Pour notre plus agréable divertissement, les médias de masse fabriquent régulièrement de nouvelles égéries censées représenter le mouvement écologiste moderne, c’est-à-dire le « mouvement climat » (ou « pour le climat »), c’est-à-dire le « mouvement pour que la civilisation industrielle soit rendue soutenable » ou, encore autrement dit, le « mouvement pour un capitalisme vert et durable[1] ».
« Plateaux télé, radios, réseaux sociaux : Camille Etienne utilise tous les supports pour diffuser son message et faire changer les choses[2] » nous explique un journaliste du quotidien Le Monde, tandis que Yahoo Actualités nous apprend :
« Elle est devenue la porte-voix des jeunes générations engagées pour l’environnement. A 23 ans, Camille Etienne a mis ses études à Sciences Po Paris entre parenthèses et se consacre à l’activisme “pour la justice sociale et climatique”[3]. »
Camille Étienne s’est fait connaitre grâce à une vidéo intitulée « Réveillons-nous », dans laquelle elle enchaîne les affirmations creuses sur fond de musique larmoyante, qui connait un grand succès (des millions de vues) sur les réseaux sociaux.
S’ensuivent, nous explique France Inter,
« des invitations régulières à débattre sur des plateaux télé, et même une invitation à l’université d’été du Medef pour une table-ronde sur les conflits de génération. “L’entreprise d’aujourd’hui est fatiguée, comme la démocratie d’aujourd’hui, comme la politique d’aujourd’hui, et peut-être nous faudrait-il travailler moins, mais avec un peu plus de sens”, ose-t-elle devant une assemblée d’entrepreneurs, suscitant les ricanements de l’animatrice et de l’audience.
Elle s’entretient régulièrement avec des personnalités politiques, “en on et en off” et se dit prête à rencontrer tous ceux qui la sollicitent [c’est aussi à ça qu’on repère les éco-démagogues]. Récemment, elle était invitée à débattre avec Nicolas Dupont-Aignan, candidat déclaré à l’élection présidentielle 2022. “Même si c’est Marine Le Pen, je serai ravie de le faire parce qu’on aurait des discussions intéressantes. Je viens de faire une table ronde avec les géants de l’énergie fossile et pour moi, c’est particulièrement intéressant”[4]. »
Ben voyons. S’entretenir avec Marine Le Pen et les géants de l’industrie fossile. Admirable. Aujourd’hui, Camille Étienne est notamment suivie par 110 000 personnes sur Instagram et 19 000 sur Twitter.
C’est ainsi qu’à « 23 ans, elle rencontre aujourd’hui, des dirigeants européens, des députés, des banquiers… afin de les alerter sur l’urgence climatique » (France Inter). Quelle noble tâche. Quelle audace. Quel courage. D’ailleurs, nous dit Yahoo :
« Consciente d’incarner pour certains une frange radicale du mouvement écologiste, la jeune femme défend cette approche. “C’est un mot qui fait très peur, mais être radical ça veut juste dire aller à la racine du problème”. »
Camille Étienne sait pourtant, étant donné que la diversité des analyses écologiques est discutée dans le numéro du magazine Socialter qu’elle a servi à promouvoir, que des groupes écologistes existent — comme les écologistes anti-industriels, apparemment présentés dans ledit numéro — qui avancent réellement une analyse radicale. Contrairement à elle, qui se contente, à la Extinction Rebellion et tutti quanti, de pérorer des platitudes naïves, absurdes et/ou confuses selon lesquelles « l’écologie devrait être au cœur de l’action de l’État », puisqu’il s’agirait de « la base de la politique d’assurer un avenir et un présent aux citoyens », ou « il faut qu’on pousse les États à être plus ambitieux, les décideurs à prendre des décisions à la hauteur ». Pour vous donner une idée du vide sidéral que l’on retrouve souvent dans ses propos, voici la conclusion du texte qu’elle a écrit pour Socialter :
« Ce qui me donne de l’espoir, c’est qu’il n’y a pas de date limite pour agir. Il n’est jamais trop tard pour que ce soit pire. Mais il est toujours temps pour que ce soit moins injuste.
