Le Petit manuel de résistance contemporaine de Cyril Dion, paru en 2018 chez Actes Sud, ayant apparemment été vendu à plus de 100 000 exemplaires (hip hip hip, hourra), une nouvelle édition est sortie en octobre 2021, (mal) revue et augmentée. En voici un extrait que je me propose, ensuite (plus bas), de commenter.
En 2016, j’ai été durement interpellé par des membres de la DGR m’accusant de promouvoir de “fausses solutions” parce que nous vantions les énergies renouvelables dans Demain. Ce qui peut se comprendre. Car, comme beaucoup d’écologistes, nous avions tendance à laisser supposer que ces énergies sont “propres”. Or, si les sources d’énergie sont renouvelables (le vent, le soleil, l’eau, la biomasse), les technologies, elles, ne le sont pas. Pas plus que celles de l’internet, des smartphones, des ordinateurs… Même si elles ont fait d’incontestables progrès, elles demandent encore l’utilisation de métaux, de matériaux que nous continuons d’extraire de la croûte terrestre, à une vitesse folle, laissant derrière nous des es dévastées et des êtres humains exploités. Ces technologies demandent de produire des objets, des installations qui détruisent les espaces naturels ou empiètent sur eux. Des barrages surdimensionnés peuvent provoquer de terrible catastrophes écologiques comme celle qui a eu lieu au Brésil en 2015[1], exproprier des peuplades perturber des écosystèmes… En réalité, la quasi-totalité des activités humaines a un impact sur la biosphère. La véritable question que posait cette interpellation (et que pose le débat entre écologistes radicaux et écologistes plus modérés) est : devons-nous chercher à minimiser le plus possible l’impact de ces activités ou devons-nous les arrêter ? Les énergies renouvelables sont certainement à ce jour l’une des moins mauvaises manières de produire de l’énergie, comparées aux fossiles et aux fissiles[2]. Mais, si nous ne pouvons produire de l’énergie sans détruire, devons-nous continuer à le faire ? Devons-nous continuer à vivre avec de l’électricité ? Avec des moyens de locomotion nécessitant des infrastructures telles que des routes ou des rails ? Devons-nous continuer à vivre dans des villes ? Prenons l’exemple de la technologie. Dans une société soutenable, quelle serait la limite entre high-tech et low-tech ? Devons-nous tout jeter avec l’eau du bain et ne garder que des low-tech comme le suggère nombreux écologistes radicaux ? Plus de scanners pour dépister les cancers ? Plus d’ordinateurs ? Plus d’internet ? Plus d’usines ? Est-ce que, comme l’a écrit Nicolas Casaux, de la Deep Green Résistance : “Les seuls exemples de sociétés humaines véritablement soutenables que nous connaissons appartiennent à cette catégorie des sociétés non industrialisées, non civilisées[3]” ? C’est une idée extrême mais qui peut s’entendre si l’on adopte son point de vue. Si les activités industrielles pratiquées par la civilisation dominante sur cette planète conduisent à des destructions (infrastructures, bâtiments, production d’énergie, agriculture, réseaux de communication, etc.), nous pourrions tout à fait considérer, dans une approche antispéciste, que c’est inacceptable. Les êtres humains dans leur version occidentale colonisent et détruisent des espaces que l’on pourrait considérer comme dévolus à d’autres espèces. De ce point de vue, les peuples indigènes d’Amazonie, du Chili, d’Australie ou d’Inde seraient les seuls groupes humains dont le mode de vie peut nous inspirer et perdurer. Faut-il pour autant abandonner tout ce que nous avons construit et nous réenchâsser dans la nature à la manière des peuples premiers ? Les plantes et les animaux auraient à nouveau l’espace de s’épanouir mais qu’en serait-il pour les humains ? Voilà une question philosophique à laquelle il nous sera difficile de répondre tant nous avons passé de siècles à considérer notre domination sur le reste du monde naturel comme acquise. Et tant la remise en question de cette position nous ferait perdre tout ce que des siècles de civilisation et particulièrement l’ère industrielle ont apporté comme confort à l’Occident, quasi unanimement considéré comme un gain, un progrès, inaliénable[4].
“Est-il réalisable ?” me paraît une question plus à notre portée [la jonction entre cette phrase et ce qui précède est impropre, on ne comprend pas à quoi renvoie le « il » dans cette question]. Car le temps joue contre nous.
