont sans doute se multiplier et s’accélérer vu nos « progrès technologiques » et la surpopulation d’une espèce dont l’espace vital est à court terme, condamné…
il semble donc que nous nous trompions depuis le départ (sinon et en tte logique, nous n’en serions pas là où nous en sommes!)
en d’autres mots, oui nous sommes condamnés (je parle de l’espèce humaine) mais de ttes façons, dès la naissance, nous le sommes par le principe même de cette vie dont la seule issue est la mort, alors… en soi, ce n’est rien de grave, c’est juste absurde, ce qui me fait penser que la vie en soi n’a vrmt aucun sens…!
et ce qui me fait sourire quand j’entends la plupart parlant de « sauver la planète »… qui se gausse de l’espèce humaine, ayant tourné sans elle au départ et continuant à tourner après elle, quitte à mettre qqs millions d’années pour nettoyer ce que nous lui aurons laissé comme héritage pollué…
AUCUN SENS, vous dis-je…!
A mon sens, au contraire, LA vie (le monde vivant) a un sens : celui de l’évolution. Bien que ce sens ne soit pas linéaire, l’évolution des vies peut guider la notre, individuellement. Nous pouvons accepter la place qu’elle nous a donné pour être en paix avec nous même face à cette apparente ineptie, ce semblant de sens infinis. Et nous devons respecter ses règles pour tacher de donner une chance à d’autres après nous de ressentir à leurs tours ce que nos sens peuvent nous procurer.