Nous sommes la première génération à vivre les conséquences du dérèglement climatique, et la dernière à pouvoir y faire quelque chose. Si vous luttez déjà, à votre manière et à votre mesure, cela vous arrive peut-être de trouver le costume trop grand, le rôle trop vertigineux – c’est mon cas parfois, et même souvent. Et pourtant nous ne devons pas flancher ni fléchir. Notre responsabilité est grande et nous ne pouvons pas, nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre qu’une élite éclairée à la lampe à pétrole prenne des décisions pour nous. Nous devons désobéir, monter sur nos tracteurs, enfourcher nos vélos et descendre dans la rue, entrer en résistance, en création, mettre les mains dans la terre, mettre la Terre dans nos programmes scolaires. Et tant encore. Mais la suite s’invente ensemble. Et ensemble, nous sommes une force immense. C’est là qu’est le pouvoir, c’est là qu’est le nôtre : à leur mort, opposer nos vies[5]. »
Tout un programme. Ailleurs (dans une interview accordée à LCI), elle affirme : « Et si chacun dans cette société travaillait et mettait tout son temps, toute son énergie au service d’un monde meilleur, ce serait formidable. Je pense que ça irait beaucoup plus vite[6]. »
À n’en pas douter.

Au passage, on notera que Camille Étienne sort de Sciences Po Paris, évidemment. Les nouvelles mascottes de l’écologie, les médias et les journaleux ne vont pas les chercher chez celles et ceux qui ne sont rien. En juin 2021, Le Monde présentait une autre jeune femme, Léna Lazare, comme « le nouveau visage de l’écologie radicale[7] ». Confusion oblige, à l’instar du du collectif « Youth For Climate » (« Les jeunes pour le climat »), dont elle est membre fondatrice et porte-parole, Léna Lazare dénonce le capitalisme vert tout en faisant sa promotion.

Dans tous les cas, chez Lazare comme chez Étienne, Extinction Rebellion, Youth For Climate, etc., on ne retrouve aucune critique de l’État, aucune critique du capitalisme (sauf en apparence, mais prétendre critiquer le capitalisme tout en promouvant des emplois verts et autres choses du genre, et sans rien dire de la propriété privée, du salariat, etc., c’est simplement « ajouter du malheur au monde », comme dirait Camus), aucune critique de l’industrie et de la technologie. Tout au plus un « laissez les énergies fossiles dans le sol ». Au final, l’idée — inoffensive — promue est toujours la même : une civilisation techno-industrielle soutenable est possible, avec des États qui font le bien, un système marchand équitable, des énergies renouvelables, une consommation raisonnée, etc. Pour y parvenir, nous devons convaincre — ou imposer à — nos dirigeants d’agir, de prendre les mesures qu’il faut. Et pour parvenir à cela, nous devons éveiller les gens à la nécessité de l’exiger de leurs dirigeants.
Radical. C’est ainsi que les mots et les expressions, détournés et détruits par les médias de masse, de concert avec des individus peu scrupuleux, perdent leur sens. (D’ailleurs, Camille Étienne, en farouche anticapitaliste, s’habille chez « 17h10 »[8], une entreprise qui « propose des tailleurs pour femmes, aux coupes féminines et aux lignes épurées. Les matières premières sont éco-responsables, finement sélectionnées pour leur grande qualité et leur durabilité. »)
La source de leur « activisme » n’est pas l’injustice, la dépossession, l’aliénation totales qu’implique le règne de l’État et du capitalisme, l’existence dans la civilisation industrielle, pas la domination des riches, l’écrasement des pauvres, pas la destruction inexorable de l’écosphère entamée il y a plusieurs siècles, pas la tyrannie technologique, mais l’augmentation de la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère qui menace notre avenir à nous, civilisés, qui menace l’avenir de la civilisation. D’où la « génération climat ».

Invitée sur le plateau de RT par Frédéric Taddeï, Camille Étienne s’est d’ailleurs positionnée de manière neutre sur le sujet du nucléaire, à l’instar d’Extinction Rebellion France : ni pour, ni contre[9]. Bien au contraire.