Certains partisans de la DGR ou certains collapsologues vous diront que oui. L’effondrement qui vient va balayer notre système industriel et capitaliste. Il nous mettra dans l’obligation de nous réorganiser sans toute cette panoplie de démiurge. Ainsi, la planète pourra reprendre vie. Mais laisser se produire cet effondrement signifiera aussi la mort de centaines de millions de gens, de milliards peut-être. Ce ne seront ni les plus riches, ni les premiers responsables de la situation. Ce seront les plus fragiles. Comment prétendre avoir de l’empathie pour les plantes et les animaux et accepter cela ? Personnellement, je ne peux m’y résoudre. Je pense donc qu’il faut tout faire pour l’éviter ou, si ce n’est pas possible, amortir le choc au maximum.
Lorsque Jensen écrit : “Nous pouvons suivre l’exemple de ceux qui nous rappellent que le rôle d’un activiste n’est pas de naviguer dans les méandres des systèmes d’oppression avec autant d’intégrité que possible, mais bien d’affronter et de faire tomber ces systèmes[5]”, il pointe du doigt le nœud du problème. Pour faire tomber ou muter des systèmes, il est nécessaire de faire coopérer des millions de personnes. Et, comme nous allons le voir, la meilleure façon d’y parvenir est de construire un nouveau récit. Or, il me semble qu’un récit proposant de retourner vivre dans la forêt après avoir démantelé la société industrielle a peu de chances de soulever les foules. Pour autant, ce débat nous permet de nous poser la bonne question.
Cyril Dion
- La rupture de deux barrages miniers a libéré des dizaines de milliers de mètres cubes de boue polluée dans le Minas Gérais. La coulée a ensuite frayé son chemin vers l’océan, provoquant un désastre sur les écosystèmes : reporterre.net/Le-Bresil-frappe-par-la-pire-catastrophe-ecologique-de-son-histoire. ↑
- Bien que cette assertion soit elle-même sujette à débat. Lire notamment La Guerre des métaux rares — la face cachée de la transition économique et numérique, de Guillaume Pitron, Les Liens qui Libèrent, 2018, ou L’Âge des low-tech de Philippe Bihouix, Seuil, 2014. ↑
- “Non, l’humanité n’a pas toujours détruit l’environnement”, Reporterre, 3 octobre 2018 : https://reporterre.net/Non-l-humanite-n-a-pas-toujours-detruit-l-environnement ↑
- En réalité, cette question en pose une autre, encore plus importante : l’être humain, fort de sa spécificité, a‑t-il un rôle particulier à jouer dans la partition de notre écosystème Terre ? Si oui, lequel ? ↑
- « Oubliez les douches courtes » : https://www.partage-le.com/2015/03/26/oubliez-les-douches-courtes-derrick-jensen/ ↑
Ayant déjà longuement écrit tout le bien que je pensais de Cyril Dion (ici, là, ou encore ici), j’essaierai d’aller à l’essentiel.
1. La première chose qu’il me semble important de remarquer, c’est que Cyril Dion est confus. Très souvent, sinon la plupart du temps, ses propos sont incohérents. Exemple. Nous lui avons fait remarquer que toutes les industries étaient nuisibles pour la biosphère, y compris celles de production d’énergie dite renouvelable, verte, propre ou décarbonée. Il le concède, mais déclare alors que « la quasi-totalité des activités humaines a un impact sur la biosphère ». Oui, certes, toute activité (humaine ou non-humaine, d’ailleurs) a un impact sur la biosphère : positif, négatif ou neutre. Mais non. Nous ne parlions pas de cela. Nous parlions expressément d’impacts négatifs. En la matière, il serait absurde (faux) d’incriminer « la quasi-totalité des activités humaines ». Le problème, ce ne sont pas les « activités humaines », mais les activités industrielles. La totalité des activités industrielles ont un impact négatif sur la biosphère.