Consciemment ou non, le système médiatique et ceux qui travaillent pour lui s’assurent, en associant l’écologie radicale à de telles figures (Camille Étienne, Léna Lazare, Greta Thunberg), de favoriser la confusion et de nuire au mouvement écologiste. On est en effet loin de l’écologie radicale dont débattaient Murray Bookchin et Dave Foreman il y a plusieurs décennies (voir le livre Quelle écologie radicale ? Écologie sociale et écologie profonde en débat) — quand bien même tous deux défendaient aussi des idées douteuses (voire simplement malsaines dans le cas de Foreman). Loin de l’écologie d’Alexandre Grothendieck, Pierre Fournier, ou Thierry Sallantin, militant de longue date (depuis la fin des années 1960), auteur d’un texte intitulé « Qu’est-ce que l’écologie radicale ? » qui, en quelques lignes, évoque plus de points cruciaux que les nouvelles icones du « mouvement climat » en d’innombrables interviews, vidéos, discours TED, etc.
(Je vous conseille vivement la lecture de tous les textes de Thierry, particulièrement riches, particulièrement juste, infiniment plus subversifs que n’importe quel discours de n’importe quel clone du « mouvement climat », notamment « De la colonisation au “développement” : un seul et même projet », « Ni anthropocène, ni capitalocène : le problème, c’est le mégalocène », « La lutte des peuples contre le totalitarisme de l’État : 6000 ans d’histoire » & « Le développement (même durable) c’est le problème, pas la solution ! »).
(Le plus ridicule, dans tout ça, c’est peut-être la fierté des membres de la « génération climat » lorsque l’un ou l’une des leurs a droit à un espace promotionnel dans un ou plusieurs des plus célèbres journaux et magazines du capitalisme industriel.)
Nicolas Casaux
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Post-scriptum (24/01/2022) : Sur la stupéfiante — surréaliste — bêtise et la malhonnêteté d’un certain milieu « écologiste »
Quelques jours après la publication du texte ci-dessus, je me suis retrouvé accusé de « harcèlement » sur Twitter par une horde de libéraux outragés. Mais pour que vous puissiez bien comprendre, il vous faut savoir qu’un petit cercle de « militants » et « militantes » prétendument « libertaires » et même « radicaux » me haïssent, nous haïssent (nous « transphobes », nous « transmisogynes » et autres anathèmes du genre) et passent un certain temps à le faire savoir sur Twitter et d’autres cyber-asiles psychiatriques.
Et parmi ces individus qui nous détestent et cherchent à signaler au plus grand nombre combien nous sommes d’ignobles « transphobes » à ne jamais lire, à désinviter, à boycotter, censurer, voire à brûler (« Les TERFS au bûcher ») se trouve une Bénédicte Carrio, « Community Manager freelance et chef de projet en communication web à Nantes », « diplômée de Grenoble Ecole de Management (spécialisation Marketing) », animatrice d’un « blog éco-friendly » — sur lequel elle prodigue « des conseils pour un adopter mode de vie écologique », notamment « des astuces zéro-déchet et fait-maison », mais aussi des conseils pour « Bien préparer son road-trip en camping-car en Californie » — et enfin autrice d’un merveilleux ouvrage qui se prétend anarchiste, écologiste, radical et libertaire intitulé La Révolution du potager : manuel d’écologie individuelle et collective, plein de « conseils pratiques pour cultiver en permaculture quel que soit l’espace et le lieu de vie », d’idées « pour rendre son mode de vie plus écologique à échelle individuelle », de recettes de cuisine et autres niaiseries de la même farine.
Et donc, ladite Bénedicte Carrio n’a rien trouvé de plus malin à faire que d’affirmer sur Twitter que mon texte critique de l’écologisme inepte de Camille Étienne était une odieuse démonstration de « harcèlement », que je ne cherchais qu’à « taper sur des meufs qui ont entre 18 et 25 ans ».
Incidemment, le tweet dans lequel elle parlait de « taper sur des meufs qui ont entre 18 et 25 ans » lui a valu d’être bannie. Temporairement. Elle s’est immédiatement plainte, a fait appel à Camille Étienne, aux responsables de Twitter, et quelques heures après — ouf, soulagement — elle retrouvait l’accès à Twitter et pouvait recommencer à y poster ses fines analyses libertaires, écologistes et radicales.
Camille Étienne s’est alors emparé de l’affaire, a partagé les critiques de Bénédicte Carrio à mon encontre, a elle aussi affirmé que mon article — qu’elle n’a certainement pas lu — n’était qu’une tentative de la harceler pour la raison qu’elle « ose parler de la catastrophe climatique », amalgamant ma critique au harcèlement de rue que subissent les femmes dans une incontinence de tweets confus.