2. Cyril Dion me cite : « Est-ce que, comme l’a écrit Nicolas Casaux, de la Deep Green Résistance : “Les seuls exemples de sociétés humaines véritablement soutenables que nous connaissons appartiennent à cette catégorie des sociétés non industrialisées, non civilisées” ? » Plutôt que répondre à sa question, plutôt que de nous dire s’il estime que mon affirmation est juste ou non, il choisit de botter en touche, façon postmoderne : « C’est une idée extrême mais qui peut s’entendre si l’on adopte son point de vue. » Il n’y a pas de vérité, seulement des points de vue. Mon « idée extrême » est apparemment juste d’un certain point de vue. Cela signifie-t-il qu’elle est fausse d’un (ou plusieurs) autre(s) ? Nous ne le saurons pas.
3. Cyril Dion omet de discuter un pan majeur de notre position. Il suggère que si nous sommes opposés aux technologies modernes, c’est uniquement pour la raison qu’elles nuisent à la biosphère. Or il y a plus. Nous nous y opposons également parce que les technologies modernes (industrielles) sont intrinsèquement autoritaires. Mais le lien entre technologie et politique, les implications sociales et matérielles inhérentes à tout artefact, ce sont là des sujets que Cyril Dion et ses épigones ignorent largement.
4. Cyril Dion résume ainsi le désaccord entre écologistes « radicaux » et « plus modérés » : « La véritable question que posait cette interpellation (et que pose le débat entre écologistes radicaux et écologistes plus modérés) est : devons-nous chercher à minimiser le plus possible l’impact de ces activités [celles qui nuisent à l’écosphère] ou devons-nous les arrêter ? » Les écologistes radicaux (nous), sont celles et ceux qui se prononcent en faveur de l’arrêt de toutes les pratiques destructrices de la nature (du démantèlement complet du monde industriel). Les écologistes « plus modérés » sont celles et ceux qui se prononcent en faveur de la continuation (d’une partie, au moins) de ces pratiques, en espérant qu’elles deviendront moins nuisibles avec le temps et le « progrès technique ».
Dans un article pour Reporterre, Dion déclare qu’un de ses principaux objectifs consiste à « conserver le meilleur de ce que la civilisation nous a permis de développer », qui comprend notamment « la capacité de communiquer avec l’ensemble de la planète », principalement au travers de l’Internet, cette « incroyable innovation permettant de relier l’humanité comme jamais précédemment » — selon lui le « web et les outils numériques pourraient nous aider à réinventer nos sociétés […] » (Petit manuel de résistance contemporaine).
C’est ainsi que Cyril Dion défend l’« écologie industrielle » de son amie Isabelle Delannoy, dont le livre L’Économie symbiotique a été publié chez Actes Sud dans la collection qu’il gère. & voici le « grand récit » de Delannoy, tel que Dion le présente (tenez-vous bien, ça décoiffe) :
« L’économie symbiotique d’Isabelle Delannoy imagine une société où nous parviendrions à potentialiser la symbiose entre l’intelligence humaine (capable d’analyser scientifiquement, d’organiser, de conceptualiser), les outils (manuels, thermiques, électriques, numériques…) et les écosystèmes naturels (capables d’accomplir par eux-mêmes nombre de choses extraordinaires). […] Le récit d’Isabelle Delannoy reprend et articule de nombreuses propositions portées par les tenants de l’économie du partage, de la fonctionnalité, circulaire, bleue, de l’écolonomie… » (Petit manuel de résistance contemporaine)
Un best-of des illusions et des mensonges verts, en somme. (Pour une critique plus détaillée de l’indécent baratin d’Isabelle Delannoy, de son « économie symbiotique », voir ici ou encore là).
En écologiste « plus modéré », face aux extrémistes qui — les fous ! — veulent carrément arrêter de détruire le monde, stopper les activités destructrices, Cyril Dion se prononce donc en faveur de la continuation de la civilisation industrielle capitaliste — en occultant les problèmes politiques et sociaux que pose le développement technologique, et en imaginant (espérant) que celui-ci deviendra plus soutenable, durable, vert, propre ou décarboné avec le temps (et le progrès).
Tout laisse à penser que cette perspective, à la fois absurde et complètement illusoire, s’avère également dangereuse, nuisible à bien des égards. Non seulement le capitalisme technologique ne deviendra jamais vert, propre ou écologique, mais en outre, au jour le jour, on constate que le développement industriel (et donc le ravage du monde) se poursuit y compris, désormais, sous couvert d’écologie : constructions de centrales photovoltaïques, à biomasse, éoliennes, de barrages, de centrales nucléaires, etc. Une production d’énergie mensongèrement dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée s’ajoute à celle qui n’est officiellement pas verte, pas propre, pas renouvelable (énergies fossiles), dans le but d’alimenter des machines n’ayant elles-mêmes rien de propre, vert, etc. (mais qu’on nous présente aussi comme propres ou vertes, pour certaines d’entre elles, comme les voitures électriques). Et cela avec la bénédiction de ces « écologistes ».