Par ailleurs, elle a relayé une autre intervention Twitter d’une autre lumière s’étant jointe à Bénédicte Carrio et elle pour dénoncer ma prétendue « misogynie » : une certaine Julie Henches.
Julie Henches qui travaille — tiens donc ! — pour la European Climate Foundation, une des plus importantes ONG d’Europe, une immense fondation « philanthropique » financée, entre autres, par la William and Flora Hewlett Foundation, la Bloomberg Family Foundation, le Rockefeller Brothers Fund, la IKEA Foundation, la ClimateWorks Foundation (elle-même financée par la William and Flora Hewlett Foundation, mais aussi par la David and Lucile Packard Foundation, le Bezos Earth Fund, Bloomberg Philanthropies, la fondation Ford, la IKEA Foundation, etc.), et qui finance en retour diverses ONG supposément écologistes comme le WWF, l’ICCT (International Council on Clean Transportation), le RAC (Réseau Action Climat) en France, Les Amis de la Terre Europe, etc. Autant dire une organisation qui se trouve bien intégrée dans la gigantesque toile du philanthrocapitalisme, dans le grand système du financement de l’écologisme industriel — (alter)capitaliste, étatiste, de l’écologisme des illusions et mensonges verts — par les riches et les puissants.
(Sans vergogne, Julie Henches me reproche même de chercher à « dire aux femmes comment elles doivent mener leurs luttes » ! Comme si l’écologie était une lutte exclusivement de femmes ! Et comme si critiquer les positions politiques, les idées d’une femme, c’était nécessairement vouloir la dominer ou vouloir dicter aux femmes comment lutter !)
Alexia Soyeux, une autre farouche écologiste, pardon, technologiste, employée de Carbone 4 (le cabinet de Jean-Marc Jancovici), animatrice d’un podcast appelée « Présages » pour lequel elle a interviewé des éminences comme Gaël Giraud, Valérie Masson-Delmotte, Pierre Madelin, Cy Lecerf Maulpoix (auteur d’un fameux galimatias intitulé Écologies déviantes, dans lequel il accuse Deep Green Resistance et d’autres groupes, individus, mouvements technocritiques d’être « transphobes », revendiquant, lui, une sorte d’écologisme queer, quoi que cela puisse vouloir dire, parfaitement confus), en a aussi profité pour apporter son soutien à Camille Étienne, Béné et toute la troupe.
Bref.
La malhonnêteté/stupidité de ces personnes est proprement surréaliste. Le contenu de mon article n’est jamais ne serait-ce qu’abordé, même vaguement. Jamais. J’ai critiqué les idées et positionnements politiques d’une femme, son rôle dans un certain écologisme, hautement nuisible. Cela a immédiatement été réduit au fait que j’avais ainsi critiqué une femme, ce qui prouve bien que je ne suis qu’un harceleur misogyne.
Consternant. La bêtise de nombreux et nombreuses militants — et notamment de prétendument radicaux et libertaires — ne laisse pas d’étonner.
La complainte de Camille Étienne selon laquelle mon texte ne serait rien que du « harcèlement » a ensuite été partagée, sur Twitter, par Nicolas Haeringer, « chargé de campagne pour 350 » (.org), le député Matthieu Orphelin (ex-EELV, ex-LREM, ex-porte-parole de la fondation FNH, proche du violeur Nicolas Hulot, il faut oser), Pauline Boyer (porte-parole d’Alternatiba, chargée « de campagne transition énergétique » à Greenpeace, etc.), David Cormand (ex-secrétaire national d’EELV, député européen EELV) et bien d’autres représentants ou partisans de la pseudo-écologie subventionnée, libérale, capitaliste, industrielle, étatiste, gouvernementale — idiots utiles de l’écologisme médiatique.
Et pas un n’a lu l’article, et pas un pour essayer de produire une réflexion sensée, un commentaire rationnel, argumenté.
Une belle démonstration de l’insondable imbécilité collective et individuelle de tous ces gens-là, et de ce que l’on pourrait, tristement, qualifier de sophisme de l’appel à la misogynie.