5. Cyril Dion prétend que DGR préconise « de retourner vivre dans la forêt après avoir démantelé la société industrielle ». Il s’agit évidemment d’une sympathique caricature. DGR ne préconise pas ça. Nous ne disons pas que nous devrions tous redevenir des chasseurs-cueilleurs. Seulement que nous devrions démanteler la civilisation industrielle, oui, et (re)constituer des sociétés aux modes de vie soutenables et égalitaires. Il n’y a pas un seul mode de vie soutenable pour l’être humain. La chasse-cueillette n’est pas l’unique option. Des petites sociétés agraires soutenables, il y en a eu. Et d’autres, des sociétés plutôt basées sur la pêche, etc. En outre, beaucoup de peuples dits chasseurs-cueilleurs recouraient à d’autres techniques de subsistance, de l’horticulture, un peu d’élevage, etc. Bref, une affirmation moitié vraie, moitié homme de paille.
6. Enfin, sur l’effondrement, Dion prétend qu’il signifierait « la mort de centaines de millions de gens, de milliards peut-être » et que « ce ne seront ni les plus riches, ni les premiers responsables de la situation » qui en pâtiront, mais « les plus fragiles ». Une telle affirmation paraît extrêmement discutable. L’effondrement du capitalisme industriel, ainsi que nombre d’indigènes et de défenseurs des plus pauvres le remarquent (comme Vandana Shiva), pourrait au contraire être synonyme de libération. Il se pourrait bien que ce soit les plus fortunés, ceux qui se sont accaparés des montagnes de richesses en spoliant tous les autres, et plus généralement ceux qui ne savent plus produire leur propre subsistance, qui en pâtissent le plus. C’est quand on possède le plus que l’on a le plus à perdre. Élémentaire. L’idée selon laquelle il faudrait à tout prix éviter l’effondrement au motif qu’il nuirait d’abord ou avant tout aux plus pauvres ressemble étrangement à une idée que des riches auraient tout intérêt à propager. Et même si l’effondrement impliquait des nuisances pour les plus pauvres, quel autre choix ? Encourager la perpétuation de la civilisation industrielle, c’est-à-dire la poursuite de la destruction du monde ? Cela ne ferait que garantir un effondrement encore plus dramatique dans le futur.
Mais là encore, Cyril Dion est confus. D’un côté, « il faut tout faire » pour éviter l’effondrement, de l’autre il faut « amortir le choc au maximum » (plus loin il parle de « faire tomber ou muter des systèmes », comme si « faire tomber » et « muter », c’était du pareil au même). Deux idées relativement contradictoires. Tout faire pour éviter l’effondrement & amortir le choc au maximum, ce n’est pas la même chose. (Dans une splendide admission de son opportunisme, de sa démagogie, Cyril Dion écrit d’ailleurs, sans vergogne, choisir quel combat mener, quelle perspective défendre, en fonction de ses « chances de soulever les foules » (c’est-à-dire de ses chances de recevoir des subventions et de l’audience médiatique). Si votre combat a « peu de chances de soulever les foules », à quoi bon ?! Stratégiquement, c’est perdant. Nul. Zéro. Aucune chance qu’UGC, Orange Studio, etc., décident de le financer.)
Nous, qui nous prononçons en faveur de l’effondrement de la civilisation industrielle, sommes évidemment en faveur d’« amortir le choc au maximum ». Malheureusement — et en partie à cause des mécanismes qui font en sorte que les Cyril Dion du monde reçoivent des subventions de France Télévisions & Cie. pour réaliser leurs travaux et promouvoir leur idées — il y a très peu sinon aucune chance pour que l’effondrement (le démantèlement de la civilisation industrielle, la désindustrialisation, désurbanisation du monde, etc.) soit ordonné et volontairement et méthodiquement organisé par les classes ou les institutions dominantes. Autrement dit, si la civilisation industrielle doit être démolie, ce ne sera pas par choix.
Tout ceci est à dire que s’il est illusoire d’espérer que la civilisation se démantèle volontairement, et si sa continuation implique la perpétuation d’un abominable désastre social et écologique promettant de déboucher sur des catastrophes ultimes que personne ne tient à connaître, la seule option logique restante consiste à promouvoir une lutte active visant à précipiter son effondrement — en tout cas la paralysie ou l’arrêt de toutes ses pratiques écologiquement délétères.
Nicolas Casaux
Bonjour, je m’intéresse depuis peu à la compréhension des véritables enjeux écologiques, car je suis las des gens pour qui écologie rime avec tendances de consommation à partager sur Instagram. Cela me donne même envie de vomir. C’est donc tout naturellement je me retrouve sur votre site, très intéressant. Je suis globalement d’accord avec vos positions. J’ai quand même des questions :
— Ma principale question : dans le contexte d’un effondrement total du capitalisme industriel, quid des technologies liées à la santé ? Les gens ayant besoin de traitements, de médicaments ou de matériel médical sophistiqué, dépendant des technologies modernes et de moyens de productions avancés ? Sont-ils condamnés ? L’écologie n’est-elle réservées qu’aux individus sains ? Peut-on imaginer un schéma dans lequel tout s’effondre, sauf l’industrie médicale, bien évidemment décorrélée du capitalisme et accessible à tous ?
— Question plus philosophique : l’idée selon laquelle l’histoire de la terre, de manière extrêmement schématique, n’est que succession de chaînes alimentaires évoluant au fil des catastrophes naturelles et de l’évolution ; toujours dominées par une ou plusieurs espèces de super-prédateurs, très peu soucieux du sort de leurs proies. L’être humain, et notamment les mouvements écologistes, végans, etc… est la première espèce de super-prédateurs à faire preuve d’anthropomorphisme à l’égard de ses proies que sont les autres êtres vivants, animaux ou végétaux. Trois choix possibles alors :
1. La majorité de l’humanité accepte l’idée que « la conscience » (je ne sais pas si c’est le bon terme mais j’entends par là l’intelligence, le langage, la capacité à concevoir des outils…), bénédiction accordée uniquement à notre espèce nous impose la responsabilité de préserver nos proies, au détriment de la prospérité de l’espèce ET de favoriser les modèles de sociétés équitables pour nos congénères : scénario véritablement écologique, ni industrie, ni création de richesse par la dette qui soumet les peuples. C’est manifestement votre position.
2. Peu importe, nous sommes des super-prédateurs, nous avons par définition le droit de tout ravager sur notre passage (industrie) et de soumettre ceux de nos congénères qui revendiquent le pouvoir, par la loi du plus fort (capitalisme). Serait-il théoriquement possible pour les capitalistes de faire perdurer ce modèle indéfiniment pour l’éternité ? Je pense que oui, au prix de la destruction totale des écosystèmes sur terre, en vivant sur une planète entièrement artificielle sans animaux et sans nature. Cela implique de résoudre d’immenses problèmes comme la nourriture synthétique et l’accès à l’eau potable, mais ADMETTONS que cela soit techniquement possible et que les scientifiques y parviennent… Dans ce scénario, qu’est ce qui causerait notre extinction ? L’explosion du soleil ? Et si nous colonisions d’autres planètes ? Bref, scénario 2 = le schéma actuel fonctionne pour l’éternité, au prix de « l’environnement » et de notre « humanité ».
3. Fin du capitalisme, modèles de sociétés équitables sans rapports de domination dans lesquelles la consommation à outrance et la création de richesses par la dette sont abolies. On travaille pour produire des richesses qui assurent notre survie confortable. TOUT en transformant certaines industries, les plus « utiles » médicale par exemple, mise au profit de tous. Internet avec un nombre de terminaux limités par ménages par exemple, uniquement pour l’accès à la connaissance, plus de réseaux sociaux, de sites marketing, etc…) Une partie des moyens de transport (qui seraient dans ce scénario, verts). Qu’est ce que cela implique ? Dès aujourd’hui on arrête tous de consommer, on met toutes nos ressources dans le développement des énergies et industries vertes pour les secteurs jugés nécessaires ET le démantèlement de celles qui ne le sont pas. Le résultat que j’imagine serait un monde équitable, a la création de richesse très limitée à nos besoins, avec le luxe de conserver (en transformant) les industries du partage de la connaissance, de la santé, et une partie du transport. Est ce viable ? Je veux croire que oui.