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Post-scriptum II (24 février 2022) : Camille Étienne, l’IDDRI, EDF et Usbek & Rica
Quand on pense qu’ils ne sauraient tomber plus bas, les écologistes modernes (les technologistes) s’empressent de nous donner tort : Camille Étienne, « militante écologiste », « porte-voix des jeunes générations engagées pour l’environnement », « égérie du combat climatique », siège désormais au conseil stratégique de l’IDDRI, l’Institut du développement durable et des relations internationales, un « think tank qui facilite la transition vers le développement durable », financé par le groupe Renault, l’AFD ou Agence française de développement (dont Gaël Giraud était économiste en chef jusqu’à il y a peu), Engie, EDF, Suez, Vinci, Veolia, la BNP Paribas, la Banque mondiale, la fondation Bill & Melinda Gates, etc.
Cette formidable nouvelle, nous l’apprenons dans le premier épisode du podcast intitulé « Engagés » [sic] co-réalisé par la « direction du développement durable d’EDF » en partenariat avec le génial magazine technocapitaliste Usbek & Rika, dans l’objectif de nous faire « comprendre comment tout un chacun – salariés, direction, partenaires – peut mettre la main à la pâte pour orienter l’impact sur la société des entreprises, ces actrices clés de la transition écologique », de nous inciter à nous « engager » et à « faire de la RSE, de la responsabilité sociétale des entreprises ».
Attention. J’en vois déjà venir certains. Mais, non ! Le monde de l’entreprise (le capitalisme), ces entreprises, ces organisations, ne sont certainement pas en train d’acheter Camille Étienne en vue de faire bonne figure ! Non, ce qui se passe, ainsi que nous l’explique Camille Étienne elle-même, c’est tout le contraire. C’est elle qui, en véritable agente double, agente secrète, « infiltre » l’IDDRI afin de mieux changer les choses de l’intérieur, afin de « représenter la voix de la jeunesse », d’apporter « une forme de radicalité dans leur vision, qui va parfois contrebalancer celle des plus grandes entreprises ». C’est « important [pour elle] de pouvoir travailler main dans la main avec des think tank ambitieux comme celui-ci ».
Sans contradiction aucune, dans le numéro de Socialter dont elle a été rédactrice en chef invitée (mais surtout argument de vente), paru en décembre 2021 et intitulé « L’écologie ou la mort », on lisait que le concept de « développement durable » est un « exemple canonique de la novlangue technocratique », une expression « abondamment reprise dans les documents officiels des organisations internationales et des États », notamment caractérisée par un « flou conceptuel » qui permet « de naturaliser dans l’opinion publique l’idée que l’environnement pourrait être protégé tout en développant l’économie ». Ce qui est très vrai. Le développement durable est effectivement un concept totalement creux visant à faire croire qu’un technocapitalisme vert, une civilisation industrielle écolo est possible, un label qu’on utilise pour continuer à faire tourner la machine-économie sous couvert de respect de l’environnement. Une arnaque grotesque.
Voilà donc toute la nullité, toute la bêtise des écologistes modernes (des technologistes), qui ne comprennent essentiellement rien à ce qui pose réellement problème (ou comprennent un petit peu mais préfèrent refouler cette dérangeante réalisation au profit d’un peu d’argent et de notoriété). C’est gagnant-gagnant, comme on dit dans le milieu. Les écologistes (technologistes) touchent un peu d’argent pour pouvoir continuer leurs gesticulations théâtrales, ont l’impression d’agir héroïquement et pragmatiquement, et les entreprises se font une image plus verte.
Dans le processus, le vocabulaire continue tranquillement d’être coopté, les mots de perdre leur sens. Les entreprises « s’engagent », intègrent « la radicalité ». Camille Étienne est présentée comme une « écologiste radicale ». Elle est membre d’un collectif appelé « Pensée sauvage ». Sébastien Treyer, le président de l’IDDRI, est aux anges. Il l’exprime dans une longue tirade en langue de plastique (élastique, flexible, chimique, industrielle, cancérogène) : « ce que je trouve très intéressant dans la position de Camille Étienne, c’est qu’en tant qu’activiste elle se positionne vraiment comme un acteur politique, un acteur stratégique, en tout cas avec une compréhension politique et stratégique de la nécessité de penser les alliances avec et les alliances contre, et vraiment un vocabulaire pour expliquer comment en tant qu’activiste elle doit avancer dans la lutte qu’elle a fait sienne. Elle utilise le mot aussi de complémentarité des luttes, et je trouve ça très intéressant parce que c’est à la fois explicitement nommer cette idée qu’il faut prendre un point de vue critique, expliciter quelle est la lutte pour laquelle on se positionne, et qu’on est dans une logique très stratégique à ce sujet, et en même temps construire des collaborations de coordination, de coopération avec des acteurs même quand ils sont, potentiellement, on pourrait dire, du camp d’en face, parce qu’en fait les camps sont plus complexes que juste le camp d’en face ».