4. Bonus : on stoppe le capitalisme et les rapports de domination, mais sans toucher à l’intégrité des moyens de production. On redevient humain envers nous-même UNIQUEMENT. Pourquoi pas si nous sommes capable de cesser de faire preuve d’anthropomorphisme…
C’est juste mes réflexions, j’aime bien votre travail.
Bonsoir, je t’encourage à lire davantage notre perspective. Ce que tu écris sur tes espérances d’une industrie médicale détachée du capitalisme, etc., suggère que tu n’as pas beaucoup creusé le thème de l’industrialisme. Qu’est-ce que l’industrie ? Qu’est-ce que le capitalisme ? Une industrie sans capitalisme est-elle possible ? Qu’implique l’industrie ? Qu’implique une industrie ? Une industrie peut-elle exister seule ? Quelles sont les implications matérielles et sociales de la technologie (par quoi j’entends les technologies modernes, les technologies complexes) ? Une fois que tu auras sérieusement examiné ces questions, tu verras, je pense, les choses tout autrement.
Arkheis aurait peut-être plus besoin d’encouragement que de condescendance. Quant au thème de l’ »industrie médicale », il faudrait s’entendre : jusqu’à quel prix faut-il mettre pour sauver une vie ? Par ailleurs, j’aurais besoin d’éclaircissements sur la transition entre le désastre actuel et la société rêvée. L’apocalypse est-elle évitable ou nécessaire ?
Aucune condescendance, ça se voulait réellement et sincèrement un simple encouragement à creuser davantage certains sujets.
Une chose qui fait rempart contre le rejet en bloc du capitalisme, c’est l’idée d’une continuité temporelle et scientifique dans le développement de la technologie. On ne saurait pas où placer précisément le début du problème sur la frise chronologique qui va du couteau en silex à la montre Apple. Et cette continuité supposée protège l’idéologie conservatrice, dans le sens ou elle donne aussi une continuité logique à la technologie, l’humanité aurait développé la technologie par nécessité, pour sa survie ou par pure philanthropie, et le silex aurait sa raison d’être aussi bien que la montre Apple dans la logique d’un monde meilleur, juste et désintéressé. Or il faut effectivement s’intéresser à l’histoire, aux sciences sociales, à l’anthropologie pour dépasser cette idée reçue qui est fausse. 1 Ca n’est pas l’humanité qui a fait des choix mais une minorité. 2 Il y a clairement une inflexion brutale du développement technologique à partir de l’apparition de l’industrie lourde, du charbon et des hauts fourneaux : chemins de fers, machine à vapeur, automatisation, puis chimie lourde organique (pesticides) et minérale (engrais). 3 Le but n’était pas de nourrir la planète ou de donner accès au confort mais bien de faire du profit, de s’enrichir aux dépends des autres, et ce maintenant à l’échelle planétaire.
Il n’existe donc pas d’industrie verte ni d’industrie humaniste, l’exploitation de la nature et des hommes est intrinsèque à la technologie industrielle. Il suffit de mettre les pieds dans n’importe quelle usine pour s’en convaincre, de voir ce qui y rentre et ce qui en sort. Ressources, travail, argent, produits finis, la simple description du cheminement logistique à la SimCity est éloquent.
La médecine moderne est un élément sur lequel on butte quand on considère tout cela. Voir par exemple l’intervention de Laurent Alexandre sur Thinkerview, brillante de fanatisme. Alors d’une part l’industrie de la santé n’échappe pas au caractère inégalitaire de ses bénéfices : les pays riches bénéficient des scanners, IRM, chirurgiens de pointes, chimiothérapie, etc… Les pays pauvres reçoivent les déchets électroniques, les excavatrices qui extraient le minerai, l’exploitation dans les usines de semi-conducteurs, etc… D’autre part, on peut se poser des questions sur l’absurdité du système, l’industrie lourde aillant certainement généré une grande part des maladies neuro-dégénératives comme Parkinson ou Alzheimer, des cancers, et la qualité de vie dégradée par l’urbanisme, la pression sociale, et la disparition du vivant aillant grandement contribué aux maladies mentales comme la dépression. Le remède de la médecine moderne n’aurait-il pas la même origine que le mal qu’il prétend guérir ?