Il n’y a pas d’ennemis. Que des amis potentiels, qui veulent tous la même chose au final, le Bien. Tous ensemble, main dans la main, nous devrions travailler à co-construire le Bien avec eux (c’est-à-dire un capitalisme durable).
Tu continues de te vendre, Camille Étienne. Tu continues de traîner dans la boue, de salir, de trahir la lutte au nom de laquelle beaucoup de femmes et d’hommes respectables ont dignement œuvré (et pas en vue de rendre durable le capitalisme, en vue de le faire disparaître). Je continuerai donc de faire mon possible pour le faire savoir.
- Lire : https://www.partage-le.com/2019/09/13/greta-thunberg-extinction-rebellion-et-le-mouvement-pour-le-climat-developpement-durable-par-nicolas-casaux/ & https://www.partage-le.com/2016/06/19/le-mouvement-pour-le-climat-progresse-t-il-par-dillon-thomson-max-wilbert/ ↑
- https://www.lemonde.fr/planete/video/2021/12/10/camille-etienne-quand-le-reel-devient-intolerable-il-faut-prendre-en-main-l-histoire-pour-la-devier_6105469_3244.html ↑
- https://fr.news.yahoo.com/camille-etienne-politiques-disent-n-140219644.html ↑
- https://www.franceinter.fr/environnement/generationdemain-camille-etienne-22-ans-et-militante-ecologiste-a-temps-plein ↑
- https://www.socialter.fr/article/l‑ecologie-ou-la-mort-par-camille-etienne ↑
- https://www.lci.fr/environnement-ecologie/urgence-climatique-on-est-dans-la-decennie-ou-on-peut-faire-basculer-ou-pas-les-choses-clame-camille-etienne-la-greta-thunberg-francaise-2176918.html ↑
- https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/06/07/lena-lazare-23-ans-nouveau-visage-de-l-ecologie-radicale_6083131_4401467.html?utm_source=headtopics&utm_medium=news&utm_campaign=2021–06-07 ↑
- https://www.linkedin.com/posts/17h10_engagee-globalwarming-camilleetienne-activity-6852097733138882560-WbW5 ↑
- https://www.youtube.com/watch?v=qhxqxvArckY ↑
Les dignes héritiers de l’écolocrate Martin Arnould qui, depuis l’opposition au barrage de Serre de la Fare en Haute Loire en 1989, a dû faire son trou au sein des multiples associations (privées ou para-étatiques) pour la mise en place de cette » administration du désastre » (cf. la lettre que lui avaient adressée Jaime Semprun en 1992, fascicule n°15 de l’Encyclopédie des Nuisances ) mais on n’en était, alors, qu’aux prémisses de ce gigantesque redéploiement industriel actuellement à l’oeuvre, ne manque plus, pour compléter le tableau, que le dressage définitif des populations par l’imposition des CBDC.
Merci pour cette référence. Comme vous l’avez peut-être remarqué, j’ai publié cette lettre de Semprun sur notre site.
Est-ce que, malgré l’absence de production d’un discours critique de la part des influenceur climats comme cette jeune femme, leur position et leur présence au sein d’institutions perpétuant le système dessert-elle totalement la cause écologiste ? Comme vous le dites, ces influenceurs ne produisent rien pour contrecarrer l’idéologie et la machine écrasante de l’exploitation et semblent plutôt des lanceurs d’alertes de la perte de confort qu’ils vont automatiquement subir, reprenant les outils à leur disposition. De ce fait, cela apparaît plutôt comme un symptôme et peut être appréhendé comme trahissant une forme de maladie, celle de la pensée capitaliste : il permet de dresser un diagnostic en termes de sociologie politique de la nouvelle génération qui s’ingenie à recoller les deux bouts entre le système qui les a vu naître et qui leur a offert les conditions actuelles de vie en Occident et la finalité d’un rapport au monde abstrait et réifiant négligeant les conditions de la Vie elle même.